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François Gos

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Par Léon W. Collet.

3 A Georges Descoeudres.

D' aucuns se demanderont certainement ce que mon nom fait en tête de cet article?

Un géologue parlant de peinture!

Pourquoi pas!

Le géologue alpin ne s' occupe pas de la structure des montagnes? L' école suisse de Geologie n' est pas celle qui a le plus contribué à développer la représentation graphique et par là même à donner le sens du « volume »?

Et tout cela nous le devons au vieux maître Albert Heim.

C' est avec plaisir que j' ai accepté de présenter aux lecteurs des Alpes la peinture de François Gos. Avec plaisir, dis-je, car j' ai assisté à la lutte de cet artiste contre sa vocation qui était celle de son père.

Il est si difficile, dans quel domaine que ce soit, à un fils de réussir là où le père s' est illustré!

Au collège de Genève, François Gos faisait partie d' un club montagnard, l' Allobrogia, dans lequel, au contact de la montagne, bien des vocations devinrent irrésistibles: peintres, ingénieurs, géologues.

Ainsi quel ravissement fut le nôtre un jour, à la cabane d' Orny, après un bivouac force, de voir notre camarade Alexandre Cingria brosser en quelques minutes un lac d' Orny, aux eaux vertes, coincé entre granite, moraine et névé.

En ce temps, François Gos ne dessinait pas encore en montagne. Son esprit était trop préoccupé par tous les phénomènes naturels qu' il cherchait à comprendre. En course il récoltait des cristaux, des fossiles, des cailloux et questionnait ses camarades plus âges, ou ceux qui suivaient déjà des cours à l' université, sur la formation des glaciers, la cause de la forme des montagnes et de leur structure. Je me souviens de huit jours passés dans la région Lötschental-Oberaletsch-Concordia, il y a de cela 32 ans. Nous avions vu dans le Lötschental les dégâts causes par la rupture d' une poche glaciaire, puis le lac de Märjelen, la Concordiaplatz avec ses torrents sur la glace et ses moulins, la montée au Rottal-Sattel et la tempête sur la Jungfrau. Que de questions se posèrent alors à son esprit!

C' est vers la décoration que François Gos devait se diriger tout d' abord, par raison.

Après les Beaux-Arts de Genève, il est à Paris. A Montmartre, il reçoit des petites fleurs des Alpes qu' il déformait, étirait pour en faire des modèles destinés à la pyrogravure, à la ferronnerie d' art, au vitrail, à la bijouterie.

Puis, à St-Gall, il travaille pour la broderie. Ce sont alors les excursions dans le massif du Säntis.

Deux années à Munich et voici qu' un jour, d' une traite, sans arrêt, des bords de l' Isar il gagne Zermatt et découvre le Gornergrat.

Devant lui ce Cervin, si cher à Albert Gos, et la splendide pyramide du Weisshorn.

Allait-il pouvoir résister longtemps à cette vocation puissante qui fut celle de son père?

Il comprit alors qu' il ne pouvait s' imposer qu' en étant autre, qu' en affirmant une puissante personnalité. Des bords de notre lac il passe aux rives de la « grande bleue ». Dans ses toiles de cette époque qui furent très remarquées, je retrouve le naturaliste et le voyageur.

Après la mer, c' est vers la Hollande qu' il se dirige, vers ces plaines où le Suisse a l' impression de se lancer vers l' infini.

Puis la montagne le reprend pour ne plus le lâcher et François Gos devient ce que ses vieux amis avaient prévu: un peintre de la montagne, de toute la montagne. J' entends par là qu' il peint la montagne sous tous ses aspects et en toutes saisons.

Certaines de ses Jungfrau, froides, sans soleil, qui donnent presque le frisson à l' alpiniste endurci doivent étonner le public des expositions. Mais pour l' alpiniste, il y a là-dedans l' expression de la montagne qui menace ou qui se défend. Le peintre qui réalise de tels effets a dû les sentir. Seul celui qui a lutté avec la haute montagne, en bon « Führerlos », peut en rendre la puissance.

Que François Gos ait subi l' influence de Hodler, cela ne fait aucun doute. Mais François Gos est à Hodler ce que Hodler fut au Greco.

Si l' enfance de François Gos fut bercée par le romantisme d' un Calarne ou d' un Diday, les toiles paternelles devaient lui offrir le naturalisme en art. En Hodler il trouva le sens de la construction, la puissance et la grandeur.

J' ai dit que François Gos était un peintre doublé d' un naturaliste. Ses paysages en fournissent la preuve, car il sait donner à chaque lieu l' atmosphère qui lui est propre.

Si, comme ce voyageur américain qui avait emmené Gleyre avec lui en Grèce et dans l' Afrique du Nord, je pouvais me faire accompagner d' un peintre dans mes voyages, c' est certainement François Gos que je choisirais.

Mais parlons un peu de sa montagne. J' ai depuis longtemps devant mes yeux tous les jours une paroi du Salève donnant une belle impression de vide. Il faut avoir été « varappeur » pour arriver à de tels effets. Ce vide, nous le retrouvons dans son Eiger, au pied duquel se trouve ce formidable bastion qu' est le Rotstock. Quelle plongée sur Alpiglen!

Albert Gos, son père, est le peintre du Cervin. Il semble que le fils ait tenté de se détourner de cette montagne. Mais l' alpiniste qui est en lui a subi l' attraction du Mont, et le peintre, bien que trop rarement, a rendu parfaitement sur la toile l' impression de beauté et de force qu' il donne à tous ceux qui l' ont traversé.

Avez-vous remarqué qu' il suffit qu' on indique à un vrai peintre un sujet pour qu' il s' empresse de l' ignorer?

Je l' attends toujours ce Cervin du Col d' Hérens avant le lever du soleil, avec l' arête de Zmutt, le Pic Tyndall, la Crête de Coq, le Col et la Tête du Lion. Mais serait-ce qu' il est des choses qu' on garde au plus profond de soi?

Le Piz Corvatsch, l' Aiguille Verte et le gendarme de l' arête du Bietschhorn, reproduits ici, ont été choisis par des membres du Club alpin suisse. C' est dire qu' ils y ont trouvé de belles expressions de la montagne.

Après ce que nous avons dit de ses tableaux, François Gos nous apparaît bien comme un peintre alpiniste. Du temps passé dans la peinture décorative, cet artiste a gardé un grand souci de la « mise en page ». Son Piz Corvatsch et son Aiguille Verte en sont une preuve. Les premiers plans sont sobrement traités. Ils ne sont là que pour donner de la profondeur. La chose principale est la montagne. François Gos n' est pas de ceux que les arbres empêchent de voir la forêt.

Depuis quelque temps certaines sociétés de développement ou d' intérêts locaux ont pris l' excellente habitude de faire brosser par de bons peintres des paysages alpins qu' on place dans les vestibules et les buffets de gare. Plusieurs sont signés François Gos. Excellente réclame puisqu' il faut en faire. Comme cela nous change des atroces affiches de paysages truqués, jaunies ou noircies, des anciennes gares! Mais que les C. F. F., pour qui c' est également une réclame, veuillent bien nous les placer ailleurs que dans les escaliers — comme à la gare de Genève — où, si on les regarde, l'on risque de se casser les reins.

En terminant, je me permettrai de donner un conseil à François Gos: celui de n' user de la ligne courbe dans les rochers que là où cela est vraiment nécessaire et indiqué. Les cheminées, les vires, les plans de stratification sont, sauf les cas de plis, généralement des droites, plus ou moins brisées, mais ce sont des droites.

J' ai vu dans l' atelier du peintre un intéressant essai de la région du glacier du Rhône, traitée par le cubisme. Des montagnes représentées par des solides géométriques! Mais c' est cela même avec moins de régularité. Si le cubisme doit nous ramener une certaine école au vrai dessin, alors j' y souscris.

Pour certains — heureusement peu nombreux — les Alpes ne sont que des ruines et par là même ne présentent rien de beau. A Djemila, à Timgad comme à Karnak, les ruines m' obligent à penser à tout ce qu' elles évoquent. De même, les Alpes sont belles parce que ce sont des ruines. Par cela même elles dirigent la pensée vers les grands mystères de la création, captivent l' âme et l' élèvent!

Les ruines peintes par François Gos sont belles parce que puissantes et vraies.

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