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Du Basodino au Sustenhorn

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Voyage à skis à travers quatre cantons x...

JnPar Arthur Visoni

Avec 2 illustrations ( 33, 34 ) et 1 croquisLa Chaux-de-Fonds ) En route! Nous nous arrachons au doux ensorcellement du printemps tessinois. La neige est là, tout près, qui nous appelle. Nous chaussons nos skis. Une dernière fois, je me retourne pour regarder les gracieuses et si fragiles soldanelles qui semblent nous dire: Au revoir! Je rejoins me femme et d' emblée nous peinons tous deux, dans la neige pourrie. Nos sacs sont lourds. Les peaux de phoque ne retiennent pas très bien sur cette neige en sel et nous devons, parfois, sortir prudemment un ski d' un trou ou empêcher rapidement, à l' aide des bâtons, la glissade en arrière et la chute qui s' en suivrait.

La nuit descend et à la fatigue se mêle un vague sentiment d' appré, ressenti souvent par le skieur dans un terrain inconnu. C' est en ce moment psychologique, pendant une pénible montée de cabane, alors qu' on doit pouvoir puiser dans ses réserves d' énergie et de volonté, que l'on se félicite de son entraînement bien au point.

L' alpe de Cristallina est maintenant loin derrière nous, et voici là-haut le Passo di Naret. Sur la neige durcie peu à peu par le froid nous nous élevons, lentement mais régulièrement, dans le silence du Val Torta. Nous arrivons enfin, avec joie et soulagement, alors qu' il fait déjà nuit, au refuge Cristallina, à 2400 m. Nous admirons l' intérieur si bien compris de cette belle cabane et, tout en préparant le repas, heureux de notre solitude, nous revivons en pensée cette première journée d' un grand voyage préparé de longue date. Partis de la Chaux-de-Fonds le jour même, au premier train, nous avons quitté Airolo « cum pedibus jambis », suivant le pittoresque Val Bedretto jusqu' à Ossasco où nous nous sommes procurés les clefs des refuges Cristallina et Basodino. Enthousiasmés par cette belle contrée du Haut-Tessin qui nous est inconnue, grisés par un temps superbe qui donnait cent fois plus de charme à notre liberté, nous avons gravi sans trop de peine les mille mètres de dénivellement qui nous séparaient de notre première étape.

CristallinaSolitude et silence.

Le 3 juin 1945, l' aurore d' un dimanche nous trouve, bien reposés, en train de glisser sur une neige printanière idéale, en direction de la Forcla di Cristallina que nous devons franchir pour faire l' ascension du Pizzo Cristallina: 2915 m.

Les rayons du soleil viennent de passer sur la crête et nous remplissent le cœur d' allégresse quand, tout à coup, je me rappelle avoir oublié la clef à la porte du refuge! J' engage ma compagne à continuer jusqu' au col et à s' y reposer en attendant mon retour. Retard d' une heure, heureusement 1 Primitivement fixé au mois de mai et retardé à cause du temps instable, ce voyage eut lieu du 2 au 11 juin 1945. Y compris 11 ascensions et la traversée de 11 cols, l' itiné totalise, approximativement, un parcours de plus de 100 km ., avec 18 000 mètres de dénivellement dont 7000 de descente à skis.

Die Alpen - 1947 - Les Alpes11 sans conséquence, car nous sommes partis tôt et nous pensons atteindre la cabane Basodino dans l' après.

Depuis la Forcla, la vue sur le Pizzo Basodino, qui est notre but du lendemain, nous remplit d' admiration en même temps que d' espoir. Le col est franchi sans difficulté et, tout en remontant le petit glacier de Cristallina orienté au nord-ouest, j' observe le ciel qui se couvre peu à peu avec tendance orageuse. Quelques lacets, et nous voici arrivés en haut de la pente,.très inclinée, qui se termine à 50 mètres de la cime du Pizzo Cristallina. Dépôt des skis et, par les rochers enneigés de l' arête nord, nous prenons possession du sommet dans le brouillard. L' éclaircie tant désirée ne venant pas, nous redescendons avec précautions vers nos skis, puis les virages se succèdent rapides et précis sur la pente raide. La neige est excellente, et un dernier christiania nous arête, pleins de joie, près de nos sacs déposés au bas du glacier. Merveille du ski: nous venons de réaliser cette splendide descente de 400 mètres en quelques minutes.

Après un moment de repos, nous reprenons la descente dans la direction du Lac Sfundau. Chargés de nos sacs, nous allons prudemment dans une neige de plus en plus lourde. Traversée de coulées d' avalanches sur la rive gauche du lac et nous arrivons au pied de la Cima delle Donne. Prenant à droite de ce petit sommet au nom évocateur, je vais reconnaître s' il est possible de descendre directement sur le Lago Bianco. Ô merveille: un couloir de près de 300 mètres nous offre une neige dure à souhait. Ruth m' a rejoint. Je sais qu' elle n' aime pas beaucoup les couloirs où il y a peu de place pour virer et, pour l' encourager, je franchis le premier ressaut en dérapant et m' arrête après deux virages. Conditions parfaites. Ma compagne descend en escaliers les premiers mètres. Croyant qu' elle allait poursuivre je m' élance, à mon tour, dans le plus beau des serpentins.

Quel skieur alpin n' a pas connu ces fantastiques descentes de couloirs, sur un névé de printemps, où on exécute, à 50 cm. d' une paroi rocheuse, ces fameux « christianias de poche »; le skieur ramassé sur lui-même, les yeux toujours fixés en avant, dérape, pivote, évite un obstacle, ralentit tout à coup, et repart comme une flèche, alliant la prudence à une étonnante sûreté?

Peu après, d' une esplanade fleurie, j' aperçois le Lac Blanc 20 mètres plus bas. Me retournant, je cherche Ruth, et mes yeux, remontant le couloir, la découvrent enfin, point minuscule, exactement à la même place où je l' ai quittée! Crainte et un peu de fatigue probablement. Navré, je l' en par des gestes et, ô miracle, le point minuscule a bougé 1 À mesure qu' elle descend, ma compagne reprend tous ses moyens, et nous nous trouvons bientôt réunis, échangeant nos impressions.

Assis, entourés de frêles anémones, nous avons devant nous un des plus curieux spectacles de la nature. Nous nous croyons transportés en Norvège ou en Finlande. Le Lago Bianco, bordé au sud par une paroi rocheuse, charrie d' énormes glaçons. C' est la débâcle printanière, la lutte et le triomphe du printemps sur l' hiver. Longtemps nous admirons au milieu d' un désert totalement silencieux, et nous savourons pleinement cette solitude qui nous appartient.

Nous descendons au bord du lac et, sous une pluie fine, portant nos skis, nous suivons avec prudence le sentier, parfois taillé dans le roc et par-ci par-là recouvert de neige pourrie, qui côtoie et même surplombe la gorge sauvage où bondit le torrent issu du Lac Blanc. Voici l' Alpe Lielpe, la pluie a cessé de tomber et le ciel, qui s' éclaircit, met dans mon cœur un secret espoir pour la course de demain qui sera la plus longue et la plus sérieuse de notre voyage. A 17 heures, après un parcours des plus pittoresques, nous déposons nos skis sous le porche du refuge Basodino, 1879 m ., situé au fond du sauvage Val Bavona. Seuls les torrents qui grondent alentour brisent l' étrange impression d' isolement.

L' intérieur de cette grande cabane est des plus accueillant. Un thé délicieux contribue à renforcer le sentiment de bien-être et de bonheur qui est en nous. Pendant que ma femme se repose et tout de suite s' endort, en véritable mari modèle je prépare tout pour le souper. Puis, contrôle de l' équipement et préparatifs en vue d' un départ de nuit. Enfin, prenant carte et piolet, je vais reconnaître notre itinéraire. Le torrent qu' il faudra traverser est large et profond. Après bien des recherches, je trouve l' endroit le plus propice qui nécessitera un saut de 1 mètre 20 environ. L' Alpe Robiei, vrai petit hameau en miniature, encore désert, formé de cinq ou six de ces petites maisonnettes de style tessinois, faites uniquement de pierres sèches, offre un joli tableau pastoral. Voici le sentier de l' Alpe Randinascia. Tout ira bien. Je reviens sur mes pas.

Après un substantiel souper, nous consultons le livre de la cabane et, de même qu' à Cristallina, je constate avec surprise le petit nombre de clubistes romands qui fréquente cette contrée si favorable au ski. Il est vrai que le refuge Cristallina a été construit en 1939. Il facilite beaucoup l' accès à Basodino ainsi qu' aux différents sommets formant le massif situé entre le Val Bedretto, le Val Bavona et la frontière italienne.

Je n' ai pas perdu la magie des longues journée*. BasodinoA.

Le lundi 4 juin, dans la nuit, nous disons au revoir à l' hospitalière cabane, mais sans oublier, cette fois, d' emporter la clef. Nous adressons une prière reconnaissante au ciel étoile et, peu après, le torrent franchi non sans peine, nous sommes sur le sentier qui monte, tout droit, à l' Alpe Randinascia. A 2000 mètres environ, ayant porté nos skis une heure, nous pouvons glisser et, traversant un plateau morainique, nous abordons le Glacier du Basodino dans la direction du Kastelhorn alors que le jour s' annonce. Nous n' échap pas à l' émotion, tant de fois ressentie, que procure le lever du soleiL Là-haut, le Pizzo Cavergno: 3223 mètres, entouré d' écharpes de brouillards superbement colorés, nous dérobe le sommet du Pizzo Basodino.

Le gros des sacs déposé à l' altitude de 2700 mètres environ, des pentes raides, entrecoupées de plateaux où se montrent quelques crevasses, nous conduisent à 3000 mètres au pied de l' arête nord-est du Pizzo Cavergno. Enfin, le Basodino apparaît: petite mais fière pyramide rocheuse, défendue par des contreforts neigeux très inclinés. La dernière pente que nous devons DU PIZZO BASODINO AU SUSTENHORN traverser obliquement pour atteindre l' arête nord-ouest présente un réel danger d' avalanches, et nous prenons les précautions utiles. Minutes angoissantes, puis, sentiment de sécurité quand nous échangeons les skis pour la corde et le piolet. Une jolie varappe, rendue un peu difficile par la neige qui couvre les rochers, nous amène en 20 minutes au sommet 3277 mètres. Il est 10 heures, et l' ascension nous a demandé six heures d' efforts depuis la cabane.

Grand était notre désir de gravir cette belle sommité des Alpes Lépontiennes, aussi notre bonheur est-il complet. Nous passons une demi-heure inoubliable à contempler un panorama merveilleux. Parcourant l' horizon, mes yeux se posent, obstinément interrogateurs, sur le Pizzo Lucendro, le Pizzo Rotondo et le Blindenhorn: sommets que nous espérons gravir ces jours prochains. Des nappes de brouillards et quelques gros nuages flottent doucement sur l' Italie. A nos pieds s' étend cette curieuse vallée italienne: Formazza, peuplée de Valaisans dont les ancêtres émigrèrent au XIIe siècle.

Un dernier regard sur la petite croix de fer du sommet et nous regagnons nos skis. Le danger d' avalanche a encore augmenté, sur ce terrain exposé aux premiers feux du soleil, mais je m' élance avec plus de confiance qu' à la montée. Quelques coulées de neige font entendre ce bruit caractéristique qui vous remplit d' un sentiment de malaise en même temps qu' il enrichit précieusement votre expérience de skieur. Malgré mon appréhension, Ruth me rejoint peu après sans incident. Une magnifique descente de 600 mètres, jusqu' à notre dépôt nous récompense de toutes nos peines.

L' étape qu' il nous reste à parcourir jusqu' à la cabane Corno, en traversant d' abord la Bocchetta Val Maggia et le Passo San Giacomo, est encore longue et nous partons sans tarder. Sous un soleil ardent, l' arête frontière à notre gauche, nous suivons une courbe de niveau, à l' altitude de 2700 mètres environ, pour arriver à une dépression peu marquée. Consultant la carte je m' aperçois que la Bocchetta Val Maggia est plus loin, au pied de l' arête sud de la Fiorina. Pour l' atteindre il faudrait traverser de flanc, sous des bancs rocheux, tout en perdant de l' altitude, puis remonter au col. Nous sommes ici à la Kastellücke inférieure et, pendant que nous nous régalons de fruits, j' examine le versant italien. Ce dernier est praticable, mais excessivement raide. Col probablement franchi par des contrebandiers et des réfugiés! Quelques vieilles traces de pas et une raquette en bon état, abarf-donnée là, semblent confirmer cette supposition.

Au moment où je m' engage dans la pente, les mots fatidiques: attention! avalanche! résonnent à mes oreilles. Prudemment je tate le terrain au moyen de virages lents, prêt à réagir. Soudain, une grosse avalanche de neige pourrie se déclenche au-dessous de moi. Immobile et solide sur mes skis, j' observe la masse qui grossit au fur et à mesure qu' elle descend, semblable à un monstre sifflant et se vautrant. La couche sous-jacente est dure. Je fais signe à Ruth, restée au col, de me rejoindre. Il s' agit maintenant d' arriver jusqu' à l' ava et de sortir par la droite, au pied d' un promontoire rocheux, sur un terrain ouvert et moins incliné. Le couloir, sillonné et ravagé, demande des prodiges d' équilibre, et nous devons à tous prix éviter une chute. A chaque virage se détache encore une nouvelle petite coulée de neige qui va s' arrêter DU PIZZO BASODINO AU SUSTENHORN G ad men \Dv Pizzo Basoclino au Suskenhorn Iì\Él Su.sfren-Lim,mi

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PK3276O D Ceèanes quelques mètres plus bas. La même manœuvre se poursuit dix, vingt fois, Obsédante. Enfin, nous pouvons nous échapper de ce couloir infernal dans lequel nous avons lutté pendant plus d' une heure et nous arrêter près du Bodensee, alors que tout danger est écarté. Nous nous retournons, mesurant les 400 mètres que nous venons de descendre et dont le souvenir restera gravé dans nos mémoires, tandis qu' à gauche se montre l' inoffensive Bocchetta ▼al Maggia que nous aurions pu franchir sans aucune difficulté!

Nous sommes sur territoire italien, au-dessus d' un grand lac artificiel, encore gelé, qui comble le fond du Val Toggia. Le silence est complet, et nous restons là, immobiles et émus, à contempler le nouveau paysage. Près de nous, sur quelques taches de terrain, des anémones enveloppées de leur délicate fourrure, se balancent frileusement. Dans une déchirure du brouillard apparaît tout à coup, fantastique et noire, la paroi ouest du Kastelhorn.

Sans avoir rencontré àme qui vive pendant les deux kilomètres qui nous ramènent à la frontière suisse, nous traversons le Passo San Giacomo, 2315 mètres, à 19 heures. Bien en vue, à 200 mètres du poste frontière suisse, nous nous arrêtons pour satisfaire la faim qui nous tenaille, mais ne voyons toujours personne. Nous aimerions bien aller jusqu' à la petite chapelle San Giacomo, mais le temps qui nous reste jusqu' à la tombée de la nuit est précieux, et nous devons le mettre à profit si nous voulons atteindre, ce soir encore, la cabane Corno. Sous un ciel pur, chassés par le froid, nous partons donc sans tarder et sans nous douter que nous serons... poursuivis à la trace, le lendemain, par les... gardes-frontières 1 Pour aller du Passo San Giacomo à la cabane Corno, 2350 mètres, il faut descendre 80 à 100 mètres, en direction nord jusqu' à la base des rochers descendant du point 2501 de l' arête frontière. De là, on suit, en direction cmest, la courbe de niveau 2200 mètres qui conduit, par les pentes très inclinées de Pian Tondo, au Val Corno.

Stimulés par la réussite, récompensés par la splendeur d' un coucher de soleil d' une rare beauté, nous pénétrons toujours plus avant dans la nuit et arrivons à 21 heures au refuge Corno après 17 heures de course. Malgré mes craintes, ma vaillante compagne ne se sent pas trop fatiguée et j' admire son courage et sa volonté.

Il nous semble avoir vécu une des plus extraordinaires et des plus longues journées de notre vie, et notre âme s' est enrichie d' un trésor de souvenirs.

La musique des ruisseaux qui murmuraient les sou-Cornovcnirs de leur mere, la neige.A. Latin Je connais des skieurs qui, pour rien au monde, ne voudraient retourner au Blindenhorn, estimant que la descente ne compense pas la montée, alors que d' autres, et je suis de ceux-là, en reviennent enchantés. Le secret de la réussite est des plus simple: il faut quitter le sommet avant que le soleil ait ramolli la neige du grand Glacier de Gries.

Après notre longue randonnée de hier, il est raisonnable que ma femme prenne un jour de repos et, le mardi 5 juin, je pars seul, avant 4 heures, en direction du Corno-Pass. Ce col, large dépression entre le Nufenenstock et le DU PIZZO BASODINO AU SUSTENHORN Grieshorn, sépare les cantons du Tessin et du Valais et ne présente aucune difficulté.

A 8 heures, ayant déposé mes skis le plus haut possible, j' arrive au sommet du Blindenhorn, 3384 mètres, point culminant des Alpes Lépontiennes x. A mes yeux émerveillés, s' offrent, comme des tableaux magnifiques, toutes ces montagnes drapées de blanc, qui scintillent au soleil, sous le ciel bleu et au-dessus des vallées verdoyantes. C' est si beau qu' on regrette d' être seul à jouir d' un pareil spectacle; on voudrait que tous les êtres qui nous sont chers puissent également ressentir cette émotion intense, intérieure, dont on se sent étreint.

Mais voilà qu' un incident vient rompre le charme! Là-bas, du côté italien, sur le Glacier de Hohsand, trois skieurs lourdement chargés: des contrebandiers, se dirigent vers la frontière suisse. J' ai rejoint mes skis et, par une pente raide de neige poudreuse, quelques christianias m' amènent sur le Glacier de Gries. Il est 9 heures et la neige, ici, est encore dure. Conditions idéales pour effectuer la descente de 800 mètres, jusqu' au Griespass, qui sera la récompense de mes efforts. Je m' amuse à dessiner un sinueux slalom, autour de ma trace de montée, lequel se termine, bien entendu, par un magnifique schuss. Ivre de joie, je suis déjà au pied du Corno-Pass et je m' apprête à remonter les 40 mètres de dénivellement qui m' en séparent.

Les contrebandiers dont j' ai coupé la trace au milieu du glacier, sont en train de gravir le Salzgrätli en direction de la Vallée de Conches.

Sous un soleil de plus en plus chaud, je m' élève rapidement; je pense à ces contrebandiers et je suis étonné qu' ils aient pu franchir la frontière, en plein jour, aussi facilement. Mais quelle est ma surprise, en arrivant au Cornopass, d' apercevoir deux skieurs gardes-frontières! Cachés derrière un gros bloc de rocher, ils ont suivi toute la scène et semblent très excités. Nous échangeons quelques paroles et l' un des deux hommes, un sergent, grand gaillard au type méridional, me raconte que nos traces ayant été vues ce matin, à 6 heures, au Passo San Giacomo, il était parti immédiatement avec un soldat pour contrôler notre identité. Comme je lui faisais remarquer que nous nous étions arrêtés à la frontière même, sans voir personne, il m' ex qu' en ce moment, curieuse coïncidence, s' était effectué la relève des hommes et que le guetteur n' était pas à son poste d' observation!

Tout en causant, nous glissons et, vers 11 heures, nous arrivons au refuge où je retrouve ma femme un peu inquiète. Réveillée à 8 heures par un bruit de pas et entendant parler l' italien, elle avait cru à l' arrivée de contrebandiers! Mais tout s' éclaircit rapidement et les deux hommes partirent à ma rencontre.

La cabane Corno est reliée téléphoniquement au Val Bedretto et je me rends compte que notre petite aventure a passé au second plan des préoccupations du sergent, occupé à téléphoner afin de signaler les trois contrebandiers! Après une conversation animée sur notre voyage et sur la Kastellücke inférieure en particulier, nous saluons gaiement les « bravi Ticinesi » qui retournent au San Giacomo et dont la poursuite nous a valu un peu d' imprévu.

1 Voir Les Alpes, mai 1940, le récit de M. L. Seylaz: Blindenhorn.

DU PIZZO BASODINO AU SUSTENHORN M'-.

Nous voici plongés à nouveau dans la plus délicieuse des solitudes. Le temps continue d' être beau et permet d' espérer la réalisation du programme des prochains jours. Nous décidons de nous reposer l' après, puis de descentre le Val Bedretto, jusqu' à All' Acqua, dans le but de gravir le lendemain le Pizzo Rotondo et d' atteindre la cabane du même nom. Cette région m' est aussi inconnue et, depuis bien des années, je rêvais de l' ex à skis.

400 mètres d' altitude séparent le refuge Corno de l' Alpe de Cruina, où nous enlevons les skis. Les ruisseaux, encore bordés de gros coussins de neige, murmurent parmi les fleurs printanières: soldanelles, primevères farineuses, anémones et renoncules alpines. Charmante poésie de la nature qui ravit toujours le skieur alpin. Nos yeux fatigués par l' éclat des neiges se reposent avec volupté sur ces nouvelles teintes et nous quittons avec regret ce petit Eden pour traverser de ravissants bois de mélèzes et arriver en peu de temps à All' Acqua suivre )

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