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Les variations des glaciers des Alpes suisses en 1953

Hinweis: Questo articolo è disponibile in un'unica lingua. In passato, gli annuari non venivano tradotti.

Avec 4 illustrations ( 80-83Par P.L. Mercantali et A. Renaud

L' enneigement alpin 1952/53 L' hiver 1952/53 fut extraordinairement précoce. En septembre déjà, la température de l' air s' abaissa en plaine de 2 à 3 degrés au-dessous de la moyenne et même de 3,6 degrés au Säntis ( 2500 m. ). La nébulosité fut très forte et les précipitations supérieures à la moyenne. On se rappelle ( cf. rapport précédent ) que les contrôles glaciaires et nivométriques en furent considérablement gênés.

Octobre n' apporta guère d' amélioration et novembre reçut d' abondantes précipitations: on nota 4,4 m. de neige au Säntis au milieu du mois, ce qui ne s' était encore jamais vu. Décembre ne modifia pas la situation, de telle sorte que Venneigement alpin hivernal fut précoce et abondant.

Les mois de janvier et février furent très froids, notamment en Valais. Au Säntis, le maximum d' enneigement fut atteint le 8 février ( 5,8 m. ). Aux Clarides et à la Suvretta, le maximum fut relevé en avril et sur le Jungfraufirn à la fin de juin ( 5,37 m .) à la suite d' une période très froide et très riche en précipitations de haute montagne. La fonte se fit dès juillet, et les mois chauds d' août et septembre l' activèrent sans toutefois dégarnir beaucoup les névés qui restèrent tout l' été assez peu crevassés.

Les relevés nivométriques de fin septembre 1953 se firent dans de bonnes conditions et permirent en divers points de reconstituer les observations incomplètes de l' année précédente. C' est la raison pour laquelle les tableaux annexes complètent les lacunes que présentaient les précédents. Leur établissement détaillé est dû aux observations aimablement communiquées par MM. Kasser ( Aletsch ), Kuhn ( Clarides et Suvretta ) 1, Reber ( Diablerets ) et au personnel du Chemin de fer de la Jungfrau, que nous remercions.

De l' ensemble des observations faite, il convient de relever spécialement celle du Jungfraufirn ( 3350 m .) qui met en évidence un résidu d' accumulation de 4,18 m. de névé équivalent à 2,40 m. d' eau. En ce point, le niveau s' est relevé de 1,25 m. depuis 1950 ainsi qu' il ressort des trois derniers rapports de M. Kasser. Ces observations sont corroborées par les indications des nivomètres de FEismeer et des Diablerets qui confirment une tendance à une amélioration de l' alimentation des névés-réservoirs.

La nivologie scientifique a toujours davantage d' importance pour la glaciologie et l' hydrologie. Aussi convient-il de rappeler ici la mémoire du professeur Maurice Lugeon ( 1870-1953 ) qui en fut un des pionniers. En effet, de 1897 à 1906, il collabora aux rapports sur les variations des glaciers s' occupant spécialement de l' enneigement alpin dont son esprit si largement ouvert avait saisi toute l' importance. Avec F.A. Forel, il signa une circulaire publiée dans l' Echo des Alpes et Y Alpina sollicitant la collaboration des clubistes à la récolte d' observations sur « le recul de la limite du névé ». Il fit également partie de la Commission helvétique des glaciers et fut un des promoteurs de la Conférence de la Commission internationale des glaciers au Glacier du Rhône en 1899.

1 Der Firnzuwachs pro 1952/53 in einigen schweizerischen Firngebieten. XL. Bericht. Vierteljahrschrift der Naturforschenden Gesellschaft in Zürich, XCVIII ( 1953 ).

Qu' il me soit permis d' ajouter à ce rappel historique l' établissement du premier nivomètre en 1902 au Col d' Orny, par les soins de M. Mercanton et avec l' appui de la Section des Diablerets.A. Renaud La débâcle glaciaire d' Almagell Le 21 juillet 1953, par une belle et chaude journée d' été, les eaux du Torrent d' Almagell soudainement grossies et charriant des masses de boue et de gros blocs d' éboulis firent brusquement irruption en aval de Saas-Almagell, y causant d' importants dégâts. Après avoir anéanti des prés et des terres cultivées, menacé quelques habitations, la coulée s' étala jusqu' à la Viège de Saas, recouvrant la route, sur plus de 100 mètres, d' une épaisse couche de matériaux dont le déblaiement, immédiatement entrepris, n' était pas encore terminé à la fin d' août.

Cette brusque crue torrentielle ne s' explique pas par des précipitations anormales, mais bien plutôt par la brusque vidange d' un lac glaciaire temporaire. En effet, lors d' une reconnaissance effectuée le 20 août, j' ai découvert sur le petit Glacier de Rottal au pied sud du Weissmies, à l' altitude de 3080 m ., les traces d' un lac temporaire qui s' était sans doute formé au printemps, puis s' était vidé d' un coup par le fond à la suite de l' élévation de température qui se manifesta vers le 20 juillet.

Dissimulé partiellement sous d' épaisses moraines, ce glacier est peut-être plus étendu que ne le montre la Feuille 569 de la Carte Nationale et son déversoir dans la glace et sous les débris morainiques a un cours assez compliqué pour expliquer une obstruction passagère par des bouchons de vieille neige ou d' autres matériaux. La vidange de ce lac supérieur s' est faite dans un lac inférieur situé dans la moraine 400 m. en aval et 100 m. plus bas à la cote 2980 m. La carte le figure avec 200 m. de long et 70 m. de largeur maximale, tel que je l' ai trouvé. Lorsqu' il reçut les eaux du lac supérieur, son niveau s' éleva de 0,5 à 1 m. au maximum, mais cela suffit, semble-t-il, pour que le déversement plus rapide de ses eaux par-dessus le barrage morainique provoquât un affouillement intensif du talus aval qui finit par céder, quelque 10 000 mètres cubes d' eau entraînant avec eux une partie de la moraine.

Cette masse, lancée aussitôt sur une pente de 50%, acquit une énergie cinétique énorme, mit à nu la gorge supérieure, ravagea l' Alpe d' Almagell en jetant des blocs à la porte même du petit hôtel de montagne, emporta naturellement les ponts, se précipita dans la cascade qui domine Saas-Almagell pour s' étaler enfin en aval du village.

Il n' y eut heureusement pas de victimes, les montagnards paraissant s' être tenus sur leurs gardes, à la suite de quelques signes précurseurs dans l' allure du torrent. Il n' en demeure pas moins que les circonstances fortuites qui ont permis la formation du lac supérieur pourraient se renouveler et conduire à la répétition de cet accident. Une surveillance de ce glacier ne serait donc pas superflue.A. Renaud Variation d' altitude des fronts glaciaires Dans un massif de relief accentué et très découpé comme celui de nos Alpes, les variations de longueur des glaciers s' accompagnent généralement d' un changement de la cote d' extrémité de la langue glaciaire. Ce changement dépend de deux facteurs principaux: l' apport des glaces au front et leur dissipation d' une part, la pente du lit au front d' autre part et sa configuration. La cote d' un glacier en retrait s' accroît; elle diminue si le glacier gagne vers l' aval. A défaut de mesures directes des variations de longueur des glaciers, ces changements d' altitudes frontales peuvent renseigner sur le régime d' un ensemble glaciaire durant un laps de temps de quelque importance.

Avec l' aide de M. Alberto de Chastonay, le soussigné a pu mener à bien la comparaison des altitudes frontales d' un nombre satisfaisant de glaciers suisses offrant des langues bien caractérisées telles que les cartes topographiques de la Suisse les présentent ( Atlas Siegfried vers 1877 et Carte Nationale nouvelle vers 1932 ). Les cotes terminales vers 1877 sont celles qu' a données Jegerlehner dans son Mémoire ( Die Schneegrenze in den Gletschergebieten der Schweiz, Berne 1901 ). Les cotes de l' époque 1932 ont été prises sur la Nouvelle Carte Nationale par M. de Chastonay, soit qu' elles y fussent marquées, soit en usant des isohypses locales. Voici donc les cotes moyennes pour 165 glaciers se prêtant à la comparaison:

Epoque 1877 environ ( Jegerlehner ), cote moyenne... 2317 m.

Epoque 1932 ( Carte Nationale ), cote moyenne 2246 m.

Soit une remontée moyenne des fronts de 71 m.

En outre, et pour 1932, 69 autres fronts s' ajoutant aux premiers ont fourni la cote moyenne 2382 m. qui pourra servir de base à d' ultérieures comparaisons. Il va sans dire que le critère de variations glaciaires ici indiqué ne saurait se substituer à celui des mesures de longueurs directes pour une période courte et des glaciers peu nombreux. Il faut le réserver à des ensembles et des laps de temps notables.P.L. Mercanton La « vraie source du Rhône » Les habitants de nos Alpes ont de tous temps nourri un préjugé défavorable à l' égard des eaux s' échappant d' un glacier. Richement dotés d' eau de source limpide, à température agréable, ils n' ont que faire de ces eaux glaciaires, réduites à un simple filet quand elles sont claires, en hiver; souvent inaccessibles d' ailleurs ou limoneuses en été alors qu' elles surabondent. Cette « Gletschermilch » ne vaut rien pour l' usage domestique et peut servir tout au plus à l' irrigation. De là à croire l' eau du glacier malsaine il n' y avait qu' un pas. Ce préjugé dont Scheuchzer se gaussait voici deux siècles déjà, s' est bien atténué de nos jours. Mais quand à proximité d' un glacier sourd une eau constamment à + 17°9 centigrades, comme à Gletsch, on comprend qu' on la puisse qualifier aujourd'hui encore de « vraie source du grand fleuve Rhône ».

Intarissable, elle maintient à l' abri du gel et de l' enneigement les abords de sa vasque par ses divers filets, de températures légèrement diverses, mais dont les plus abondants ont 17°9 centigrades, mesurés en 1783 par de Saussure et retrouvés en 1870 par Charles Dufour, degrés que le soussigné a constaté aussi maintes fois au cours du présent demi-siècle. De grandes pannes vertes d' algues filamenteuses se développent dans cette eau légèrement sulfureuse, abritant durant la belle saison un grouillis de têtards. Un muret barre l' écoule de la source formant prise d' eau au profit de la buanderie de l' Hotel Seiler tout proche. La source jaillit en effet de la rocaille au pied du Nägelisgrätli, à 1775 m. d' altitude, entre le promontoire rocheux où s' adosse l' hôtel et celui plus à l' ouest qu' escalade la route naissante du Grimsel. Le lagot n' a guère de 3 m. de diamètre et un demi-mètre de profondeur; ses eaux limpides, aussitôt polluées ignominieusement par notre civilisation matérialiste vont rejoindre les masses orgueilleuses du puissant torrent, né à 2 km. de là et 500 m. plus haut, du Grand Glacier, en face du Belvédère.

Viendra peut-être le jour où ces masses bouillonnantes noieront tout le Vallon de Gletsch pour alimenter quelque usine hydroélectrique. Alors la « vraie source du Rhône », la source chaude des Besson, des de Saussure, des Charles Dufour, ne sera plus qu' un souvenir charmant. Puissent ces lignes le prolonger un temps.P.L. Mercanton Chronique des glaciers suisses en 1953 L' automne 1953 a été heureusement plus favorable aux contrôles glaciaires que celui de 1952, et nous avons des données valables pour 76 appareils, au lieu des 49 seulement en 1952, données recueillies pour la plupart par les agents forestiers cantonaux, mais provenant également des membres de la Commission helvétique des Glaciers, de leurs collaborateurs bénévoles, avec le concours éventuel de nos entreprises hydroélectriques: à celle de la Grande Dixence s' est jointe celle du Mauvoisin ( Electrowatt, Zurich ). Nous remercions ici tous ces collaborateurs. Comme l' an dernier, nous devons réserver encore le détail des chiffres de variations à un tirage à part des Alpes, lequel sera mis libéralement à la disposition des intéressés, par l' entremise de la Commission des Glaciers 1. Ils y trouveront également les précieuses mesures que M. Flotron exécute année après année pour les Forces Motrices de FOberhasli ( OKW ). Nous nous bornerons ici à signaler et à décrire sommairement les particularités les plus frappantes qu' ont offertes nos glaciers de 1952-1953.

L' aspect et les dimensions de la langue du Glacier du Rhône n' ont pas changé depuis 1952; le front est demeuré nettement stationnaire. Au Belvédère, M. Turini, concessionnaire de la Grotte de Glace, a mesuré 9 m. du bord gauche du glacier au repère de 1951, dans la direction de l' ancien repère plombé. Le Rhône persiste à s' échapper du bord droit du glacier sous l' Obersaas, à la hauteur du Belvédère.Mercanton ) Au Gratschlucht, le liséré frontal sur le promontoire morainique médian, au droit du repère de 1948, a encore reculé de 19 m ., en même temps que les deux languettes qui descendent de part et d' autre du promontoire se sont sensiblement raccourcies. Il n' y avait plus trace neige en aval sur la terrasse du chemin militaire.Mercanton ) Au Grand Glacier d' Aletsch, la campagne du groupe Haefeli, Kasser et consorts conduite par M. Kasser, intéresse maintenant toute la longueur du glacier. La limite du névé était entre 2900 et 3000 m. au début de septembre. Les mesures d' ablation ont donné les résultats suivants:

Profil Concordia ( 2700 m.)1,95-2,3 m.

» Märjelen ( 2400 m.)3,7 -4,35 m.

» Zenbächen ( 2000 m.)7,8 -8,4 m.

Des balises d' ablation en bois longues de 30 m. ont été placées à l' extrémité du glacier, vers 1600 m ., à l' aide d' un forage thermique. Quant aux vitesses superficielles, elles ont été sur l' axe du glacier, aux altitudes de:

2930 m.

moyenne 1950/52 2850 m.

» 1950/52 Concordia 2700 m.

» 1950/52 2580 m.

» 1950/52 Märjelen 2400 m.

» 1950/51 Zenbächen 2030 m.

» 1951/52 Wald 1770 m.

» 1951/52 28,7 cm. par jour, soit 104,75 m. par an 21,6 » » » » 78,84 m. » » 52,3 » » » » 191,00 m. » » 51,3 » » » » 187,25 m. » » 39,0 » » » » 142,35 m. » » 34,0 » » » » 124,10 m. » » 23,0 » » » »83,95 m. » » Du 20 au 23 juillet 1953 un parti de glaciologues de la Société Hydrotechnique de France, présidée par M. Barrillon, membre de l' Institut, auquel s' était joint le professeur Vanni, du « Comitato Glaciologia ) Italiano » à Turin, a descendu tout le cours du Grand-Aletsch, sous la conduite de MM. Kasser et Renaud, de la Commission helvétique. Nos visiteurs n' ont pas caché leur considération admirative pour l' entreprise d' investigation 1 S' adresser à A. Renaud, Avenue Dapples 17, Lausanne.

systématique à notre glacier majeur que le professeur Haefeli poursuit depuis plus de dix ans, avec ses collaborateurs si compétents.

Au Glacier de Zmutt la décrue a atteint de 1951 à 1953 51 m ., soit 25,5 m. par an, valeurs doubles de celles observées antérieurement. M. Maag assumera désormais le soin de surveiller le glacier, de même que celui de Findelen.Renaud et Maag ) Le Corbassière a perdu 114,5 m. en trois ans ( 1950-53 ). ( Electrowatt et Paréjas ) M. Jean-Louis Blanc, qui a établi des repères au Glacier de Breney l' a trouvé en décrue de 7 m.

La campagne aux deux glaciers de Grindelwald a été faite les 24 et 25 octobre 1953, par MM. Jost, Boss et W. Brunner. Ils ont trouvé le Glacier Supérieur très en retrait encore, tant sur la tête rocheuse qu' escaladent les échelles menant à la grotte, que dans la profonde gorge où il a son extrémité ( 67 m. depuis 1951 ). Le contrôle est très ardu. Au Glacier Inférieur, le recul frontal sur la gorge a été énorme: 63 m. en une seule année. Le cryocinémètre, ancré au voisinage de la grotte, a indiqué des vitesses d' écoulement assez changeantes d' une heure à l' autre dont la moyenne serait 1,0 cm./jour ( 0,7 à 1,6 ), donnant environ 4 m. par an pour l' arrivée des glaces au front. Les observateurs ont pu s' avancer dans la gorge même jusqu' au voisinage de l' extrémité glaciaire laquelle n' a présenté rien que d' usuel. M. Boss assumera désormais le soin des contrôles.W. Jost, Boss et W. Brunner ) Septembre 1953, au rebours du précédent, a été très favorable aux opérations de M. l' in Flotron aux Glaciers de VAar. Il a retrouvé tout à fait dégagés les repères cachés sous la neige en 1952. On trouvera donc dans les Tableaux annexes des résultats de deux ans pour les profils élevés des glaciers.

Au Glacier Inférieur, l' eau a atteint le front le 28 juillet. L' ennoyage maximum s' est maintenu du 12 août 1953 au 25 octobre, soit pendant 74 jours, sur 250 m. d' étendue, donc 52 jours de plus que l' année précédente. L' immersion plus ou moins complète a duré en tout 126 jours et a pris fin le ler décembre 1953. Le recul moyen de l' année a été de 10,5 m. Le front avait 480 m. de largeur, le recul du front a été maximum au nord par 30 m. Il a été d' ailleurs irrégulier, comme toujours, et s' est mué même en avances en diverses régions centrales et méridionales où cette poussée a atteint une dizaine de mètres. Le portail qui s' est déplacé de 40 m. vers le nord, avait entre 1 et 2 m. de hauteur. Quant à la falaise terminale, elle avait 30 m. de hauteur en moyenne. Le glacier a libéré encore 5048 m2 de terrain, soit 7348 m2 de moins qu' en 1952.

Le front n' est plus qu' à 70 m. du profil du Brandlamm Inférieur devenu très malaisé à contrôler.

Le Bloc Hugi est à 409,6 m. du profil du Brandlamm Supérieur; il a marché à la même vitesse que la glace.

Sur le profil Pavillon Dollfus la vitesse superficielle a dépassé de 2 m. le chiffre de 1952 sur une longueur de 60 m. au milieu du glacier; elle a diminué sur les marges. L' affluent du Lauteraar s' est déneigé jusqu' à 300-400 m. en amont du profil.

A YOberaar, le lac de barrage a été formé pour la première fois; les eaux ont atteint le glacier le 3 août 1953 à l' altitude de 2265,10 m ., elles ont eu leur cote maximum, 2280 m ., le 21 octobre et y sont demeurées jusqu' au 5 novembre, pour retrouver leur cote primitive le 11 janvier 1954 seulement. Le front est resté ennoyé durant 15 jours sur 390 m. d' étendue; son recul moyen a été de 6,1 m. par an; le recul maximum a été de 26 m .; quant à l' éperon morainique central il a perdu 2 m. de hauteur. Le glacier a libéré encore 2277 m2 de terrain.

Le profil le plus aval coupe le glacier sur ses deux marges et son promontoire morainique central; seul celui-ci a montré un mouvement appréciable ( 1 m. par an ).

Le glacier était dégagé de neige jusqu' à 550 m. en amont du profil suprême.

Chez les deux Glaciers de VAar, il y a eu augmentation de la vitesse superficielle et de la cote d' altitude sur les profils supérieurs et diminution sur les inférieurs.

( Flotron et OKW ) Le lac bordier du Glacier de Stein s' étend graduellement.

Dans le pays d' Uri le glacier de Schlossberg s' éboule fortement dans ses rapides.

Au Brunni la langue se crevasse visiblement. Un trou de 20 m. de large s' est creusé à l' extrémité très crevassée du glacier d' Hüfi. Le Kartigel s' est beaucoup rétréci, de même que le Damma. Le Kehlenalp et le Wallenbühl ont abandonné de forts dépôts morainiques à leurs fronts.Oechslin Le lac du glacier de la Blümlisalp, écoulé, laissait apercevoir son fond de glace à fin octobre.Muller ) Le Griess a reculé 530 m. depuis 1895.Rennhart ) Le Tschierva a perdu la moitié de sa largeur frontale. La grande moraine qui le sépare du Roseg montre un imposant noyau de glace.Bilaz ) Conclusion: En 1953, de 100 glaciers suisses il y en avait 3 en crue, 5 étaient stationnaires et 92 en décrue. Le recul moyen a été 16 m. au lieu de 14 m. en 1952. P.L. Mercanton

A l' école de la montagne

( Cours pour Ojiens à ChanrionPar un des participants II était une fois...! Ainsi commencent tous les contes; il était une fois trente-six jeunes garçons amoureux de la montagne; c' est le début d' une belle aventure! Heureux élus parmi les membres des sections de jeunes du Club Alpin Suisse, l' occasion leur est offerte de passer une semaine dans les Alpes valaisannes.

Par un dimanche ensoleillé d' avril, Martigny accueille à leur descente du train ces jeunes, accourus de tous les coins du pays; un même idéal les unit: jouir de la belle nature enneigée. Au hasard d' une course, l' un ou l' autre se sont peut-être rencontrés, mais la plupart s' ignorent. Prise de contact avec les dirigeants, présentations, tout s' effectue dans ime atmosphère d' amitié. Tiens, une tête connue! Salut, mon vieux! Skis, sacs sont chargés sur les deux autocars mis à notre disposition; Romands et compatriotes alémaniques se laissent bercer dans les agréables fauteuils qui les emportent vers l' aventure. Bientôt les cimes neigeuses apparaissent, chacun s' extasie.

Mauvoisin! Gigantesque chantier où l' homme veut dominer la nature; lutte dangereuse: une pierre se détache, une plaque de neige glisse, un ouvrier disparaît. C' est notre première étape; le temps de se mettre quelque chose sous la dent, voici le départ. Sac au dos, l'on s' en va, skis aux pieds. Rendez-vous à la cabane Chanrion, nous dit André Roch; nous assistons à une joute pacifique entre les diverses patrouilles. L' amour propre de chacun lui donne des ailes; mais les cinq heures de montée auront raison des plus solides, et d' aucuns se souviendront de la dernière grimpée, les « lattes » sur l' épaule. Enfin l'on se retrouve sous le toit hospitalier, chaque groupe prend ses quartiers. Apparaît l' esprit de camaraderie qui régnera durant ces huit jours de vie commune.

On nous a promis le beau temps, il s' agit d' en profiter; un programme est établi qui doit nous faire goûter tour à tour aux joies de l' alpinisme et à la griserie du ski. Mais les dieux ne se montreront guère propices; dès le premier matin, le ciel ouvre ses écluses, et c' est sous un déluge que nous prenons la piste pour notre première randonnée. Objectif, le Col de By, que les plus courageux atteignent après moult péripéties; au-dessus de nous, chacun devine la Tête Blanche de By, notre véritable but, mais à quoi bon! Un épais brouillard cache à nos yeux toutes les beautés environnantes; puis, c' est la descente à l' aveu, dans la neige fraîche, et le retour bienvenu à la chaleur du refuge.

Les cieux ont décidé de bouleverser notre programme. Le lendemain, à notre réveil, de blancs flocons nous narguent, qui voltigent derrière les carreaux. Qu' en semble-t-il à nos dirigeants? Pas question de nous rendre au Bec du Chardonnet! Repos, puis une pointe sur le glacier de Breney, pour exercer nos dons d' orientation.

Enfin le beau! Mercredi, jour de ravitaillement; Geiger nous a promis d' atterrir sur le Glacier d' Otemma; tôt matin nous voilà à l' ouvrage pour préparer une piste convenable; « un véritable aérodrome », observera le « pilote des Alpes » à son arrivée! Mais le vent se lève, qui interdit toute tentative; peu importe, la journée ne sera pas gâchée. Une joyeuse animation préside à l' érection de deux igloos, selon les données romandes pour l' un, pour l' autre d' après les techniques alémaniques; le même entrain règne dans les deux camps, et bientôt l'on compare; de vraies maisons locatives: seize personnes y trouvent place; tout confort, climatisé, conservation assurée!

Les Valaisans passent pour posséder de solides jambes autant que fortes têtes; le choix se porte donc sur eux pour ouvrir, au retour, une belle piste, où leurs amis, en guise d' exer, se formeront les muscles à ramener sur une luge un faux blessé. Ils accomplissent leur tâche avec le sourire, et un grand éclat de rire couronne l' opération au moment où le pseudo-accidenté voit la « canadienne » se retourner dans la neige. Quelques coups d' oeil révélateurs trahissent une certaine complicité dans cette diversion.

Jeudi! Geiger nous a annoncé son arrivée; quarante skieurs attendent; il suffit à André Roch de nous menacer de théorie pour que le vrombissement précurseur se répercute dans les rochers. Il est là; ce cri jaillit de toutes les poitrines. Quelle précision chez cet aviateur, quelle maîtrise de son appareil! Biscuits, oranges et mille autres friandises nous sont distribués. Loin de la plaine, nous la sentons pourtant toute proche quand l' homme nous propose son avion comme voiture à commissions; chacun expose ses désirs, qui un film, qui une bouteille de « valaisan ». Trois heures plus tard il est de retour, chargé de nos caprices. Quelle joie pour les privilégiés de recevoir le baptême de l' air dans un cadre si grandiose! Puis, il s' en est allé, a disparu derrière une paroi, emportant nos missives, accompagnées du « par avion » traditionnel.

Le moment de la grande course au Mont Gelé approche, pour laquelle il s' agit de garder toutes nos réserves. Onze heures de randonnée, avec au sommet un panorama... mais brr! il porte bien son nom. Notre itinéraire nous offre un détour en Italie; quelle différence avec la Suisse! D' aucuns se rappelleront la combe de l' Eau Blanche, au nom si poétique, mais combien meurtrière après la magnifique descente par le glacier de Faudery. Journée merveilleuse qui nous laissera un souvenir tout autre que de fatigue!

La semaine tire à sa fin; dernière étape, la cabane des Vignettes! L' interminable glacier d' Otemma déroule sous nos pieds son tapis de neige fraîche; une légère brume noie notre regret de quitter Chanrion. Un petit effort encore, et voici le refuge, accroché on ne sait comment au sommet d' une paroi à pic; tout près se dresse le Pigne d' Arolla, tentation pour les plus courageux; encordés, vingt gars se hissent péniblement au sommet de ce « presque quatre mille ». La descente nous grise: déjà au fond! Dommage! Nous regagnons notre nid d' aigle, qui nous accueille pour la dernière nuit.

Et voici le retour vers la plaine. Arolla, dernière neige, jouissons-en! Reprise de contact avec les chemins caillouteux, avec le monde! Le petit « bistrot » du village n' avait sans doute jamais connu pareille agitation. Un dernier regard vers les cimes neigeuses et voici déjà Sion ( le vin valaisan ne supporte pas une telle allure, n' est pas, ami ?).

Et pour finir un banquet, heureusement sans trop de discours, fournit à chacun l' occa de montrer son contentement et... son appétit. Merci encore, Messieurs Baillod, Brandt, Roch et Galland, grâce à vous, trente-six jeunes clubistes ont découvert les beautés du sport qui nous est cher; votre expérience et votre prévoyance ont évité tout accident; vous avez contribué à l' éclosion d' amitiés nouvelles, et n' est pas là l' essentiel, le but même d' un club, former des camarades? qui se rencontreront au hasard de leurs pérégrinations à travers la montagne et évoqueront ensemble le souvenir merveilleux de cette semaine passée dans les Alpes. Merci!

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