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Varappes autour de Kandersteg

Remarque : Cet article est disponible dans une langue uniquement. Auparavant, les bulletins annuels n'étaient pas traduits.

Par M. Brandt

Avec 1 illustration ( 84Bienne ) Le hasard d' un cours alpin d' été qui n' avait que le défaut d' être militaire m' a conduit dans la région de FOberland bernois où presque tous les grimpeurs biennois ont réalisé leurs premières escalades. Un bivouac installé aux abords du Kanderfirn nous mettait dans la meilleure position possible pour admirer la chaîne des Bernoises qui va du Gspaltenhorn au Balmhorn. La face sud de cette chaîne totalement différente du versant nord tout en glace et en neige, est bien faite pour soulever de grands espoirs au cœur d' un varappeur soumis aux fantaisies de l' instruction alpine. Le temps radieux contribuait encore malicieusement à mieux découper les arêtes fauves sur le bleu profond du ciel. Tout espoir de pouvoir un jour s' échapper et réaliser une course intéressante était à rejeter. Chaque matin nous quittions nos tentes, le piolet à la main, prêts à remuer sans conviction des quantités de glace pour exercer la taille des marches. Les regards éteints et douloureux d' une équipe biennoise soumise à l' instruction s' élevaient constamment vers les arêtes consolatrices. Nous attendions le secours d' en haut, mais en vain. Il fallait faire appel au souvenir et suivre en pensée les ascensions qui nous avaient ouvert les larges horizons des voies difficiles. Les veillées en compagnie de guides romands nous permettaient de leur présenter la suite des arêtes et d' en détailler les péripéties d' ascension. C' est avec plaisir que je m' efforçais de leur dépeindre une région que je considère un peu comme la mienne.

L' arête est du Doldenhorn s' impose par sa ligne ascendante. C' est la plus belle qu' on puisse escalader dans cette région, celle qui offre la plus grande variété d' aspects et de difficultés. Elle s' élève rocheuse du Fründenjoch, très redressée jusqu' au point de jonction avec l' arête Gallet, qu' on suit jusqu' au sommet. La difficulté n' est pas soutenue sur les 500 m. de dénivellation de la partie rocheuse. Une série de paliers permet de se recueillir avant chaque difficulté. Course parfaite pour les jeunes qui veulent s' écarter des voies classiques et aborder les régions que ne touchent plus les courses de section. Le guide des Alpes bernoises la qualifie de « äusserst schwierig », ce qui, traduit en langage moderne, donne du 4 inf. Un passage impressionnant au-dessus de la verticalité de la paroi sud permet de sortir de la « Grotte » marquant la fin des difficultés. La roche est bonne, colorée d' ocre très décoratif. La jonction avec l' arête Gallet forme la transition entre le rocher et la neige.

Inutile pour ceux qui s' y lanceront de se barder de pitons. Tout le nécessaire est en place, il suffit d' avoir quelques mousquetons et les capacités techniques que les pitons sont incapables de remplacer. Il faut compter une dizaine d' heures de la cabane Fründen et retour au même endroit par le Spitzstein. La descente se fait très facilement par la voie normale qu' on peut parcourir à skis. Montagne idéale, montée difficile, descente commode permettant de jouir pleinement de la vue plongeante sur le lac d' Oeschinen.

Le sommet du Fründenhorn révèle cette arête sous son jour le plus attirant. Beaucoup plus bas que ses voisins, il ne doit pas être négligé à cause de ses deux arêtes, est et ouest, délicieuses lorsqu' on les parcourt à l' arrière. Les deux sont difficiles, du 3 sup ., et se font généralement en traversée, d' ouest en est en partant de la cabane Fründen.

L' arête ouest est barrée à mi-hauteur par un surplomb qu' on aborde par la gauche, en usant, si on le désire du dos de son camarade comme plateforme de départ. Les autres passages ne dépassent pas une difficulté moyenne. L' arête est, avec ses trois surplombs, n' est que rarement suivie à la montée, et c' est bien dommage, les surplombs assez bonasses se laissent surmonter en rusant quelque peu.

L' Oeschinenjoch, beau col qu' on atteint de la cabane Fründen par le passage de l' échelle et le glacier très crevasse est le col le plus pratique pour traverser la chaîne. Il est cependant soumis à l' humeur changeante des deux rimaies. La voie sur le versant sud présente quelques difficultés d' itinéraire surtout à la descente.

C' est là qu' aboutit l' arête est du Fründenhorn et que s' élève l' arête SW de l' Oeschinen, la dernière qui ait succombé, vaincue après un bivouac au col par Stösser et Kast, les mêmes qui ont inauguré la voie de l' arête sud-est du Bietschhorn et sont morts dans la paroi nord du Morgenhorn. Une seule difficulté, le grand ressaut qui se laisse surmonter par une fissure partant d' une niche inconfortable. Sa hauteur dépasse 40 m. Assez impressionnante elle récèle cependant une profusion de prises très suffisantes pour un grimpeur moderne. Un piton rongé par la rouille, abandonné par les premiers ascensionnistes redonne confiance à qui se croirait égaré en terrain perdu. C' est toujours un plaisir énorme de trouver une fiche en cours d' escalade, preuve d' être en terrain peut-être difficile et de suivre la bonne voie. Cette découverte procure autant de joie que celle d' une fleurette dans une anfractuosité. Non pas qu' il faille pour contribuer à l' embellissement de nos parois y planter une profusion de fiches. La beauté dépend ici de la nécessité. Un piton en terrain facile détonne, tandis qu' une fiche dominant un passage croustillant en augmente la saveur et procure au départ un léger serrement de cœur. La roche est ici solide, le reste de l' arête est caillasseux sauf pendant de courtes passes difficiles. Très peu connue, elle n' a été gravie que sept fois et probablement descendue la première fois qu' en 1953. Il faut compter six heures de la cabane Fründen au sommet pour une cordée de force moyenne.

C' est la dernière des quatre arêtes rocheuses qu' on escalade au départ de la cabane Fründen. Dans l' ordre décroissant de difficulté elles sont: Dolden est, Oeschinen sud-ouest, Fründen ouest, Fründen est. Quatre arêtes qui sont délaissées par les Romands, persuadés que seul le Valais est capable d' offrir de belles ascensions.

Lorsque toutes les possibilités au départ de Kandersteg sont épuisées, on quitte le train à Reichenbach pour remonter le Kiental jusqu' à la cabane Gspaltenhorn. Nouvelle région, plus sauvage, plus sombre, au rocher moins solide. Lorsque, de la terrasse de la cabane, le grimpeur cherche les arêtes, son regard est retenu par deux montagnes: le Morgenhorn et son arête est et le Gspaltenhorn avec son arête des Dents Rouges.

Le Gspaltenhorn se gravit très fréquemment par la voie normale, facile, encore ra-baissée par la pose inutile de cordes fixes. Les Dents Rouges, par contre, sont délaissées et ne reçoivent que rarement. Les trois dents dont la dernière surplombante peut s' éviter par la gauche, procurent une très belle varappe dans une roche pas toujours bien solide. Trois rappels augmentent le plaisir de la traversée. La deuxième dent perforée d' une ouverture laissera des souvenirs pénibles aux grimpeurs corpulents. C' est une course de difficulté moyenne si on évite la dent surplombante. Le retour par les cordes fixes n' a plus rien d' alpin mais rappelle plutôt les ébats de singes dans une cage de zoo. Ceux qui ont fait poser ces cordes poursuivent le même but que les protagonistes d' un téléphérique au Cervin: faciliter l' accès aux montagnes à ceux qui manquent de capacités. Le projet du téléphérique a provoqué le vote de résolutions contre l' enlaidissement de la montagne par les mêmes milieux qui versent un subside pour l' entretien des cordes de l' arête italienne.

L' arête est du Morgenhorn, plus longue que difficile, doit être parcourue pour sa belle situation et la vue qu' elle offre sur la paroi nord-est du Morgenhorn. Ceux que ne rebutent pas les longues traversées suivront le faîte jusqu' au Blümlisalphorn et s' ils connaissent le passage de l' Obère Schafschnur ils rejoindront encore le lac d' Oeschinen. Si cette vire leur est inconnue, il vaudra mieux ne pas s' y risquer et redescendre sur la cabane Hohtürli. Course de près de dix-huit heures qui ne doit pas être entreprise en début de saison, sinon on risque de suivre le faîte sans enthousiasme.

J' ai nommé ici les courses rocheuses les plus intéressantes en laissant de côté la quantité innombrable de voies neigeuses moins intéressantes pour un rochassier parce que trop faciles.

Une course glacière de grande classe qui se fait maintenant de plus en plus, la face nord du Doldenhorn, est réservée à une élite, et ceux qui s' y risqueront n' ont pas besoin de conseils.

A côté d' une telle profusion de voies intéressantes, il existe aussi des courses sans intérêt, des montagnes trompeuses qu' il ne faut pas approcher. Ce sont tout au plus des courses de consolation, qui peuvent procurer un dérivatif à l' oisiveté des jours de mauvais temps.

Les voies citées se déroulent toutes en terrain calcaire aux prises abondantes, mais de dimensions réduites, ce qui fait l' enchantement des techniciens de la varappe calcaire, laquelle est plus difficile, exige plus de doigté, plus de finesse que de grands efforts. C' est son avantage sur l' escalade granitique, moins intellectuelle, et elle devrait de ce fait connaître plus de popularité et Kandersteg attirer plus d' alpinistes de Suisse romande.

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