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Deux courses au glacier de Pré-de-Bar

Hinweis: Questo articolo è disponibile in un'unica lingua. In passato, gli annuari non venivano tradotti.

Avec 2 croquis.Par François Bader.

Le Dolent à skis.

Nous dormons dans une étable au-dessus de la Fouly. La chaleur du bétail et le tintement des clochettes contrarient fort notre sommeil. Quelle idée nous a pris de choisir ce gîte rudimentaire pour gagner une heure de marche le lendemain!

Au départ le brouillard est dense et nous avons de la difficulté à retrouver le sentier, repéré la veille, qui permet de rejoindre la combe des Fonds. Les skis aux pieds, nous avançons tristement vers le col du Petit-Ferret, déçus de ne rencontrer que contrariété, au début de cette course. Mais soudain le vent se lève et d' un formidable coup de balai il chasse vers l' Italie tous les nuages qui emplissaient la vallée.

A notre droite, la moraine du glacier resplendit à la clarté du soleil levant. Du coup, nous sentons se ranimer tout notre enthousiasme; elle est enfin à notre portée, cette montagne du Dolent qui fait la joie de l' alpiniste skieur.

Glacier de Pré-de-Bar et Mont Dolent.

C' est une rude grimpée d' environ 2200 mètres de dénivellation, qui comporte des pentes très raides et des traversées de flanc. Nous avons vite fait d' enlever les skis pour marcher dans la neige durcie du matin. Au-dessus de nous, se trouve la chaîne aplatie du Grépillon, d' où sont paities les nombreuses avalanches qui coupent notre chemin. Et de l' autre côté, cette sombre paroi qui domine le glacier de toute sa hauteur, c' est le Triolet.

Pour saisir le relief du glacier de Pré-de-Bar, il faut savoir qu' il est formé de deux parties bien distinctes: le large plateau du glacier avec quelques chutes de séracs et la grande terrasse de sa rive gauche, sur laquelle nous montons. Notre direction est celle d' une selle neigeuse caractéristique au fond du glacier, qui marque le point de départ de l' ascension proprement dite.

Arrivés à cette place, nous nous débarrassons avec plaisir des skis qui ont été jusqu' à maintenant un fardeau lourd et encombrant. Mais à la descente dans la neige fondante, notre peine se trouvera largement compensée.

La rimaye peu prononcée est facilement passée et nous gagnons une combe qui permet de rejoindre l' arête sud-est du Dolent après le dernier gendarme du Mont Grépillon. C' est pour éviter cette pointe que l'on décrit un large contour au-dessus de la selle neigeuse.

Le parcours de l' arête qui suit est réjouissant par sa vue plongeante sur le val Ferret suisse et celle non moins saisissante des pointes de Pré-de-Bar et du Domino, qui ferment le glacier comme un rempart. Nous voici maintenant au pied d' une tour rocheuse d' une centaine de mètres de haut dont l' escalade n' offre pourtant pas de difficulté. Le sommet ne doit plus être bien loin... En effet, à quelques pas de nous, se dresse le cairn qui marque la fin de l' étape d' aujourd.

Nous pensons à nous arrêter et flâner quelques instants, mais la neige qui se ramollit sous l' action du soleil nous engage à descendre prestement afin d' éviter la pleine fusion. Déjà dans la tombe, nous enfonçons jusqu' aux genoux. Ah! qu' ils sont les bienvenus, les skis qui nous maintiennent au-dessus de cette tome!

La trace que nous laissons derrière nous n' a rien de commun avec celles qui sillonnent les glaciers connus. Elle descend en virages serrés l' interminable pente de flanc, obstruée d' avalanches, jusqu' à la moraine d' où nous sommes partis. De temps à autre, un court arrêt laisse aux jambes le temps de se ressaisir et nous permet de vérifier si nous sommes sur la bonne voie.

A proximité de la moraine, nous apercevons contre les rochers une source d' où i' eau jaillit. C' est l' occasion que nous attendons pour faire une halte et d' un commun accord nous filons dans cette direction.

Quelques minutes plus tard, assis face aux Monts Rouges sur une vire ensoleillée, nous apaisons notre soif en contemplant l' immense ciel bleu. On mange, on bavarde... On sourit à la vie qui nous a procure une grande joie. Et reprenant les skis pour rentrer dans la vallée, nous terminons une belle journée. Une journée dont nous nous souviendrons. La journée du Dolent.

Le Triolet, par la face est.

Deux mois plus tard, nous nous retrouvons sur cette même moraine de Pré-de-Bar, en quête d' un emplacement favorable pour bivouaquer. La neige a disparu et nous suivons une piste jalonnée de grands cairns. Rechercher un bivouac à la veille d' une course n' a rien de comparable avec la nécessité qui vous oblige parfois à demeurer au premier endroit venu pour y passer la nuit. Ayant pour objectif la face est du Triolet, il importe que nous montions ce soir jusqu' à la hauteur du glacier. Nous fixons notre choix sur une plate-forme herbeuse, à quelques pas du dernier cairn, où l' eau coule à proximité. Puis, nous déblayons la place des blocs encombrants et les entassons l' un sur l' autre formant ainsi un petit mur qui nous abritera du vent.

Un coup d' ceil sur le glacier nous permet de repérer un chemin direct pour atteindre le plateau supérieur de Pré-de-Bar; nous devrons au début, franchir un petit mur de glace et ensuite la route sera libre jusqu' en haut. Ainsi nous éviterons le long détour de la voie habituelle qui monte près de la selle neigeuse du Dolent pour redescendre ensuite une pente de neige.

Un bruit de cuisson vient interrompre nos observations; c' est la soupe qui cuit dans notre réchaud à esprit de vin. Bien manger et boire, aide DEUX COURSES AU GLACIER DE PRÉ-DE-BAR.

à supporter la nuit et ceci fait, nous revêtons tous les lainages disponibles avant d' enfiler nos sacs de couchage.

Habitués comme nous sommes, dans la vie quotidienne, à avoir au-dessus de soi le plafond d' une chambre à coucher, combien cela nous paraît étrange de voir briller les étoiles au firmament!

La lune, une grande lune, a dépassé les crêtes du col Ferret et jette sa lumière à travers le grand silence qui nous entoure. Bercé par le charme poétique de cette nuit d' août, je rêve à de grandes courses et leur possibilité de réalisation...

Glacier de Pré-de-Bar et Aiguille du Triolet.

L' aube nous surprend à tailler une vilaine glace dans une pente qui n' en finit plus; voilà ce que nous avions pris la veille pour un petit mur sans importance. Heureusement que plus haut le glacier nous est favorable et permet d' avancer, sans rencontrer d' obstacle, en direction du Triolet.

Voici le vaste cirque qui s' étend du col du Dolent jusqu' aux Monts Rouges; son aspect sauvage nous rappelle celui du Mont Maudit.

Arrivés au pied de la paroi, notre attention se porte tout d' abord sur la rimaye que nous devons franchir sur un fragile bouchon de neige. Puis, en nous élevant à travers du très mauvais rocher, nous atteignons en une heure le névé caractéristique de cette face. Il a l' inclinaison du couloir Whymper et une hauteur d' environ trois cents mètres.

Les indications de l' itinéraire nous conduisent vers la droite pour rejoindre une vire qui part de son angle supérieur. Mais au-dessus de nous, l' arête qui vient des Monts Rouges est si tentante que nous songeons un instant à la suivre. La vue d' un surplomb nous décide malgré tout à reprendre le chemin des vires qui mène à un profond couloir de l' arête sud. Ce passage donne la clef de l' ascension et ne doit pas être manqué.

Lentement, nous remontons le couloir de glace en nous aidant des rochers de sa rive gauche. Il aboutit à la dernière brèche, d' où l'on jouit d' une vue remarquable sur toute la chaîne du Mont Blanc. Plus haut, nous rencontrons une nouvelle difficulté; c' est une corniche menaçante, qui nous oblige à rechercher nos piolets cinquante mètres plus bas.

La fatigue commence à se faire sentir, mais la proximité du but nous donne de nouvelles forces. Au-delà de la corniche, nous repassons sur le versant de Pré-de-Bar par une vire ascendante qui surplombe toute la paroi. A l' en où elle se perd dans la face, une escalade directe nous amène au point culminant.

Assis sur un bloc, nous restons en extase devant le monde d' aiguilles qui s' étend devant nous et l' une après l' autre nous énumérons toutes ces pointes et les souvenirs qu' elles éveillent. Malheureusement l' heure avance et il nous faut songer à la descente. Le couloir nous prend beaucoup de temps et le névé n' en finit plus. Mais le coup de grâce, c' est la sévère remontée du glacier pour rejoindre l' itinéraire du Dolent, car il n' est plus question de revenir par le mur de glace.

La nuit nous surprend dans la combe du petit col Ferret où, perdant les traces du sentier, nous traversons une pente d' arbustes qui débouche sur un pierrier. Tout à coup, nous voyons la silhouette d' un douanier qui se détache de l' obscurité... « D' où venez-vous? » demande-t-il.

Alors, désignant de la main les contreforts du Dolent, nous répondons, « de là-haut »! Et lui, comprit d' où nous venions et nous laissa aller sans autre explication.

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