Contribution à  l'histoire de l'alpinisme: la toponymie à  la recousse | Club Alpino Svizzero CAS
Sostieni il CAS Dona ora

Contribution à  l'histoire de l'alpinisme: la toponymie à  la recousse

Hinweis: Questo articolo è disponibile in un'unica lingua. In passato, gli annuari non venivano tradotti.

Charles Kraege, Aigle

Comme chacun le sait, on désigne par le terme toponymie l' étude des noms de lieux. Cette étude ne se limite pas seulement à leur signification et à leur origine, mais tient compte de l' histoire de ces noms, à travers leurs transformations successives. Cette évolution détermine inévitablement une série de mutations et d' étapes qui, elles-mêmes, sont conditionnées par le développement des langues et des dialectes; enfin, l' étude approfondie des correspondances linguistiques, selon le lieu et le temps où elles se sont produites, autorisent à formuler toutes sortes d' hypothèses sur le développement, les migrations ou l' établissement des peuplades ayant utilisé ces idiomes. L' étude toponymique d' un lieu se double alors d' une relation ethnographique, et les aires d' influence de certains, parlers déterminent des constantes qui permettent d' affirmer progressivement quels ont été les sens des migrations et ce qui en est résulté pour l' histoire d' une contrée donnée.

Ce caractère hypothétique n'enlève rien à bügel oder eine Reepschnur um einen Block. So stehen wir bald am Fuss des Grates, und der Kletterhammer tritt beim Spencer in Aktion. Es wird jetzt kalt, und rennend, rutschend, springend geht 's die Nantillons hinab, den Rognon, wo wir mehrere Seilschaften einholen. Auf der Moräne stopfen wir unser feuchtes Material in den Rucksack, und um 21 Uhr sind wir wieder bei unserem Zelt, wo wir uns endlich erfrischen und erholen können.

Ein schönes Abehteuer ist zu Ende... und schon taucht in unsern Köpfen eine neue Besteigung auf.

Übersetzung R. Vögeli l' étude toponymique, car le toponymiste part toujours de l' idée qu' une hypothèse, si incertaine puisse-t-elle paraître, pourra, dans l' avenir, être vérifiée grâce à la prospection archéologique, érigée en conclusion définitive, ou abandonnée faute de preuves suffisantes. En effet, quoi qu' en disent certains savants, l' étude des noms de lieux doit obligatoirement bâtir ses théories sur un à priori. Sur celui-ci, elle construira alors des etymologies sûres et sans ambiguïté; c' est la raison même de son statut de science empirique.

Nos études de toponymie nous ont révélé que les populations celtiques antérieures au Ier siècle de notre ère ont su s' adapter à l' altitude, qu' elles ont parcouru les crêtes de nos Alpes jusqu' à plus de deux mille mètres et qu' elles ont vaincu l' obs majeur de leur époque, la forêt, qui recouvrait la plupart des versants avec une densité inconnue de nos jours.

Sur le plan de la linguistique, ces mêmes populations ont certainement respecté des noms de lieux antérieurs à leur époque, elles en ont « cel-tisé » certains en les traduisant dans leurs dialectes respectifs. Pour d' autres, elles ont garde les éléments préceltiques et y ont ajouté des termes propres à leurs idiomes.

La plupart des savants linguistes de notre siècle s' accordent à reconnaître que les plus anciens noms de lieux connus désignent des cours d' eau ou des montagnes. Aussi n' est pas présomptueux de parler d' une toponymie alpine qui, dans le cadre de la toponymie générale, s' attache à l' étude des noms de lieux alpins. Parallèlement à la géologie, à la géographie physique, à la glaciologie, nous ne saurions méconnaître, en tant qu' alpinistes, les grandes données de la toponymie alpine, science relativement neuve, mais dont le retentissement s' accroît d' année en année.

L' étude des noms de lieux alpins se fait l' alliée de la topographie, et le développement prodigieux de la cartographie est bien là pour prouver toute son actualité. Il est vrai que les linguistes ne sont pas toujours d' accord entre eux, mais n' est point de la discussion que naît la lumière? Comme le fait remarquer Mu e Marianne Mulon, dans l' un des numéros de la revue « Archeologia », il faut noter le caractère conjectural des signification précises assignées aux éléments onomastiques même les plus courants, les plus connus '. Pourvu que les sciences annexes trouvent leur compte dans ces etymologies et puissent progresser grâce à elles, le but que se propose la toponymie alpine sera atteint.

Nous avons volontairement limite nos études de toponymie alpine à la région du Chablais, d' abord, parce que nous habitons dans la contrée et qu' ainsi nous pouvons facilement nous rendre sur place pour apprécier toutes les conditions mises à l' étude exacte d' un nom de lieu; ensuite, parce que nous avons reconnu une unité relative entre les divers patois parlés encore dans les vallées du Chablais, et parce que nous avons découvert, dans cette unité, sinon une origine commune, du moins une parenté certaine entre eux et 1 Revue Archeologia N° 24, septembre/octobre 19G8.

aussi une résonance intéressante avec des termes du bas-latin ou de la langue gauloise.

Nous donnerons maintenant un premier exemple très général: quel clubiste n' a pas passé, au cours de ses randonnées, dans un endroit dénommé Lavanchy ou Lavanchey? Nul doute qu' il ne s' agisse d' un coin exposé aux avalanches! L' al redoublera donc de prudence, en hiver surtout, après avoir consulté sa carte topographique et prépare son cheminement. Le terme lavanche désigne l' avalanche et ne provient pas du latin labiglisser ), comme on pourrait le croire à première vue, mais d' une forme lan.sopierre qui glisse ), dérivation du celtique lanka ( l' alle Lawine viendrait d' une forme parente lavinka ). Le celtique lanka contient en lui une racine plus ancienne kalpierre, rocher ), que l'on retrouve dans le mot français calcaire, par exemple. Le celtique lanka a donne le toponyme lanche, très fréquent dans les montagnes du Chablais. Dans la région de St-Gingolph, lanche désigne une bande de terre, souvent éboulée, toute droite, assez longue et étroite. Le patois de la vallée d' Abondance possède le terme lasé; c' est un pré étroit situé sur une pente rapide et pénétrant en pointe aiguë dans une forêt. Dans le Val d' Illiez, on a le patois lavatse qui s' est transformé en larzé pour donner le français local larze ( Larze des Aux, Dents Blanches de Champéry, versant nord du Col de Bossetan, CN 1324 ).

Il sera donc utile à l' alpiniste de savoir que les mots lanche ou larze cachent des pentes avalancheuses, aussi dangereuses en été qu' en hiver.

LES PREMIERS CONQUERANTS Au cours de nos études sur le Chablais, nous avons réuni jusqu' à maintenant une quarantaine de racines préceltiques entrant dans la composition des noms alpins. Quelques-unes sont d' ori ligure, d' autres rangées sous le titre général d' indo. Or, on parle souvent des Ligures sans savoir exactement de quoi il s' agit. En linguistique, il est difficile de remonter actuel- lement plus haut que l' époque du Bronze. C' est à cette époque précisément que semble avoir éclaté l' unité du groupe linguistique italo-celtique, dont les Ligures étaient vraisemblablement un des maillons de la chaîne reliant les Celtes et les Ita-liotes. Le groupe italo-celtique est indéniablement lui aussi indo-européen, c'est-à-dire qu' il trouve ses origines dans des peuplades migratrices venues de l' Europe centrale, voire orientale, résidus de populations plus anciennes en provenance de l' Asie, les Indo-Européens, dont faisaient partie notamment les Aryens de l' Hima. C' est dire combien ces ethnies avaient garde un atavisme montagnard et c' est pourquoi nous croyons pouvoir regarder les noms de montagnes comme les plus anciens noms de lieux.

Ces racines préceltiques appartenaient donc à des langues parlées par les habitants de nos montagnes que les invasions gauloises, se succédant dès le Xe siècle, avaient chassés ou soumis ( début du Bronze final du Valais ). Mais avant les Indo-Européens, connaissons-nous actuellement des racines d' oronymie? Plusieurs savants ont essayé d' en identifier; ces premiers noms de montagnes auraient été donnés par des peuples que l'on appelle « pré-indo-européens ». C' est ainsi qu' on s' est aperçu que ces racines ne se retrouvaient pas dans les noms celtiques, ni dans les termes latins, mais qu' elles pouvaient être localisées dans des idiomes comme le basque, lequel n' est assurément pas indo-européen. Un grand savant suisse, M. J. Hubschmid, a étudié ce substrat méditerranéen, ramifié en trois sous-substrats distincts2.

Voici maintenant un exemple des racines préceltiques identifiées dans la région du Chablais valaisan: le Mont Gardy culmine à 2198 mètres, à l' ouest de Tanay, dans le prolongement des Jumelles. C' est un fier pic rocheux dont l' appa pourrait être celle d' un garde pour les deux sœurs jumelles. On se servirait alors aisément de la séquence étymologique vuarda, ( warda ), varda, guarda, garda, gardia. Ce serait simple et vite dit.

2 J. Hubschmid, Mediterrane Substrate, Berne i960.

Mais revenons à l' indo kalrocher ) qui peut avoir pris les formes gai et gar, perdant même sa consonne initiale et se présentant sous les formes ar et al, ou perdant encore ses voyelles pour donner kr ou gr. C' est ce qui semble s' être présenté ici dans I' oronyme Gardy; Karadia est devenu Garadia et a été adopté ensuite par le celtique pour donner Gardia. C' est donc un pic rocheux.

Dans la même région du Chablais, nous avions antérieurement identifié la racine ev ( =eau: Evouettes, Evian, etc. ) et nous avions fait intervenir, pour expliquer son origine, le hittite eva et uva. Or, le hittite est, comme le sanscrit, considéré comme l' une des langues les plus proches de l' an aryen. Pouvons-nous faire intervenir, dans le cas Gardy, le hittite karpmontagne rocheuse ), que nous retrouvons, par exemple, dans le nom Carpathes? Nous admettrions alors que les proto-indo-européens étaient des brachycéphales ayant pénétré en Europe, à l' époque néolithique tardive. Nous rejoindrions la théorie du savant français Georges Poisson qui propose une pré-invasion aryenne à la fin du troisième millénaire. La présence de brachycéphales dans le Chablais ( complexe campaniforme ) indiquerait une invasion provenant d' Espagne, formant ainsi l' archétype du proto-indo-européen. Remarquons, en passant, que les premiers habitants du Val d' Hérens étaient des dolichocéphales et qu' on les fait remonter à un néolithique plus ancien encore, mais c' est un autre problème de préhistoire. D' où venaient ces peuples brachycéphales? C' est un sujet très discuté. On pourrait émettre l' hypothèse d' un peuple navigateur, venu d' Asie mineure, si l'on se réfère aux témoignages des Anciens. Pour l' instant, on ne peut que constater la parenté des langues ibérienne, lituanienne et hittite. Comme, dans les patois du Chablais, on retrouve certains éléments de ces langues, il est probable que ce sont ces populations proto-indo-européennes qui ont donne, les premières, des noms à nos cours d' eau et à nos montagnes.

LES GAULOIS Sur 485 noms de lieux étudiés dans la région du Chablais, le 20% est d' origine celtique. Le pourcentage gaulois s' élève à 13% de toutes les racines considérées et à 61% des racines celtiques. On peut donc parler, presque avec certitude, d' une concentration, peut-être même d' une colonisation gauloise. Bien que le vocabulaire gaulois soit extrêmement restreint, cette certitude ne saurait être mise en doute, car les racines étudiées trouvent toutes une correspondance dans les dialectes celtiques. D' autre part, comme le gaulois est une langue indo-européenne, la plupart de ses racines sont déjà détectables dans le sanscrit, le lituanien et le hittite.

Dans les pays de plaine, le gaulois s' est rapidement mélange avec le latin, donnant peu à peu le bas-latin, mais, en montagne, il paraît avoir garde très longtemps son acuité. On peut donc, à juste titre, parler des Gaulois comme premiers grands conquérants de nos Alpes. Nous avons dégagé, au cours de nos travaux, une sorte de loi qui semble pouvoir s' appliquer à tous les cas de la colonisation gauloise alpine: l' affectation d' un nom de lieu à une région déterminée suit une ligne directrice de basse altitude à haute altitude. Cette règle est dans un ordre logique et naturel, parce que nos ancêtres voyaient les divers aspects du terrain de bas en haut.

Si nous considérons, par exemple, le toponyme Col de Bossetan, à l' ouest des Dents Blanches de Champéry, on s' aperçoit que le col est l' aboutisse du vallon du même nom3, qui a son issue dans la haute vallée du Giffre, aux Allamands, au-dessus de Samoens. Le nom Bossetan a d' abord été donné à la forêt qui s' étend au nord-est du vallon du Nant du Clévieux. Or, on distingue dans Bossetan la racine celtique tannchêne ), associée un bas-latin boschus, ce qui donne au terme Bossetan le sens bois de chênes. Si l'on remonte le vallon de Bossetan, c' est une vallée aride, sans 3 Carte de France r :5000, Samoens—Pas de Morgins. 62 torrent, et le col s' atteint facilement des chalets de Bossetan ( 1602 m ). La descente sur le vallon de Barmaz est plus délicate et rocailleuse. Nos ancêtres gaulois ont-ils franchi ce passage? On peut le penser puisqu' ils ont donné à la partie nord du col le nom de larze des aulx, dont nous avons parlé précédemment.

Mais ce ne fut certes pas la seule voie de pénétration, ainsi que nous l' avons mentionné dans notre essai de toponymie du Val d' Illiez ( Les Alpes, 1968, second trimestre ). Les Gaulois n' ont, en fait, passé des cols que pour s' établir dans les vallées. Cet établissement paraît tout à fait normal quand on s' imagine quelle devait être la topographie, à cette époque reculée. En effet, la plaine du Rhône n' était qu' un vaste marais, de Villeneuve à St-Maurice. Seuls, les cônes d' allu et les collines étaient alors habitables. Au-dessus, c' étaient d' impénétrables forêts jusqu' à la zone des pâturages. C' est ce qui explique que les Gaulois ne se soient établis qu' en bordure de la plaine, sporadiquement et de préférence sur les revers où la végétation était moindre.

Nous pensons qu' il faudrait, alors, déterminer deux grands courants d' extension, avant l' occu romaine du territoire, mais après les premières vagues d' invasion préceltique. Cette période intermédiaire correspondrait à l' indé des tribus gauloises et se situerait entre les Xe et Ier siècles avant notre ère. Les Gaulois se seraient infiltrés dans nos Alpes, en provenance du Massif central, d' ouest en est. Ne confondons cependant pas ces tribus gauloises avec les Helvètes, qui sont aussi des Celtes, eux venus de Germanie s' établir sur notre actuel plateau Suisse. Des régions de la Saône, un courant aurait franchi le Jura pour atteindre, par le Léman, la tête du lac à Pennloch ( Villeneuve ) et colonisé le Chablais vaudois, les vallées des Ormonts, de la Gryonne, de l' Avançon. Un autre courant aurait remonté les vallées de l' Arve et du Giffre. De la vallée de l' Arve, par les cols des Montets et de Balme, les Gaulois se seraient trouvés au contact des Véragres, et peut-être des Salasses, dans le région des Lanche Nair Le croquis illustrant ce travail a été dressé sur les bases de la Carte de France i :5c » 000 Thonon-Châtel.

Dranses. Par la vallée du Giffre, d' autres se seraient répandus dans les vallons adjacents, puis auraient franchi les cols de Cou, Bretolet et Bosse- tan, éventuellement Bassachaux et Chésery, pour pénétrer dans les vais d' Illiez, de Morgins et d' Abondance.

AIRES D EXTENSION Comment peut-on localiser la plus ou moins grande extension d' une invasion déterminée? On aétudiélaprédominancedes racines celtiques et on a pu établir une véritable carte de leurs aires d' in Aire d' extension Val d' Abondance ÛSex de la CalazXnoms de lieux à racine celtique -f » APte de Recon t Tourd Pte des OmbrieuxA fluence. C' est ainsi qu' on s' aperçoit, en étudiant les patois du Chablais valaisan, spécialement ceux de Val d' Illiez, de Troistorrents, de Vionnaz et du Val d' Abondance, qu' ils contiennent de très nombreuses racines celtiques. On pourrait faire la même remarque pour la vallée d' Hérens avec les racines préceltiques. Les patois étudiés remontent plus au celtique qu' au latin proprement dit, et, s' ils touchent le bas-latin, la plupart des termes qui proviennent de cette langue parlée aux premiers siècles de notre ère sont eux-mêmes d' ori celtique. Ces constatations nous ont ainsi permis de dresser des cartes de la zone d' influence celtique en Chablais. Voici un tableau représentant les prédominances celtiques dans les quatre régions étudiés:

I. Chablais vaudois II. Valsd' IlliezetdeMorgins III. Chablais valaisan, de Monthey à St-Gin-golph IV. Vallée d' Abondance Noms Racines Racines Totaux étudiés pré- celtiques reltiques I 13 ' ' 4 27 41 II 3« 14 16 30 III [08 18 28 46 IV id8 20 18 Total 485 89 = Ce tableau indique donc la prédominance par région. Il faudrait maintenant subdiviser les régions en territoires où la prédominance est la plus forte. Cette subdivision se lit sur les cartes des zones d' influence précisément. Ainsi, dans la vallée d' Abondance ( région IV ), nous nous sommes aperçus que la partie centrale de cette vallée comporte un très grand nombre de toponymes issus de racines celtiques. Il est donc probable que ce fut là une zone de concentration. Nous avons pris comme centre de notre rayon d' étude Mioline ( gaulois = milieu de la plaine ), actuellement groupuscule de quelques habitations entre Abondance et La Chapelle. En nous déplaçant dans un rayon de quatre kilomètres environ, nous n' avons pas trouvé moins de cinquante pour cent des toponymes issus de racines celtiques. Cette prédominance et celle constatée dans d' autres régions du Chablais nous font penser qu' il faut rechercher les premiers conquérants de nos Alpes beaucoup plus loin dans le temps que nous le pensions jusqu' à maintenant.

CONCLUSION Contribution à l' histoire de l' alpinisme, avons-nous titré ces lignes: elles doivent nous faire réflé- chir, nous les alpinistes de l' ère lunaire. Nous allons vite toujours plus vite... Dans l' un des bulletins mensuels des Alpes, on lisait que les quatre faces d' une pointe célèbre avaient été escaladées successivement en quelques heures... Nous ne savons, hélas! plus prendre notre temps. N' oublions pas qu' en montagne il y a un temps pour chaque chose: un temps pour escalader, un autre pour regarder, admirer, un autre pour réfléchir...

Nos ancêtres gaulois devaient savoir atteindre la cime; ils s' étaient libérés de l' envahissement de la forêt. Ils devaient aussi prendre leur temps et s' élever progressivement, donnant des noms aux régions qu' ils parcouraient, au cours de leurs nombreuses migrations. Les Gaulois avaient, probablement les premiers, reconnu la grande valeur de la montagne; le fait de lui avoir donné des noms autorise à penser qu' ils parcouraient en tous sens les régions où ils s' établissaient. Ce n' est pas sans raison qu' on trouve une pareille densité de termes à racines celtiques, dans plusieurs régions.

Autre constatation: la montagne ne devait nullement les effrayer. Ils divinisaient les sources, ils avaient donc un profond respect pour l' eau vive. Peut-être avaient-ils déjà le culte de la montagne? Il ne faut pas oublier non plus que, durant un millénaire et demi après eux, la montagne va tomber dans l' oubli et devenir un pays peuplé de démons où l'on n' osera plus s' aventurer.

A l' heure de l' espace, sachons donc nous arrêter et « revenir aux sources », pour voir ce magnifique domaine de nos exploits avec un œil nouveau. C' est cette optique qui sauvera l' alpinisme mécanisé de notre époque et, à travers l' alpinisme, qui sauvera l' homme. Car, il faut bien le reconnaître, ce dernier, débarquant sur la lune, a perdu sa personnalité. Il est tellement « conditionné », « ordonné », « programmé », qu' il perd chaque jour un peu plus de son âme. La grande leçon de l' histoire de l' alpinisme est là pour nous mettre en garde contre les dangers de l' exploit, pour nous assurer tous à la même corde contre le péril de l' envahissement de la technique.

Feedback