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Dent Blanche: arête nord directe

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André Georges, La Sage ( VS )

Parti Ie26juin 1981 pour la grande aventure, je monte au col nord, puis au sommet des dalles à environ 3900 mètres. Six heures jusqu' au col, puis trois heures d' arête avec un sac pesant: 80 mètres de corde plus 80 mètres de corde de rappel, 30 pitons, des mousquetons, desjumars, des crampons, plus deux heures de route nous conduisent aux portes de Victoria.

Cette ville, née de la dernière guerre mondiale, s' étale devant un décor de raffineries et autres industries de la pétrochimie, cadeau de l' occupant allemand. Il est deux heures de l' après, le ciel ouvre à nouveau ses écluses, mais l' hôtel nous ferme ses portes: trop tard pour manger! Pour un café, il faut essayer en face. Là, les gens se bousculent à l' entrée de la boulangerie. Dans l' épicerie, rien à acheter... Nous décidons de gagner au plus vite la gare la plus proche pour rentrer à Sibiu.

Cette fin de semaine coïncide cette année avec le 23 août, fête nationale. Il semble que tout le monde soit en voyage, et c' est une bousculade indescriptible dans ce train. Avec beaucoup de patience nous trouvons place au wagon-restaurant. Il est seize heures, enfin quelque chose pour apaiser sa faim!

En regagnant Sibiu, bourgade d' aspect médiéval, nous sommes revenus à notre point de départ après avoir parcouru une partie de cette chaîne des Fagaras. La suite du voyage sera la découverte d' exceptionnelles richesses architecturales dans le nord du pays. La Moldavie recèle en effet quelques sites d' une rare beauté de l' époque d' Etienne... Mais ça, c' est une autre histoire.

descendeur, réchaud, sac de couchage, nourriture... Assez pour me sentir fatigué.

Beaucoup de vent. Une ambiance austère.

.'Voir la description technique dans le bulletin mensuel de mai 1982 ( p. 124 :.

L' endroit n' est pas favorable à un bivouac. Pas le moindre replat, uniquement des dalles inclinées qui filent vers le vide de la face nord.

Pourtant j' y ai dormi trois nuits, la première assez froide.

Au matin, temps couvert. Après un petit déjeuner aussi rapide que frugal, j' attache la corde à un piton et je commence mon escalade en tirant un prusik sur la corde afin de m' auto. Terrain mixte difficile sur quelques mètres, puis le ressaut se dresse imposant devant moi. Les passages sont tout de suite difficiles, et je suis un peu engourdi, lourd et maladroit pour mes premiers pas matinaux. Pas longtemps: je suis vite réchauffé par la difficulté et je monte régulièrement, sur deux longueurs, dans ces passages athlétiques.

Le temps a passé vite, et subitement de gros nuages noirs me lancent une volée de grêlons qui me pénètrent de partout. L' air est saturé d' électri de telle sorte que les mousquetons m' envoient des décharges vraiment désagréables. Deux rappels me ramènent à mon point de départ.

Blotti dans mon sac de couchage, je laisse s' écouler le lent après-midi, puis une interminable et pénible nuit où la neige tombe inlassablement. Au petit matin tout est blanc: vingt centimètres de neige recouvrent les rochers. Grande est ma déception: il est absolument impossible maintenant de persévérer dans une telle entreprise! C' est la retraite, bien à contrecœur. Quatre rappels, puis l' arête moins inclinée me ramènent au col nord. A ski je regagne la vallée. Une semaine se passe. Je travaille à la Gouille à initier des jeunes à la varappe.

Le 8 juillet je suis de retour au bivouac. Le matériel est givré, le casque rempli de glace. Je passe un moment à tout remettre en ordre. Je bivoua- 43 que avec un sac de couchage sec, cette fois: quel confort! A cinq heures je suis prêt et je repars pour le ressaut. Un mur de 40 mètres, une traversée à gauche, un deuxième mur de 80 mètres, une nouvelle traversée à gauche, très difficile, et je me trouve au point de non-retour, car sous mes pieds la paroi est surplombante et infranchissable en sens inverse. Au-delà c' est l' inconnu pour moi. Lors de la première ascension avec Vuignier et Chevrier, nous avons pris à gauche. Moi, cette fois-ci, j' attaque à droite, juste au-dessus d' un toit pris, puis je franchis un dièdre tout droit sur une longueur. Encore deux longueurs en zigzag et j' at le sommet du ressaut. Cette variante est plus belle, plus directe. Dans cette dernière partie je suis entouré de surplombs, le vide est impressionnant, l' engagement total. L' escalade, libre, est de toute beauté, dans un rocher solide et un cadre extraordinaire. La sortie se situe à 4250 mètres. Encore quelques gendarmes et je suis au sommet de la Dent Blanche. Il est trois heures de l' après. Il y en a dix que j' ai quitté le bivouac.

Cette course réunit toutes les conditions propres à en faire une des grandes escalades des Alpes: exposition au nord, terrain mixte de glace et de gneiss rouge, merveilleux passages, surplombs de l' arête nord, ressaut vertical de 350 mètres, escalade difficile entre 3900 et 4250 mètres, ampleur de la face, grand engagement, retraite difficile. Entièrement équipée, elle est faisable en un jour. Elle peut vraiment combler d' un immense plaisir l' alpiniste le plus exigeant. Pour moi, j' y ai savouré tous les parfums de la grande aventure et passé les moments les plus beaux et les plus intenses de ma carrière alpine.

Je la conseille vivement.

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