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Kilima-Ndjaro et Mawenzi

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Kilima-Ndjaro et Mawenzi

Par le Dr Wyss-Dunani.

I. Kilima-Ndjaro ( Montagne blanche ), 6010 m.

14 et 18 janvier 1937, avec M. P. Ghiglione ( C. A. 1. ) Par Kilima-Ndjaro il faut entendre tout le massif montagneux dont le cratère glacé est nommé Kibo par les indigènes et dont l' annexe Est, d' as très différent, s' appelle Mawenzi. Ces deux montagnes sont solidaires parce que réunies par une ensellure de 10 km. environ dont l' altitude moyenne est de 4600 m. Tout ce massif, situé à quelque 250 km. de la côte de l' Océan Indien, forme le promontoire entre l' ancienne colonie allemande de Tanganyika et celle du Kenya.

Les Allemands, à l' époque où ils occupaient le Tanganyika, n' avaient pas manqué d' explorer ces deux sommets. En 1883 le professeur Hans Meier avec Ludwig Purtscheller en firent la première ascension. En 1909 Max Lange et Weigele furent les seconds à atteindre les 6000 mètres; en 1912 Walther Furtwängler et Siegfried König organisèrent la troisième caravane qui fut suivie en 1914 par la quatrième formée par Walther von Ruckteschell et Carl von Salis.

Le Rev. Dr Reusch, missionnaire à Marangou au pied du Kilima-Ndjaro, totalise à lui seul une trentaine d' ascensions.

Depuis lors les amateurs se firent de plus en plus nombreux. Le Kibo, cependant, réserve, par son altitude, des surprises auxquelles on ne s' attend pas, de sorte qu' aujourd, on ne compte guère qu' une douzaine de caravanes ayant atteint le point culminant: la Kaiser-Wilhelm-Spitze. Cette grimpée est une épreuve d' endurance à laquelle ne résistent que les alpinistes entraînés. La plupart des touristes sont généralement à bout de forces en arrivant à la Johannesscharte, une ensellure Est du bord du cratère ( 5850 m. ). Ils renoncent à poursuivre une marche qui s' avère difficile et longue sur la neige qui couvre tout le rebord du volcan.

La meilleure saison pour visiter le Kilima-Ndjaro est décembre-janvier, seul moment de l' année où Kibo et Mawenzi sont découverts durant une période de plusieurs semaines consécutives.

Deux chemins sont ouverts pour l' ascension du Kibo: le sentier Ouest qui gagne la Petershütte ( 3800 m .) en passant par la Johanneshütte et à Marangou la route Est, plus commode.

Marangou, non loin de Moshi, capitale du Tanganyika, est un village placé à 1600 m ., sur le flanc même du massif. Il est facile d' atteindre en auto cette localité où le climat attire les colons affaiblis par l' humidité de la côte. Marangou devient un centre de vacances grâce à sa végétation luxuriante, son infinie variété de fleurs, sa vue sur la grande plaine semée de volcans et de lacs.

Le village est enfoui sous les bananeraies; ses paillotes sont coiffées d' un lourd toit de chaume conique descendant presque jusqu' au sol. Les bou-gainvilléas éclatent de couleurs, les flamboyants, les hibiscus partout piquent la verdure de leurs feux d' un rouge violent. Des ruisseaux d' eau claire chantent dans la futaie et servent d' accompagnement aux mélodies des oiseaux; quant aux jacasseries humaines, elles font partie également de ce brouhaha général. Je n' aurais jamais cru pouvoir rencontrer humanité aussi bavarde. De la futaie s' élève un concert de voix; ce sont des indigènes occupés à construire une hutte. Sur soixante hommes six travaillent à la charpente du toit. Les cinquante-quatre autres leur servent de chœur pour les encourager, les houspiller et leur donner des conseils. Sans ce ramage, pas de travail possible, pas de belle maison non plus!

Marangou est un village chrétien luthérien sur les destinées duquel veille le Rév. Dr Reusch, missionnaire éclairé et alpiniste portant en lui l' amour de la montagne. Grâce à ses bons offices il est aisé de composer une caravane de guides et porteurs, ce que l'on nomme là-bas un safari. Un safari, c' est une caravane équipée prête à courir toutes les aventures de la brousse que ce soit en plaine ou sur la montagne.

Notre chemin sera long puisqu' il traverse les forêts sur une distance de 20 km. et que, pour atteindre le pied du grand volcan, il faudra compter encore avec 15 km. en terrain découvert. Mais il suffit de voir avec quelle aisance nos solides gaillards enlèvent des charges de 15 à 20 kg. sur leur tête et gambadent sur les sentiers mal dessinés pour immédiatement se sentir gagné par un optimisme réjouissant. Placez des œufs, un bidon d' eau sur le sommet de la charge, vous êtes sûr que 4000 m. plus haut, malgré les difficultés de la route, tout arrivera à bon port. Quelle leçon pour les alpinistes à souliers cloutés qui ne peuvent éloigner leurs regards du sol de peur de trébucher! Un seul essai, en m' envoyant rouler à terre, me prouve à quel point notre technique de la marche est inférieure à celle des noirs.

Le chemin, après avoir sauté de colline en colline, dont les dos nus contrastent étrangement avec les bas-fonds remplis de verdure, pénètre soudain dans un tunnel d' arbres. Ce n' est pas la forêt vierge à proprement parler, mais bien ce que les Allemands nomment le « Regen wald » où jungle et forêt se mêlent, répandant une ombre exquise après la chaleur irritante des collines dénudées. Le sol est jonché de petites fougères fines comme des dentelles. Parmi les camphriers et les chênes enserrés par les lianes déjà des traces d' éléphants sont visibles: dévastations dont le sentier n' est pas exempt. Le léopard, lui, est plus soigneux; parce que plus faible il a sa piste qu' il sait entretenir. Des singes colobus à cape blanche jacassent; les éléphants font entendre leur barrissement et brisent pour un instant le silence impressionnant de la forêt, car les insectes avec leurs bruits ne troublent pas ce silence, mais l' accompagnent: insistance d' une note aiguë de violon, bruits électriques de tubes de crookes en action, chant de cristal vibrant, sonneries argentines, tout cela forme une symphonie continue qui vous remplit les oreilles d' un grand murmure et ne trouble le silence pas plus que la mélodie d' un ruisseau ou le bruissement de la mer sur une plage. Les porteurs trottent; d' un geste habile ils délestent la tête et rampent, la charge dans les bras, sous ou sur les obstacles, sans diminuer pour cela le rythme de la marche... ni celle de leurs jacasseries de perroquet auxquelles les interpelés répondent par monosyllabes: « Hi »... tantôt aigus de sopranos, « Eh »... tantôt profonds de baryton, « Euh »...

Un faux pas est accompagné d' un « nh » strident pour être suivi d' un « Euh » rassurant qui tranquillise immédiatement le conférencier, inquiet non pas du faux-pas du partenaire, mais de ne pouvoir continuer la conversation. Nous cheminons dans la forêt à l' ombre des grands arbres, alors qu' une petite brise venant, on ne sait d' où, vient vous rafraîchir le visage. Mais la forêt parfois entre en lutte avec la jungle et perd la bataille. Le sentier alors disparaît dans des amas de fougères, hauteur d' hommes, repaire des boas constric-teurs redoutés dans le Kilima-Ndjaro surtout à cause de leur cri d' attaque terrifiant: « Aôuh ». Combien de ces reptiles avons-nous frôlés durant nos différentes ascensions? Cachés sur un sol où l' œil ne peut rien distinguer, ils sont bien à l' abri de la guerre que l' homme et les animaux leur ont déclarée. Si vous tuez un serpent en plaine, ne soyez pas étonné de voir les poules, les canards, les ânes même, se précipiter sur cette odieuse création de la nature et vous aider à l' exterminer. Sur cette question il n' y a qu' à se fier aux indigènes dont les yeux experts savent voir là où les nôtres ne discernent rien. Après quatre heures de marche, la Bismarckhütte, placée dans une clairière près d' un ruisseau, offre à ceux que la marche a mis en transpiration sa réconfortante fraîcheur.

Le club de montagne de l' Est africain entretient avec soin les huttes construites par les Allemands. D' habitude les touristes du Kibo campent à la Bismarckhütte ( 2400 m. ) Cependant, désireux de gagner du temps, nous brûlons cette station. Il faudra quatre heures encore pour arriver à la Petershütte... mais quelles quatre heures! Après s' être glissé pendant une heure encore dans une végétation de plus en plus désordonnée, le sentier, tout à coup, débouche sur une nouvelle zone. Un ciel spacieux et des alpages immenses abandonnés aux antilopes-élans s' ouvrent à nous. Exquise brise rafraîchissante qui caresse des fronts surchauffés. Ce ciel-là est plus clément. Adieu les averses, les orages, les ouragans. Ici sérénité des hauteurs. Des scabieuses, des essais de gentianes, des orchidées de nos Alpes, des immortelles rouges, roses, blanches, des renonculacées connues se trouvent là réunies pour rappeler à l' hôte européen que la nature aime à se répéter. Heures exquises de marche sous cette brise chargée de senteurs familières. Puis les arbres s' espacent, se rabougrissent. L' herbe, d' abord haute, se fait plus courte, ici commence le règne de la bruyère et du calodendron, le rhododendron d' Afrique à fleurs d' artichaut. La distance jusqu' à la Petershütte semble interminable. Combien la lumière africaine trompe, elle pourtant si limpide! Impossible d' évaluer les distances. Enfin, à la tombée du jour, la cabane nous accueille à ses 3800 m. 19' Die Alpen — 1937 — Les Alpes.19 d' altitude. Une douce paix nous enveloppe tandis qu' au de nous un orage terrible s' abat sur la zone tragique.

Dès 6 heures du matin nos dix porteurs sont en état de marche. Etat de marche ne veut pas dire: prêts au départ, car la distribution des charges est toujours une besogne fastidieuse à cause des palabres sans fin auxquelles elle donne prise. Grand Dieu, comment se débrouiller avec cet idiome souahéli? Mon calepin peu à peu se couvre d' expressions souahéli, de sorte qu' à la fin de l' expédition du Kenya il nous sera possible de nous entretenir de façon satisfaisante avec les noirs. Pour le moment nous en sommes loin et si nous savons dire « Jambo » bonjour et « maji » eau, il y a encore loin pour nous débrouiller avec les heures du jour que les noirs comptent tout à fait différemment. La première heure du jour, c' est la première heure du travail après le lever. Ceci met notre cervelle en ebullition mathématique, exercice auquel de ma vie je ne me suis livré avec grâce. Mais il ne faut jamais se fâcher avec les noirs. Ce sont de grands enfants qui veulent qu' un blanc reste toujours maître de lui. Quand enfin la colonne est prête au départ, j' assiste aux ébats les plus ahurissants du guide Mlombaré qui, pour la première fois de sa vie probablement, fait connaissance avec le « Rucksack », une courroie passe sur une jambe, quant à l' autre il cherche à la tirer sur l' épaule et ceci lui fait faire des contorsions telles que l' idée me prend de le recommander à la radio pour exercices physiques du matin; premier mouvement: passez le pied dans la courroie du « Rucksack »; deuxième mouvement: cherchez à rejoindre de l' épaule la deuxième courroie; troisième mouvement: courbez-vous, roulez-vous en boule, pliez l' échiné, rentrez le derrière, sortez le ventre, voilà certes un exercice excellent, par contre assez impatientant puisque soudain Mlombaré explose:,.

Couic, couic, couic, couac, couac, couac, glou, glou, glou; ça veut dire: « Sainte Barbe! » si je ne me trompe.

Enfin à 7 heures la troupe se trouve de nouveau dans les bruyères auxquelles se mêlent les curieux séneçons, des choux posés sur des troncs d' arbre. A 4600 m. la végétation se meurt. Lentement le Mawenzi s' est dégagé des collines qui cachaient sa base. Il nous présente sa paroi Est qui nous rappelle quelque peu un paysage dolomitique. Pas de neige, pas de glace sur cette face! Mais quand, en arrivant au col, nous pouvons parcourir du regard la paroi Ouest, celle que nous nous proposons de gravir, nous ne pouvons retenir une exclamation. Superbe montagne avec des couloirs, des arêtes, de la glace, des pics! Une montagne pour enfants gâtés, où l'on peut s' amuser avec le piolet, les crampons et les rappels de corde. Quelle belle partie en perspective! Quant au Kibo, il y a longtemps que nous avons sa coupole byzantine sous les yeux. Il y a longtemps aussi que nous avons reconnu les pentes de sable et de laves qu' il faudra gravir pour arriver tout en haut, là où une arête de rochers ( Gillmannspitze ) semble se confondre avec le ciel après avoir entamé la continuité de la calotte glaciaire qui recouvre le cratère.

Le Kibo nous fait faire la moue: les souvenirs douloureux du Pic d' Orizaba se répéteront demain sur cette pente sans pitié. En attendant, l' air est d' une sécheresse qui fait mal aux amygdales. Ce plaisir ne fera que croître au fur et à mesure que nous nous approcherons de la Kibohütte ( 5000 m. ). Près du col se trouvent deux collines couvertes de pierres rouges. Les indigènes les appellent Kilima ya Moto ou montagnes de feu. C' est là que s' effectuèrent autrefois des sacrifices aux divinités du feu. De même que les Indiens au pied du Popocatepetl, les Massais invoquaient Vulcain au pied du Kilima-Ndjaro. Non loin du refuge nous passons près de la Hans-Meier-Höhle, grotte qui porte encore les traces des nombreux bivouacs qu' elle hébergea. La Kibohütte est en fort bon état. Elle nous a réservé ses faveurs mais aussi une première nuit fort agitée. Oppression respiratoire, bouche pâteuse, amygdales enflammées, froid qui augmenta jusqu' à —6°. Mais on s' habitue à tout, et quelques jours plus tard, en retournant à cette même cabane, nous ne devions plus ressentir aucun inconvénient.

A 4 heures du matin l' air est froid et limpide, l' aube pointe à peine. Le soleil est encore loin d' embraser ce sol désolé. C' est l' heure favorable pour partir à l' assaut de la grande cime africaine. Nous nous élançons pleins de fougue, la lanterne à la main, sur les pentes de cendres et de sables. La fougue se maintient jusqu' à 5500 m. Elle diminue d' inquiétante façon à partir de 5600 m. Rien d' autre à faire que de « changer de vitesse » et de rythmer chaque pas avec la respiration. Ainsi on avance, mais si lentement que l'on voit à peine le progrès de l' ascension. Heures désolantes. Marcher à quatre pattes est un excellent moyen d' alterner avec la marche bipède et qui semble apporter quelque soulagement au cœur et à la respiration haletante. La circulation se répartit mieux dans les quatre membres et décharge quelque peu celle des jambes.

Le soleil se lève, enveloppé d' une poudre d' ocre, et, lorsqu' après avoir illuminé de rose la couronne glacée du Kibo, il nous rejoint sur les pentes, nous ne sommes pas éloignés de la Johannesscharte. A 8 heures et quart nous l' atteignons, à 8 heures et demie nous nous trouvons dans un état assez misérable sur la Johannesspitze à 5860 m. Quelle vision! Le cratère, couvert de neige sur tout son bord, mesure près de 7 km. de tour. La Kaiser-Wilhelm-Spitze prolongée par la Furtwänglerspitze nous fait face avec sa paroi de rochers striés horizontalement. Une solution de continuité du cratère laisse le regard errer à travers cette brèche sur les grandes plaines rousses et vertes et le Lac d' Amboseli qui s' étale en dessin géométrique.

D' un bond l' arête, interrompue par la brèche du cratère, repart sur la droite en un hémicycle laissant baver sur ses bords les glaciers de Peuch, de Drygalski, de Credner. Elle rejoint la Johannesscharte à la Leopardspitze après avoir subi auparavant un fléchissement NE, la Hans-Meier-Scharte.

Sur notre gauche, l' arête s' élève progressivement de la Gillmannspitze ( 5865 m .) aux Bismarcktürme, de là au Stella Point, à la Hans-Meier-Spitze ( 6000 m .), puis au point culminant, la Kaiser-Wilhelm-Spitze ( 6010 m .), et pour KILIMA-NDJARO ET MAWENZI.

s' abaisser de quelques mètres à la Furtwänglerspitze où s' ouvre la grande brèche.

Au SO le Mérou, volcan couvert de forêts sombres, mais au cratère évasé, prend, malgré ses 4400 m ., les proportions d' un nain. A son pied étincelle un petit lac rectangulaire. Plus loin les crêtes du Longido et enfin bien loin au N émerge la pyramide du Kenya dans un halo de vapeurs.

Mais regardons à l' intérieur du cratère où d' énormes séracs ont coulé leur glace, transparence de verre, le fond est la plus improvisée des verreries: pipettes alignées et sériées de 2 m. de haut, tuyaux d' orgues debout sur le sol de lave durcie. Trône merveilleux de plus de 80 m. de haut dont les diaman-teries cascadent. Serait-ce là le tombeau et le vrai trône de Ménélik Ier qui, Kaiser WilhelmSpi/ïe 6OIO FurtWénqler Sn' ttze 6003 r e Breche ftwänqler \ .—. ?'Ir Vue plongeante sur la moitié vSud du Craféne du Kibo V Kibo Hüne selon la légende abyssine, alla chercher la mort au Kibo, lorsqu' il fut trop vieux pour régner?

Tout ce spectacle est trop extraordinaire pour que nous nous contentions d' un seul essai d' escalade.

Notre deuxième tentative, deux jours après l' ascension du Mawenzi, nous amène cette fois non pas à la Johannesscharte mais droit sur la Leopardspitze. Ici une parenthèse s' impose pour expliquer le nom de cette pointe. Le Dr Reusch découvrit un jour sur ce sommet le cadavre d' un léopard enserré par les glaces. A près de 6000 m. cela semblait étonnant I Cependant, en cherchant encore, il découvrit plus loin un bouquetin, lui aussi gelé. La partie de chasse du léopard s' était terminée dans une bourrasque de neige qui avait enseveli agresseur et fuyard.

Mais revenons à la Leopardspitze. De là il est aisé de descendre, grâce à un névé, jusqu' au fond du cratère, en longeant les parois impressionnantes du glacier de la brèche Meier. Notre caravane en partie équipée de skis dévale la pente, puis traverse le fond du Kibo dans tout son diamètre Est-Ouest. Les pipettes de glace alignées dont nous parlions plus haut, cette fois sont peu reconnaissables. Ce sont des pénitentes en voie de désintégration. Le trône de Ménélik, au fur et à mesure de notre descente prend des proportions colossales et vraiment merveilleuses de style byzantin, trône massif ciselé en colonnettes longitudinales d' un art exquis. La caravane laisse à droite cet « Eisdom », puis plus loin le glacier Furtwängler qui, lui aussi, est indépendant, pour gagner à l' autre extrémité du cratère un couloir assez raide de plus de 200 m. de hauteur entre la Furtwänglerspitze et la Kaiser-Wilhelm-Spitze. Celui-ci est couvert de neige poudreuse où raquettes et skis sont d' une complète inutilité. Nous enfonçons dans la neige jusqu' à mi-corps. Efforts inimaginables! Les héros de la scène furent certainement les deux porteurs noirs. Tout en montant, je cherche à voir le curieux glacier central circulaire remplissant l' ancien cratère actif par étages. Hélas, le piéton ne peut en avoir qu' un aperçu très vague. Il faut l' avion de Mittelholzer pour enfin arriver à embrasser tous ces fragments de glaciers dans leur ensemble et voir la vraie forme circulaire étagée du cratère central.

L' altitude de la Kaiser-Wilhelm-Spitze est variable. Sur la carte elle est de 6010 m ., notre altimètre marque 6008 m.

Ail heures et demie la chaleur à cette altitude est déjà suffisante pour faire fondre la neige, et la marche devient pénible. J' envie mon compagnon avec ses skis courts. Il file à grande allure vers la Gillmannspitze tandis que je patauge sur mes raquettes de la Hans-Meier-Spitze ( 6005 m .) à Stella Point ( gendarme 5950 m .), puis vers les Bismarcktürme ( 5880 m. ). Après 4 km. de marche, sous un soleil enragé, je retrouve mon camarade à la Gillmannspitze à 1 heure et demie. L' altimètre se comporte fort mal... Il paraît qu' ils s' affolent tous sur le Kibo, de sorte que la hauteur exacte de toutes ces pointes n' a jamais pu être établie avec certitude.

II. Mawenzi.

16 janvier 1937, avec M. P. Ghiglione ( C.A.I. ).

Le Mawenzi ne ressemble en rien à son grand aîné le Kibo dont la forme en cône tronqué est classique. Le Mawenzi, ce sont les restes d' un volcan où il est difficile de distinguer cratère et bouchon, tant il a pris la forme d' une chaîne de montagne, comparable dans sa partie septentrionale à certaines arêtes du massif du Mont Blanc et dans sa partie méridionale à des formations dolomitiques.

La chaîne principale du Mawenzi subit une angulation dont la première partie est orientée N—S et la deuxième NO—SE. La plus haute cime, la plus septentrionale, est la Hans-Meier-Spitze, à 5350 m. d' altitude. Non loin, l' Aiguille Purtscheller, 5320 m ., dresse ses cimes jumelles, continuées vers le Sud par un sommet carré: le Lathamspitze, et par une série d' aiguilles plus petites ressemblant aux Dames Anglaises du massif du Mont Blanc.

Comme point de départ de l' ascension on peut choisir à volonté la Kibo-hiitte ( 5000 m .), si l'on vient de gravir le Kibo, ou la Petershütte ( 3800 m .), car il faut compter deux heures et demie de marche, de ces deux cabanes, jusqu' à pied d' œuvre. Dans le premier cas l' avantage de la descente, vers le plateau, est compensé par l' inconvénient d' une nuit à haute altitude où le froid et la sécheresse incommodent le sommeil. Dans le deuxième cas la nuit confortable est payée par une montée de 800 m dans un terrain vallonné et passablement bouleversé. Dans cette alternative nous avons choisi la deuxième solution, notre corps ayant gardé un souvenir assez brutal des deux nuits passées à la Kibohütte. C' est ainsi que le 16 janvier 1937 notre caravane en sempiternel mouvement se retrouvait à 6 heures du matin sur le chemin du Kibo. Peu avant l' arrivée au col il faut quitter le sentier et obliquer résolument vers le point NO d' une arête latérale qui descend de la Meier-spitze en s' incurvant, ménageant derrière elle un grand couloir qu' elle interrompt à mi-hauteur. C' est ce couloir qu' il faudra rejoindre. Par où? Voilà la question qui se posait à notre arrivée près des parois dont l' élan vertical semble interdire tout passage. Je devinais une vire sur laquelle je voulus m' engager, mais le guide m' en dissuada en m' indiquant à un quart d' heure de distance et, un peu en retrait, un point faible de l' arête, par où il est plus aisé de grimper. J' appris plus tard qu' en suivant mon idée première nous aurions raccourci la durée de la montée de près de trois quarts d' heure, économie de temps fort appréciable, quand on s' attaque à des montagnes où la rapide formation des nuages risque de faire échec. En effet, le problème n' est pas si simple; c' est d' ailleurs la raison pour laquelle le Mawenzi, assez mal exploré, n' a été ascensionné que par 6 caravanes. Klöte et Oehler firent en juin 1912 la première ascension NO de la Hans-Meier-Spitze. Cette route devait rester l' ascension classique, car Furtwängler et König suivirent en décembre 1912 le même chemin. En juillet 1927 M. West accompagné de Miss Gh. Macdonald firent la troisième ascension. Le Dr Reusch en janvier 1928 et en décembre 1934 suivit la même route, puis après lui Krame et Schott en 1935.

Quant aux Aiguilles Purtscheller, elles furent escaladées par Hans Meier et Purtscheller en 1889 par erreur, ceux-ci croyant s' adresser au sommet le plus élevé.

Presque tous ceux qui ont visité le Mawenzi ont mal parlé de cette montagne qui, pourtant, offre le plus grand intérêt alpinistique. Les uns se sont plaints de la roche délitée et branlante, les autres de la glace et de la neige traîtresses. Quant à nous, nous avons attaqué une arête NO certes de mauvaise qualité, mais en pénétrant dans le grand couloir central un spectacle d' alpinisme tout à fait enthousiasmant s' est offert à nos yeux. Sur les bords du couloir s' étagent des névés élégants, qu' avec un peu d' expérience il est aisé de gravir en grande partie grâce à la neige croûteuse du matin. Deux difficultés respectables s' opposent à la progression: la première est lenfessaut d' une cascade complètement gelée peu au-dessus de l' entrée du couloir. Il faut tailler des marches dans les stalactites de glace et vaincre ainsi KILIMA-NDJARO ET MAWENZI.

l' obstacle de front, à moins que I' on se décide à le contourner, si les circonstances le permettent, sur la droite d' une tour. Le deuxième obstacle se trouve au dernier tiers du couloir et est formé encore par un barrage de glace.

Après avoir gravi à coups de piolet la première cascade, nous tirons fortement à droite sur le névé, ce qui nous oblige à grimper bientôt en verticale dans une roche tenant bon sous la main jusque sur le pic vierge de l' arête. A nous cette pointe qui se découpe sur le ciel! A nous ses arêtes tranchantes que nous chevauchons! Notre enthousiasme nous fait faire des sottises, je m' empresse de le dire, car il eût été plus aisé de passer au pied de ce pic et de gagner, sur des vires de neige, le névé supérieur. Nous aurions ainsi économisé du temps et des forces. Mais comment donc résister à l' appel d' un rocher Hans A\eier Spitze Twin PeaKs ou Purtscheller 5p. Laltiam Sp.

race-Ouesr

loyal et sain, même s' il est enneigé? En arrivant au névé supérieur, au-dessus de la deuxième cascade, la partie était gagnée, car, soudain, il se fit un trou dans la muraille de roches qui, vue d' en bas, semblait barrer le haut du couloir. C' était le col, flanqué de deux pics, l' un une pyramide, l' autre un château-fort. Lequel est le bon sommet? Nous attaquons celui de gauche pour constater qu' il n' est pas la cime. Nous nous adressons, pleins d' espoir, à celui de droite pour rester encore plein de doute. Une troisième pointe nous invite à la gravir et, ô joie, après de minutieuses recherches, il est possible de découvrir une bouteille dans la faille d' un rocher. Un papier illisible porte les noms de la caravane précédente.

De ce belvédère la chaîne du Mawenzi a bien l' aspect de nos hautes Alpes. Non loin, mais séparées par l' abîme d' un profond couloir enneigé, les deux cimes jumelles de Purtscheller, caparaçonnées de glace et de neige, ont grand air. Elles sont très tentantes. Nous calculons les heures supplémentaires que cette nouvelle tentative nous demanderait, hélas, pour arriver à des conclusions navrantes en constatant l' état déplorable de la roche pourrie.

KILIMA-NDJARO ET MAWENZI.

A ces altitudes les forces humaines sont vite épuisées et lutter de vitesse avec les brouillards sur un terrain si peu connu ne nous vient pas à l' esprit. D' autre part il est 13 heures et le soleil rend la neige des couloirs de plus en plus menaçante. Quand on a mis sa carcasse en périlleuse situation, rien de H a ns Meier Spitze

Route suivie«.

Détail du couloir NO du Mawenzi.

mieux que de la tirer de là au plus court. Le plus court c' est, décidément, notre couloir, la corde, des pitons pour les rappels... et lorsque les brouillards, à 16 heures, enveloppent hermétiquement les sommets, nous nous trouvons déjà auprès de nos noirs qui, avec leurs yeux de lynx, ont suivi notre ascension avec anxiété.

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