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En route pour Saas Fee

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Emil Schimpf, Winterthour

Juste avant le début de la Deuxième Guerre mondiale, nous étions allés à Saas Fee, un vrai paradis quant aux balades et excursions en haute montagne. Plus tard, après l' armistice, nous y avons passé régulièrement nos vacances, tous les deux ans, subjugués chaque fois par sa situation au pied de hautes montagnes... mais site maintenant, hélas! bien abîmé par toutes les installations techniques du « tourisme assis ». Puis, pour des raisons de santé, nous dûmes abandonner un certain temps nos vacances en Valais. En 1962, toutefois, nous avons trouvé qu' il était grand temps de retourner dans ce coin merveilleux. Nous nous sommes donc mis en route pour Saas Fee et, comme l' amour de la marche coule dans nos veines, nous avons décidé d' atteindre Saas Fee non pas au plus vite, mais par le chemin des écoliers.

Un beau dimanche de la fin d' août, par un temps splendide, nous avons quitté Kandersteg pour entreprendre nos « travaux d' approche », par les petits chemins. Pour commencer, il nous fallut bien faire, nous aussi, du tourisme assis, mais juste dans l' indispensable auto postale qui nous conduisit jusqu' au Gasterntal. Nous nous trouvions seuls, dans l' auto, mais les innombrables promeneurs croisés en route montraient bien que nombreux étaient ceux qui profitaient de ce beau week-end pour une balade dans les Alpes.

Jusqu' alors, nous ne connaissions pas le Gasterntal, vallée magnifique qui nous enchanta. L' auto nous déposa à Seiden ( 1552 m ) et, tout de suite, une surprise: un amusant petit pont suspendu pour traverser la Kander! Nous ne nous y attendions pas du tout! Le pont branlait, mais nous ne sommes heureusement pas sujets au mal de mer!

Le chemin qui conduit à la Gfâllalp ( 1847 m ) est exactement ce qu' il nous fallait, en inclinaison comme en longueur, pour que nous puissions nous faire progressivement à nos énormes sacs.

Au restaurant, une autre surprise: nous en étions les seuls hôtes! Quand on pense que 150 personnes au moins y avaient passé la nuit précédente! Quel contraste avec la soirée confortable et paisible que nous avons pu passer la cuisine, avec la patronne et son aide! C' est une expérience que j' apprécie toujours que cette prise de contact, directe et quelque peu désinvolte, avec les indigènes; ne serait-ce pas d' ailleurs le point de départ vers une meilleure compréhension des peuples entre eux? Le lendemain, réveil vers 6 heures; remontée de la vallée par un bon chemin zigzaguant dans des pâturages fleuris; je me souviens entre autres d' énormes touffes d' aconits bleu foncé; à plusieurs reprises, des perdrix des neiges; une mère avec ses petits; j' aurais tant aimé les filmer, mais ils sortaient toujours de l' objectif à petits pas rapides! La mère ne cherchait pas à s' envoler, car alors que seraient devenus ses poussins, sans elle?

Aux tournants du chemin, il nous fallait régulièrement faire halte pour admirer les massifs du Doldenhorn et de la Blümlisalp et le Glacier de la Kander. Nous ne nous sommes pas mal débrouillés, sur le Lötschengletscher, quoiqu' il n' y ait eu pour ainsi dire plus de traces ( sauf dans la partie inférieurecurieux, après l' invasion du jour précédent... Un touriste que nous croisions nous a bien recommandé de nous en tenir au tracé indiqué sur la carte; mais, vu la neige fondante, nous avons préféré sortir au plus tôt de la cuvette exposée aux séracs, pour obliquer à gauche, vers 2690 mètres, en direction du Lötschenpass. Quel panorama, de là-haut! Le Valais, proche et lointain; dans les environs immédiats, beaucoup plus de neige que prévu, et les flaques près de la crête, partiellement gelées. Mais nous avons pu nous installer dans un endroit sec, parmi les petites gentianes et les renoncules des glaciers. Avant toute chose, il nous fallait admirer le panorama; à l' est, le Langgletscher nous fascinait; pas étonnant: nous revivions une descente à ski faite en solitaires, au printemps 1939, de la Lötschenlücke à Fafleralp. Des deux côtés du Lötschental, des 5P. 2474, vue sur le Riedgletscher et le Nadelhorn 6P. 2474, vue sur le Mattertal et Mont Rose 1Les Mischabel au soleil du matin 8Sur le chemin de Grächen à Saas Fee. Jägihorn, Weissmies Photos Emil Schimpf, Winterthour pentes extrêmement raides; dans le fond, le Weisshorn et le massif des Mischabel. C' était si beau que ma femme en oublia la boîte de sardines qu' elle tenait à la main, et dont l' huile se répandit sur un pantalon tout juste étrenné, de bon tissu valaisan! Cet incident ne nous perturba toutefois pas outre mesure! Les prévisions du temps avaient été très défavorables pour ce jour, et en particulier pour le Valais; même si ce ne fut pas constamment le cas, nous nous sommes quand même trouvés en plein dans les nuages.

Puis ce fut une descente tranquille sur la Kummenalp ( 2083 m ) à travers des parterres de fleurs, contraste saisissant avec les glaciers étincelants, proches ou lointains.

A la Kummenalp, un peu plus de monde qu' à la Gfallalp, le soir précédent, mais on se sentait quand même « entre soi », impression toujours très agréable, vraiment!

Le mardi, peu après 7 heures, départ pour une course, disons plutôt pour une « vadrouille », incroyablement belle: une balade presque toujours au même niveau, à travers des pâturages, de petits bois, où l'on côtoie des groupes de mazots, et par là-dessus un ciel d' un bleu intense; juste quelques petits nuages de beau temps, bref, des paysages de rêve. Aussi avons-nous pris le temps d' en jouir intensément - de même que des haltes, de temps à autre, dans de confortables petites pintes de montagne, où nous reprenions des forces... Conséquence de ces haltes, ajoutées à une chaleur assez éprouvante: à mesure que l' après avançait, nous nous sentions de plus en plus flapis! Dans ces conditions, Fafleralp ( 1788 m ), où nous comptions passer la nuit, nous sembla trop éloigné, et nous descendîmes dans la vallée, à partir de la Weritzalp ( 2111 m ). Et nous nous sommes installés pour un repas copieux, quelque part au bord du chemin, parmi les bruyères et les jeunes arbres, juste en face du Bietschhorn, plus imposant que jamais; nous pouvions très bien en suivre les itinéraires, et même le début de la montée, grâce aux jumelles. ( Oh! pouvoir faire encore une pareille escaladeArrivés à Ried ( 1558 m ) vers le soir, nous y avons pris nos quartiers pour la nuit et, le jour suivant, la première poste nous conduisit à Goppenstein. Autrefois c' est à pied, et avec les skis sur l' épaule, que nous étions descendus de Fafleralp à Goppenstein; et je me souviens que nous avions croisé un groupe bizarre: des soldats de la vallée, déconsignés, avaient été attendus à la gare par leurs femmes; ils les avaient immédiatement chargées de tout leur équipement, y compris instruments de musique, tambours et armes. Ces courageux pouvaient ainsi discuter tranquillement entre eux, en regagnant leurs pénates.

De notre côté, après un court trajet jusqu' à Hohtenn ( 815 m ), nous avons gagné le fond de la vallée, longeant la partie sud du Lötschberg; c' est une promenade fort recommandée, avec raison d' ailleurs, et que la plupart de nos lecteurs connaissent bien; nous jouissions du temps pro-verbialement beau du Valais. Le parcours lui-même est magnifique; mais nous aimions également contempler la vallée du Rhône en contrebas; nous étions littéralement fascinés par l' Illgraben, car, de là, il est particulièrement saisissant. Nous sommes arrivés à Ausserberg ( 931 m ) vers 14 heures; un bout en train ( jusqu' à Brigue ), quelques achats, et déjà nous repartions pour Tourtemagne. Notre temps étant très limité, c' est au pas de course qu' il nous fallut couvrir la distance de la gare à la station du téléphérique conduisant à Oberems. De là, montée à Gruben ( 1829 m ) en jeep; et, pour finir, arrivée à l' Hôtel Schwarzhorn, où nous avons été aussi bien traités que quelques années auparavant. Le jeudi, départ à 7 heures; il s' agissait de remonter tout d' abord le long du vallon de Gruben jusqu' à l' Augstbordpass ( 2894 mil faisait beau. Les cent premiers mètres de dénivellation, on les parcourt sur un bon sentier, à travers une délicieuse forêt; puis on se dirige presque continuellement vers l' est; montée en pente douce dans une contrée assez sauvage; puis, au-dessus de 2600 mètres, le chemin devient escarpé, il longe un petit lac alpestre, et c' est enfin le col. Encore une fois, l' horizon s' élargit, nous offrant un tout nouveau coup d' œil. Allons-nous monter encore au Schwarzhorn, tout proche, ou pas? D' un côté, c' est assez séduisant, ce crochet au Schwarzhorn; mais, d' autre part, la vue ne peut être encore plus belle là-haut qu' ici. Après quelques hésitations, nous avons adopté la solution la plus facile, d' au plus que nous étions un peu serrés quant à l' horaire. Aussi avons-nous tranquillement joui de la vue: la vallée de Zermatt, le massif des Mischabel, le Monte Leone... et plus loin encore, au nord-est, la région de la Furka. Au début de la semaine, trois avions y étaient tombés, perdus dans le brouillard; nous avons beaucoup pensé à eux en essayant de deviner l' endroit de leur chute.

Après nous être encore restaurés quelque peu — il était midi - nous nous sommes engagés dans la descente, pour gagner Saint-Nicolas ( i 116 m ). D' abord jusqu' à un palier bien ensoleillé, à 2400 mètres; là, il y a une nouvelle décision à prendre: descendrons-nous sur Emden téléphérique? Non, nous resterons fidèles à notre principe d' aller à pied; mais alors, il faut commencer par remonter... Le sentier fait un coude assez brusque, et nous jouissons de nouveau d' un coup d' œil exceptionnel: Grächen dans le fond et, derrière, le massif du Fletschhorn - Lagginhorn-Weissmies; au sud, la chaîne des Mischabel, et même le Mont Rose; au nord, les Alpes bernoises, avec le Bietschhorn au premier plan.

La course continue, presque toujours au même niveau; tout d' abord vers le sud-est, tout à coup vers le sud-ouest, puis un plongeon sur Jungen ( 1954 m ). La pinte était ouverte, mais il n' y avait personne pour servir, aussi est-ce à la fontaine qu' il nous a fallu aller boire. Une pente très raide ( 800 m de dénivellation ) nous sépare encore de Saint-Nicolas; le poteau indicateur prévoit une heure jusqu' à ce village. C' est peu, et ma femme voulait en avoir le cœur net; elle mit tous les gaz, et je dus bien la suivre, mais en protestant! Il nous fallut, en tout, exactement 70 minutes, une petite halte pour manger une orange comprise. Donc, pour toute la descente de l' Augstbordpass, nous avons mis cinq heures dans lesquelles il faut compter les nombreux moments passés à admirer la vue- et nous avons l' impression de ne pas avoir perdu notre temps. A Saint-Nicolas, auto postale jusqu' à Grächen, pour y prendre nos quartiers, mais avant tout pour étancher notre soif dévorante, tout d' abord avec des litres de thé, puis avec une dôle savourée à petites gorgées.

Là, nous nous sommes accordé une bonne nuit, un bain rafraîchissant et une journée de repos; nous avons pu visiter ce village, renommé pour son climat sec... mais, ce jour-là, il ne faisait pas honneur à sa renommée: le ciel était couvert, on n' apercevait guère les sommets, juste une apparition fugitive de la pyramide fantastique du Weisshorn. Le principal de cette journée, nous l' avons passé à nous refaire et à étendre avec délices nos membres fatigués sur nos matelas.

Samedi, dernier délai pour atteindre notre but. Comme il y a maintenant un télésiège pour la Hannigalp, nous avons pu économiser une heure et demie de marche. A la station terminale, nous avons encore contemplé intensément le Bietschhorn, que nous avions eu continuellement sous les yeux, mais sous des angles très différents; puis, par un temps parfait et une température des plus agréables, nous nous sommes engagés dans le « Höhenweg » que nous connaissions bien, et qui allait nous conduire à Saas Fee. Ce trajet est long, mais combien varie! C' est un chemin suspendu qui oscille entre 2000 et 2300 mètres. Il est très exposé parfois, et certes pas à recommander à des non-montagnards, nous semble-t-il, même si aux endroits les plus dangereux il y a des mains courantes. Or, nous y avons rencontré des gens en souliers, bas, des gens avec des enfants, ce qui nous parut hautement condamnable.

Nous avions de magnifiques vues plongeantes, mais ce qu' il y a encore de plus beau, sur ce chemin, et surtout quand on le suit comme nous le faisions de Grächen à Saas Fee, c' est la vue sur le Fletschhorn, le Lagginhorn et le Weissmies. Pour finir,onsetrouvefaceàlacouronnedes quatre mille qui dominent Saas Fee, sommets auxquels tant de souvenirs nous rattachent. A force de regarder de tous côtés, on ne fait guère attention aux nombreuses dénivellations. On tombe, à un certain endroit, sur une plaque commemorative, destinée à nous rappeler avec quel amour et quelle compétence des hommes ont construit ce chemin, et quelle somme de travail cela a dû représenter pour eux: « Als Weg in die Stille eröffnete die Werkgemeinschaft Balfrin diesen Höhenweg allen wanders-frohen Menschen am i. IX. igj4- » Au-dessous de la jonction des glaciers de Ferich et du Balfrin ( à l' alpe du Balfrin, 2037 m ), on se trouve dans un creux; nous en avons profité pour faire une bonne halte avant de nous engager dans la montée la plus longue. Lentement, mais sûrement, nous approchons de Saas Fee ( 1790 m ); il nous semble proche à le toucher; mais nos souvenirs ne doivent plus être très exacts, quant au dernier tronçon du trajet; cette fois, il nous semble long et peu intéressant.

Arrivés au village, nous allons tout droit chez notre cher ami, le guide Simon Bumann, qui nous invite à loger chez lui.

Nous avions eu plutôt de la chance quant aux conditions atmosphériques pendant notre course; mais, à Saas Fee, le temps est pluvieux. Les indigènes toutefois eurent beaucoup de chance, le 8 septembre, pour leur fête annuelle de la « Naissance de Marie »: il faisait un temps radieux! Or, cette année-là, c' était une fête particulièrement solennelle, car tout ce qui porte encore le nom de Walser, ou en descend, s' était rassemblé là, venant d' un peu partout: d' Autriche, d' Italie, aussi bien que de Suisse; tous les descendants des Walser étaient arrivés en foule, dans leurs costumes folkloriques. Ils se rendirent à la chapelle dans leurs plus beaux atours, pour y assister à un service religieux; coup d' œil particulièrement pittoresque dans cette chapelle de « Maria zur hohen Stiege ».

Notre deuxième semaine à Saas Fee nous réserva quelques beaux jours; nous n' avons pas fait de haute montagne, mais quelques très belles randonnées; entre autres, une balade de la Läng- flue à la cabane Britannia, pour redescendre par les glaciers de Hohlaub et de l' Allalin, jusqu' à Mattmark.

Pour terminer notre séjour, nous avons eu l' oc d' assister à une vente de terrains aux enchères. Intéressant, mais invraisemblable, à notre époque! Bien qu' il n' y ait pas eu d' apports de fonds étrangers, on a payé de 162 et jusqu' à 562 francs le mètre carré, selon la parcelle. Cela ne laissa pas de nous inquiéter vivement, car une telle surenchère ne promet rien de bon. Maintenant déjà, il n' y a pas de comparaison entre le Saas Fee d' avant la guerre, petit village au pied des glaciers, et le Saas Fee que nous avons retrouvé: dans toute la région, ce ne sont plus que téléphériques, télésièges, téléskis; les étrangers se baladent en petites chaussures du Felskinn à la Britannia; ce n' est vraiment plus du tout le petit village retiré et bien tranquille de la chanson...

! Traduit de l' allemand par L. Dupraz )

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