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Noms de lieux alpins

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Par J. Guex. VIII.

Dans les hauts alpages. Introduction.

Les alpinistes, qui demandent à la montagne de belles visions, une joie pour leurs yeux, affirmeraient-ils tous que la splendeur des images augmente en proportion de l' altitude? Le plus souvent, sur les hautes cimes on est déçu par la vue, exception faite, bien entendu, pour les premiers plans, les à pics rocheux ou glacés. On est déçu au sommet du Mont Rose et du Weisshorn, on est déçu plus encore au sommet du Mont Blanc. Parce que le ciel est trop grand, beaucoup trop grand, parce que l' horizon est une ligne circulaire à peine dentelée, où l' œil, par une curiosité toute géographique et assez médiocre, s' amuse à reconnaître des silhouettes de montagnes, là-bas, tout là-bas, à cent cinquante kilomètres. Trop de ciel et une houle confuse. De la grandeur, certes, mais de la monotonie. Il faut être plus bas pour goûter dans sa plénitude la beauté des montagnes, qui est faite d' harmonie et de contrastes dans les volumes et dans les lignes, dans les couleurs et dans les lumières. Je crois bien que les hauts alpages sont les belvédères les meilleurs. Songez à Louvie, au Col de Balme, à Belalp, à Bricolla et au Lac Noir!

Et quel délice de flâner dans ces prairies alpines, si l'on sait choisir les heures de leur vraie gloire, qui ne correspondent pas, hélas! à celles des vacances scolaires. Il faut les voir en juin et en octobre.

Juin, c' est le printemps de l' alpe. Le soleil plus chaud relève par le bas le linceul effrangé de l' hiver. Au-dessus des derniers mélèzes, le gazon ras étend le vert intact de sa fraîcheur printanière autour des gentianes, des pensées, des azalées, des anémones blanches ou couleur de soufre. Partout des soldanelles. Sur les crêtes où, durant l' hiver, le vent a balayé la neige s' épanouissent les anémones vernales ( l' anémone des montagnards vaudois ), au duvet blond sur les fleurs lilas, ou encore la plus belle de toutes, l' anémone de Haller, cette pulsatille si abondante à Findelen, à la corolle velue et d' un violet-clair incomparable. En juin, tous les ruisseaux chantent dans les alpages et, débordant, ils entassent en bourrelets les vieilles mousses et les gazons jaunis de l' an passé autour de leur lit, qui ne sera plus en août qu' un sillon de pierre, inutile et silencieux. Et je voudrais savoir décrire le concert des chants d' oiseaux dans les aubes de juin, à la lisière suprême des forêts, les roulades retentissantes et si pures des pinsons et les improvisations émouvantes de la grive musicienne, à la voix ample et moelleuse, qui chante le printemps, tandis que les lys blancs dorment encore sous les mélèzes.

En octobre, dans le silence de l' air sans brise, sans sonnailles, sans chants d' oiseaux, c' est la fête de l' or. Car voici qu' un matin un mélèze s' est habillé de jaune tout au sommet des grands bois; cette tache de miel doré a coulé sur les pentes; les gazons des alpages ont roussi dans les nuits froides et le soleil se traîne le long des crêtes, tardif et paresseux. Par contraste avec ces jaunes, ces rouges et ces ors, descend des cimes blanches le grand manteau bleu des ombres automnales.

Mais, durant les mois d' été, les pâturages ne sont pas déserts et silencieux. Quand les « manœuvres » sont achevées, c'est-à-dire quand les bisses et les chemins ont été remis en état, les étables et les parcs nettoyés, les bâtiments réparés et les fumiers répandus, les bergers et les troupeaux arrivent. On « inalpe » vers la St-Pierre de juin, on « désalpera » à la St-Maurice, au plus tard à la St-Michel de septembre. Une centaine de jours, pendant lesquels on entendra le mugissement des vaches, les sonneries des clarines, des toupins et des bourdons, les cris d' appel des pâtres et parfois, comme au Val d' Hérens, les notes puissantes et douces du cor des Alpes. Et ce concert n' accompagne pas je ne sais quelle idylle parée de fausses grâces romantiques. Il est l' an d' une activité toute prosaïque, l' industrie pastorale, pour l' appeler par son nom, la mise en valeur des derniers terrains que l' homme puisse exploiter à la limite des neiges et des rochers stériles. La vache est une machine commode pour transformer les herbages alpins en lait, dont l' homme fera du beurre, du fromage et du sérac. Il est vrai que cette industrie est millénaire, et c' est sa poésie: on se rappelle que l' homme primitif est né chasseur, qu' il est devenu berger et que les villes sont de monstrueuses erreurs. Mais c' est un dur labeur. Songez donc: cent jours sans vin, sans femmes et sans dimanche. Des journées de travail de dix-huit heures. Entre 3 et 4 heures du matin, il faut commencer la première traite: les pouces se meurtrissent à presser les pis de vingt bêtes. Garder les vaches, ce n' est pas les regarder: il faut « tourner » Reinon, Griotte, Moteyle ou Châtagne, que leur esprit de liberté entraîne hors des limites du « repas » du jour; en brandissant la gorzia, le fouet à la lourde courroie, il faut galoper pour séparer Rodzetta et Lion, Mourin et Botsâ, Pommette et Picotte, qui se battent à deux pas d' un à pic. Dans le brouillard, il faut aller à la recherche de Féronde, de Fioujin, de Freidon ou de Couason. Il ne fait pas toujours beau dans les alpages: elles sont longues, les heures passées dans le vent, sous la pluie glacée et les pieds dans l' herbe humide. Et quand on a fini à' adenâ, c'est-à-dire quand le « repas » du matin est terminé, ce n' est pas une tâche facile que d'«amasser » le troupeau, l' armaille de Gruyère, le nourin d' Hérémence, la vétuire chez les Bagnards. Le fromager n' a pas eu une matinée moins remplie: il a fait le fromage, parfois aussi le sérac et le beurre; il a nettoyé tous les ustensiles du chalet: la grande chaudière, les émines, les guitses et la fétuire qui sont, comme vous savez, les baquets, les seaux à lait et le moule à fromage. L'« oiseau » ( l' ozi ou la critsé ) sur les épaules, portant tous les produits de la veille, il les a descendus au « grenier » d' en bas; il a raclé, retourné et salé tous les fromages; il s' est chargé de vingt-cinq kilos de bois, et c' est une remontée pénible d' une heure au moins sous le soleil de midi. A 2 heures, il faut recommencer à traire: c' est Velava, l'«octave », dirait-on en français, soit la traite de la « huitième » heure. A 4 heures, le troupeau ressort pour acénâ, pour prendre son repas du soir. Et c' est à la nuit close, vers les 9 heures, qu' on peut enfin aller s' allonger sur la paille, tout habillé et les souliers aux pieds. Quel solide sommeil il faut avoir pour ne pas entendre les cloches qui tintent, les vaches qui soufflent, les génisses qui se bousculent! Mais on s' est levé à 3 heures, et ils dorment tous: le « maître », le vili ou premier berger, le schozi ou séracier, le soparlyeu et le doleîne ou aides-bergers, le miète et l' ézarpyeu, le fayerou, gardien des moutons, jusqu' au petit mâyo de douze ans, qui surveille les cochons et attrape des taloches de tout le monde.

Sont-ils heureux, ces pâtres des hauts alpages? Certains d' entre eux, je l' avoue, ont l' air d' être en punition; d' autres, au contraire, savent rire avec une gaîté si sereine et si franche que je les soupçonne de goûter, tout comme leur troupeau, la liberté des grands espaces. Là-haut, on ne lit guère, on n' écrit jamais, mais on pense, on observe et l'on sait. Ces bergers sont une source de science que vous ferez jaillir si vous savez frapper le rocher à la bonne place. Ils savent l' endroit où les tétras viennent chanter le matin, ils savent que le temps va se gâter, si tel écho renvoie le sifflet des marmottes, ils savent imiter à la perfection le beuglement étrange de la perdrix des neiges. Ils ont la parole sobre et le jugement sain.

Et maintenant que nous connaissons un peu les hommes et le cadre de leur activité, demandons-nous s' il y a des rapports étroits entre l' industrie pastorale et les noms que les pâtres ont donnés aux lieux où elle s' exerce, ou bien s' ils se sont laissé guider par cette fantaisie ridicule qu' on observe chaque jour dans nos villes et sur le portail des villas qui les entourent.

Mais, au préalable, qu' est que le mot alpe, quelle en est l' origine et quel en est l' emploi dans la toponymie montagnarde?

Nos ancêtres Gallo-helvètes désignaient sous le nom à.'«Alpes » toutes les hautes montagnes. C' était, en leur langue, le pluriel d' un mot alpa ou alpis qui signifiait « pâturage de montagne » et renferme le radical al — exprimant l' idée de « nourriture », comme le latin alere « nourrir », ou le terme savant moderne aliment. Si nos cartes ont raison d' écrire Riffelalp, Tseschalp, Staffelalp, etc., conformes à l' usage alémanique, elles ont tort de dire, pour le Valais central, Alpe de Ferpècle, Alpe d' Arolla, etc., qui, depuis longtemps, ne sont plus employées par les gens du pays. Seule est usuelle, de nos jours, l' expression « montagne », quand ils veulent parler des hauts pâturages fré- quentés seulement pendant la saison d' été. Une « alpe » leur paraît un mot français, presque étranger, bien que leurs ancêtres s' en soient servis autrefois, à preuve les verbes « inalper » et « désalper » ( inarpâ et désarpâ ).

Au reste, les noms de lieux, conservateurs des usages anciens, nous offrent une riche descendance de ce primitif gaulois alpa, qui a pris au cours des siècles passés des formes variées: au, ar, â, aup dans notre Suisse romande, par exemple.

Au se reconnaît, malgré les déformations de l' Atlas Siegfried, dans des noms tels que: Lac Domène ( A. S. ), en réalité: d' Au mène, du latin alpa mediana « alpe du milieu », soit partie centrale des pâturages donnés vers 1140 à l' abbaye d' Hauterive; Looz ou L' Haut ( A. S. ), en réalité: L' Au; L' Haut de Mordes, L' Audemorge, L' Haut d' Hliez, L' Haut de Mox: Le Plan de l' Au neuwa ( lieu dit à Bovine ); Le Plan de l' Au, près de Champex, écrit à tort Plan de l' eau dans l' A. S.

Ar apparaît dans: Lardebran ( A. S. ), soit L' Ar de Bran « l' alpe d' Abram »; Larduzan ( A. S. ), soit L' Ar du Tsan « l' alpe du champ »; L'Arpitetta ( A. S. ), soit L'Ar piletta « petite »; L' Ar nouwa, à Corbire près Lens, « nouvelle », etc.

 apparaît dans: La Neuva ( A. S. ), en réalité L' A neuva « l' alpe nouvelle »; La Combe de Là ( A. S. ), en réalité de l' A, etc.

Aup, enfin, apparaît, semble-t-il, dans L' Hautpatéri ( A. S. ) près de d' Oex, en réalité L' Aup à Téry ou Thierry.

Les dérivés d' alpe sont nombreux. En voici quelques échantillons:

L' Arpache ( Lens ), latin alpacca « alpe de peu de valeur », pâturage de moutons — L' Arpalle et Les Arpalles, latin alpella « petite alpe ». Trois exemples dans les vallées d' Entremont et de Ferret. L' Arpetta, latin alpitta « petite alpe ». Une dizaine. Les Alpettes, même formation, mais francisée. A Semsales, on dit: Les Erpettes. L' Arpille et Les Erpilles, latin alpicula « petite alpe ». Une douzaine au moins. L' Arpillette, double diminutif, nom d' une petite combe au pâturage d' Arpille ( Ormonts-Dessus ). L' Arpijella, lieu dit de l' Alpe de Touno ( St-Luc ), double diminutif formé, semble-t-il, du celtique alpatia ou alpetia et du suffixe latin ella.

Pointe d' Aufalle ou Aufallaz, sommet entre la Dent de Mordes et le Petit Muveran, et Auf die ( orthographié Aux Selles en 1781 ), pâturage' de moutons de Taveyanne, « petite alpe », du latin alpicella, où le c s' est changé en /, comme c' est souvent le cas dans les Alpes vaudoises, le Bas-Valais et la Savoie1 ).

L' esquisse toponymique que nous apportons ici n' est pas un inventaire systématique de tous les noms d' alpages de la Suisse romande, où l'on en compte des centaines, peut-être même des milliers. Nous n' en étudierons qu' une cinquantaine, mais nous y joindrons environ cent cinquante noms de lieux dits. Tel alpage de 400 hectares n' est représenté sur la carte que par un seul vocable, alors que les bergers, en Valais surtout, ont donné une désignation particulière à tous les accidents du terrain, à tous les pacages de leur « montagne ». A Bovine, par exemple, j' ai noté une trentaine de ces lieux dits. Cette nomenclature qui n' a rien d' officiel, doit être sujette à de fréquentes variations: il lui manque la fixité ou la durée que confèrent les documents imprimés et la lettre moulée. Aussi ces noms sont-ils presque tous de formation peu ancienne et, par conséquent, facilement intelligibles pour qui possède une connaissance même élémentaire de nos patois romands. Des cent cinquante exemples que nous examinerons, une trentaine sont extraits de la lettre A, seule parue à ce jour, du Glossaire des patois de la Suisse romande, une quinzaine ont été enregistrés .avec une exactitude phonétique parfaite par M. le prof. E. Muret dans une remarquable étude publiée en 1912 ( Bulletin du Glossaire des patois de la Suisse romande, 11e année, n° 3 ), une trentaine figurent dans l' Atlas Siegfried et soixante-dix environ ont été notés par moi-même en interrogeant des bergers ou en bavardant avec le « fruitier », près de l' âtre de son chalet.

Je m' efforcerai d' en donner la prononciation juste, dans la mesure où le permet l' alphabet français, mais dans une revue comme la nôtre on ne saurait employer les signes diacritiques conventionnels qui servent aux linguistes à transcrire toutes les nuances de la prononciation patoise, par exemple les équivalents du ch allemand de nicht, du w et des th anglais sourd ou sonore. Non moins embarrassant est le problème de la classification des noms à étudier. Tant bien que mal, nous avons essayé de les grouper d' après l' idée dominante qu' ils expriment: phénomènes météorologiques, présence de l' eau, nature et configuration du terrain, peuplement végétal ou animal, activité de l' homme, croyances et souvenirs historiques.

lre partie.

La nature.

Phénomènes météorologiques, eaux et neiges.

Ferpècle ( Val d' Hérens ). En 1280 Freytpiclo, du latin frigidum pasculum « le froid petit pâturage ». La proximité immédiate du glacier justifie cette appellation. Cet alpage semble même avoir été en partie dévasté par la glace lors de la grande crue glaciaire de 1800 à 1850.

Patsefreit, terrains où s' élève la cabane du Mont Fort, du latin pascuum frigidum « le pacage froid ».

Le Tsanton du Mau Tin, « le monticule du mauvais temps ». Les Prélayes ( Martigny-Combe ) sont très exposées aux violentes bourrasques du vent d' ouest. Au Tsanton du Mau Tin, pour paître, le troupeau trouve un abri relatif contre la tempête.

Marais ( montagne du ), Val d' Anniviers. « Terrain marécageux ».

Le Peutè, lieu dit de la montagne des Grands, « terrain presque plat et fortement imprégné par l' eau des ruisseaux qui le parcourent ». A rapprocher de l' ancien français poutie « boue, bourbier ».

Lucel ( montagne du ), Val d' Aroila, du latin lacucellus « petit lac », dont le nom local, Gouille per, est tombé en désuétude depuis qu' on l' a traduit en français par Lac Bleu.

Le Gros Golliè, lieu dit montagne de Bovine, « la Grosse Gouille », du germanique gulle « mare ».

Gode Gotte ( A. S. ), mieux: Gode agota « gouille tarie, desséchée ». Dans le Val d' Entremont, VI mouillée devient d dans un grand nombre de mots.

Le Lavanchex, « couloir d' avalanche »; dérivé du latin labinca « la chose qui tombe ». Nombreux exemples.

Torrent ( montagne du ), traversée par un « cours d' eau ».

Les Flans Torrents, lieu dit montagne du Cotter, Evolène. « Les Plans Torrents », c'est-à-dire qui coulent sur un terrain en pente très douce. Remarquez VF, résultat de la liaison de Vs de l' article avec l' initiale PI, soit s+pl. Ces intéressantes modifications phonétiques, particulières au Valais central, ont été mises en lumière par M. E. Muret1 ).

Le Nevedet équivaut à Nevelliei, car dans le patois d' Ardon d = II mouillée. Pâturage où la neige demeure tard et forme de « petits névés ».

Nature et formes du terrain.

Les particularités du terrain sont inscrites dans les noms, qui dessinent les concavités et les dépressions, les surfaces unies, les eminences et les parties rocheuses.

Comba rossa, lieu dit Salanfe, « combe rousse ». La Dépressions. Combe, les Grand-Combes ( Bovine ). Combe du fromager ( Prélayes ).

Barmaz « grotte, abri sous roche, paroi rocheuse ». Nombreux exemples. Même nom que balme; identique au français « baume », d' origine gauloise.

Conches, alpage vaudois et lieu dit à Barberine et Anzeindaz, identique au français conque, latin concha, donc terrain concave, comme la « coquille » d' une moule ou d' une huître.

La Creuse, sur Salvan; Plan Creux, lieu dit montagne de la Gietaz, sur Martigny; « creux » adjectif. Les Crosaies, lieu dit montagne du Lucel, Evolène; prononciation locale: Chrojâye ( avec ch allemand de nach ), « les creusées ». Le Crojè d' amon, lieu dit montagne de Bendola, Grimentz, « creuset d' amont », soit « petit creux d' en haut ».

Les Clots, Les Clotets, lieux dits fréquents dans les « montagnes » d' Evo; prononciation locale: Chlyos, Chlyotè ( avec ch allemand de ich ). Identique à l' ancien français dot, clotet, clotel, du gaulois klotton « trou, enfoncement, dépression de terrain ». Les dots sont nombreux en Savoie et en Dauphiné.

Le Tsablo dou frouè, lieu dit Gietaz, « chable du fromage ».

Le Tsenaillon, même lieu, « petit chenal », soit « petit dévaloir ».

La Veudale, lieu dit Emosson et Prélayes; les Veuvalles, lieu dit le Richard sur Bex, Vogealle, Haute-Savoie, du latin vallicella « petite vallée ». Même origine que Vauyella, Vuzella, Vauzala, Varisella, en Maurienne.

Les Ecoulaies, lieu dit Barmaz, Hérémence, prononciation locale Eholâye, « endroits reculés », dérivé de « cul ».

Les Lantses, alpage aux Jeurs, vient d' un mot pré-Surfaces unies. latin lanca et signifie « parcelle étroite et allongée, pente allongée entre deux talus ou deux dépressions; portion d' alpage trop escarpée pour que les vaches y paissent et que, parfois, l'on fauche ». Nom très fréquent dans les Alpes valaisannes et vaudoises et que les cartes écrivent le plus souvent: lanche.

Le Champ«x, nombreux exemples, « le petit champ ».

Plan de la Gietaz; les Grands Plans, sur Verbier; les Plans, lieu dit Ferpècle et Bréonna, prononciation locale Flanch ( s + pi = fl ), de l' adjectif latin planus « plat ».

Les Planchettes, lieu dit montagne Naveta, sur Ayer, prononciation locale Chlantsète ( ch allemand de ich ); nos paysans appellent « planches » les terrains plats adjacents à la ferme, donc « terrains unis où la pâture est facile ».

La Coûta, sur Evolène, la Grand Coûta, lieu dit montagne de Bovine; Cotter sur Evolène, du latin costa « còte » et costaria « côtière ».

La Toula d' amoun tsijyère, lieu dit Chermignon. Une toûla, du latin tabula « table » et « tôle », est une « surface rectangulaire unie, généralement transversale à la pente, et gazonnée ». D' amoun tsijyère « au-dessus du chalet ».

La Lex, montagne Zinal, autrefois orthographié à tort L' Allée, du gaulois lica « paroi rocheuse ».

La Luy, lieu dit Gietaz, écrit parfois loex, loué, est une « pente très déclive, généralement gazonnée, entre deux arêtes ». Du gaulois loke.

L' Ata, lieu dit montagne de Sevreu, Bagnes. Du latin hasta « lance, hampe, manche » et, par analogie, dans les noms de lieux, « pièce de terre allongée et étroite ».

Senglioz, alpage sur Bex, du latin cingulum « cein- Vires et terrasses.ture », d' où « corniche herbeuse entre deux parois ». La prononciation Fingle est fréquente dans le Bas-Valais.

Dans le Dauphiné, c' est Sangle et dans la Suisse allemande Tschingel. Singline, sur Zinal, est un dérivé diminutif.

Les Fasses, lieu dit sous la Gietaz; les Fâches, lieu dit Coûta, Evolène, du latin fascia « bande, lisière », d' où « bande étroite de terrain gazonné comprise entre deux bans de rochers ». En Maurienne, on dit faisse ou fesse.

Bendola ( A. S. ), Val d' Anniviers. En 1312, Alpis de Bendala. Prononciation locale: Bindella. Diminutif du mot germanique binda, donc « terrains allongés comme une petite bande ».

Les Lettons de la Beline, lieu dit Salanfe. Une lette, un letton est une « bande de gazon dans les rochers ».

Les Vires blanches, lieu dit Salanfe. Explication inutile.

So le Six, lieu dit les Grands, « sous le rocher ».

Eminences et rochers.Le Six rot, lieu dit la Gietaz, « le rocher brisé », du latin saxum ruptum.

L' Abetse, lieu dit les Grands; du verbe patois abétsi, identique au vieux français abécher, signifiant entre autres « reposer peu solidement sur son extrémité ». C' est le nom donné par les bergers à une haute dalle de schistes cristallins qui se dresse, en équilibre instable, à quelque distance de leur chalet.

Pierra-Bacon, lieu dit Coûta, Evolène. Grand bloc de rocher dont la paroi est striée de blanc et de gris, d' où son nom de « pierre-lard ».

La Pyer aoua, lieu dit Javerne, du latin petra acuta « la pierre aiguë ou pointue ». Même nom donné à un autre rocher, au pied de la moraine du glacier de Plan Névé, sur Bex, et à la sommité bien connue: la Pierre à voir des cartes, altération récente du plus ancien: Pierre à voie, en réalité pyer avoua.

Les Grèbelles, lieu dit Bovine. Nom de quelques becs rocheux. Il est probable que mon informateur a commis une erreur de prononciation pour grèpelèt « petit rocher », de la même famille que Greppon, etc.

Le Gottreux, lieu dit Agites sur Aigle, « le goitreux », métaphore pour « monticule arrondi ». Au féminin, la Gottrausaz, alpage aux Ormonts.

Les Grands Tsantès, lieu dit Salanfe. Dérivé du latin canthus « morceau ». Identique au français « chantel, chanteau », mais désigne généralement un « mamelon sur une arête », comme son synonyme Tsanton, Chanton.

Les végétaux.

Dans l' onomastique alpine, les végétaux fournissent un nombreux contingent, dont on trouvera ici, non la liste complète, bien entendu, mais quelques échantillons.

L' Arole est l' arbre alpin par excellence, puisqu' il croît, en groupe ou isolé, jusqu' à l' altitude de 2500 m. Son nom remonte à un prototype gallo-romain et indigène: arulla, dérivé lui-même d' une racine plus ancienne: arwa. Citons le Plan d' Arole, lieu dit Bovine; l' Aroley, lieu dit Gietaz; le Tsanton dij Arolè, sur Trient; l' Arolette, Col de Balme; Arolla, alpage d' Hérens. On en pourrait noter une cinquantaine, presque tous en Valais. Arvassey, lieu dit Barberine, me semble être de cette famille et signifier « lieu où croissent des aroles rabougris ».

La Larze, du latin laricem « mélèze ». Très nombreux exemples.

L' Arcojeu, La Corgeux, L' Acojeu, lieu dit d' alpages de Vouvry et du Val d' Illiez, de la famille du français « argousier », désigne cependant parfois l' églantier, l' épine blanche et même l' aune vert.

Aï, alpage vaudois, en 1274 Ayer, du celtique *akaros « érable », et Ayerne, plusieurs alpages vaudois et valaisans, du collectif celtique *akarna « érable ».

Les Tronchets, lieu dit Arbey sur Evolène, prononciation locale Throntsès, avec th anglais, « les petits troncs ».

Le Tsébec, La Tsébe, lieu dit Hérémence; Les Sébéks, lieu dit montagne de Veisivi, Evolène. Une tsébe est un « grand arbre mort, gisant dans la forêt ».

Les Bourloz, lieu dit fréquent, « forêt brûlée ».

Les Ars, alpage Ferret, prononcez â. Participe passé de ardre « brûler », donc même sens que le précédent.

Tsanton a Foyi, lieu dit Bovine, « monticule couvert de feuillus ».

Daillè rotè, lieu dit Arpille sur Martigny, « Les pins brisés », dans un lieu très exposé aux grands coups de vent et où les arbres ont de la peine à croître.

Sorebois, alpage Anniviers, « Sur les bois ».

Le Fieudzey, lieu dit Gietaz, « lieu où abondent les fougères ».

Le Courtil, lieu dit Salanfe, « le jardin ».

Preilet, alpage Evolène, du latin pratellitum « petit pré ». Praz gras, alpage Evolène, « prés gras ». Proz du Six, alpage Trient, « pré du rocher ». Prélasses, lieu dit Arzinol, prononciation locale Freilach, du latin pratel-laceos « prés médiocres ».

La Blétassière, lieu dit Barberine, dérivé collectif et péjoratif de bleta ( identique au vieux français bleste ) « motte de terre gazonnée ».

Le Plan Vert, lieu dit montagne de Torrent, Les Flans vech, lieu dit Vouasson, Evolène, prononciation locale pour « Plans verts ».

Les Herbagères, alpage Trient, prononciation locale Arbajiré, « lieux où croissent les graminées, les herbages ». Arbey, alpage Evolène, du latin herbaceus « foin maigre ».

Leudcna ( A. S. ), lieu ditArpalles sur Bourg-St-Pierre; en réalité L' Oeudena, mot du patois régional et qui désigne des « herbes piquantes » qu' on trouve souvent sur les pentes élevées de nos montagnes, du latin acuculina « petite aiguille ».

Les Fines, lieu dit les Grands, « graminées à longues tiges ».

Plan des Chéyes, lieu dit Barberine, « Plan des herbes à faucher », du patois chéyi « faucher », latin secare.

La Peula, alpage Ferret, du latin pabula, pluriel neutre de pabulum « fourrage », devenu un singulier féminin.

Chardonnay, alpage Bagnes, « où croît le chardon ».

Emosson, alpage, autrefois Mossons, « lieux marécageux où la mousse abonde ».

Les Anteines, les Antoinettes, alpage Hongrin. H. Jaccard supposait que le nom vaudois du rhododendron, antenet, explique ces toponymes. L' antenet commence à fleurir vers la mi-juin à la Saint-Antoine, d' où son nom.

La Chaux, la Tsa, les Sahnettes, lieu dit alpage de Mollens, du gaulois calmis « partie haute des alpages, où le gazon est court et où on laisse le bétail paître à l' abandon ».

Créta d' Ampouin, lieu dit montagne de Séry, Bagnes, « La Crête des framboisiers », prononciation bagnarde pour ampouai, dérivé d' ampoue « framboise », dont l' étymologie doit être prélatine.

Les animaux.

La Tsâ de l' âno, lieu dit sur Ferpècle, « la chaux de l' âne ».

Le Plan de Sevas, lieu dit Praz-gras sur Arolla, « Plan des Chevaux », doit dater d' une époque antérieure à l' introduction du mulet en Valais.

Le Vélâ(r ), lieu dit Bovine et ailleurs, « pâturage pour les veaux », du latin vitellus « veau » + suffixe — ard. Ne pas le confondre avec Villard, Villars, qui se prononce toujours vela(r ) en patois.

La Goula es Vés, lieu dit Barberine, « le défilé où l'on fait passer les veaux ».

Veisevey, Vasevay, Vijivik, etc., nom de plusieurs alpages, où, étymologiquement, on fait paître du jeune bétail, des génisses qui ne « portent » pas encore. Du latin vacivus « vide ».

Bovine et Boveyre, alpage où paissent des « bovins ».

Ruisseau de la Trouille, lieu dit sur Bourg-St-Pierre, « ruisseau de la Truie ».

Le Tsanton des Tavans, lieu dit Bovine, « monticule des taons ».

La Pyera des Avèlye, lieu dit Corbassière, grand « rocher où les abeilles sauvages ( ou peut-être les guêpes ) font leur nid ».

Le Plan des Dzi, lieu dit Bovine, « Plan des Geais ».

Orseraalpe ) « oursière ».

La Porte à l' Ors, lieu dit Bovine, « Porte à l' ours ».

Praz Oursin, lieu dit sur Mase, Hérens, « pré aux ours »; prononciation locale Praz Ochin, d' où les déformations successives de l' A. S.: Praz au Sex ( 1877 ) et Praz du Sex ( 1906 ).

La Grande et la Petite Mannotane, lieu dit Prélayes, « terrains où vivent des marmottes ».

Le Letehieu des Tsamô, lieu dit les Grands, « le léchoir des chamois ». Rochers où se forme du salpêtre, dont sont friands chèvres et chamois.

( A suivre. )

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