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A skis au Wetterhorn

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Par Félix Tharin.

Mon cher René, Dans une de tes dernières lettres tu me parlais du Wetterhorn comme d' une course longue mais infiniment belle, et tu me demandais si nous ne pourrions nous y rencontrer une fois en été. Je n' aurais pas dit non, mais lorsqu' un sommet est skiable comme c' est le cas pour celui-ci, je préfère le faire au printemps, avec tout autant de plaisir et beaucoup moins de peine.

L' occasion fait le larron. Notre ami Hermann m' ayant offert un dimanche, il ne me restait plus qu' à trouver une course ad hoc, car tu sais qu' il est à la page. Il skie parfaitement bien et surtout il dispose d' une voiture très, très confortable, propre à nous éviter les ennuis de l' interminable course en train jusqu' à Meiringen et la marche de nuit dans la vallée de Rosenlaui.

Par le Brünig dans sa fraîche parure vert tendre, le long de la route étroite et malcommode qui, de Meiringen, s' élève dans les prés fleuris, puis dans les bois de hêtres, et longe la paisible vallée arrosée par le Reichenbach dont la cascade est universellement connue et industrialisée de toutes manières, il m' a conduit à Rosenlaui par un magnifique après-midi de printemps. Doucement le soir tombe lorsque nous y arrivons. Nous sommes les uniques clients chez le gardien d' hiver de l' immense hôtel. Pour une fois, le samedi ne nous aura pas vus arriver épuisés à la cabane; ayant dormi dans de confortables lits, nous pourrons prendre le départ très tôt.

Tu sais tous les contes qui circulent sur la longueur de notre course. On m' avait parlé de onze à treize heures et même davantage, et Hermann, toujours un peu pessimiste, croyait que nous ne rentrerions ni de jour ni même le dimanche. Mais malgré que tous les renseignements rassemblés concor-dassent pour cet horaire exorbitant, j' étais certain que pour une différence d' altitude égale à celle du Pizol et pour des difficultés comparables à celles du Tödi, la journée devait normalement nous suffire. Le gardien nous conseille de partir à 1 heure. Mes calculs ( oh! bien simples ) nous permettaient de goûter le repos parfait jusqu' à 2 heures. Car il faut une heure et demie jusqu' à la moraine, et je voulais le jour à ce moment-là.

La soirée avait été très belle. Nous avions admiré de bien bas les sommets bien haut perchés des Engelhörner, Rosenlauistock, Kingspitz et tous ceux que tu connais mieux que moi. Nous nous sentions bien petits devant ces colosses qui, aujourd'hui nous dominent avec arrogance et qui, demain, se feront bien humbles à mesure que nous monterons. Pas un nuage ne troublait la sérénité du ciel où brillaient déjà les premières étoiles, et le gardien nous prédisait une journée encore plus belle pour le dimanche.

Aussi, à notre lever, notre désappointement est-il grand d' apercevoir sur le Dossenhorn ces traînées nuageuses dont on ne peut rien attendre de bon. Sans espoir aucun pour la journée nous suivons à la lanterne le sentier qui, par la « Gorge glaciaire », nous conduira jusqu' à la moraine. C' est là que nous devançons une caravane de huit touristes bernois au repos.

Nous comptons huit heures de Rosenlaui, nous répondent-ils très aimablement et nos doutes sont ainsi bientôt dissipés pour ce qui concerne la marche. Peu après nous, la caravane repart et nous leur laissons bien volontiers prendre les devants et nous montrer la bonne voie.

Pour gagner le pied du Dossenhorn, on rejoint et suit en été la longue moraine latérale qui borde les derniers séracs du glacier de Rosenlaui et l'on prend ainsi assez haut le grand couloir de neige qui descend des rochers sous la cabane. En hiver il est préférable de rester dans la combe à droite de la moraine.

La neige est molle et nous nous félicitons d' avoir devant nous de jeunes gaillards qui font la trace. Le jour se lève, maussade et indécis. Le Wellhorn est dans le brouillard de même que tout le plateau glaciaire, tandis que le Dossenhorn et les Engelhörner en restent libres. Au levant, des traînées de toutes couleurs nous prédisent plus d' un désagrément. Nous nous trouvons sur la rive droite du Glacier de Rosenlaui et laissons à notre gauche les rochers au haut desquels s' élève la cabane du Dossen. A peu près à la hauteur de celle-ci, on tire à droite vers la cassure du glacier. Nos compagnons, épuisés par leur travail et par une nuit plus courte que la nôtre, font une seconde halte et s' encordent. Après avoir chaussé nos skis, nous partons, suivant des traces vieilles d' une semaine. La pente est maintenant bien moins forte et les bonnes traces nous conduisent à travers les crevasses à un grand plateau, suivi d' une nouvelle pente, douce et peu crevassée. Nous atteignons sans fatigue un nouveau plateau glaciaire situé entre le Dossenhorn, le Renfer-joch, le Rosenhorn et le Wetterhornsattel, c' est le Wetterkessel dont le nom pourrait nous promettre les plus pures réjouissances comme brouillard, tempête de neige, grêle, etc., ou bien une chaleur torride sous un soleil de plomb. Mais tout cela n' est pas pour nous aujourd'hui, car le brouillard est plus haut sur le col et les sommets, et il nous abrite en même temps de l' ardeur du soleil. Une pente qui promet une joyeuse descente nous conduit au Wetterhornsattel, et nous voilà en plein dans les nuages. Je sais que nous avons ensuite une courte descente, mais sans le vouloir nous l' évitons presque complètement en longeant les flancs du Mittelhorn. Les traces sont ici tout à fait effacées où elles nous seraient des plus utiles et nous montons à l' aveuglette, nous confiant à notre chance. La pente se redresse lentement; nous évitons deux crevasses et nous nous trouvons bientôt dans un gros éboulis de glace. Par une trouée dans le brouillard nous apercevons à notre gauche d' immenses séracs prêts à descendre.Vers 9 heures, nous atteignons une selle neigeuse et à 100 mètres le Wettersattel, notre but. Le brouillard fait mine de se dissiper, revient puis repart. Il nous laisse entrevoir le Mittelhorn, le Wetterhorn ou même le Schreckhorn. Nous déposons sacs et skis et nous nous restaurons. C' est long depuis 2 heures! Au bout d' un quart d' heure, le temps, très prévenant, s' éclaircit et nous laisse parfaitement distinguer la voie à suivre pour le sommet: une petite arête de neige, puis une pente très raide, une sorte de large couloir, descend du sommet.

A 9 h. 30, Hermann et moi nous serrons la main au sommet de la Jungfrau du Hasli ( 3703 m ). Les dernières vagues de brouillard fuient éper- A SKIS AU WETTERHORN.

dûment vers le sud. Sur l' Eismeer devant l' Eiger un nuage tenace se blottit dans le vallon, tandis que la bise lui interdit de dépasser l' arête du Mittellegi. ( Comment voir ce sommet et cette paroi nord sans penser aux deux Munichois qui y dorment de leur dernier sommeil en attendant depuis si longtemps une autre sépulture. ) J' ai l' honneur de présenter à notre ami, encore novice dans l' Oberland, tous les quatre mille de cette belle région. Ils sont tous là, Mönch, Jungfrau, Aletschhorn, Grünhorn, Fiescherhörner, Schreckhorn et Lauteraarhorn, tous sauf leur monarque, le Finsteraarhorn, que nous masque le Schreckhorn. Au sud, nos sommets à ski du Tessin et du Gothard, et devant nous le Mittel-et le Rosenhorn. Dans le fond et sans aucune prétention nous énumérons les pointes des Engelhörner, aux noms originaux comme on n' en rencontre nulle part en Suisse et qui nous reposent de tous les « Horn » de l' Oberland.

Il fait beau, il fait chaud, et sur la fine arête de neige, oubliant la crise et les ennuis journaliers, Hermann son asthme et moi le Mont Blanc, nous goûtons de ces moments délicieux réservés aux seuls alpinistes qui ont par leur propres forces gagné un sommet, sans chemin de fer ou téléférique.

Nous faisons encore une grande halte au Wettersattel qui ressemble beaucoup, par son panorama et par sa position, au Feejoch. ( Tu te souviens certainement des instants passés ensemble au pied de l' Allalin. ) Une courte visite au Mittelhorn, skiable jusqu' au sommet avec des skis de printemps, et c' est la descente sur une neige idéale et par un temps merveilleux, une de ces descentes dont on se souvient longtemps parce qu' elle était nouvelle, parce que la neige n' était pas lourde, malgré la grande chaleur de midi, et surtout parce que l'on était parti le matin sans espoir d' atteindre le sommet et de jouir d' un coin de ciel bleu. A part les séracs et le grand couloir du bas, on peut pour ainsi dire tout faire en « schuss ».

Somme toute, cette course ressemble surtout à celle du Tödi, la partie glaciaire étant un peu plus longue et beaucoup moins crevassée ( au moins cette foisla course est plus longue par le fait du manque de cabane à une certaine altitude. Donc, moins de monde même au printemps.

Sur des pentes qui fleurent le bois-gentil, ou nous sourient les gentianes, dans une forêt clairsemée qui abrite le chemin rocailleux des rayons d' un ardent soleil de mai, le sentier nous ramène frais et dispos vers les 2 heures à Rosenlaui dont nous pouvons aujourd'hui admirer à notre aise la position unique au pied du Wellhorn.

Je souhaite que tu aies aussi une fois la chance de faire cette course dans de pareilles conditions et que, comme ce fut le cas pour moi, un aimable chauffeur te ramène chez toi à petite vitesse, te permettant d' admirer tout à ton aise un paysage unique au monde et de savourer longuement les délices d' une soirée printanière dans le cadre enchanteur de la Suisse centrale.

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