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Toponymie orographique de la Suisse

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Avec 1 carte.Par Frédéric Montandon.

IV. Combe, Kumm et Gumm.

Le mot combe est très connu, très employé, très français. Littré le définit ainsi: « Petite vallée, pli de terrain, lieu bas entouré de collines. » Et plus loin, après en avoir discuté l' étymologie, cet auteur ajoute: « La dérivation celtique a le plus d' apparence. » Nous ne pouvons que souscrire à cette opinion, en rappelant que le substantif comique cum, « vallée, vallon », offre les variantes suivantes: coom, coombe, combe. En irlandais, la même idée de « vallée, vallon » est exprimée par les mots cornar ou cumar.

Dans le latin archaïque, on trouve cumba, qui s' est ensuite modifié en cgmba, mais qui ne signifie pas « vallée, vallon ». Cumba rend l' idée de « barque, nacelle, carène de bateau », idée qui est d' ailleurs parente à celle de « vallée ». Dans le pays de Vannes, en Bretagne, komm signifie « auge », et en allemand kumm et kumme ont les sens respectifs de « mangeoire » et de « écuelle ».

L'on peut ainsi supposer que, dans la langue dont sont issus le celtique, le latin et le germanique, c'est-à-dire en indo-européen commun, une racine kum devait traduire l' idée de toute chose creuse, qu' il s' agît d' une dépression naturelle du terrain ( combe, vallée ) ou d' un objet façonné de main d' homme ( barque, auge, écuelle ).

En Suisse romande, les mots Combe, Combaz, Combette, Comballaz, sont parmi ceux qui apparaissent le plus souvent sur les cartes. Parfois, les toponymes qui renferment l' un de ces mots figurent le long des sinuosités d' un thalweg, au fond d' un vallon plus ou moins encaissé, ainsi: la mauvaise Combe, près de Rochefort ( Jura neuchâtelois ), la Combe au Loup, près de Movelier ( Jura bernois ), Comba de Prazfleuri ( vallée d' Hérémence, Valais ), Combe des Planards, près du Grand St-Bernard. D' autres fois, mais beaucoup moins fréquemment, ce sont de simples creux, peu allongés, comme, par exemple, deux petits cirques jumeaux, taillés dans le versant méridional du Wildhorn ( anciennes niches glaciaires ), la Combe de Mourtg et la Combe d' Hermence, au-dessus d' Ayent.

Cependant, si l'on consulte avec soin l' Atlas Siegfried, l'on se rendra compte qu' un très grand nombre de Combe, de Combette et de Combaz ne s' appliquent pas à des vallons, à des combes, mais à des pentes, à des coteaux, à des flancs de montagnes. Ainsi, tout près de Grandfontaine, région de Fahy ( Jura bernois ), s' étend un Bas des Combes, désignant la base d' un versant dénommé la Montagne, sans qu' il y ait là des vallons ou des creux bien marqués. Un autre Bas des Combes, près de Chavornay ( Vaud ), s' applique à la base d' un plateau, et non à la base de dépressions quelconques. Près de Pierrefitte, région de Court ( Jura bernois ), le toponyme Combe du neuf Ordon désigne très nettement le versant gauche d' un vallon, et non pas le vallon lui-même. Un exemple encore plus concluant se trouve tout près de Saulcy, région d' Undervelier; ici, le versant droit d' un vallon se nomme Combe de Sceut, et le versant gauche: Côte des Arches.

Serait-on fondé à objecter que les toponymes que nous venons de mentionner ont peut-être été mal places sur les cartes? Oui, si nous ne possédions que peu d' exemples illustrant cette opposition de deux sens: d' une part « vallon » et de l' autre « pente ». Mais, dans notre recensement des Combe, Combaz, Combettes et variantes, nous avons dénombré sur territoire suisse, à côté de près de 300 vallons, creux ou dépressions, plus de 100 versants, pentes et précipices. Certains cas sont très caractéristiques, entre autres: les Combettes, paroi de rocher dans la région de Movelier ( Jura Bernois ), Grandes Combes, versant abrupt, régulier, sans dépressions, formant la base du Suchet, près de Lignerolles ( Jura vaudois ), les Combilles, pente raide, sans dépressions non plus, près de Montbovon ( Alpes fribourgeoises ), etc.

Une autre objection pourrait être présentée: Au-dessous des pentes dénommées Combe ou Combette, n' y aurait-il pas de véritables combes, des vallons? Et le nom n' aurait pas émigré du bas vers le haut? A cela, nous répondrons que les cent et quelques versants, pentes et précipices dont il est question plus haut sont tous des cas simples; autrement dit, il n' existe aucune combe dans leurs entourages immédiats. Certes, il y a de très nombreux cas douteux, mais nous les avons tous éliminés ( près de 200 ); ils consistent en versants traversés par des ravins, en pentes dominant un lit de ruisseau, et où l'on ne peut savoir si les mots Combe, ou Combaz, ou Combette s' appliquent au versant ou au ravin, à la pente ou au lit de ruisseau. Autre fait suggestif: certaines portions des berges qui bordent nos lacs portent le nom de Combe, ce qui constitue la démonstration la plus décisive que ce mot peut signifier non seulement « petite vallée », mais aussi « pente, versant », puisque, au-dessous de ces berges, il n' y a pas de combe, mais bien une nappe d' eau, un lac. Notons comme exemples: Combe, vignoble en coteau sur le Lac de Bienne, près de Gléresse; la Combaz, pente sur le Lac de Neuchâtel, près de Concise; Combaz et Petites Combes, berges du même lac, respectivement près d' Yvonand et de Portalban.

Les diverses significations des toponymes Combe, Combaz, Combette ne se bornent pas à celles que nous venons d' indiquer, c'est-à-dire à « vallon, creux » ou à « pente, berge, versant ». L'on s' en rend aisément compte en constatant que la Combe-au-Clerc et que la Combe-à-Barathoux, toutes deux près de Vallorbe, ne sont pas des dépressions, ni de simples pentes, mais au contraire — fait assez troublant pour les toponymistesde hautes, longues et larges crêtes, des « anticlinaux » très marqués, pour employer un terme géologique expressif. De même, dans la région de d' Oex, la Dent de Combetta est une pointe, et Belles Combes une échine montagneuse. L'on peut voir aussi que le toponyme Combettes s' applique au contrefort sud du Mont Pèlerin, au-dessus de Vevey; que la Combert, près de Treyvaux ( Fribourg ), et que la Combaz Losannaz, près de Palézieux, ne sont pas autres choses que des collines boisées; que les divers Combin sont de très hauts dômes neigeux.

A notre sens, les meilleurs exemples du mot Combe appliqués à un relief positif, à une forme anticlinale très franche, se trouvent dans les noms de certains lieux-dits sur les flancs et au sommet du Mont Sujet, entre Nods et Orvin ( Jura bernois ). Ainsi, une partie de la crête de cette montagne, aux cotes 1319 et 1348, se nomme Noire Combe. Un peu plus au sud-ouest, aussi sur la crête, à la cote 1286, s' élève une maison appelée la noire Combe. La croupe nord-est de ce massif, tournée vers Orvin, est désignée par le même nom: Noire Combe, et sur le versant nord, on lit: Envers de la noire Combe. Quant à un vallon, à un renforcement qui, dans les alentours, aurait pu porter également ce nom, il n' en existe aucun. Le Sujet est une longue échine ( 9 km .) orientée du sud-ouest au nord-est; il doit originairement son nom à un lieu dit Mont Sujet, situé sur sa croupe sud-ouest, et qui fait pendant au lieu dit Noire Combe de la croupe nord-est. Les flancs abrupts du massif sont garnis d' une ceinture ininterrompue de sombres forêts de sapins. On voit clairement par là que le nom de Noire Combe signifie « Montagne Noire », et non pas « Vallée Noire ».

En Suisse, le nombre des pointes, crêtes et troupes désignées par les mots Combe, Combetta, Combin, Combire, etc., ne dépasse guère une vingtaine; mais ce chiffre est déjà suffisamment respectable pour montrer qu' il ne s' agit pas là d' erreurs de nomenclature ou de noms de vallons, de creux ( relief négatif ), qui auraient pu être donnés aux sommets qui les dominent. Dans les régions voisines de France et d' Italie, les Combes en relief positif ne manquent d' ailleurs pas non plus. Citons, par exemple, la crête des Combes, sur Bernex ( Haute-Savoie ), la tête des Combasses près de Vallorcine ( Haute-Savoie ), la pointe de la Combasse aux sources de l' Isère ( Savoie ), et surtout Combe Varin dans le secteur nord-oriental de la région du Petit St-Bernard ( Pays d' Aoste ). D' après la carte régionale, le toponyme Combe Varin s' applique à un éperon de montagne très accuse, cote 2620, et à la base duquel il n' existe pas de dépression portant le même nom. Les deux vallons au pied de Combe Varin sont respectivement dénommés Vallone di Chavannes et Val d' Orgère. Un détail qui confirme que, dans ce cas particulier, le mot Combe a bien le sens de « pointe » et non de « creux », c' est que, comme nous le fait remarquer A. Bertolini dans son guide du massif du Mont Blanc, le terme Varin contient le radical celtique bar, qui est permutable en var, et qui, en breton, a le sens de « sommet, faîte ». ( Donnons comme exemple: bar ar menez: « le sommet de la montagne ». ) Combe Varin est un exemple des très nombreuses tauto-logies de la nomenclature alpine, c'est-à-dire: un nom composé dont les deux termes ont la même signification.

En Suisse alémanique, c' est le substantif Kumme qui correspond, dans le langage courant, au substantif français combe, en tant que « vallon, creux ». Mais dans la nomenclature topographique, les noms en Kumm et en Gumm, de même qu' en Combe, peuvent s' appliquer aussi bien à des pentes ou à des eminences qu' à des dépressions. Si Gantrisch-Kummli désigne très nettement un cirque au pied du Gantrisch ( Préalpes bernoises ), les mots Auf der Gumm se lisent sur une portion de versant près de Wattenwil, à l' ouest de Thoune. Fait significatif, les noms des lieux-dits qui avoisinent Auf der Gumm sur ce même versant ont tous le sens de « coteau, pente, colline », c'est-à-dire: Hubel, Halten, Giebel, Eggen, Im Bühl. Comme pointes, éperons, contreforts et crêtes — rocheuses ou non — l'on peut citer, entre autres: Gumm, dans le massif, du Stanserhorn; Hohe Gumm dans la région de Brienz; Gumm sur Gadmen, massif du Titlis; Gummihorn, entre Interlaken et Lauterbrunnen; Gummfluh, près de d' Oex.

En opérant un dénombrement de ces divers toponymes, et après avoir éliminé les cas douteux, nous avons constaté que les vallons et les cirques sont représentés par 8 Gumm et variantes, et par 36 Kumm et variantes, et que, d' autre part, cette proportion est retournée pour les pentes, crêtes et pointes, soit: 51 Gumm et 10 Kumm. Ce qui illustre le sens du substantif dialectal Kumme, « combe, vallon ». Gumm, au contraire, en traduisant cinq fois sur six des reliefs positifs, semble se rattacher à une autre racine. Cette dernière, très archaïque, apparaîtrait non seulement dans les Gumm ou Gummi, mais aussi dans plusieurs autres variantes qui désignent toutes, sur les cartes, des collines, des plateaux, des penchants de montagnes, ainsi: Gommen, Komberg, Kamb, Kamben, Kamber, Homberg ( permutation kh ), Hummel, Humbel.

Afin de nous former une idée nette de cette racine exprimant des reliefs positifs, essayons d' incursionner dans les vocabulaires des langues courantes. Nous verrons alors que, du domaine de l' hypothèse, nous aurons passé dans celui de l' évidence.

Dans le groupe des langues germaniques, le mot anglo-saxon comb avait le sens général de « crête », et les sens particuliers de « crête de coq », de « cimier », de « peigne », de « crête de montagne », de « arête », de « chaîne de récifs », et même aussi, par simplification, le sens de « cime » ou de « montagne ». De l' anglo, le terme a passé en anglais sous la forme comb, tout en ne conservant que deux des sens particuliers ci-dessus, c'est-à-dire ceux de « crête de coq » et de « peigne ». Mais il nous suffit de savoir que, dans un idiome plus ancien que nos langues modernes, comb a signifié « crête de montagne, cime ». En vieux haut allemand — qui est frère de l' anglo — kamb ou champ signifie d' ailleurs aussi « crête de montagne, cime ». Or, nous avons vu qu' en Suisse, les mots kamb, kamben, kamber sont des toponymes qui, sur la carte, désignent des collines ou des penchants de montagnes. Et rappelons le substantif vieux nordique kampr, qui signifie « colline ».

Dans certains dialectes du Sudouest européen, l' opposition entre les deux significations « vallon » et « crête » pour les racines coum et comb est parfaitement attestée. Ainsi, coumbo, en gascon, signifie « vallée, ravin », tandis qu' en espagnol, comba signifie « bombement, courbure ». D' autre part, en gascon, coumo a tantôt le sens de « tertre, élévation », tantôt celui de « petit vallon ». Alphonse Meillon, que nous citons ici, a constaté que, « dans la langue des troubadours, le mot cumba, comba, signifiait non seulement vallée, vallon, mais aussi tertre, colline; le vieux provençal comba avait aussi cette double signification ».

Et de fait, dans toute la nomenclature orographique européenne, l'on rencontre ces racines coum et comb s' appliquant tantôt à des reliefs positifs, tantôt à des reliefs négatifs. Parmi les premiers, citons quelques exemples: Une crête de montagne dans le Harz, appelée Kummel; une haute colline, la Kamena, à l' est de Pilsen ( Bohême ); dans la péninsule balkanique, plusieurs sommités du nom de Komm ou de Kumm; dans les Alpes occidentales, la crête des Coumets ( Dauphinéen Corse, deux montagnes portant le nom de Cuma; dans les Pyrénées, la Coma Pedrosa, qui est une pointe de près de 3000 mètres ( région de Foix ).

Les pages qui précèdent sont accompagnées d' une carte demandant quelques éclaircissements.

Notre but a été de nous limiter aux Combe, aux Kumm et aux Gumm qui ne se rapportent, sans aucune espèce de doute, qu' à des reliefs positifs. C' est pourquoi nos signes distinctifs — cercles, carrés et triangles — n' indiquent que les emplacements de sommités, de crêtes, de pentes, de coteaux, à l' ex des vallons et des creux. Ces toponymes « positifs », dont la vraie signification ne peut pas être trouvée dans les vocabulaires des langues ou patois modernes, sont des substantifs archaïques cristallisées; ils sont donc dignes d' être signalés et conservés.

D' autre part, il nous a semblé qu' il ne serait que d' une utilité très relative d' indiquer sur une carte les emplacements des Combe et des Kummen s' appli à des dépressions; car là, nous n' avons pas affaire à d' anciens noms, mais à des substantifs modernes — classiques ou dialectaux —, synonymes de vallon, cirque, tal, tali, tobel, val, valle, etc.

Quant aux Combe, Kumm et Gumm au sujet desquels il est malaise de savoir s' ils désignent des hauteurs ou des bas-fonds, nous avons déjà dit qu' ils ont tous été éliminés.

Voici le résumé des toponymes, en relief positif, dont les emplacements sont indiqués sur notre carte:

1° Combe, Combaz, Combette, Comballe, Combire, Combille, Combin, Combolo, etc., signalés par des cercles 84 noms 2° Kumm, Kummen, Kumer, Kumi, etc., signalés par des carrés 10 » 3° Gumm, Gummi, Gummen, Gümmelen, etc., signalés par des triangles 51 » Total 145 noms Comme on le verra — et comme de juste — les Combe se répartissent sur tout le territoire de la Suisse romande. Chose assez curieuse, nous n' avons repéré qu' un seul représentant de cette famille dans le domaine de la Suisse italienne et romanche: le Pizzo Combolo, pointe de 2900 m ., au sud-ouest de Brusio.

Les Kumm se cantonnent dans le Mittelland bernois et dans le Haut-Valais, sauf un Kumerberg dans le canton de Glaris et un Kummerhubel entre Arosa et Davos1 ).

Les Gumm sont très fréquents dans le Mittelland bernois et dans l' Ober bernois. D' autres se répartissent dans les cantons d' Unterwald, de Lucerne, de Schwytz, de Zoug, de Zurich et de Glaris.

Bibliographie.

Berlolini, Livia e Amilcare, Guida sciistica della catena del Monte Bianco. Milan, 1939.

( Avec notices toponymiques. ) Ernout ( A. ) et Meillet ( A. ), Dictionnaire étymologique de la langue latine. Paris, 1932. Gros, Adolphe, Dictionnaire étymologique des noms de lieux de la Savoie. Bellay, 1935. Joanne, Paul, Dictionnaire géographique et administratif de la France et de ses colonies.

Paris, 1890-1905; 7 volumes.

Kluge, Friedrich, Etymologisches Wörterbuch der deutschen Sprache. Strassburg, 1884. Loth, J., Vocabulaire vieux-breton. Paris, 1883.

Skeat, Walter W., A concise etymological dictionary of the English language. Oxford, 1924. Täuber, C, Neue Gebirgsnamen-Forschungen. Stein, Schutt und Geröll. Zurich, sans date.

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