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Notre folie alpine

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Par John Morgan

Trois jeunes Ecossais, enthousiastes mais fort démunis, ont conçu l' audacieux projet de faire connaissance avec les Alpes ( 1950 ).

... On discuta longuement, et finalement nous fûmes trois qui pensions pouvoir réunir les fonds nécessaires, Douglas S., Malcolm S. et moi. Mais Douglas partit inopinément pour les Indes et nous ne restâmes que deux.

Nous avions choisi Chamonix. Un habitué de la région nous assura que 30 livres sterling étaient un minimum pour ce voyage; mais nous décidâmes que pour nous 20 livres devraient suffire. Nous ignorions à ce moment que notre informateur était lui aussi un adepte des vacances à la spartiate.

Quittant Aberdeen le vendredi après-midi, trois auto-stops nous déposèrent à Londres le samedi soir où nous pûmes dormir après notre premier bon repas depuis Aberdeen. Dimanche soir, nous campions entre la ville et le port de Newhaven. Le bateau coûtait plus cher que nous ne l' avions prévu, et nos moyens ne nous permettaient pas de prendre le train pour Paris. Après une heure d' attente à la sortie de Dieppe nous étions en route pour Rouen où nous fîmes un léger repas. Il faisait nuit lorsque nous nous installâmes sur un tas de gravier à la bifurcation de la route de Paris. Les voitures étaient rares, et les chauffeurs, nous le savions, se méfient des auto-stoppeurs nocturnes; aussi, pour prouver notre bonne foi, nous avions placé nos monstres rucksacs bien en vue sur le bord de la chaussée. A minuit et demie un gros camion vint récompenser notre attente.

En débarquant à Paris vers 5 heures du matin, nous n' avions qu' un souhait: du repos. Nous fûmes surpris de nous voir accostés par cinq agents. Leurs mines sévères s' éclairèrent d' un sourire lorsqu' ils surent que nous étions Ecossais. Cependant, l' absence de kilt les intri-guait, et nous dûmes leur expliquer que ce vêtement était gênant pour faire de la montagne. Ils nous aiguillèrent vers la Place Robespierre, où il y a des bancs; nous nous installâmes de notre mieux sous l' œil pétrifié de l' infâme révolutionnaire. Au bout d' une heure, toutefois, constatant que mon « divan » était trop étroit pour dormir confortablement, je réveillai Mac et lui suggérai de pousser jusqu' à la gare de Lyon, où nous parvînmes assez tôt pour le train de 07 h. 40, non sans avoir livré quelques batailles pour faire entrer nos sacs volumineux dans divers autobus. Vu le temps limité dont nous disposions, nous avions jugé que l' auto était sans espoir au delà de Paris.

Vers 8 heures du soir nous débarquions aux Praz de Chamonix et campâmes près de la ligne. Deux jours ne furent pas de trop pour rattraper le sommeil et les repas sautés, et pour acheter des vivres. Des francs précieux furent consacrés à payer la cotisation du Club Alpin Français, dans l' idée que cette dépense serait compensée par le tarif réduit dans les refuges; piètre spéculation: nous ne pûmes rester assez longtemps pour cela.

Chamonix comme tel nous choqua. Nous ne nous attendions pas à trouver la version alpine d' une villégiature de mer; tout y rappelait une plage à la mode. La plage, comme nous le vîmes bientôt, était remplacée par la Mer de Glace, où l'on peut louer des lunettes à neige et un piolet pour se faire conduire sur le glacier.

Mes médiocres capacités en arithmétique, aux prises avec l' horaire de 24 heures, nous firent manquer le dernier train pour Montenvers. Pourtant, le samedi, nous déposions dans une « cache » au bord du sentier des Ponts les objets dont nous pensions ne pas avoir besoin plus haut. Nous avions déjà laissé une bonne partie de notre fourniment chez le gardien du local du CAF à Chamonix.

Avec des paquetages réduits à 25 kg. nous prenons enfin la direction du Couvercle. Le cheminement sur le glacier ne nous parut pas facile, mais la grimpée des Egralets nous ébranla. Le départ se fait par une échelle de fer sur une paroi verticale. Bien qu' adversaires décidés de tout moyen artificiel en escalade, nous utilisâmes l' échelle. Plus haut, la route est festonnée de chevilles et de rampes de fer avec de nombreuses marches taillées dans le granit: nous les utilisâmes toutes. L' arrivée d' une caravane d' Aberdeen ne souleva aucune rumeur dans le refuge bondé; tout au plus quelques commentaires sur nos « gros sacs ». Armand Charlet était là qui, chose inconcevable, ne nous reconnut pas. Le bruit courait qu' il en était à sa 80e ascension de l' Aiguille Verte.

Au Couvercle, le gardien attribue les chambres suivant l' heure du lever. Notre but étant l' Aiguille du Moine, nous avions choisi le dortoir de 5 heures; mais au matin on nous assura que cette ascension n' était pas possible avec un départ si tardif. Nous crûmes sage d' écouter la voix de l' expérience; la journée fut donc consacrée à des reconnaissances et à la photo, non sans moult regards de convoitise à notre pic. Ce soir-là, nous prîmes le dortoir de 3 h. 30; mais on ne nous réveilla que deux heures plus tard: il pleuvait à torrents. La journée se traîna paresseusement, agrémentée de fréquentes séances de primus. Un charmant couple anglais était arrivé, qui nous informa que le départ matinal, tout au moins pour le Moine, n' était chez les guides qu' un préjugé de l' habitude le soir, les nuages s' élevèrent et nous eûmes le spectacle des éclairs jouant sur les flancs de la Dent du Géant.

Mardi. Le temps est magnifique lorsque nous quittons la cabane peu après 6 heures. La piste nous conduit au glacier du Moine, où la neige est agréablement ferme. Au pied des rochers, nous rattrapons une caravane en train de s' encorder. D' après le guide Vallot, le meilleur itinéraire de la voie normale n' est pas facile à trouver. Nos voisins ayant déjà fait la course, nous pensons bien faire en ne les perdant pas de vue, et nous déclinons l' hon de prendre la tête, sous prétexte que nous les retarderions par nos opérations photographiques. En outre, nous tenons à faire cette escalade tout à notre aise, en flânant. Dès les premiers pas, une rainure pauvre en saillies leur oppose déjà quelques difficultés. Vient ensuite une cheminée raide, mais avec de bonnes prises, où ils ne semblent pas être plus à leur aise, et nous commençons à avoir des doutes quant à la valeur de nos prétendus guides. Ces doutes devinrent certitude lorsque, une centaine de mètres plus haut, ils s' éga de la route. Nous prenons alors la tête et retrouvons bientôt la voie, une traversée ascendante à droite sur un mur abrupt, en tournant un angle rocheux escarpé et conduisant dans une cheminée d' aspect rébarbatif, bien faite pour impressionner un grimpeur habitué au granit d' Ecosse... Toutefois, elle n' est redoutable qu' en apparence; la roche y est solide, avec de bonnes prises. J' étais à mi-hauteur lorsque Mac me cria que le chef de la cordée en dessous réclamait l' aide de la corde. Il n' avait sans doute aucun entraînement et nous pria finalement de les redescendre. La suite de l' escalade est intéressante et variée, offrant un grand choix de passages.

Au sommet, nous rencontrons cinq Suisses que nous avions aperçus par moments sur l' itinéraire qui passe un peu à droite de l' arête SW. Nous avions admiré leur aisance, leurs mouvements souples et bien enchaînés dans un terrain difficile, qui contrastait avec notre totale inexpérience dans l' art de grimper à l' unisson...

Au nord, au nord-est, et tout autour jusqu' au sud-ouest se dressent ces cimes dont nous rêvons depuis longtemps, que nous ne connaissions jusqu' ici que par des récits; mais c' est vers les Grandes Jorasses que nos yeux reviennent le plus souvent, irrésistiblement attirés par la face nord; nous regardons, fascinés par l' implacable fuite des terrifiants couloirs de glace et de roc, essayant d' y repérer des itinéraires. Après nous avoir régalés d' une chanson, les Suisses entament la descente. Nous les suivons à quelques minutes, car les brumes montent du versant de Chamonix, et il est évident qu' il n' y aura bientôt plus rien à voir. Nous croyons aller à bonne allure; mais chaque fois que, par une déchirure des nuages, nous pouvons apercevoir les Suisses, nous constatons qu' ils ont augmenté leur avance, étant accoutumés à marcher à l' unisson.

Au tiers de la descente, nous rencontrons la cordée qui devait nous servir de guide. Bien que la route soit ici plus facile, ils font demi-tour en apprenant qu' ils sont encore à 300 mètres du sommet. Nous croyons de notre devoir de les convoyer jusqu' à la rimaye.

Le lendemain matin, mercredi, nous redescendons au Montenvers et reprenons nos effets dans leur « cache ». Notre intention est d' essayer la Petite Aiguille Verte et l' Aiguille des Grands Montets. Mais depuis le départ du refuge, nous éprouvons tous deux une étrange lassitude, peut-être un effet de l' altitude, mais que sur le moment nous avons attribuée au manque de nourriture convenable. C' en était peut-être aussi une des raisons. En comparaison avec les Français du Couvercle, nous avions vécu en Spartiates, principalement d' une sorte de « soupe au fromage ». Celle-ci est simplement du porridge avec beaucoup de fromage dedans, au lieu de lait. J' avais inventé cette mixture lors d' un camp solitaire à Corrie Garbhlach, où par nécessité je n' avais mangé que cela pendant quatre jours, et sur la foi de cette expérience, j' avais réussi à persuader Mac que ce nous serait un bon aliment de base. C' est peut-être le cas lorsque le fromage est de bonne qualité; je crains bien toutefois en avoir dégoûté Mac à tout jamais. Notre fromage, une fois cuit, devenait une sorte de gomme écœurante.

Etant donné cette question de nourriture et notre situation financière, une conclusion s' imposait: il fallait entreprendre le voyage de retour sans plus tarder, pendant que nous en avions les moyens...

On jette parfois un voile métaphorique sur les faits qui ne supportent pas d' être racontés, et c' est le cas de la plupart des incidents de notre voyage de retour. La nuit la plus agréable fut celle que nous passâmes dans un abri pour trains-routiers. La pire fut quelque part au nord de Perth. Nous étions atrocement fatigués lorsqu' à 2 heures du matin nous explorions une meule de foin pour y chercher un abri contre la pluie qui tombait à verse. Cependant nous en sortîmes secs.

Nous avons réussi, mais tout juste, à faire notre tournée dans les Alpes avec 20 livres. Avec 40 livres on pourrait utiliser les transports publics et disposer ainsi d' une bonne quinzaine pour les ascensions. L' auto est trop épuisant lorsqu' on veut se rendre à un endroit donné en peu de temps. Avec 40 livres, on pourrait aussi faire emplette de certains objets d' équipement tels que crampons, et même, si l'on ose dire, d' une belle paire de chaussures. Qu' importe! Les rares et modestes ascensions que nous avons pu faire nous ont donné du plaisir, et nous avons l' intention de répéter dans les années à venir notre « folie » alpine, mais en mettant plus d' accent cette fois sur le terme « alpin ».

( The Cairngorm Club Journal )

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