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Au Mont Rose par le Couloir Mannelli

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PAR RICHARD AYRTON

Avec 1 illustration ( 44 ) Durant la seconde quinzaine de juin 1956, j' ai fait avec les guides Arthur Lochmatter de St-Nico-las et Eddy Petrig de Zermatt une vaste randonnée à ski dans le massif du Mont Rose, passant par les cabanes Margarita, Quintino Sella et du Balmhorn, gravissant au passage plusieurs sommités environnantes. Du sommet de la Zumsteinspitze, nos regards glissaient sur la formidable paroi orientale du Mont Rose, qui plonge d' un jet de 2400 mètres jusqu' au glacier du Belvédère. A droite de la Cresta Marinelli, nous scrutions le couloir du même nom, encore lourdement chargé de neige: « J' ai idée, hasarda Arthur, que dans un mois le couloir sera en bonnes conditions. » L' an dernier, il l' avait gravi par un beau clair de lune et avait atteint directement la Pointe Dufour en sept heures; la neige ptait alors dans des conditions exceptionnellement favorables. Eddy, par contre, avait eu la malchance de faire cette ascension par le mauvais temps, assez heureux de pouvoir s' échapper par le Silbersattel; mais il n' avait rien vu du tout, aussi était-il fort désireux de refaire la course, cette fois par le beau temps. Il fut convenu que nous nous retrouverions au début de juillet dans ce but.

Le 10 juillet, nous nous rencontrâmes à Brigue, d' où nous gagnâmes Macugnaga par Domodossola. Le téléférique nous transporta au Belvédère, et une courte promenade de trois quarts d' heure nous amena au refuge Zamboni, 2050 m, sur la rive droite du glacier du Belvédère, où nous fûmes aimablement accueillis par le gardien Xaver Lagger et sa famille. Le refuge est très confortable, avec eau courante et un chef de cuisine. Il est tenu de façon exemplaire par les deux filles de Lagger. De la terrasse, la vue sur cette immense face est du Mont Rose est impressionnante. Ce jour-là toutefois, elle était malheureusement masquée en grande partie par un 1 Face sud du Grand Capucin du Tacul. Première ascension: Claude Asper, Claude Morel, Mario Grossi, Marcel Bron, les 24, 25 et 26 juillet 1957, en 29 heures, bivouacs déduits. 150 pitons environ.

ì rideau de lourdes nuées chargées de pluie. Les pronostics optimistes de Lagger, qui nous promettait le beau pour le lendemain, ne se réalisèrent pas. Malgré le confort du refuge et les attentions de nos hôtesses, le troisième jour de mauvais temps eut raison de notre patience. « Je regrette que vous partiez, dit le gardien, car vous ne reviendrez plus. » J' eus beau l' assurer que si le temps se mettait au beau nous reviendrions le surprendre avant qu' il soit longtemps; il secouait la tête d' un air sceptique.

J' avais convenu avec mes deux guides de commencer ma campagne d' été le 22 juillet. A cette date, les conditions des hauts sommets étaient franchement hivernales; les 4000 autour de Zermatt plâtrés de neige; rien à faire là-bas pour le moment; aussi prîmes-nous rendez-vous à Saas Fée. Le 22 nous montâmes à la cabane du Weissmies, pour faire le lendemain la traversée du Jägigrat, et le 24 celle du Weissmies par l' arête nord. Le temps était alors très beau, et de retour à la cabane nous avions tous trois la même pensée en tête: le Mannelli. En hâte nous bouclons les sacs et descendons coucher à Viège. Le lendemain à midi nous étions de nouveau à Zamboni, salués par Lagger avec une joyeuse surprise: « Le temps est au beau-fixe, nous cria-t-il, vous réussirez sûrement demain. » Nous avions vu en bas, au téléférique, de grandes affiches prévenant les alpinistes qu' on ne pouvait coucher au refuge Mannelli, celui-ci étant en cours de démolition pour faire place à une nouvelle construction ( il était en très mauvais état ). Toutefois, Lagger nous rassura. Les quatre hommes occupés à ce travail, et qui espéraient construire le nouveau refuge en quelques semaines, avaient édifié un abri de planches pour y coucher. Peut-être permettraient-ils de nous y reposer pendant quelques heures. Ayant quitté le Zamboni à 17 heures, nous étions à 20 heures à Marinelli, où nous trouvâmes le guide italien Corsi et ses trois ouvriers. La vieille cabane n' était plus qu' un monceau de décombres. Très généreusement, Corsi et ses aides nous abandonnèrent les couchettes inférieures de leur baraque. Après le souper, nous nous y étendîmes pour essayer d' attraper une couple d' heures de sommeil.

A 23 heures nous sommes debout et, après un léger picotin, nous nous mettons en route à minuit. La pleine lune est si brillante que la lanterne est inutile. En quelques minutes nous franchissons le couloir un peu au-dessus de la cabane. La neige a regelé et se trouve en conditions excellentes, ce qui nous rassure sur la suite de la course. Nous montons tout droit dans le flanc droit du couloir - à gauche en montant - tantôt sur les rochers de l' Imsengrücken, mais le plus souvent dans le chenal même. La neige est si ferme que rien ne bouge ou dégringole dans cette dangereuse coulisse, dont l' inclinaison varie de 47 à 55 degrés. Eddy est en tête et monte d' une allure soutenue, tapant ou encochant des marches dans la croûte durcie.

A 3 heures du matin, nous faisons une brève halte. Pas un nuage au ciel. Le spectacle de l' im paroi, resplendissante sous le clair de lune, est féerique. Me retournant, je vois soudain une vive lumière surgir sur l' horizon. C' est la planète Venus et, à cette heure, dans ce site grandiose, cette glorieuse apparition nous émeut profondément, mes guides et moi.

Pendant une heure encore nous montons directement le couloir puis, vers 4 heures, nous traversons à gauche en direction des rochers qui tombent du Grenzgipfel. Le ciel commence à pâlir à l' orient; bientôt il s' illumine de toutes la gamme des couleurs du spectroscope: c' est d' une beauté indescriptible. A 5 heures, à l' altitude de 4300 m environ, nous abordons la base des rochers. Hors enfin du couloir et de ses dangers objectifs, nous pouvons faire halte et prendre quelque nourriture avant d' attaquer les trois heures d' escalade qui doivent nous amener au sommet. C' est ici qu' il faut faire appel à ses réserves d' énergie. Nombreux sont les alpinistes qui, parvenus à ce point, préfèrent s' échapper par la droite vers le Silbersattel, ou par la gauche vers le Grenzsattel. Toutefois, la « direttissima » Marinelli consiste dans l' escalade directe des rochers du Grenzgipfel pour terminer l' ascension par la crête est de la Pointe Dufour. A 7 h. 45 nous foulons le Grenzgipfel; dix minutes plus tard, nous sommes à la Pointe Dufour. Le soleil nous avait rattrapés un peu avant 6 heures, rendant la grimpée très agréable.

Tandis que nous déjeunions, les premières caravanes parties de la cabane Bétemps arrivèrent au sommet; à 9 heures, il y avait dix personnes groupées autour du cairn.

Profitant du beau temps exceptionnel, nous reprîmes nos traces jusqu' au Grenzgipfel puis, franchissant la Zumsteinspitze, nous gagnâmes la cabane Margarita ( Punta Gniffetti ), où le reste de la journée se passa à flâner au soleil. Le lendemain, quittant la cabane à 3 heures, nous traversâmes le Lyskamm d' est en ouest et, passant sur la tête de Castor et de Pollux, nous descendîmes pour l' heure du thé à Zermatt par le Plateau Rosa et le Théodule.

A 6 heures du soir, le temps se gâta; pendant trois jours, Zermatt fut noyé sous la pluie et les orages. Nous avions eu de la chance.Trad. L. S. )

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