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Traversée des Grands Charmoz

Hinweis: Questo articolo è disponibile in un'unica lingua. In passato, gli annuari non venivano tradotti.

— Chaîne du Mont-Blanc —

du glacier des Nantillons au glacier de Trélaporte 30 juillet 1902.

Bibliographie. Pour simplifier, la présente bibliographie comporte seulement les traversées desGrands Charmoz faites d' une face à l' autre de la montagne. A.B. Thorold avec Josef Pollinger et Rudolf Lochmatter, 19 juillet 1899, traversée en montant, du glacier de Trélaporte, la face Est des Grands Charmoz: « Alpine Journal », vol. XIX, p. 597; « Bull, delà Société Allobrogia », 1905, p. 13; « Jahrbuch S.A.C. », vol.XXXV, p.295; « Mont-Blanc-FiihreD », 1913, p. 104; « Guide L. Kurz », 1914, p. 190/191; « Guide Vallo t>, 1925, fasci, p. 44/45 et 211.

Variante à l' itinéraire ci-dessus: G. Mallory ) et H.E.L. Porter, 2 août 1919. « Alpina », 1921, p. 111; « Alpine Journal », vol. XXXIII, p. 6 ( ili. face p. 131 ), 132/133 et 172/181; « Guide Vallot », 1925, fase. 1, p. 45/47 et 211.

E. Fontaine avec Joseph et Jean Ravanel, 30 juillet 1902, traversée du glacier des Nantillons au glacier de Trélaporte: « Echo des Alpes, » juillet 1910, note de la p. 287; sept. 1911, note de la p. 445; « Mont-Blanc-Führer », 1913, p. 104; « Guide L. Kurz », 1914, p. 192; « Guide Vallot », 1925, fase. 1, p. 47 et 211.

En principe, l' excursion du 30 juillet 1902, relatée ci-dessous, fut une tentative à l' Aiguille de la République, tentative infructueuse, incidemment transformée en une traversée des Grands Charmoz. L' itinéraire suivi est sensiblement le même que celui pratiqué deux années plus tard — exactement le 29 juillet 1904 — par M. H.E. Beaujard lors de l' unique ascension encore effectuée de l' Aiguille de la République 2 ).

Le 30 juillet 1902, le signataire de ces lignes, avec Joseph et Jean Ravanel, remontent le glacier des Nantillons. Dès que les excursionnistes, parvenus au Rognon situé, comme un îlot dans le glacier des Nantillons, abordent l' endroit classique de la halte — la course envisagée leur paraissant de courte durée —, ils songent à l' inopportunité de promener un sac lourd, bourré de provisions. D' ailleurs l' un de nous, le guide Jean, se déclare indisposé. Aussi jugeons-nous à propos de n' emporter, avec une bouteille de liquide, qu' une mince plaquette de chocolat au lait3 ). Allégée pareillement, la caravane marchera mieux, et si nous sommes talonnés par la faim, celle-ci pourra activer notre retour.

L' allégement des bagages ne suffit malheureusement pas à remettre Jean en de bonnes dispositions, sa figure pâle, souvent crispée, montre qu' il souffre beaucoup. En montant le grand couloir Charmoz-Grépon4 ), de temps en temps nous nous arrêtons pour que Jean puisse reprendre un peu des forces qui l' abandonnent; notre malheureux compagnon en s' affaissant, harassé, essuie d' un geste pénible les gouttes de sueur qui glissent sur son front et sur ses tempes. Le seul remède pratique serait de redescendre; mais notre vaillant camarade déploie une sublime énergie pour ne pas être cause, même indirectement, de l' abandon de la course par la caravane.

Dans le haut, le grand couloir se heurte, de front, à une muraille verticale et il se divise alors en deux branches dont celle de droite ( sud ) mène au Grépon, tandis que celle de gauche ( nord-ouest ) conduit aux Grands Charmoz. Aussitôt la crête des Grands Charmoz ralliée, le brave Jean se sent mieux; la vision de beaux sommets tout proches a suffi, comme par miracle, non seulement pour le remettre mais aussi à le ragaillardir, et la caravane poursuit son itinéraire en traversant la crête entre la cime et le Bâton Wicks, de manière à descendre un peu en écharpe sur le versant de la Mer de Glace, direction générale nord-est. La voie, de ce côté, entre la crête des Grands Charmoz et la brèche 3222, située à la base sud-ouest de l' Aiguille de la République, suit une paroi rocheuse qui présente en son parcours deux sections nettement différentes.

Dans le « Guide Vallot », fascicule « Les Aiguilles de Chamonix », p. 47, se trouve annoncé, soi-disant « D' après E. Fontaine », qu'«il faut », en résumé, « suivre » « l' arête N.E. » « jusqu' à la brèche 3222 m. ouverte au S.O. de l' Ai de la République ». Or, la caravane ne suivit pas l' arête nord-est, le 30 juillet 1902, mais une paroi rocheuse — paroi rocheuse fragmentée dans le haut, plus droite et en plaques dans le bas — qui permit aux alpinistes de gagner presque directement la brèche 3222 déjà mentionnée.

A propos d' erreurs ou de fautes, dans le même ouvrage: « Guide Vallot », 1925, p. 7, 9, 14, 19, 47, 66, 97, 118, 119, 165, figurent diverses mentions particulières, les unes « D' après E. Fontaine », les autres « En partie d' après E. Fontaine », lesquelles mentions peuvent faire croire à une entente préalable avec l' auteur initial. Bien que je ne juge pas opportun de rectifier pour l' instant chacune d' elles en détail, je proteste formellement contre ces mentions irrégulières qui ont toutes été effectuées à mon insu 1 ).

Charmoz-Grépon sont précisément tous en dehors de l' endroit spécifié « col Charmoz-Grépon » par le « Guide Vallot »... Ne semble-t-il pas superflu de répéter: qu' en montagne un col est un passage; tandis que les expressions: brèche, entaille, dépression, fenêtre, échancrure, etc., servent, au besoin, à indiquer un emplacement qui peut ne pas être un col. Un enfant sait bien comprendre que là où il n' y a pas eu de passage, il n' y a pas de col! Cependant nous risquons, de même que pour le « col des Nantillons » ( voir « Echo des Alpes », novembre 1910, p. 450 à 452, et juillet 1911, p. 300 ) d' avoir bientôt dans les parages Charmoz-Grépon une réédition du fameux col de la SaladeLe « Guide Vallot » aurait dû aider les grimpeurs à déterminer les voies praticables, alors qu' il semblerait avoir pris pour thème d' embrouiller la besogne des alpinistes.

* ) Ce serait une erreur de croire que j' aurais refusé de donner des renseignements: En effet, peu avant l' apparition du « Guide Vallot », j' ai répondu tout de suite à l' unique demande qui me fut faite, laquelle demande se rapporte d' ailleurs à l' Aiguille Sans Nom: On comprendra la situation nouvelle où je suis aujourd'hui, de ne plus pouvoir répondre de façon semblable et j' espère que les renseignements transmis alors, renseignements inédits, ne seront pas publiés sans mon autorisation préalable.

Contrairement à la coutume qui est de joindre directement au texte reproduit l' indication de l' œuvre où il a été puisé, dans les copies — plus ou moins exactes — du « Guide Vallot » cette indication est toujours noyée dans l' ensemble de la bibliographie générale, laquelle figure parfois plusieurs pages avant le texte reproduit.

A la rigueur, pour un livre guide, on conçoit bien quelqu'un interprétant à sa manière, en un résumé succint, des récits déjà parus, le tout établi bien entendu au nom propre et sous la responsabilité de l' interprète; exemples, pour la Chaîne du Mont-Blanc: les deux éditions du « Guide L. Kurz » et le « Mont-Blanc-Führer », celui-ci édité par le Club Alpin Autrichien — ouvrages où les descriptions sont correctement relatées, quoiqu' aient pu y figurer, motif dû à l' artifice de la carte Chaîne du Mont-Blanc l ), les expressions anormales « Dent du Caïman » et « Dent du Crocodile », celles-ci forcément remises en évidence plus loin —, mais on comprend mal les procédés mis en œuvre dans le « Guide Vallot » 2 ).

Parmi les inexactitudes remarquées dans le « Guide Vallot », ne vont être examinées actuellement que celles qui se rapportent aux mentions « D' après E. Fontaine », « En partie d' après »... ou qui ont trait à la présente excursion. Tout d' abord, il y a lieu de remarquer la singularité de la mention « En partie d' après » formule imprécise, élastique, qui permet à l' employeur, par une sorte de cuisine, de dénaturer selon sa fantaisie le texte apparemment cité.

Page 118 du « Guide Vallot », l' horaire relatif à l' ascension du Caïman a été faussé; il convient pour l' exactitude de se reporter à l' horaire publié dans l'«Echo des Alpes », mai 1910, p. 170, qui cadre avec l' ascension décrite, la seule encore réalisée.

En ce qui concerne les dénominations « le Caïman » et « le Crocodile », l' auteur des notes du « Guide Vallot » n' a pu ignorer les discussions déjà trop longues qui eurent lieu au sujet de ces appellations, notamment dans l'«Echo des Alpes », mai 1910, p. 171; septembre 1911, p. 402/403 et p. 437 à 441 —je veux penser que l' in bibliographique du « Guide Vallot », p. 116, spécifiant: « Echo des Alpes », « 1911, p. 402, 450 », au lieu de p. 401 à 450, est le fait d' une erreur et non d' une coïncidence voulue — et je crois inutile de rouvrir ici une controverse sur le droit de dénomination qui échoit sans conteste plausible au premier ascensionniste d' une cime, cela bien entendu dans les limites raisonnables déjà publiées. Mais je ne puis sans protester, laisser cependant passer, dans le haut de la p. 118 du « Guide Vallot », la mention « D' après E. Fontaine », car l' auteur de la citation, en multipliant là les expressions « Dent du Caïman » et « Dent du Crocodile », répétées comme à plaisir et associées à mon nom, a essentiellement trahi ma pensée et faussé en même temps le texte initial 3 ).

Enfin, l' image du « Guide Vallot », face p. 116, a été copiée sans aucune autorisation dans l'«Echo des Alpes », septembre 1911, face p. 419. L' imageUn des devoirs stricts du topographe est d' inscrire les dénominations d' une façon exacte et non pas de les déformer.

2 ) Par le fait, en associant aussi à ses manœuvres le nom de M. Joseph Vallot pour qui j' ai toujours eu la plus haute estime, tout particulièrement en raison de sa bonté et de sa grande droiture, l' auteur du « Guide Vallot » a — en me contraignant à protester — blessé mes sentiments les plus profonds.

Dans les présentes notes, l' expression l' auteur du tGuide Vallob est usitée d' une manière constante, pour éviter d' entrer dans les détails de la complexité de collaboration des divers participants à la rédaction du « Guide Vallot ».

d' origine porte comme titre « Le Caïman »; ce titre a été changé dans la reproduction par le « Guide Vallot », en celui de « Dent du Caïman », et c' est alors qu' au lieu de « Cliché E. Fontainay est survenue, au-dessous de l' image reproduite par copie, la mention « d' après photo de E. Fontaine ». Cependant que figure — en la circonstance d' une façon fort étrange — au bas d' une des premières pages du « Guide Vallot »: « Droits de reproduction et de traduction réservés ». En fait, droits réservés sans doute pour le copiste!...

Les rapports entre alpinistes ne devraient jamais être que de droiture et de correction, il m' est donc pénible, mais je crois nécessaire, de faire ici et d' une manière générale toutes protestations et réserves concernant les reproductions irrégulières de texte et d' illustration1 ).

Cela exposé, reprenons la suite du récit, excursion du 30 juillet 1902:

Dans la première section de la descente, peu après le départ, un seul endroit exige une attention spéciale pour franchir de flanc, en rampant, un étroit passage sous une lame détachée qui pousse au vide. En dehors de ce passage, nous ne rencontrons aucune difficulté, nous sommes pourtant contraints pour dégager la route — après nous être assurés qu' il n' y a point de caravane sur ce versant — de précipiter quelques quartiers de roc en équilibre trop instable, équilibre parfois scabreux qui semble comme la caractéristique des voies nouvelles. Plus bas, nous abordons par sa partie supérieure la deuxième section de la paroi rocheuse, d' où se profile superbement l' Aiguille de la République, que nous dominons encore mais qui se montre néanmoins dans toute sa beauté: fière, élancée, hardie, telle qu' une magnifique statue de la liberté surélevant son flambeau, vigilant comme un phare, au-dessus des précipices, des parois abruptes, des rives souvent inaccessibles de la Mer de Glace2 ).

La seconde section de la paroi rocheuse que vient d' aborder la caravane offre des plaques fortement inclinées. Afin de faciliter la descente du dernier del' équipe, les alpinistes recourent à la corde de rappel; au bas de la paroi principale, ils constatent alors que la corde double n' était point indispensable en cet endroit.

Nous joignons finalement le fond de la brèche 3222; dans cette brèche, étroite, sauvage, souffle un violent courant d' air qui monte du nord-ouest comme appelé par une immense cheminée et là, le roc arraché, fracassé, présente une veine d' un rouge sombre qui donne au revers du bas de l' Ai de la République un aspect dur, presque farouche.

Sans s' attarder à un examen minutieux des environs, la caravane décide de tenter l' escalade de la fameuse pyramide.

Selon la cote 3305, altitude de l' Aiguille de la République, et la cote 3222, altitude de la brèche, nous n' avons que 83 mètres à gravir. Pour l' ins nous sommes certains, quoique l' escalade puisse imposer un laborieux travail, de pouvoir franchir une fraction fort appréciable de la distance qui nous sépare de la cime. Quant à la route à suivre, celle-ci très exiguë ne laisse guère d' embarras sur le choix des voies praticables. C' est l' étroite face sud-est qui va, dans son ensemble, servir de thème essentiel.

Nous virons la caravane, c'est-à-dire que, sans désencorder personne, nous changeons bout pour bout les constituants extrêmes de l' équipe et Jean, le brave Jean, déjà si éprouvé au début de l' excursion, reste bénévolement au poste le plus désagréable: celui d' encadré de même qu' un esclave au milieu de la cordée * ).

La caravane, Joseph Ravanel en tête, attaque donc la fière pyramide par sa face sud-est. Dès lors, chacun des membres de l' équipe ne progresse plus qu' à tour de rôle et l' escalade aérienne, fort intéressante, se poursuit d' une façon régulière, mais plus lente. Nous atteignons ainsi une plateforme étroite, assez confortable, qui se présente sous l' aspect d' un long balcon dont le côté face à l' Aiguille offre une muraille lisse d' environ quatre mètres de hauteur. Au nord-ouest du balcon, un point moins élevé de la muraille attire particulièrement notre attention, et tandis que Jean, solidement posté en retraite, maintient attentivement les cordes qui le relient à ses camarades, Joseph Ravanel pousse d' un vigoureux effort le plus léger de l' équipe, lequel s' agrippe au sommet de la paroi et force l' ennuyeuse muraille. Jean resté le dernier au pied de la paroi n' ayant plus personne pour l' aider est, en fin de compte, hissé directement à la corde par ses camarades du haut. A l' étage au-dessus, la caravane atteint, cette fois sans manœuvre particulière, un deuxième balcon non moins confortable que le premier. Ce nouveau et dernier balcon constitue le socle du monolithe de l' Aiguille de la République.

Quoique vue en raccourci, perspective fort trompeuse, la cime nous paraît maintenant à une distance qui ne semble pas excéder 15 à 20 mètres.

Deux opinions différentes se sont formées sur la hauteur du monolithe de l' Aiguille de la République: L' une, la première en date, 32 mètres de hauteur, fut émise par M. H.E. Beaujard, dans son récit d' ascension: Revue « La Montagne », janvier 1905, p. 16 à 25. La seconde opinion se rapporte à l' indication que la hauteur du monolithe doit être seulement de 15 à 20 mètres.

f Revue « La Montagne », janvier 1905, p. 24, 32 mètres; 1«Mont-Blanc-Führer », 1913, p. 10432 mètres«Guide Vallot », 1925, fase. 1, p. 29,... 32 mètres; f « Echo des Alpes », nov. 1904, p. 420,... 18 mètres; 2«Echo des Alpes », sept. 1911, note de la p.445, 15 à 20 mètres«Guide L. Kurz », 1914, p. 192«une vingtaine de mètres ».

La stricte précision dans la hauteur d' une cime, mesure méticuleusement définie jusqu' au décimètre, intéresse généralement peu l' alpiniste; mais le fait d' une dizaine de mètres de plus ou de moins à un bloc qui marque le point terminus de l' ascension attire forcément les regards du grimpeur tenté par l' escalade. Certes, il est facile de se tromper quand la mesure se trouve définie seulement au jugé, par un simple aperçu, à distance et en perspective très fuyante. On peut cependant, à l' examen d' une vue photographique, apprécier, en la circonstance avec une probabilité suffisante, la hauteur du monolithe en question. En effet, en tablant sur la différence d' altitude, 83 mètres, qui existe entre la brèche 3222 et la cime 3305, on remarque que le balcon supérieur, base du monolithe, occupe par rapport à la cime un point situé justement dans le cadre de la seconde des deux opinions ci-dessus mentionnées 1 ).

Malgré tout son confort, ce second balcon ne nous permet pas un recul suffisant pour lancer la main la corde par-dessus le sommet. Il nous semble alors qu' il faudrait, pour coiffer la cime, recourir à des engins spéciaux autres que ceux couramment employés en alpinisme 2 ).

Dans ces conditions, nous renonçons à l' escalade terminale. Une idée plus terre à terre nous incite dès lors à songer aux victuailles. La plaquette de chocolat est religieusement partagée et la bouteille liquidée avec grand soin 3 ). Ainsi les alpinistes se sont relestés, tandis que la caravane a désormais ses bagages réduits à leur plus simple expression.

Le temps reste splendide, nulle crainte d' orage, le courant d' air de la brèche du bas ne souffle pas ici 4 ), dans un court délai, à peine quelques heures, nous pourrons, si le cœur nous en dit, faire honneur aux victuailles qui nous attendent sur le Rognon des Nantillons.

La descente est entreprise et une heure de l' après nous sommes de retour à la brèche 3222. De cet endroit, la Mer de Glace paraît très proche x ) La reproduction face à la page 392 permet précisément de discerner le balcon supérieur qui sert de base au monolithe de l' Aiguille de la République.

Exécuté avec soin, un agrandissement photographique autoriserait la détermination de la hauteur du monolithe à un mètre près.

et le Montenvers > ), notre port d' attache, ne semble pas beaucoup plus éloigné. La proximité de la Mer de Glace, vue de la brèche 3222, suggère à l' un de nous l' idée de descendre directement de ce côté, plutôt, dit-il, que de revenir par les Grands Charmoz, route que nous connaissons suffisamment pour l' avoir parcourue de nombreuses fois. Un referendum est décidé sur l' à ou non de modifier l' itinéraire primitif, referendum d' autant plus nécessaire que nous savons trop que le sac fâcheusement laissé sur l' autre versant — sac où sont toutes nos provisions — ne viendra pas de son chef nous réjoindre par ici 2 ).

La question mise aux voix, le brave et bon Jean reste complètement muet; par principe, l' excellent garçon fait tout ce que l'on veut3 ). La question ne reste donc plus à débattre qu' entre Joseph Ravanel, auteur de la proposition, et le voyageur. Ce dernier trouve le projet fort attrayant, en théorie, alors qu' en pratique il lui semble des plus scabreux.

Sans doute, en nous penchant au-dessus de l' étroite cheminée à pic qui s' ouvre à nos pieds, apparaît-il clairement qu' on pourra descendre une cinquantaine de mètres par cette voie, mais notre ignorance domine tout le reste du parcours. Malgré l' aléa d' un itinéraire si peu étudié, le voyageur cède à l' irrésistible attraction de l' inconnu.

Il en résulte pour Joseph Ravanel, initiateur du projet, l' attribution du poste arrière qui impose à la descente la nécessité de ne compter que sur soi-même avec l' obligation, en outre, de veiller constamment sur ses deux coéquipiers, tandis que le touriste, au poste le plus enviable n' aura qu' à tracer la route. En témoignage de gratitude à leur ange gardien, ses deux coéquipiers se contenteront de lui expliquer comment se présentent les parois à dévaler, vues des étages inférieurs.

La première partie de la cheminée, étroite à souhait, permet de coincer aisément les épaules et bientôt toute la cordée se trouve égrenée dans la fissure, sensiblement verticale, qui nous promet à la descente un copieux ramonage.

* ) Aujourd'hui, comment doit-on écrire ce mot: Montenvers? Montanvert? Cf. sur ce sujet les notes antérieurement publiées, entre autres: « Revue Alpine », avril 1912, p. 124 à 130. Depuis la publication de celles-ci, la première de ces deux manières d' ins a fait, sur l' autre, des progrès appréciables, si bien que le « Guide Vallot », lui-même, écrit maintenant « Montenvers », malgré l' opinion catégoriquement opposée émise par MM. J. et H. Vallot: « Ann. C.A.F. », 1894, p. 45 à 49.

D' après de récentes indications, le secrétariat de la Mairie de Chamonix inscrit actuellement « Montenvers ». Le signataire de ces lignes croit bon de se conformer encoreen ce qui le concerne — à la décision et à la même pratique que la Mairie de la Commune de Chamonix dont dépend le lieu dit « le Montenvers ».

2 ) Peu après la course du 30 juillet 1902, par une sorte d' opposition, n' avons pas, en vue d' un itinéraire apparemment plus long: la traversée — parcours complet des crêtes — Charmoz-Grépon, promené une forte charge de provisions de façon si malencontreuse que nous dûmes, au retour, nous arrêter à une heure environ du Montenvers, à seule fin de ne pas rentrer avec nos victuailles intactes, nonobstant qu' avaient été impressionnées 23 plaques photographiques au cours de l' expédition. Sur le même sujet, voir aussi: « Guide L. Kurz », 1914, note de la p. 190; Revue « La Montagne », avril 1925, p. 118/119.

Si les itinéraires Aiguille de la République et traversée Charmoz-Grépon étaient aussi bien connus l' un que l' autre, il semblerait encore que le premier devrait être plus bref que le second.

En fait de ramonage, au lieu de suie, il convient d' éliminer les pierres douteuses susceptibles, par un malencontreux frôlement de corde ou autre, de venir ensuite assommer l' un de nous. Vu la nécessité de reconnaître le terrain et de parer aux désagréables surprises, nous n' opérons guère qu' alternativement.

De temps à autre, un quartier de roc bien enchâssé entre les parois vient opportunément nous servir d' utile repos, mais ces quartiers de roc souvent disposés en surplomb imposent, peu après, l' obligation de recourir à la corde supplémentaire. En quelques endroits plus resserrés, particulièrement sous les quartiers de roc en surplomb où le soleil ne donne jamais, suinte un peu d' humi le long des parois qui prennent, dans ce cas, une coloration plus sombre.

Par suite de la sous-alimentation, nos corps incomparablement moins rebondis qu' un pneu bien gonflé collent aux parois d' une façon satisfaisante; pour la même raison, nulle gêne dans les replis imposés à nos ventres par les continuels mouvements de reptation arrière. L' un de nous prétend, sans doute parce que tiraillé plus par le vide de son estomac que par la corde, que notre moyen de locomotion est supérieur à tout ce qui s' était encore fait en vue de faciliter la digestion.

Après la réalisation de divers rappels de corde, nous ignorons toujours si la suite de la descente ne va pas nous conduire dans un vilain traquenard, sorte de souricière d' où nous ne pourrions plus sortir. Et si pareille aventure se produisait, nous n' aurions même pas l' excuse d' être les premiers attrapés semblablement.

Par chance ou plutôt grâce à l' habileté de l' opérateur chargé des manœuvres, à chaque séance de rappel — environ une douzaine depuis la base du monolithe — la corde se dégage et retombe toujours correctement.

La distance qui nous séparait du glacier de Trélaporte s' est sensiblement réduite; maintenant, nous avons presque la certitude de pouvoir sortir sans accroc d' une entreprise dans laquelle nous nous sommes engagés avec beaucoup d' audace.

Effectivement, nous restons moins enclavés; la voie s' améliore; le rocher devient facile; on distingue mieux l' ensemble de la route. Enfin nous touchons presque au glacier; néanmoins, pour prendre pied sur celui-ci, il faut impérieusement s' introduire dans un conduit étroit et vertical, conduit constitué d' un côté par le roc fort lisse et de l' autre par une langue de glace. Quatre à cinq mètres seulement sont à descendre par ce chemin qui imposerait la taille de quelques encoches; mais l' espace trop restreint ne permet pas, surtout à la descente, la manœuvre du piolet; aussi le premier de la cordée juge-t-il opportun, puisque sûr d' être maintenu par les camarades du haut, de dévaler tant bien que mal l' étroit conduit en se collant le dos contre la glace et les genoux contre le roc lisse, tout en pensant — sans doute par égoïsme — que les deux suivants sauront certainement, en ce passage, bien mieux se débrouiller que leur voyageur.

En résumé, nous n' avons point gravi la cime visée, cependant qu' a persisté en nous l' impression d' avoir, avec heureuse chance, accompli une bonne randonnée.Voir page 395, le tracé de la voie suivie à la descente. Ce tracé se résume en une ligne assez directe jusqu' à son contact avec le glacier de Trélaporte. On peut remarquer que le présent tracé se soude dans sa partie inférieure, TRAVERSÉE DES GRANDS CHARMOZ.

aux divers itinéraires d' ascensions, par la face Est, soit au Grépon, soit aux Grands Charmoz, et qu' il se raccorde aussi, dans la partie rocheuse, à la voie d' ascension à la petite Corne de Chamois du 2 septembre 1903: « Echo des Alpes », mars 1911, p. 110 à 112. Relativement à ces itinéraires, il y a erreur de trace et de description dans le « Guide Vallot », malgré sa rectification de la fin du volume.

Les voleurs n' ayant point coutume d' opérer dans les parages du glacier des Nantillons, le touriste et Jean, remis finalement en bonneforme, retrouvèrent le sac aux provisions intact, le lendemain matin, à l' endroit où il avait été abandonné.

Horaire. Dans cet horaire ne sont pas définis les petits arrêts de quelques minutes.

Sans autre prétention que celle de rechercher l' exactitude et non la rapidité — d' ailleurs en alpinisme, la vitesse occasionnellement avantageuse n' est pas le plus souvent un grave défaut —, la méthode de notation ci-dessous relative à l' horaire semble préférable à celle qui indique seulement l' estimation du nombre d' heures nécessaires, préférable en ce sens qu' elle laisse toujours la faculté, dans les recherches, de revenir à une base non déformée permettant de définir, y compris les arrêts, le délai total aussi bien que celui concernant les points intermédiaires, de scinder la marche de nuit plus lente que celle de jour, base modifiable ensuite, dans un sens ou dans l' autre, selon les circonstances favorables ou non et l' appréciation particulière au gré de chacun:

Départ du Montenvers

matin, » » » 1 4 6 q h. 45 h. 15 h. h. 30 Rognon du glacier des Nantillons.

Col entre le Bâton Wicks et la cime des Grands Charmoz Brèche 3222

Base du monolithe de l' Aiguille de la République. Retour à la brèche 3222

» soir 11 1 h. à 12 h. h.

Glacier de Trélaporte

» 4 ( i h. 10 h. 55 Montenvers

E. Fontaine, Section genevoise.

Addenda.Dans la Revue du C.A.F.: « La Montagne », mars 1911, p. 160 à 161 et note ( voir aussi: Echo des Alpes, juin 1910, note 2 de la p. 221 ), il a été indiqué, avec les raisons à l' appui, pourquoi j' inscris Argenti ères et non Argentière ( Haute-Savoie ). J' estime toujours que chacun est libre d' écrire ce mot selon son idée, avec ou sans s final; mais je reste surpris que M. E.R. Blanchet, dans sa reproduction de texte: « Les Alpes », août 1925, p.307, ait publié en mon nom sa manière d' inscrire le nom de cette localité...

Aujourd'hui, le secrétariat de la Mairie de cette commune écrivant encore Argentières, je me conforme strictement à cet usage.

Relativement à l' Aiguille du Jardin, dans le même récit, M. E.R. Blanchet signale un endroit particulier, p. 309: « Une faille profonde, très large, nous sépare d' un point d' où l'on pourra dévaler dans l' abîme. Nul pont pour la franchir. Mais un pilier » etc. Puis, à propos de ce passage, M. E.R. Blanchet indique, p. 311: « II est surprenant, pourtant, que M. Fontaine ne le mentionne pas. L' unique souvenir évoqué par lui ( relativement à la paroi ) est celui d' une haute cheminée où coulait » etc. En réponse, je dois annoncer que dans le parcours suivi, à l' aller et au retour, le 1er août 1904, il ne se trouve aucun passage du genre « faille profonde » avec « pilier » décrit par M. E.R. Blanchet. Pour terminer, l' image du haut, face à la page 309, même article de M. E.R. Blanchet, porte comme titre: « La Rocheuse et les Droites ( du sommet de l' Aiguille Verte ) ». Cependant cette image ne semble pas avoir été prise du sommet de l' Aiguille Verte, on y voit, au premier plan à gauche, se profiler les deux Clochetons du Col de l' Aiguille Verte — observer que le Col de l' Aiguille Verte est singulièrement éloigné de l' Aiguille Verte — puis, en principal, les Droites qui occupent le centre de l' image et tout à fait à droite, au-dessus des nuages, perce la cime de l' Aiguille de Triolet. E. F.

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