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Cordes d'assurage et assurage à la corde

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PAR FRANCE AvClN, LJOUBLJANA

Avec 8 croquis Le mieux est l' ennemi du bien On a déjà beaucoup écrit au sujet des cordes d' assurage, et tout particulièrement en ces derniers temps où les escalades atteignent des difficultés presque surhumaines et tombent dans le domaine de la technique pure. Des progrès extraordinaires ont été réalisés dans la fabrication des cordes de montagne. Les cordes de fibres synthétiques tendent vers une perfection dont on n' avait aucune idée. Ces progrès sont particulièrement marqués depuis que la « Commission internationale des cordes », créée sur notre initiative lors de l' assemblée annuelle de l' Union Interna- tionale des Associations d' Alpinisme en 1951 à Bled ( Yougoslavie ), s' occupe de ces questions. Les cordes classiques de chanvre participent, elles aussi, à la compétition. Bientôt nous verrons apparaître la corde de montagne parfaite, répondant à toutes les Piton exigences de la pratique!

Bien qu' étroitement lié à la question des cordes, le problème de la méthode d' assu la plus appropriée suscite moins de discussions. Les lignes suivantes lui seront consacrées.

Ce sont les Américains, gens pratiques avant tout, qui ont sinon résolu définitivement les deux problèmes: fabrication d' une corde offrant toute sécurité, mise au point d' une bonne méthode d' assurage, du moins ont fait un pas décisif vers leur solution. La découverte du nylon vient d' Amérique ( 1935 ). Elle fut l' origine du développement des cordes de fibres synthétiques. Les efforts conjugués des meilleurs grimpeurs américains; du National Bureau of Standards ( NBS ), qui a apporté son appui scienti- Fig. l fique ( x ); du Plymouth Cordage Co. ( North Plymouth, Mass .), qui a étudié la technique de fabrication; enfin l' appui financier de l' armée américaine ( lOth Mountain Division ), ont permis de sortir pendant la deuxième guerre mondiale l' excellente corde de montagne de l' armée américaine en « mountain nylon ». Ses qualités quant à la résistance au choc sont inégalées jusqu' à maintenant. Le Sierra Club a dirigé la mise au point de la méthode d' as la mieux appropriée du point de vue physique, « the dynamic of running belay », méthode donnant les meilleurs résultats dans les cas de chutes même très graves sur des pentes de neige ou de glace très raides.

Ces sujets sont traités dans deux articles très peu connus, dus à la plume de l' alpiniste et physicien NBS Arnold Wexler, de Washington ( 2-3 ). Nous avons élargi les exposés techniques de Wexler concernant les différentes méthodes d' assurage. De la relation linéaire idéale de Hook ( charge de la corde = c. allongement de la corde ) nous avons passé à une approximation parabolique beaucoup plus réaliste, car l' approximation de Wexler attribuait à la corde plus qu' elle n' est capable de supporter ( 4>5 ). En 1957 j' ai eu l' occasion rare de travailler quelques mois dans le même NBS ( Washington D. C ), et d' entrer en contact personnel avec Arnold Wexler pour expérimenter moi-même à fond la méthode dynamique d' assurage dans l' école d' escalade voisine, située près des Great Falls de la rivière Potomac. Ces impressions et quelques essais comparatifs * Le mot assurage, non encore admis dans le dictionnaire, est si bien entré dans le langage des alpinistes que nous lui donnons la préférence.

des méthodes classiques d' assurage et des méthodes glissantes dynamiques effectués en hiver sur les pentes raides des Alpes Juliennes furent si convaincants que je me sens un devoir de communiquer ces faits à mes camarades de club suisses, ainsi qu' on m' en a prié à la session de la Commission des cordes de l' UIAA à St-Gall en 1957. Les problèmes de la corde et de l' assurage étant en principe de nature purement technique, il n' est guère possible de les décrire sans introduire les notions techniques adéquates. Disciple et ami convaincu du grand vétéran, le Dr Julius Kugy, je partage son aversion de la«technicisation » de l' alpinisme. Cependant, comme je suis en même temps grimpeur et technicien, je me sens un devoir de contribuer à réduire au minimum les dangers de la varappe.

Le problème de la corde On sait depuis longtemps, et la pratique l' a prouvé, qu' aucune corde de montagne, qu' elle soit de chanvre, de manille, de sisal ou de quelque autre fibre naturelle, retenue rigidement à un point fixe, ne peut enrayer une chute verticale libre du grimpeur ( 6 ). Si la hauteur de la chute est égale au double de la longueur de la corde libre, on parle d' une chute maximale. La hauteur de cette chute et l' assurage purement statique ( rigid or static belay ) déterminent les plus grandes exigences qu' on puisse formuler à regard d' une corde pendant la varappe. Dans la pratique, on a un assurage statique si, par exemple, la corde passe autour d' un béquet, ou si une boucle formée spontanément en empêche le glissement dans un mousqueton. Ce cas extrême ou maximal convient particulièrement aux essais de résistance au choc de la corde de montagne ( croquis 1 ). Depuis quelques années, on contrôle en maints endroits de cette façon-là les prototypes de cordes qui auront à fournir ce grand travail pour protéger les spécialistes du rocher. Il faudrait à l' avenir déterminer expressément les conditions de contrôle les plus défavorables pour effectuer des mesures comparables sur les matériaux en question, en particulier préciser la hauteur de chute dont dépend un facteur important: la vitesse d' allongement relatif.

L' appareil d' essais de choc du prof. Dodero de Grenoble ( président de la Commission des cordes ) a révolutionné les idées en montrant clairement combien les cordes de fibres naturelles sont vulnérables: le choc produit par la chute maximale d' une masse de 85 kg sur une corde de chanvre provoque « une véritable petite explosion sous forme d' un petit nuage de chanvre ». Seules quelques cordes de fibres synthétiques supportent un choc pareil, certaines même plusieurs fois consécutives. L' effort de traction auquel est soumise la corde est énorme dans ce cas. En effet, la traverse d' acier de l' appareil Dodero, d' une section de 16 cm de hauteur, qui supportait le mousqueton, fut tordue par la violence de la chute.

L' explication de tels phénomènes est connue: l' arrêt d' une chute est, au fond, un problème d' absorption d' énergie. Lors d' un assurage purement statique, toute la violence, toute l' énergie cinétique du corps tombant se trouve imposée à la corde; elle doit l' absorber en la transformant en énergie calorique par son travail de déformation. Le bilan d' énergie correspondant peut nous conduire à une unité de grandeur d' un nouveau genre, destinée à définir de telles « cordes dynamiques ».

Tandis que les « cordes statiques », celles qui n' ont à supporter qu' une charge statique, sont caractérisées par leur résistance à la charge, c'est-à-dire, à un poids ou à une force Fk et peut-être encore par l' allongement relatif à la rupture ek, ces données ne suffisent aucunement pour une corde dynamique. Celle-ci doit porter une autre indication encore, celle du travail spécifique de déformation, de l' énergie cinétique qui peut encore juste être absorbée par unité de longueur de corde, sans en provoquer la rupture. Elle est définie statiquement comme intégrale JF(é)-de, o qui représente donc la surface délimitée par la courbe force-allongement ( croquis 2 ). Si cette courbe est remplacée par la droite ( de Hook ) F = k. e, passant par le point de rupture, c' est qu' on a trop présumé de la corde. Si l'on prend une parabole du second degré F = k2-e2, le calcul est un peu pessimiste, mais possède l' avantage d' une grande sécurité. La surface déterminée par cette courbe réelle est mesurée planimétriquement. La capacité spécifique d' absorption dynamique d' énergie semble être un peu supérieure à la capacité statique, car les cordes supportent au choc plus que ne le laissent prévoir les chiffres calculés statiquement. Il faudra, dans un proche avenir, déterminer directement à l' aide de nouveaux appareils le travail dynamique spécifique correspondant.

Sur la base de ces notions et en considérant la fig. 1, nous pouvons exprimer notre bilan d' énergie lors de la chute maximale par la formule suivante: l' énergie cinétique de la masse de poids G tombant d' une hauteur ( h + Al ) est G(h + Al ). Elle doit être transformée en chaleur dans la longueur de corde disponible / ayant une capacité de travail spécifique Ws. Nous avons donc:

G{h + AlW, En divisant notre équation par / et en augmentant le poids de la masse tombante à l' extrême, nous obtenons, avec Al/l = e ( allongement relatif ), cette grandeur Gk pour la hauteur de chute maximale h = 21 Cela correspond à ce qu' on nomme le poids critique, celui qu' une corde est encore capable de retenir dynamiquement dans le cas extrême. Comme on le voit, la valeur est tout à fait indépendante de la hauteur de chute, théoriquement tout au moins, car à la double hauteur de chute s' oppose une double absorption d' énergie dans un tronçon de corde actif dont la longueur se trouve aussi doublée, constatation quelque peu surprenante de prime abord.

Pour les cordes statiques, les seules qui entraient autrefois en ligne de compte, la résistance statique à la rupture était donnée sous forme du poids au repos que ces cordes pouvaient supporter. La caractéristique de la corde dynamique moderne est de nouveau l' indication d' un poids, celui que la corde peut encore supporter dans le cas le plus défavorable sans le concours des autres facteurs du système d' assurage. En achetant une corde, le grimpeur n' a qu' à comparer cette indication du poids critique avec son propre poids, et il se trouve bien renseigné. Quant à la résistance statique Fk, à l' allongement relatif au point critique ek et au travail spécifique de rupture Wsk, tout cela ne lui dit pas grand-chose et ne lui est d' aucun secours!

Depuis presque une dizaine d' années, nous nous efforçons de faire accepter partout cette valeur Gk comme seule déterminante pour caractériser des cordes de montagne quant à leur résistance au choc. En Allemagne c' est déjà chose admise ( 7-8 ).

Dans la pratique, une chute peut avoir la hauteur maximale, mais elle ne se passe jamais entièrement d' une façon statique. A l' amortissement par la corde s' associe un amortissement non négligeable par le corps de celui qui tombe. Selon Wexler ( 2 ), la chute devient alors une chute soumise, en partie tout au moins, à un assurage non rigide ( resilient or indirect belay ). Grâce à ce fait et grâce au frottement de l' air, la résistance dynamique à la rupture est augmentée. La présence inévitable de boucles à la corde et son point d' appui dans le mousqueton agissent cepen- Force F dant dans le sens contraire, le poids critique s' en trouve abaissé de 30 % à 40 %, et plus, comme le montrent les essais. Pour tenir compte de ces influences, il faut introduire un facteur de sécurité k; notre équation fondamentale pour Gk devient alors

W

sk Ce poids critique modifié est appelé aussi résistance au choc, notion physique mesurée par un poids.

Le travail spécifique de rupture Wsk n' est connu que par les expériences statiques. Sous forme dynamique, ce facteur n' est pas sans relation avec la vitesse relative d' allongement; il est généralement un peu supérieur à la valeur statique, mais peut aussi lui être inférieur, suivant la construction de la corde. Aussi longtemps qu' il n' existe pas de dispositif de mesure digne de confiance, il peut être calculé à partir du diagramme chemin-temps s =f(i ), déterminé expérimentalement par une double différenciation ( graphique ) d' après l' équation différentielle de la chute libre dans la corde d2s 1000 900 800 700 600 500 400 300 200 100 ce qui nous donne la ligne force-chemin F = f(s ), d' où l'on tire le travail spécifique de rupture dynamique ( 7 ). Mais c' est une méthode compliquée. Pour le moment, il sera plus facile de calculer Wsk à partir de la courbe charge-allongement. La droite idéale du croquis 2 donne Ws = Fe/2 = 0,5 Fe, tandis que la parabole pessimiste donne Ws = Fe0,33 Fe. La courbe véritable se trouve le plus souvent entre deux, mais plus près de la parabole. La valeur approxi- mative de sa surface Ws = h.Fe serait exprimée par un coefficient de surface h = 0,4 avec une sûreté qui ne le cède en rien au coefficient d' assurage k. Dans la formule ainsi obtenue, valable pour la détermination du point de rupture Gk = khFJ{ek ), avec/(e,ej(2 + eh ) nous aurions pour 1° la limite supérieure avec k = 1, h = y2 une valeur kh = c = 0,5, soit 502° la limite inférieure avec k = y2, h = y2, une valeur kh = c = 0,166, soit 16,73° la valeur probable avec k = 0,6.. .0,8, h = 0,4 une valeur de kh = c = 0,25.. .0,30, soit 25...30%.

Si nous calculons encore ( table 1 ) la fonction/(eek(2 + ek ) pour les valeurs de l' allongement relatif de rupture ek des différents matériaux de corde entrant pratiquement en ligne de compte, et allant de 10corde de chanvre très raide ) jusqu' à 55 mountain nylon ) et, à titre exceptionnel, 100high elongation nylon ) et que nous représentions ces valeurs graphiquement ( croquis 3 ), notre équation fondamentale pour Gk donnera Gk = c-Fk-f[ek\ avec c^0,25.. .0,3 Le poids critique est ainsi facile à calculer à partir des deux valeurs statiques, résistance à la rupture Fk et allongement relatif à la rupture ek. Nous obtenons, par exemple:

1 Corde excellente de chanvre tordu, diamètre 11 mm. Elle donne pour Fk = 1600 kp, ek = 22... 23relativement élevéune valeur Gk = 0,25-1600 kp.0,103 = 41 kp soit un poids critique de 41 kiloponds ( kilogrammes-force ) ou une masse critique de 41 kg ( kilogrammes-masse ). On ne peut guère obtenir plus avec des fibres naturelles. Elles ne peuvent retenir la chute maximale d' un grimpeur, à moins qu' on n' applique une meilleure méthode d' assurage, éliminant d' avance tout procédé statique. Les fibres naturelles restent donc limitées aux cordes statiques. Cela explique les nombreux accidents se produisant avec des cordes neuves qui cassent.

2 Corde de perlon, l' une des meilleures fibres synthétiques avec âme de fibres droites et gaîne tressée, diamètre 11 mm. Elle donne pour Fk = 2520 kp, ek = 17relativement très peu !) Gk = 0,3-2520-0,078 = 59 kp elle ne peut donc pas résister au choc si on la prend simple.

Et pourtant cette corde d' un diamètre de 12 mm aurait résisté à trois chutes maximales consécutives d' une charge de 80 kg. Cela signifie soit que le coefficient c = 0,3 est trop bas pour cette construction, soit que l' élasticité de la suspension et, pour une bonne part, celle du poids ( pneu d' auto avec câble métallique roulé à l' intérieur, d' un poids total de 85 kg dans l' appareil Dodero ) ont contribué à l' absorption d' énergie. Les appareils de contrôle présentent encore de trop grandes différences pour que les résultats obtenus soient comparables. Les nœuds de corde après ces essais de chute répétés ne peuvent généralement être défaits que par une seule méthode: celle d' Alexandre le Grand!

C' est seulement le diamètre de 12 mm, avec Fk = 3090 kp ( énorme, trois tonnes !), ek 17,5 % qui donne un Gk = 75 kp. Avec ek = 55 % d' une « mountain nylon » le poids critique serait de plus de 200 kp, si cela est possible techniquement. Le faible allongement relatif de rupture de cette corde de fibres synthétiques incroyablement solide est agréable pour les manœuvres de corde, mais abaisse sensiblement son poids critique.

3 Corde de nylon tordue à trois torons, 7/ie pouce = 11 mm de diamètre. Elle a, avec Fk— 1740 kp, ek = 55très élevé, mountain nylon ) Gk = 1740 kp0,3-0,216 = 114 kp ce qui semble trop haut. La valeur de 90 kp environ calculée avec c = 0,25 devrait être plus exacte, ainsi que l' ont montré les essais pratiques avec le « dispositif de Grenoble ».

0,4 Allon gement maxim sour le nylon t um 0.30.2 M ounta n ny on 0.1 /

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Forces en action lors de 1 ass ura s tat qu ì

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h V l0,7 010 20 30 40 50 60 70 80 90 100% Fig. 3 Fig. 4 Les exemples ci-dessus montrent clairement l' influence décisive de la capacité d' allongement de la corde. Dans notre équation finale, le coefficient total c semble avoir une valeur proche de 0,25 pour les cordes tordues, de 0,3 pour les cordes à âme et gaîne. Une première part du grand allongement relatif de rupture de 50 % environ des cordes tordues revient à ce qu' on appelle l' allongement de construction, dont la contribution à la surface du diagramme est faible. La corde et les fibres doivent tout d' abord bien se resserrer, avant de commencer à s' allonger, ce qui n' a pas lieu pour les cordes avec âme et gaîne. C' est une raison de plus pour interpréter un peu différemment, suivant la construction, des caractéristiques semblables. Les essais ultérieurs auront à fixer la valeur moyenne du coefficient total c. Si l'on devait constater une trop grande dispersion, on serait obligé de calculer le poids critique avec des coefficients différant suivant la construction de la corde, ou à partir du travail spécifique de rupture, c'est-à-dire par la formule Gk = kWsk(2 + ek ).

Ici se pose la question des règles standard internationales pour les cordes de montagne. Il faudra tout d' abord se mettre d' accord à l' aide d' appareils d' essais unifiés, dynamiques si possible. C' est alors seulement que la détermination de la qualité des cordes de montagne sera considérée comme mûre par la International Standards Organisation ( ISO ). Les progrès faits dans cette direction sont déjà réjouissants à l' heure qu' il est, en particulier en France ( 9 ) et en Allemagne ( 10 ). Le rôle principal devra incomber la notion de poids critique. Une caractéristique proche du poids critique, la valeur z = Gk/Fk, exprimée en pourcents de la charge de rupture de la corde Fk est, par contre, moins suggestive.

En 1864 déjà, l' Alpine Club avait posé le problème de la corde la plus solide et la plus légère en même temps; actuellement on demande en outre que la corde ait un poids critique maximal, allié à une grande résistance au frottement et au cisaillement sur les arêtes; qu' elle soit insensible aux effets de la lumière, maniable, souple, etc. Ce problème est près d' être résolu.

Mais à quoi sert la meilleure des cordes, si les autres composantes du système complexe d' as - corde, piton, mousqueton, rocher, neige, glace et, last but not least, l' homme - ne peuvent supporter les forces puissantes entrant en jeu et qui peuvent égaler, pour une chute maximale, jusqu' à 20 fois le poids du grimpeur? Car les chutes plus ou moins « maximales » ne peuvent être entièrement évitées. Elles doivent cependant être enrayées; c' est de toute nécessité pour que la varappe extrême ne devienne pas un exercice proche du suicide. C' est pourquoi il faut absolument introduire une méthode d' assurage appropriée.

Le problème de Vassurage Dans l' assurage purement statique, le processus du freinage se passe très rapidement, trop rapidement même. En un dixième de seconde à peine après l' instant où la corde s' est tendue complètement, la chute est enrayée si, en tombant, le grimpeur ne s' est pas heurté à des rochers. C' est cette grande vitesse de freinage qui, dans les chutes extrêmes, rend les forces en jeu si irrésistiblement grandes. Une simple glissade verticale à la corde tendue, fixée d' une façon rigide, provoque dans la corde une force 2 à 3 fois plus grande que le poids de celui qui tombe. Ce n' est pas la chute qui tue, mais l' arrêt trop brusque.

Le corps humain est très fragile, mais, si paradoxal que cela paraisse, incroyablement résistant aussi. Il peut supporter des chutes de 70 m quand elles sont arrêtées sur moins de 1 mètre de chemin de freinage.Voici un exemple fourni par la région des Alpes Juliennes: le fameux champion de ski Pogacnik, descendant par lumière diffuse de brouillard, se jeta en plein vitesse par-dessus le bord supérieur surplombant l' immense paroi nord du Triglav. Projeté dans l' abîme béant, il prit instinctivement la position de saut, vola par-dessus quelques gendarmes et vint atterrir dans un couloir de neige étroit et très raide, sans perdre connaissance. En position semi-assise il rompit la croûte de glace supérieure et enfonça jusqu' aux épaules dans la couche de neige molle sous-jacente. Après un sauvetage difficile il put, le lendemain, faire la descente par ses propres moyens. Les seules conséquences de sa chute furent des dérangements d' estomac prolongés. Par bonheur, son estomac avait été vide, sinon il aurait pu éclater. Son unique perte fut celle d' un bâton. C' est à se demander s' il n' y a pas sept anges pour veiller sur l' enragé de la montagne, tout comme sur l' ivrogne... Ce qui avait sauvé Pogacnik, ce fut le freinage relativement « doux » de sa chute, transmis sur une grande surface du corps, freinage réalisé par la surface raide de la neige et par la résistance de l' air agissant sur les skis et les bras. Les forces qui entrèrent en action étaient encore supportables pour le corps.

Il en est de même des chutes à la corde qui ne sont pas enrayées par un processus purement statique. Comme cas intermédiaire entre l' assurage purement statique, où la corde reçoit tout le poids de celui qui tombe, et l' assurage dynamique, décrit plus bas, où la participation éner- gétique de la corde est réduite à peu de chose, Wexler distingue ce qu' il nomme l' assurage cédant avec élasticité ( resilient or indirect belay ). Dans l' équation de l' énergie de la chute intervient à droite un nouveau membre Fx/2, où x représente le fléchissement du point d' appui ou de fixation sous l' effet de la force F:

G(h + Al + xWJl + Fx/2 La hauteur additionnelle de chute x accroît un peu la hauteur totale de chute dans le membre de gauche. Pour une petite longueur / de la corde active et pour des cordes à faible coefficient d' allongement ( Ws ), la valeur additionnelle de ce facteur peut être considérable et signifier le salut de la cordée, bien que, lors de l' assurage normal sur l' épaule, x ne puisse guère dépasser ses 25 cm sans entraîner des suites graves. Deux exemples le confirment:

Deux grimpeurs se trouvaient à la sortie de la voie Zimmer-Jahn, dans la partie orientale de la paroi nord du Triglav. Le second, assuré lui-même à un piton, était debout et assurait sur l' épaule. Le premier lâcha et, après 10 m de chute libre, sa corde fut tendue. Comme elle était tenue rigidement, une force irrésistible se trouva dirigée dans le sens de l' axe de la jambe du second. Il fut précipité sur le bord du rocher, eût une fracture du haut de la cuisse et perdit connaissance. Entre temps, un frottement considérable sur une dalle avait provoqué l' arrêt du premier. Quant au piton d' assurage, il avait aussi été arraché...

Touché par un éclat de rocher au genou alors qu' il se trouvait dans la paroi nord du Mangart de Julier, l' auteur de ces lignes fut projeté dans le vide. Après 14 m de vol plane, il resta pendu à sa fidèle vieille corde de chanvre de 13 mm, sans avoir ressenti l' effet d' une force violente. Le camarade qui l' assurait avait à peine ressenti une traction. Le silence ne fut trouble que par le cliquetis de deux pitons glissant le long de la corde dans leurs mousquetons. Le troisième piton, enfoncé à moitié seulement, c'est-à-dire « mal », avait cependant tenu... Le rocher était et sera toujours le plus sûr des cinq membres du système d' assurage. « La montagne n' a pas voulu »...

Dans le premier cas, ce qui avait sauvé la situation c' était, à côté du frottement sur le rocher, le fléchissement involontaire du corps de celui qui assurait. Dans le second cas, ce fut surtout le travail nécessaire pour arracher et plier les pitons qui fut assez important pour permettre à la corde, passablement usée, de tenir le coup. Par bonheur, l' assurage, dans les deux cas, ne fut pas trop rigide. S' il avait été purement statique, il y aurait eu deux catastrophes de plus dans la chronique des Alpes Juliennes, et un autre aurait dû écrire ces lignes! Par bonheur, presque tous les cas se passent - volens nolens - plus ou moins de cette façon « non rigide ». Les forces effectivement en jeu chargent les différents membres du système d' assurage d' une façon bien plus atténuée que lors de l' assurage purement statique théorique, mais cependant avec une intensité suffisante pour que l' un ou l' autre de ses membres doive céder. Il est intéressant de constater que Young avait déjà vu cela. Dans son ouvrage, qui est comme la Bible de l' alpiniste ( u ), il préconisait de garder autant que possible d' élasticité, d' éviter la rigidité entre les grimpeurs et le point d' as. Dans sa « Technique de l' alpinisme », la section Uto du CAS va encore plus loin en recommandant de laisser glisser un peu la corde pour accroître l' élasticité du point d' appui. Corde, pitons, mousquetons sont aujourd'hui très perfectionnés déjà et capables de supporter les forces les plus grandes entrant pratiquement en jeu. Il n' en est pas de même des deux autres membres du système d' assurage: l' homme et le rocher ( éventuellement la neige ou la glace ), et c' est là que réside la faiblesse relative de tout système d' assurage.

Assurage dynamique Le plus grand progrès marqué au cours de ces dernières années par l' art de l' assurage est une nouvelle technique américaine qui, chose étonnante, n' a suscité que peu d' intérêt en Europe. Grâce à cette technique, l' homme et la corde ne supportent que des forces si faibles qu' on n' a pas à se préoccuper des limites de leur résistance, et l' escalade extrême n' est plus soumise à la fatalité des jeux du hasard.

L' assurage dynamique fait un pas de plus que l' assurage statique et il est plus élastique. Les forces en jeu dans la corde doivent être diminuées dans une mesure telle que celui qui assure même dans une mauvaise position ( comme il est presque de règle sur la glace et la neige ) puisse les supporter sans être renversé. Dans le bilan d' énergie de l' absorption d' énergie cinétique intervient maintenant, à part un léger fléchissement éventuel du point d' appui, un nouveau facteur décisif, dont l' effet est de la plus grande importance: le frottement. On sait qu' une grande calorie ( calorie-kg ) ne vaut pas moins de 427 kilogrammètres. Si un grimpeur pesant 85 kg tombe d' une hauteur de cinq mètres, l' énergie de la chute transformée en chaleur élèverait à peine d' un degré centigrade la température d' un litre d' eau. Quand on réussit à transformer l' énergie cinétique du corps tombant non pas en travail de déformation de la corde mais en chaleur de frottement, on atteint deux buts: d' une part, les forces dans le système d' assurage deviennent relativement faibles, d' autre part, les fibres naturelles, dynamiquement faibles, peuvent retenir des chutes graves, à condition qu' on maîtrise parfaitement la technique appropriée. Ce but est atteint quand on laisse glisser la corde sur une surface d' appui aussi grande que possible et en contrôlant ce mouvement. Le frottement entre la corde et la surface d' appui est alors le facteur dominant dans l' absorption de l' énergie de la chute.

Aussitôt que la force F de la corde devient supérieure au frottement statique de la corde, celle-ci se met en mouvement sur le tronçon s, la force absorbée restant pratiquement constante. Le bilan d' énergie, où l'on introduit le membre correspondant F.s devient alors:

G(h + Al + sWJ + Fs Si s = O, la formule représente l' assurage purement statique; si WJ = O et, simultanément Al = O, la formule représente l' assurage purement dynamique, sans aucun travail fourni par la corde, ces deux possibilités étant des cas limite purement théoriques. Si l'on a en même temps h = 2 I, c' est une chute maximale, qu' il faut enrayer dynamiquement.

Sans entrer dans les finesses de la théorie ( 2 à 5 ), le diagramme ( fig. 4 ) doit nous démontrer les avantages de l' assurage dynamique. Il se déduit de notre équation de base. Les deux courbes ( courbe supérieure pour le chanvre, courbe inférieure pour le nylon ) montrent comment la force agissant sur la corde diminue rapidement lorsque le rapport s/l du chemin de freinage à la longueur de corde active / croît. A partir du point s = 70%, le genre de corde ne joue presque plus de rôle, comme si l' élasticité de la corde ne signifiait plus rien. La corde n' a plus qu' à supporter la force de freinage F qui est lentement absorbée. Si l'on élimine alors simplement de l' équation fondamentale le facteur d' élasticité Al et WJ, il reste:

G(h -I- sFs soit, pour s = A/3 une force F = AG, avec s = h, F = 2G. Un corps humain peut très bien supporter des forces de cette intensité pendant une courte durée. Elles sont plus faciles à supporter que les puissantes forces d' un choc dans un assurage purement statique ou légèrement cédant. Les éléments résistants, tels que les pitons et les mousquetons modernes ainsi que les cordes de fibres synthétiques, résistent de toute façon à tout ce qui peut leur arriver. Les cordes de fibres synthétiques actuelles présentant relativement moins de résistance au cisaillement sur les arêtes que les cordes de fibres naturelles, nous ne pouvons que nous féliciter des forces fortement affaiblies et supportables intervenant dans l' assurage dynamique.

Même de petites valeurs de s/l suffisent à diminuer fortement l' effort sur la corde. Un chemin de freinage égal au 40 % de la longueur de la corde libre donne déjà un bon résultat. Celui qui assure ne doit pas oublier de garder une bonne réserve de corde, et le grimpeur de tête se gardera d' aller plus loin que ne le permet la corde. Le cri « plus de corde » ne devra plus conserver un sens littéral pour l' escalade difficile. S' il le faut, les cordes devront devenir d' autant plus longues.

Des pitons intermédiaires plantés aux passages difficiles devraient permettre de réduire la hauteur possible de chute à 10 m environ, guère plus. Trois à cinq mètres de corde libre suffisent pour réaliser un freinage amorti; la chute est alors de 15 m au total. L' emploi de pitons permet d' augmenter sensiblement la distance entre le grimpeur de tête et celui qui l' assure, sans augmenter la force agissant sur la corde en cas de chute. La sécurité de toute la cordée est en même temps accrue de beaucoup. Ce fait, à lui seul, représente une « excuse technique » suffisante pour justifier l' emploi des pitons!

Quant à la durée d' une chute libre, il peut être utile de savoir qu' une différence de hauteur de 40 m est « parcourue » en moins de trois secondes. C' est alors que se produit la tension de la corde qui, pour les fibres artificielles, atteint son maximum en moins de 2/io de seconde, pour les cordes de chanvre en moins de 1/io de seconde. Dans l' assurage statique, la tension diminue aussitôt par une oscillation très amortie si le système d' assurage a tenu bon! Dans le système d' assurage dynamique, la force, ayant atteint la valeur qui met la corde en mouvement, reste constante durant quelques dixièmes de seconde, jusqu' à ce que le processus de freinage soit terminé et qu' il ne reste plus que la charge statique à supporter. Il est donc important que la corde puisse toujours bien glisser, sinon on aura un assurage plus ou moins statique, avec entrée en action d' une force beaucoup plus grande. Quand il s' agit de longs parcours avec beaucoup de pitons intermédiaires il faut, pour diminuer le frottement, mettre chacune des deux cordes alternativement dans les mousquetons successifs, évitant autant que possible les changements de direction coudés.

Il faut beaucoup d' exercice pour retirer rapidement la corde pendant la chute libre, afin que le freinage commence aussi haut que possible. Cette manœuvre serait à recommander du point de vue énergétique, car, théoriquement tout au moins, elle réduit la chute libre de moitié ou même plus.

Il reste encore à expliquer comment se réalise dans la pratique l' assurage dynamique. Il n' y a pas grand-chose à faire dans ce domaine par la méthode d' assurage à l' épaule bien connue et hautement préconisée. Les expériences étendues des Américains ont montré que l' assurage à l' épaule était le plus faible. Ceci n' a rien de surprenant si on le considère du point de vue physique, car le point d' application de la force est placé alors le plus haut, et le moment de renversement du corps est le plus grand. L' assurage à l' épaule n' entre pas non plus en ligne de compte dans la méthode dynamique, car il offre une surface de frottement relativement petite. Comme l' avait déjà pressenti Young, seul le dos ou, suivant la direction de la traction de corde possible, les hanches et la surface postérieure des cuisses, directement sous le siège, peuvent garantir ce frottement. Toutes ces parties sont suffisamment larges et peu sensibles à l' effet de pression et de frottement provoqué par le glissement de la corde. La main qui tient la corde allant vers celui qu' on assure doit simplement diriger la corde, sans chercher à la retenir. L' autre main, celle qui tient l' extrémité libre, doit l' appuyer très fort contre une surface aussi large que possible du corps. Celui qui assure ne doit en aucun cas, sous l' effet psychique de l' événement, se cramponner à la corde, « se pétrifier » pour ainsi dire. Pour éviter cela, on doit exercer l' assurage glissant - comme, du reste, tout exercice sportif - à l' école d' escalade et dans les cours de technique de la glace, jusqu' à ce qu' il devienne un réflexe, « tout comme on doit étudier la technique de l' atterrissage d' avion avant d' essayer de la mettre en pratique », a dit Wexler.

La diversité des situations étant inépuisable dans l' escalade rocheuse, il est simplement impossible de donner une recette générale de la meilleure position pour l' assurage dynamique. Les deux figures 5 et 6 montrent approximativement comment doit glisser la corde dirigée soit vers le haut, soit vers le bas. Dans les situations difficiles, un bon piton de relais garde son importance. Seul l' exercice peut nous aider à trouver en toute situation la position d' assurage la mieux appropriée. Il est de toute importance aussi d' avoir une idée juste des processus mécaniques pendant la chute. Bien des fois, l' assurage a été glissant par la force des choses, bien que les grimpeurs n' en eussent aucune idée. En voici un exemple: lors d' une tentative de première ascension dans la paroi nord du Dedec ( Slovénie ), le leader fit une chute de 8 m, suivie d' une seconde chute de 26 m, sur une verticale parfaite. A la seconde chute, son camarade, cramponné à la corde, fut impitoyablement hissé de quelques mètres, jusqu' au seul piton enfoncé. La prodigieuse mountain-nylon avait tenu bon; aucun des grimpeurs ne souffrit, comme c' est souvent le cas, de brûlures bien connues aux paumes des mains et d' écorchures allant jusqu' aux os, signe d' un assurage involontairement glissant, avec surface de frottement à la mauvaise place. Au Dedec la nature s' est chargée de faire l' assurage dynamique que l' homme ne pratiquait pas...

Dans la neige, il faut essayer, d' après Beckey ( 12 ), la stabilité « à trois pieds » en lieu et place de la stabilité sur deux pieds habituelle qu' on essaie d' améliorer en s' attachant au piolet enfoncé. La stabilité « à trois pieds » s' obtient de la façon suivante ( fig.7 et 8 ): la corde venant de celui qu' on assure passe tout d' abord derrière le piolet enfoncé, puis par la main qui la guide, derrière le dos ou sous le siège, et enfin dans la main qui freine. En cas de chute du leader, l' effet de traction de la corde porte sur un ensemble stable, soit le grimpeur qui assure et le piolet sur lequel il peut, suivant la situation, appuyer le pied, le genou, la main qui tient la corde, ou même sa poitrine. En même temps, la corde qui glisse est freinée doucement mais effectivement par la grande force de frottement contre les vêtements. Si au contraire on assure à l' épaule, la force du choc a son point d' application relativement haut, se transmet de l' homme au piolet par l' inter des boucles d' assurage et, dans la plupart des cas, tous les deux sont entraînés au bas de la pente.

Pour bien me convaincre de l' insuffisance des méthodes usuelles dans la neige, j' ai entrepris des essais poussés dans les Alpes Juliennes. Les exercices furent réalisés sur un versant glacé et très raide, mais se terminant en pente de neige douce. Le puissant gaillard qui subissait la chute était habillé d' un complet-tempête gommé très lisse. Il était assuré par un de nos hommes les plus forts, très expérimenté en matière d' alpinisme hivernal. Celui-ci essaya d' abord d' assurer selon la méthode classique, par-dessus l' épaule, se tenant debout dans des marches vastes comme des baignoires et attaché à un piolet enfoncé dans la neige. Malgré la préparation mentale et les meilleures conditions d' assurage, il fut chaque fois arraché avec son piolet de sa position et entraîné sur la pente. Causes: point d' application de la force placé trop haut, façon rigide de tenir la corde, d' où force trop grande et trop saccadée. Il en fut de même pour tous les autres. Nous passâmes alors à l' assurage dynamique. Après quelques essais, je réussis, et après moi tous les autres participants du cours, à retenir presque d' une seule main n' importe quelle chute, rendue à dessein aussi violente que possible. On constata que, pour des essais répétés, il était bon d' avoir un gant sur la main qui doit freiner la corde. Dès lors, l' assurage dynamique fut pratiqué dans tous les cours d' alpinisme de Slovénie.

L' assurage est encore plus mauvais dans une pente de glace dure et raide, surtout sans pitons à glace ou avec des pitons qui tiennent mal. Il est en général impossible d' enfoncer le piolet. Selon le Dr Prusik, on peut assurer avec le piolet en plaçant la pelle derrière l' épaule, passant la corde sur la hanche et forçant la pointe ferrée dans la glace avec une main. On peut alors réaliser un freinage dynamique avec l' autre main, ainsi que nous l' avons décrit. Comme l' avait déjà reconnu Young, les autres méthodes d' assurage dans la glace, dans lesquelles le choc est supporté par le corps, n' ont qu' une valeur morale. Or, avec l' assurage coulissant bien maîtrisé, on ne peut plus dire « mieux vaut ne pas s' encorder, si le premier glisse sur une pente de glace raide, pas moyen de le retenir, alors autant sacrifier un seul plutôt que toute la cordée ( 13>11 ) » - Si l'on peut avoir de bons pitons à glace, l' assurage se fera comme dans le rocher.

J' ai eu l' occasion d' étudier à fond l' assurage dynamique à i' école d' escalade de Washington. Tout membre du Potomac Appalachian Trail Club, homme ou femme, doit maîtriser cette technique avant d' avoir le droit d' aborder le rocher. Pour des raisons pratiques, l' entraînement se fait sur un arbre haut et solide. Un mousqueton à vis est fixé à mi-hauteur du tronc. La corde d' assurage allant de celui qui assure à un bloc de béton de 70 kg surnommé « Oscar » passe par ce mousqueton. D' abord on assure assis par terre, les jambes allongées appuyées à un tronc d' arbre coupé. On dispose ainsi d' une grande longueur active de corde. Quand on a acquis une certaine pratique et un sens de la méthode, on monte dans une enfourchure de l' arbre et on assure de là, assis sur une petite banquette et, bien entendu, attaché. La longueur active de corde est alors sensiblement plus courte, l' apport fourni par le travail de la corde d' autant plus faible.

A l' aide d' un treuil à moteur transportable, Oscar est hissé à une autre corde jusqu' à la hauteur voulue, tout d' abord au-dessous du mousqueton, plus tard au-dessus. Un dispositif de déclenchement, mis en action d' en bas au moyen d' une ficelle, provoque la chute d' Oscar pendu à la corde d' assurage. Cette dernière passe autour des hanches de celui qui assure. Pendant i' entraînement, on protège les hanches des écorchures par une large ceinture de cuir ( 50 cm environ ) et la main qui assure porte un gant de cuir. L' assurage se fait des deux côtés. La manœuvre est rendue plus difficile par le fait que les nombreuses chutes rendent la corde de nylon extrêmement lisse.

Si l'on tient la corde trop fort, on est tout simplement soulevé du sol. Pour ne pas être emporté, celui qui assure est attaché par derrière à un piquet. Le maniement dynamique de la corde établit le meilleur équilibre entre les deux forces: traction en avant et traction en arrière. L' équilibre est réalisé lorsqu' Oscar ne touche pas terre. Cette manœuvre est relativement facile à exécuter quand on est assis par terre. Elle est plus difficile sur l' arbre et quand Oscar tombe d' une position plus élevée que le mousqueton, ce qui équivaut presque à une chute maximale. Tout doit alors être surmonté par le frottement à la ceinture et presque rien par le court tronçon de corde active.

Une telle école est extrêmement utile et riche en enseignements. On apprend d' une façon vraiment spectaculaire à quel point sont minimes les chances de retenir une chute directe par la « méthode classique », on évalue les forces puissantes qui, entrant en jeu dans la corde, doivent alors être retenues. On reconnaît que des chutes à partir d' un point situé plus haut que le grimpeur qui assure peuvent rarement être enrayées par le simple assurage au corps, même si celui qui assure est retenu lui-même à un piton-relais. Seule la combinaison de la technique des pitons et de la méthode d' assurage dynamique peut donner un assurage sûr. Inutile de souligner qu' il faut exercer cette technique jusqu' à ce que l' assurage soit réalisé automatiquement, comme par réflexe.

Après avoir passé par cette double école dans la neige des Alpes et sur 1'«arbre-rocher » de Washington, j' ai vraiment en horreur toutes les méthodes d' assurage non dynamiques. Un frisson me passe dans le dos à la pensée des risques possibles lorsque je vois autre chose qu' un assurage coulissant dans les passages sérieux. J' estime l' assurage statique admissible seulement si l'on assure d' en haut, à la corde tendue.

Lorsqu' on achète une auto, on regarde à son aspect extérieur et à son nombre de chevaux. Mais celui qui sait manier une voiture selon les règles de l' art roule souvent mieux avec une machine plus faible qu' avec une grosse voiture cinq fois plus forte. Il n' en est guère autrement d' une corde et de la technique d' assurage.

Seul le meilleur des équipements est assez bon pour des courses de haute montagne. Le spécialiste en varappe prendra à l' avenir une bonne corde dynamique d' un diamètre qui ne soit pas inférieur à 11 mm Si, pour des raisons techniques, il a besoin d' une corde double, celle-ci ne doit pas avoir un diamètre bien inférieur à 10 mm à cause de la résistance au cisaillement sur les arêtes, encore faible actuellement pour les fibres synthétiques. Les cordes doivent avoir un poids critique suffisant, car des chutes mettant à contribution la capacité de résistance statique de la corde peuvent survenir inopinément. On ne devrait plus se demander, sidéré, devant une corde battant neuve qui a cassé: « Comment cela a-t-il pu arriver, la corde est tout neuve, elle supporte presque deux tonnes et la victime ne pesait pas même 70 kg? » - Quand on prévoit des chutes relativement légères, les « anciennes » cordes statiques tiendront toujours le coup si l'on assure par la méthode dynamique. Les cordes de chanvre répondront parfaitement aux exigences habituelles, surtout quand on aura trouvé le produit d' imprégnation qui en empêche le vieillissement, qui n' est pas enlevé par l' eau et possède des propriétés antiseptiques et hydrophobes. La décision en faveur des cordes de chanvre, prise après de longues années d' essais par l' armée suisse, est bien fondée. Mais il faudra abandonner l' ancienne règle « éprouvée », selon laquelle une corde de chanvre neuve doit être bien mouillée puis tendue entre deux arbres afin de devenir douce et maniable. Ce procédé donne bien une corde douce, mais sans vie, car la propriété d' allongement est ainsi détruite. Des descentes en rappel saccadées sur des cordes de chanvre plus faibles peuvent aussi provoquer une rupture.

Dans l' escalade, la meilleure méthode était et sera la méthode prophylactique: le leader ne doit pas tomber! S' il tombe malgré tout, on ne le sacrifiera plus à la fatalité, prétendant que sa chute ne pouvait pas être enrayée d' en bas, que la corde casse toujours quand on assure dans le rocher et que les autres membres de la cordée avaient droit d' être sauvés puisque, par sa chute, le leader avait enfreint ses devoirs envers eux... C' est le raisonnement que l'on faisait autour de 1930, impuissant devant les forces excessives qui entrent enjeu dans la corde lors de l' assurage rigide ( 13' u ) Actuellement on n' exige plus que ceci: celui qui assure ne doit pas tomber! Mais il faut pour cela que la corde soit mobile, qu' elle puisse glisser. A celui qui n' y croit pas, on ne peut répondre que par ce proverbe typiquement américain: « One test is worth a thousand expert opinions » ( Une seule expérience vaut mille avis d' experts ).

Il y aura toujours à la montagne, et surtout dans le rocher, des passages où tout assurage est impossible, à moins de forer des trous et d' employer chevilles de bois ou pitons à expansion. Et les facteurs décisifs resteront toujours le courage, la force physique, un moral à toute épreuve, l' entraînement, une façon de varapper précise - et cela tout comme au bon vieux temps, où la technique ne venait pas à l' aide de l' escalade. ( Traduit de V allemand par Nina Pfister-Alschwang ) Al ekcnek/(2 + ekekenek\{2 + ek ) 0 0 5 0,024 10 0,048 15 0,070 20 0,091 25 0,111 30 0,130 35 0,149 40 0,167 45 0,184 50 0,200 55 0,216 60 0,230 1000,333 Table I BIBLIOGRAPHIE 1 Newman, Sanford, Wheeler: Impact strength of nylon and sisal ropes. J. of Research of the NBS, Washington 1946.

2 A. Wexler: The Theory of Belaying. « The American Alpine Journal » 1950.

" M. Leonard and A. Wexler: Belaying the Leader. The Sierra Club Bulletin 1946, San Francisco.

* F. Avòin: O raznih naöinih varovanja z vrvjo. « Planinski vestnik », Ljubljana 1951 ( slowenisch ).

6 F. Avöin: Le poids critique dans la rupture au choc. Rapport STD, Grenoble 1950.

* L. Underhill: On the use and management of the rope in rock work. SCB 1931.

7 Lüdemann: Das dynamische Verhalten von Bergseilen beim Sturz. UIAA Bericht der Farbwerke Höchst AG Werk Bobingen.

8 H. Opitz: Kleine Seilkunde für Bergsteiger. UIAA Bericht 1956.

* M. Dodero: Vers une réglementation de la fabrication des cordes d' alpinisme. Label fédéral pour les cordes d' alpinisme. Rapport STD, Grenoble 1951, et Bulletin officiel FFM 1951.

10 Entwurf der Prüfnormen für Seile aus textilen Faserstoffen. DAV, München 1957.

11 W. Young: Mountain Craft, London 1920, 1945.

12 F. Beckey: Belaying on snow and ice. « The American Alpine Journal », 1951. ls D. Abraham: Modern Mountaineering, London 1933.

14 E. Brunning: Rock Climbing and Mountaineering, Manchester 1935. G. Glaser: Zur dynamischen Festigkeit von Bergseilen. Mellian Textilberichte, Stuttgart 1943. K. Lugmayer: Seile aus synthetischer Faser. « Berge und Heimat » 1952. M. Dodero: La résistance des cordes de montagne et l' essai de choc. F. Esclangon: Influence des phénomènes de propagation d' ondes sur la tenue du choc d' une corde de montagne. J. Cohard: Utilisation des cordes de montagne en tyrolienne. Rapport STD, Grenoble 1950. W. Weckert: Berg- und Gletscherseile aus Hanfoder Kunstfasern? « Die Alpen » 1957. Meyer: Bergseile aus Chemiefasern. UIAA Bericht 1956 der Vereinigten Glanzstoff-Fabriken, Wuppertal. Commission des Cordes UIAA, travaux 1954. Compte rendu de la réunion 1954, Grenoble. R. Wobmann: Berg- und Gletscherseile aus Hanf oder Nylon. UIAA Bericht 1957 der Seilerwarenfabrik Lenzburg, Schweiz. Les cordes, ces inconnus. « La montagne » 1958. Autres indications bibliographiques particulières sous chiffre '.

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