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Toast à la Patrie

Hinweis: Questo articolo è disponibile in un'unica lingua. In passato, gli annuari non venivano tradotti.

( Prononcé au banquet du 60° anniversaire de fondation de la section genevoise1 ).

On peut, dans une réunion de clubistes, prononcer un toast à la Patrie qui soit empreint de gravité, et non de patriotisme à l' eau de rose ou sentimental, on le peut en particulier devant la section genevoise où le sais, pour l' avoir expérimenté en novembre 1918, que l'on rencontre un patriotisme qui n' est pas seulement un patriotisme de fêtes et de banquets, mais un patriotisme prêt à se dévouer entièrement.

Notre génération a connu de rudes épreuves au point de vue national, nous avons passé par des alternatives d' enthousiasme, de découragement et de réconfort, nous avons connu le péril intérieur et la guerre proche. C' est au cours de ces heures difficiles qu' il faut savoir s' élever assez haut pour replacer les crises passagères dans le long développement de l' histoire du pays. Elles reprennent ainsi leur importance toute relative. Ce doit être là un des principaux buts, peut-être même le principal, de l' enseignement de l' histoire dont le résultat ne doit pas être la seule culture de l' orgueil national.

Tout se modifie ici-bas, les mœurs, les idées, l' état social; ce qui change le moins, c' est peut-être le cœur de l' homme.

La Patrie elle-même est appelée à changer peu à peu d' aspect, elle se modifie, elle évolue; l' essentiel, c' est que cette évolution se fasse dans la bonne direction.

Au début de son existence, la Suisse a connu l' ère campagnarde dans les cantons primitifs, l' ère bourgeoise dans les cités; ensuite elle a passé par l' ère patricienne, à laquelle a succédé l' ère de la révolution française; puis est revenu le régime patricien qui a été remplacé au milieu du XIXe siècle par la démocratie.

Depuis 70 ans, nous avons beaucoup progressé dans les idées et la pratique de la démocratie, mais ce qu' il importe de saisir, c' est qu' il ne faut jamais ignorer ou négliger les dangers qu' elle court.

Il est une vérité qui peut s' appliquer à tous les régimes, quels qu' ils soient: un régime est condamné irrémédiablement aussitôt qu' il fait passer ses droits avant ses devoirs, aussitôt qu' il prétend n' user que de ses privilèges et de ses prérogatives sans faire face à ses responsabilités. La démocratie peut, aussi bien que d' autres régimes, en mourir. Plus facilement peut-être!

Nous avons serré de près ce péril à Genève, le dimanche 15 février, mais nos citoyens ont eu le sentiment de leur responsabilité, de leurs devoirs, ils ont accepté le sacrifice que devait leur imposer la nouvelle loi d' impôt. S' ils n' avaient pas agi ainsi, la démocratie était morte à Genève, notre souveraineté aussi, puisque nous serions tombés sous tutelle. Cet exemple ne doit pas être perdu.

1 ) M. Th. Aubert, à qui nous avons demandé le texte de son discours si applaudi, le 22 février, a bien voulu nous en donner le résumé que nous insérons aujourd'hui.

Il ne faut pas non plus que la démocratie écrase les valeurs individuelles, sinon de cette manière encore elle court à une mort certaine. Il ne faut pas que la multiplication et l' enchevêtrement des lois et des règlements en arrivent à garrotter la liberté du citoyen, sinon c' est l' avènement d' une étouffante tyrannie.

Nos Confédérés viennent s' établir en bon nombre à Genève. Nous nous permettons de leur demander qu' en même temps qu' ils nous apportent leurs qualités et leurs forces, ils fassent leur possible pour comprendre toujours mieux, pour pénétrer toujours davantage le sens de notre vie morale et sociale, notre raison d' être magnifique dont notre histoire montre le développement. Quant à nous Genevois, nous devons être plus modestes, nous devons cesser de nous croire des surhommes et de penser que nous n' avons pas nos pareils dans le monde entier. La vanité et l' orgueil sont aussi un grand danger pour un pays.

Restons modestes, car comme l' a si bien dit tout à l' heure votre président dans son discours, c' est le travail des modestes qui est véritablement constructif et non les discours des rhéteurs sur l' Agora.

Le développement de la Patrie se poursuit lentement; on pourrait le comparer à un chemin montant, âpre et rude.

De nos jours les questions purement politiques ont presque totalement disparu de notre vie publique en ce sens que celle-ci est toujours plus dominée par les questions économiques. Ces questions sont sans doute dignes d' intérêt; mais gardons-nous de nous laisser enliser dans le matérialisme.

« L' homme ne vivra pas de pain seulement. » C' est là une parole éternelle; sous peine de mourir à la dignité humaine, il faut conserver l' aspiration vers les hauteurs morales.

Ici, il faut reconnaître la magnifique valeur du Club Alpin Suisse, la grandeur de son œuvre qui développe dans notre peuple l' aspiration vers des joies élevées, des joies qui doivent être conquises souvent par la souffrance, toujours en se vainquant soi-même. C' est pourquoi la montagne est bonne et sainte. Tant que notre peuple conservera le désir des Alpes, il sera digne de vivre.

Ce désir des Alpes, il existe partout sur notre territoire; du Jura, du Plateau, du fond des vallées alpestres, les Suisses regardent vers les neiges immaculées et au delà encore, vers l' azur infini; et c' est en vérité une aspiration profonde de fame vers la pureté, vers l' infini, vers l' éternité.

Les Alpes ne sont pas seulement pour nous un rempart matériel, elles sont un rempart moral.

Rendons grâces à Dieu de nous avoir donné un domaine si beau, si fort et si noble.Th. Aubert.

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