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Notes sur l'alpinisme au Mexique

Hinweis: Questo articolo è disponibile in un'unica lingua. In passato, gli annuari non venivano tradotti.

Avec 6 illustrations.Par F. Marmillod.

La masse continentale mexicaine est parcourue par trois principaux systèmes montagneux: « Sierra Madre » orientale et occidentale, longues successions de chaînes plus ou moins parallèles aux côtes des deux océans, et l' axe volcanique transversal, qui barre le continent au niveau du 19e parallèle. L' ensemble dessine grossièrement un A renversé, dont le sommet touche au sud à l' isthme de Tehuantepec et dont les jambages démesurés — les Sierra Madre — se continuent au nord dans les premières chaînes des Montagnes Rocheuses. L' espace compris entre ces jambages est occupé par le haut-plateau mexicain, si vaste qu' on y logerait une quinzaine de fois la Suisse. C' est dire aussi l' extension des Sierra Madre, dont la longueur totale approche des 4000 kilomètres. L' altitude y reste partout inférieure à quatre mille mètres, sauf aux points de jonction avec l' axe volcanique transversal. Dans ce dernier système, huit massifs dépassent les 4000, et trois d' entre eux les 5000. Ces trois géants sont le Citlaltepetl, le Popocatepetl et l' Ixtacci. Le sommet du Citlaltepetl ( 5750 m .), point culminant du Mexique, est aussi l' une des plus hautes cimes du continent nord-américain, où seules quelques montagnes de l' Alaska la dépassent en altitude. Il subsiste encore dans le système transversal quelques vestiges de l' activité volcanique formidable qui, à l' ère tertiaire et au début de la quaternaire, fit jaillir ces chaînes et celles de la Sierra Madre occidentale. Des émissions solfatariennes s' échappent en grondant du fond de l' immense cratère du Popocatepetl. Le Ceboruco et le Volcan de Colima, à l' extrémité occidentale de l' axe, ont encore de petites éruptions intermittentes qui s' accompagnent de violents tremblements de terre, comme celui qui détruisit à moitié la ville de Colima en avril 1941. Le Citlaltepetl, éteint depuis la fin du XVIIe siècle, conserve à son sommet un cratère parfaitement formé. L' Ixtaccihuatl, par contre, a déjà subi une destruction complète de son cône terminal.

Malgré son relief si tourmenté, le Mexique est un champ d' action de ressources très limitées pour l' alpiniste — du moins selon notre conception de l' alpinisme la latitude, la végétation monte à plus de 4000 m. et la limite des névés permanents oscille entre 4500 et 5000 m. Aussi les chaînes se trouvent-elles submergées presque partout par la végétation. La glace et les névés ne se maintiennent que sur le faîte des trois grands volcans mentionnés; le Nevado de Toluca et le Nevado de Colima, qui les suivent en altitude, se coiffent de neige une partie de l' année. Ces cinq sommités dominantes, les seules qui se haussent franchement au-dessus de la limite du règne végétal, peuvent être escaladées de tous les côtés sans difficultés spéciales ( ce qui ne veut pas dire sans effort !). Parmi les montagnes d' altitude inférieure, il en existe sans doute d' assez belle prestance pour intéresser le grimpeur, même s' il doit s' attendre à trouver parfois le rocher défendu par d' agres cactus; mais ces rares sommités, perdues dans l' immensité de chaînes monotones et d' accès en général malaise, ne peuvent avoir qu' un intérêt local et limité. C' est le domaine de l' explorateur davantage que de l' ama d' alpinisme. Le fait est: que très peu sont connues, même à Mexico.

Le Mexique n' est donc pas un pays d' alpinisme, mais en revanche c' est un champ propice pour ce que l'on pourrait appeler un « excursionnisme d' altitude ». Les Mexicains et les Mexicaines de la jeune génération s' y adonnent avec ferveur, surtout ceux de la capitale, où se sont fondés de nombreux clubs aux noms sonores, tels le « Club Everest », le « Club Himalaya », etc. De par sa situation aux confins méridionaux du haut-plateau, Mexico est d' ailleurs un excellent point de départ, d' où chacun des trois grands volcans peut se faire en deux à trois jours, aller et retour. Ces trois fameux volcans polarisent naturellement toutes les ambitions, et c' est par centaines que les « volcanistes » foulent, bon-an mal-an, leurs cimes devenues classiques, où le contact de la neige et de la glace leur permet de s' initier aux émotions fortes et sublimes du vrai alpinisme. Plus près de la grande ville, les chaînes qui en forment le cadre immédiat se prêtent à de longues excursions de forêts et d' attrar, ants parcours de crêtes, entre 3000 et 4000 m. La vie à Mexico ( altitude 2300 m .) constitue d' ailleurs en elle-même un bon entraînement à l' altitude.

Les conditions atmosphériques sont en général beaucoup plus stables que dans nos Alpes. La longueur des jours est aussi moins variable d' une saison à l' autre. Dans toute la région commandée par Mexico, les pluies se concentrent sur la période de juin à septembre, qui est aussi la période de réenneigement des hauts volcans; c' est donc la moins propice pour les ascensions. En octobre, on trouve les volcans à leur maximum d' enneigement, lequel régresse ensuite progressivement jusqu' au début de la saison humide suivante. En même temps, 1 surface des névés et des glaciers se durcit de plus en plus, si bien qu' en murs, avril ou mai on trouve à l' Ixtaccihuatl et au Popocatepetl des pentes de glace ou de neige dure profondément burinée par l' érosion diurne. A Pâques 1941, après une longue période sèche, nous avons même trouvé les névés du Popocatepetl transformés en vastes champs de « pénitentes » de bonne grandeur et bien formées, ce qui n' est, je crois, pas habituel dans ces régions. La période la plus favorable pour l' ascen des grands volcans est de novembre à janvier. Comme la saison humide ne coïncide pas avec l' hiver, la limite des neiges est peu variable. Il arrive parfois qu' il neige assez bas, c'est-à-dire jusque vers 3000 m. Une fois tous les vingt ou trente ans la neige arrive même aux portes de Mexico, comme en mars 1940. Mais cette neige disparaît aussitôt. Au Mexique on ne peut pas faire du ski. Seuls les fanatiques pourraient être tentés de transporter leurs lattes jusqu' au sommet du « Popò » ou de l'«Ixta » pour avoir ensuite quelques centaines de mètres de mauvaise descente. Cependant, au début de la bonne saison, quand la neige est encore abondante, une paire de petits skis de printemps transportée jusqu' au cratère du « Popò » permettrait une descente rapide et agréable des flancs de l' immense cône, dont l' inclinaison est de plus ou moins 40°. Inutile, de dire qu' on ne trouve pas de skis au Mexique.

Voici, pour terminer, quelques indications sommaires concernant l' ascen des trois volcans classiques et quelques tours parmi les principaux à faire de Mexico. Puissent-elles être de quelque utilité aux alpinistes que leur destinée conduirait un jour dans l' ex aztèque. Ils ne trouveront au Mexique ni Cervin, ni Weisshorn, ni même une arête de l' Argentine ou des Engelhörner. Mais ils goûteront aux charmes des ascensions sans cartes et sans cabanes, des randonnées dans les splendides forêts de pins au sous-sol tapissé d' herbes drues, et, en gravissant les volcans aux formes colossales et harmonieuses, ils retrouveront la saveur de cet effort total que leur être réclame comme une nourriture.

Citlaltepetl ( « montagne blanche » ) ou Pico de Orizaba, 5750 m.

A 200 km. à l' est de Mexico, près de la route nationale Mexico-Jalapa-Veracruz. Point de départ usuel: San Andrés-Chalchicomula ( 2550 m .), à la base ouest du volcan. Ce village s' atteint en une demi-journée de Mexico, par route ou chemin de fer. On y trouve au besoin des mules et des arrieros qui connaissent la montagne. Gagner à travers les forêts la vaste encolure qui sépare le Pico de son satellite du sud, la « Sierra » ou « Sierra Negra ». En suivant le pied d' un haut talus de lave, à main gauche derrière le col, on arrive en une demi-heure à la « Cueva del Muerto », grotte naturelle qui est un lieu de bivouac tout indiqué, parmi les derniers arbres; son altitude doit approcher des quatre mille. Les mules y arrivent facilement ( sentiers ). De la Cueva on voit le cône terminal, sur lequel il est aisé de déterminer sa route. Le plus simple est de gagner, à travers des pâturages, une selle dite « El Portadero », à laquelle on accède par une rampe pierreuse, et d' où une longue crête de pierriers et de rochers s' élève directement jusqu' au sommet. Selon la saison, l' ascension s' achève dans la neige. La vue du sommet est illimitée, comme de tous ces hauts volcans solitaires. Par temps clair on aperçoit vers l' est la côte du Golfe du Mexique, distante de 100 km. Temps: San Andres—la Cueva, cinq heures. La Cueva—sommet, huit heures. A la descente la moitié ( haltes non comprises ). Cette ascension est monotone.

Popocatepetl ( « montagne qui fume » ), 5450 m.

Le « Popò » forme, avec son voisin du nord, l' Ixtaccihuatl, la chaîne appelée « Sierra Nevada », orientée nord-sud et située à une cinquantaine de km. au sud-est de Mexico. Par beau temps les silhouettes classiques de ces deux colosses se profilent dans toute leur majesté à l' horizon de la capitale, à laquelle ils appartiennent au même titre que les Dents du Midi à Vevey ou la Jungfrau à Interlaken. Entre les deux volcans s' ouvre un très large col baptisé Col Cortez, en mémoire du conquistador qui fit jadis par ce passage son entrée au Val de Mexico. Le village d' Amecameca ( 2650 m .), au pied occidental de ce col et à une heure d' auto de Mexico, est un point de départ tout indique pour les deux volcans de la Sierra Nevada. Toutefois on peut maintenant monter en auto d' Amecameca au Col Cortez, et même un peu plus haut en direction du cône du Popò, jusqu' à l' endroit dénommé Tlamacas ( 3800 m. ). Le sommet du fameux volcan est ainsi à dix heures de la capitale.

On peut parfaitement partir le soir de Mexico, être au sommet pour le lever du soleil et rentrer chez :>ai dans l' après, ce qui ne manque pas de charme si l'on choisit une belle nuit de lune.

De Tlamacas, l' itinéraire le plus courant emprunte les pentes uniformes du flanc oriental, que l'on remonte en diagonale pour gagner le bord du cratère à son point le plus bas ( sept heures, les trois ou quatre dernières dans la neige ). On monte ensuite en une à deux heures au sommet principal, en suivant l' un ou l' autre les bords du cratère. Un autre itinéraire, moins monotone et plus court, remonte un profond couloir qui tombe d' un éperon très caractéristique du flanc nord, le « Ventorillo » ou « Flécha del Aire » ( environ 5000 m. ). Du Ventorillo, une pente neigeuse mène directement au point culminant. Ce second itinéraire est préférable pour la montée, sauf en cas de neige fraîche, où il peut présenter des dangers d' avalanche. On met cinq heures de Tlamacas au Ventorillo et deux heures de là au sommet. Le premier itinéraire convient bien pour la descente, car les pentes inférieures qu' il traverse sont de cendres et de graviers sans consistance. Compter trois à quatre heures du sommet à Tlamacas. Au Popò les crampons sont généralement très utiles.

Le signal du sommet principal ( dit « Pico May or » ) porte une plaque commemorative dédiée aux deux soldats de Cortez qui s' aventurèrent les premiers jusqu' au cratère grondant et fumant du Popò. Exploit réellement peu ordinaire, si l'on songe que cela se passait il y a... 425 ans! Le cratère est un respectable gouffre de 200 à 400 m. de profondeur et de plusieurs kilomètres de circonférence. Il n' est pas facile d' y descendre, car la roche, taillée à pic, est de mauvaise qualité; se munir donc d' une grande longueur de corde, si l'on tient à aller respirer de plus près les vapeurs d' acide sulfureux. Au centre du gouffre s' est forme un petit cratère d' où s' échappent en grondant de hautes colonnes de vapeurs et au fond duquel on aperçoit, entre deux bouffées, un petit lac du plus beau vert-sulfate. Dans le passé on a exploité le soufre qui se dépose constamment aux alentours des bouches d' émission; cette exploitation est maintenant interdite par un décret du gouvernement mexicain. Toute la Sierra, au-dessus de la ligne des 3000 m ., a d' ailleurs été décrétée parc national et propriété inaliénable de l' Etat. Cette mesure est malheureusement insuffisante pour empêcher les nombreux incendies qui ravagent les forêts en période de sécheresse, les indigènes affectionnant tout spécialement ce système de renouveler le bois mort qu' il leur est permis de recueillir.

Ixlaccihuall ( « femme endormie » ), 5280 m.

Ce volcan a une forme allongée dont le profil, vu de Mexico par exemple, rappelle avec une fidélité relative celui d' une femme étendue sur le dos. Les élévations et dépressions de la ligne faîtière sont toutes désignées d' après cette image, de la Tête ( Ce beza ), au nord, aux Pieds ( Pies, aussi appelés « Amacuilecatl » ), au sud, en passant par la Poitrine ( Pecho ) qui est le point culminant, les Genoux ( Rod illas ), etc. Le glacier couvre le faîte du Cou jusqu' aux Genoux, et descend de plusieurs centaines de mètres dans les combes du versant ouest, ce qui confère un attrait particulier à la montagne.

Vu l' extension de la chaîne, les itinéraires sont nombreux. Le plus direct part d' Amecameca, monte à travers les forêts, puis par des pentes découvertes où les touffes de hautes herbes cèdent progressivement le terrain aux pierriers, et gagne la base du glacier qui tombe du Cou. A pied il faut sept à huit heures d' Amecameca; les mules montent un peu plus vite. On campe généralement au bord du petit lac de Chalchoapan ( altitude 4500 m. environ ), que dominent directement les escarpements rocheux de la Tête et les pentes glacées de la Poitrine. Le site, très « alpin », est d' une beauté sauvage. Des gens bien intentionnés y ont construit il y a quelques années un refuge dont il ne reste plus que les quatre murs et le toit de pierre, tout ce qui pouvait être brûle ou pillé ayant rapidement disparu. C' est cependant encore un abri d' une certaine utilité, surtout pour les alpinistes mexicains, qui ne disposent généralement que d' un matériel rudimentaire. On peut aussi camper deux heures plus bas, dans une caverne à l' orée des forêts qui est le lieu de bivouac préféré des arrieros et des mules ( mais gare aux puces !).

La montée au Cou, par le glacier, est raide et courte ( deux heures ). On gagne ensuite l' un ou l' autre des sommets en suivant la ligne de faîte. L' ascen de la Tête ( trois quarts d' heure ) présente quelques mètres de varappe facile. Celle de la Poitrine ( une heure et demie ) se fait par une arête de neige, dite « Arista de la Luz », qui peut présenter une petite difficulté à la fin de la saison sèche, quand la glace affleure; crampons et piolet y sont de toutes façons très utiles. Le sommet de la Poitrine est une vaste plate-forme. La crête se continue vers le sud, sans beaucoup descendre et en restant en général très large jusqu' aux Genoux. Au Ventre ( Barriga ), un glacier crevasse qui tombe dans le versant d' Amecameca offre une intéressante voie d' ascension ou de descente. Les Chevilles ( Tobillos ) sont marquées par une profonde dépression d' où l'on peut rejoindre rapidement, par les vallons du versant ouest, une route qui s' avance du Col Cortez. Le sommet rocheux des Pieds est un terrain propice pour de petits exercices de varappe. La traversée de l' Ixta, du lac de Chalchoapan au Col Cortez ou vice-versa, se fait en huit à dix heures. On peut l' abréger en gagnant ou en quittant le faîte ( selon le sens de la traversée ) au Ventre ou aux Chevilles. Les itinéraires du versant oriental ( versant de Puebla ) présentent tous l' inconvénient d' être plus longs, les points de départ étant éloignés de la base de la montagne. Cependant il y a là aussi de beaux vallons et de merveilleuses forêts, par exemple cette vallée d' Apulco dont j' ai garde un souvenir enchanteur; on peut y pénétrer assez rapidement grâce à une route forestière, praticable à l' auto, qui part du village de Huejotzingo, sur la route Mexico-Puebla. En quittant cette dernière route plus tôt, dans les parages de Rio Frio, on peut gagner la Tête de l' Ixta du nord, en remontant la Chevalure ( Caballera ). Mais la dernière partie, des pentes d' éboulis coupées de mauvaises parois de rocher, est assez peu engageante.A suivre. )

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