A propos du Dome des Mischabel et du Tæschhorn | Club Alpino Svizzero CAS
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A propos du Dome des Mischabel et du Tæschhorn

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L' ascension du Dom des Mischabel, comme celle du Tæschhorn, a toujours été, pour l' alpiniste partant de Saas-Fée, une entreprise assez considérable. Pour le Dom, on a à sa disposition les itinéraires principaux suivants:

a ) 1° En partant de la cabane des Mischabel, traverser la Lenzspitze, en aboutissant au Lenzjoch, puis monter la face nord du Dom. La seule partie intéressante de la course est l' ascension de la Lenzspitze.

2° Eviter la Lenzspitze et gagner immédiatement le Lenzjoch, soit en partant directement de Saas-Fée, soit de la cabane des Mischabel. Dübi signale un passage de ce col, en 1869, et bien qu' il figure au tarif des guides de Saas, je crois que cet itinéraire n' est jamais utilisé. Je ne le cite que pour mémoire.

b ) Gravir la face est du Dom, ce qui présente, suivant l' état de la montagne, des dangers de chutes de pierres. Si l'on ne veut pas faire l' ascension d' un seul coup en partant le soir de Saas-Fée ( 2550 mètres à monter ), il faut bivouaquer au pied des rochers du Dom, à environ 3600 mètres d' altitude, dans de mauvaises conditions. On peut aussi, il est vrai, éviter ce bivouac et gagner le pied de la face est du Dom de la cabane des Mischabel, en traversant les rochers et les glaciers très crevassés sous la Lenzspitze et le Lenzjoch. Cette longue traversée doit se faire de nuit, à cause du danger de chutes de pierres, et l'on devra partir assez tôt de la cabane pour être au pied du Dom au lever du jour. La difficulté de trouver le chemin à la lanterne nécessite un bon clair de lune.

c ) On peut encore faire l' ascension par le col du Dom et l' arête sud du Dom, soit directement en partant de Saas-Fée, ce qui est excessivement long, soit en bivouaquant au pied du col ( côté est ), soit encore en venant de la cabane des Mischabel. Cet itinéraire comporte tous les inconvénients du précédent, aggravés du fait que le passage par le col constitue un détour qui allonge une ascension déjà suffisamment longue.

Le retour du Dom, si l'on veut revenir à Saas-Fée directement sans passer par la cabane Festi et Randa, s' effectuera par le Nadelgrat ( Stecknadelhorn et Nadelhorn ) et le Windjoch, ce qui est fatigant et sans grand intérêt.

Quant au Tæschhorn, voici les routes habituelles:

d ) Atteindre le col du Dom, comme il est dit sous c, et, de là, le sommet par l' arête nord.

e ) Par la face est ( sans intérêt ). Si l'on craint l' ascension d' une traite de Saas-Fée ( 2500 mètres de différence de niveau ), il faudra bivouaquer au pied du Tœschhorn ou partir le soir de la cabane des Mischabel avec le clair de lune et traverser sous la Lenzspitze, le Lenzjoch, le Dom et le col du Dom. C' est la même traversée que celle qui est mentionnée sous b, mais prolongée de tout le parcours du pied du Dom au pied du Tæschhorn. Elle devra se faire entièrement de nuit.

f ) Par le col des Mischabel et l' arête sud, en partant directement de Saas-Fée ou en bivouaquant au col.

Si l'on entend rentrer à Saas-Fée et éviter la descente sur Tæsch ou sur Randa, le retour devra se faire par l' arête sud et le col des Mischabel, soit par l' itinéraire /. Il paraît, cependant, que la descente de la face est s' est faite une fois. Cette descente doit présenter quelque dangerde chutes de pierres.

Pour les itinéraires b, c, d, e et f, on peut aussi bivouaquer à la Gletscheralp ou à la Langefluh, probablement dans de meilleures conditions. Mais la course du lendemain en est sensiblement allongée et l'on doit débuter en traversant le glacier de Saas qui est un vrai labyrinthe.

L' ascension de ces deux sommets serait grandement facilitée par la construction prévue d' un refuge au pied de la face est du Dom et même par l' érec d' une cabane à la Langefluh. Mais on attend et on attendra sans doute encore longtemps. On se demande pourquoi. Le mieux est de faire comme au service militaire et de répéter sagement avec le troupier: « II ne faut pas essayer de comprendre. » Tout paradoxal que cela paraisse, la solution de ces problèmes me paraît rendue beaucoup plus aisée, si l'on fait la traversée des deux sommets d' un seul coup, en y ajoutant encore la Lenzspitze.Voici comment je suis arrivé à cette constatation:

J' avais effectué, l' année dernière, en un temps assez bref, la traversée du Nadelgrat ( Lenzspitze, Nadelhorn, Stecknadelhorn et Hohberghorn, avec retour par ces trois derniers sommets et le Windjoch ). Cette rapidité, due à un bon entraînement et surtout au mauvais temps qui nous talonnait, avait fait naître, dans l' esprit de Pierre-Marie Zurbriggen qui m' accompagnait, de grandes espérances. Ainsi se réjouit, dans son cœur, le propriétaire d' une écurie de course à la vue d' un jeune poulain dont la croissance et le dressage, pleins de promesses, permettent d' escompter les victoires les plus heureuses, comme aussi les prix les plus intéressants; avec cette différence, toutefois, que, dans le cas qui nous occupe, c' est le poulain victorieux qui se charge, gracieusement, du paiement des prix.

Mon ami, E.R. Blanchet, avec le même Pierre-Marie et son frère Ignace, avait tenté, en 1920, la traversée des Mischabel, de l' Allalin au Nadelhorn, en partant de la cabane Britannia. Un violent orage l' avait malheureusement arrêté en pleine route; il avait dû abandonner son projet après le Dom et battre en retraite à la cabane Festi. C' était déjà une bien belle performance.

L' année suivante, avec les guides Emile Anthamatten ( de Saas-Grund ) et Aloys Zurbriggen ( d' Almagell ), le Dr Lœtscher, de Zurich, avait réussi la traversée complète.

Il y avait là un gant à relever: Pierre-Marie se devait de faire plus et plus vite. Mais, comme le jockey ne peut courir sans cheval, ainsi le guide ne peut voyager sans touriste. Pierre-Marie cherchait; il crut avoir trouvé; il se trompait.

En arrivant à Saas-Fée, l' été 1924, il me restait à gravir l' Allalin, l' Alp, le Tæschhorn et le Dom. J' en parlai à Pierre-Marie dont les yeux brillèrent; il m' entreprit sérieusement, me fit des propositions honnêtes, me laissa entrevoir une belle auréole et ne me convainquit pas. N' ayant aucun goût pour les records, je décidai, après un examen attentif des cotes d' altitudes, de partager le morceau en deux: première série: Allalin et Alphubel; deuxième série: Lenzspitze, Dom et Tæschhorn.

Le 9 août, je traversai, avec Pierre-Marie et son frère Oswald, l' Allalin et l' Alphubel par un temps splendide et dans d' excellentes conditions qui nous permirent, étant partis à 2 heures de la cabane Britannia, d' être à 8 heures à l' Alphubel et à 11 heures et demie à Saas-Fée. Si nous n' avions pas commis la bêtise de ne pas prendre nos crampons, nous aurions pu facilement, du même coup, traverser le Tæschhorn et même, en partant plus tôt de la cabane Britannia, le Dom.

J' aurais pu et, étant donnée l' incertitude du temps durant ce lamentable été, j' aurais dû partir l' après du même jour pour la cabane des Mischabel, afin d' exécuter aussitôt la seconde partie du programme. Mais le lendemain était un dimanche; les alpinistes familiers du Haut-Valais savent ce que cela signifie. Il fallut patienter.

Le 10 août, laissant mes hommes aux devoirs que leur impose leur piété, je montai de bon matin à la cabane des Mischabel que je trouvai vide, ainsi que cela se doit en un tel jour; j' en rendis grâces à l' auteur présumé du repos hebdomadaire et attendis, en dormant, l' arrivée des caravanes dominicales qui, comme chacun sait, font leurs ascensions le lundi. Les frères Zurbriggen me rejoignirent dans la soirée.

Le lundi 11 août, nous partons à 1 heure 15 de la cabane et sommes à 5 heures 15 au sommet de la Lenzspitze, dépassant de trois quarts d' heure le temps que nous avons mis l' an dernier. Cela tient au fait que le passage des endroits un peu sérieux s' est fait de nuit, à la lanterne, et qu' un fort vent du nord-ouest nous a obligés à rallumer nos bougies au moins une vingtaine de fois. Quand donc la question de l' éclairage à la montagne sera-t-elle résolue pratiquement? Je suggère que le C.A.S. mette ce problème au concours. Cela serait beaucoup plus utile à la cause de l' alpinisme que la suppression de la vente des vivres dans les cabanes.

En traversant le grand gendarme, nous apercevons les lumières de la caravane de M. Tanner, de Richterswil, accompagné d' Ambros Andenmatten et de Philémon Zurbriggen, frère de mes guides. Cette caravane a bivouaqué au pied du Dom dont elle escalade la face est ( itinéraire b ci-dessus ). Il a été convenu que nous nous rencontrerons au sommet du Dom et que nous traverserons ensuite le Tæschhorn ensemble. Pierre-Marie signale notre présence en faisant flamber un superbe feu de bengale qui projette nos ombres titanesques sur les hauts névés du glacier de Hohbalen et en poussant des cris dont la sonorité se perd dans l' espace sans frapper d' autres oreilles que les nôtres.

De la Lenzspitze, nous dégringolons aussi vite que nous pouvons par les mauvais rochers de l' arête sud et atteignons sans peine le Lenzjoch en contournant par l' est les gendarmes dont la partie horizontale de cette arête est garnie. On pourrait, je crois, gagner passablement de temps en quittant l' arête, avant d' arriver à sa base et en descendant une pente d' éboulis, sur la face ouest, pour rejoindre le névé qui se trouve au haut du glacier de Hohberg et au pied de la face nord du Dom. Une courte traversée, à plat, sur ce névé permettrait d' atteindre rapidement le chemin ordinaire du Dom venant du Festijoch. Mais il paraît que cette pente d' éboulis est souvent verglacée et c' est ce qui nous y a fait renoncer. Du Lenzjoch, une marche de flanc horizontale nous amène à ce chemin bien tracé dans une bonne neige qui nous conduit sans peine au sommet où nous arrivons à 8 heures et où nous trouvons M. Tanner et sa suite. Partie presque une heure avant nous, cette caravane n' est parvenue au Dom que 20 minutes plus tôt, ce qui montre, à l' évidence, que l' itinéraire par la cabane des Mischabel et la Lenzspitze est bien préférable à celui de la face est dont l' intérêt, au point de vue de la varappe, n' est pas à comparer avec la Lenzspitze. Ces messieurs sont visiblement éprouvés par la nuit blanche passée au bivouac où le froid a été vif; ils préfèrent rentrer par le plus court chemin, soit par le Nadelgrat, et renoncent à traverser le Tæschhorn.

Du sommet du Dom au col du Dom, c' est une alternance de petites arêtes, de couloirs, d' éboulis, de cheminées, de gendarmes, sans grande difficulté, mais en mauvais rocher, ce qui impose une allure prudente. Le passage, sur la face ouest, d' une petite tour exige, notamment, de grandes précautions. Puis, c' est une arête horizontale de neige, bien facile et reposante et, enfin, une très belle arête, d' une pente moyenne relativement faible, jusqu' au sommet du Tæschhorn. Le rocher est excellent et les difficultés juste suffisantes pour nous stimuler agréablement sans causer de grande fatigue. Un seul passage en glace, sur le versant ouest, nous a obligés de tailler quelques marches et nous a fait perdre un peu de temps.

A midi 15, nous sommes au Tæschhorn où je décide un arrêt prolongé: je ressens le besoin d' un repas copieux et j' ai trouvé, pour m' y livrer, une dalle admirablement placée, au nord, à l' abri de la réverbération de la neige. A peine ai-je manifesté l' intention de m' y installer, que Pierre-Marie m' adresse une sévère réprimande: « Toutes les lunettes de Saas-Fée sont braquées sur nous, comment peut-on désirer ne pas se faire voir, ce n' est pas le moment de se cacher, etc. » J' obéis, et nous voilà assis, aveuglés, sur le versant de Saas, au grand soleil de Thermidor. Au bout de trois quarts d' heure, Pierre-Marie, estimant qu' on l' a assez vu, donne le signal du départ et c' est la descente, longue et fastidieuse, vers le col des Mischabel: d' abord une face rocheuse, assez raide et croulante, puis une arête de neige molle recouvrant de la glace et ornée, par places, de corniches, puis une arête d' assez bon rocher, puis, de nouveau, de la neige molle et, enfin, juste avant d' arriver au col, une série de petits gendarmes en bon rocher que nous nous obstinons à traverser. On pourrait les éviter et gagner pas mal de temps en s' échappant vers la droite ( côté sud ), par un petit couloir conduisant facilement aux névés supérieurs du glacier de Weingarten, d' où une courte marche, presque en palier, permettrait de rejoindre sans peine le col des Mischabel. J' avais proposé la chose, mais on m' a répondu que « cela ne se faisait pas » et je n' ai pas insisté.

La pente nord-est du col était en glace; nous avons dû tailler des degrés sur une longueur d' une centaine de mètres et user de quelques précautions pour passer les deux rimaies. Puis, ce fut le dédale du glacier de Fée qui nous fit perdre pas mal de temps et nous fit choir, à tour de rôle, dans quel- ques crevasses. A 18 heures 50, nous étions à la Langefluh, où Pierre-Marie nous libéra de la corde dont nous avions ceint nos reins 16 heures plus tôt.

HeureDuréeHeureDurée de départ des arrêtsde départ des arrêts Horaire:et d' arrivée en minuteset d' arrivée en minutes Cabane des Mischabel dép. 1 h. 15Tæschhorn arr. 12 h. 15 Lenzspitzearr. 5 h. 15 » dép. 13 h. 00 45 » dép. 5 h. 205 Col des Mischabel. arr. 15 h. 30 Lenzjocharr. 6 h. 20 » » ».. dép. 16 h. 10 40 »dép. 6 h. 50 30Langefluh arr. 18 h. 50 Domarr. 8 h. 00 » dép. 19 h. 00 10 ». dép. 8 h. 35 35 Saas-Fée arr. 20 h. 15 DomJ°charr. 10 h. 40Total des arrêts en minutes: 180 dép. 10h.55 15soit 3 h.

Notre traversée a donc duré 16 heures, arrêts déduits. Cela représente, croyons-nous, une bonne vitesse moyenne. Nous aurions pu accélérer l' allure, sans la forcer. La neige, plus abondante que dans un été sec, nous a probablement fait perdre une heure environ. Malgré cela, on peut dire que les conditions furent excellentes: le temps était parfaitement sûr et la température délicieuse.

Dénivellations:AltitudesMontéeDescente Cabane 3332 m.

Lenzspitze4300 m.968 m.

Lenzjoch4167 m.133 m.

Dom4554 m.387 m.

Domjoch4286 m.268 m.

Tæschhorn4498 m.212 m.

Col des Mischabe13856 m.642 m.

Langefluh2849 m.1007 m.

Saas-Fée1798 m.1051 m.

Totaux1567 m.3101 m.

On remarquera que le total des dénivellations en montée n' est que de 1567 m ., ce qui est fort peu pour trois sommets aussi élevés. A titre de comparaison, l' ascension du Dom, par le chemin habituel, soit de la cabane Festi, représente 1616 m .; celle du Tœschhorn, de la cabane de Kien, 1912 m ., et de la Tœschalp supérieure, 2283 m.

Tout alpiniste entraîné peut entreprendre cette belle course d' arêtes qui ne présente pas d' autres dangers que les dangers normaux dans la très haute montagne et qui comporte le grand avantage d' avoir, pour point de départ, une excellente cabane située à une grande altitude.

En terminant, je tiens à relever l' habileté, la prudence et la complaisance des frères Zurbriggen. Ils sont pour beaucoup dans le souvenir que je garde de cette journée.

Décembre 1924.Jean Chaubert.

P. S. Il résulte de renseignements qui viennent de me parvenir qu' on utilise habituellement, pour l' ascension du Tœschhorn par la face est, le même bivouac que pour l' ascension du Dom par la face est. Du bivouac, on traverse alors horizontalement pour gagner le pied du Tæschhorn. On peut aussi, paraît-il, bivouaquer sur un îlot rocheux allongé, entre la Langefluh et le pied du Tæschhorn, et dont l' extrémité inférieure porte la cote 3148 A. S.

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