Ecologie et alpinisme au Parc national | Club Alpino Svizzero CAS
Sostieni il CAS Dona ora

Ecologie et alpinisme au Parc national

Hinweis: Questo articolo è disponibile in un'unica lingua. In passato, gli annuari non venivano tradotti.

Pierre Galland, Neuchâtel

Illustrations 126-129 L' aménagement et l' utilisation des régions alpines a déjà fait couler beaucoup d' encre. Dans un débat où les enjeux sont ici une route, là une station de sport, ailleurs encore un barrage, quel peut être encore le rôle et le poids d' une recherche scientifique menée sur le terrain, loin des sites directement mis en cause, par une équipe de naturalistes tentant de connaître de façon approfondie les conditions de vie que peuvent offrir les Alpes à plus de 2500 mètres d' altitude?

Je voudrais ici présenter un travail d' équipe entrepris depuis quelques années au Parc national dont nombre d' aspects peuvent intéresser les alpinistes.

Des cris d' alarme concernant l' avenir d' un sommet, d' un vallon ou d' un recoin épargné qu' alors, sont nombreux. Or, la politique du fait accompli est de règle dans la majorité des cas. Les intérêts financiers sont si importants que des oppositions relevant de l' éthique ou de l' idéalisme n' ont que peu de chances d' être prises en considération.

Afin d' éviter le renouvellement trop fréquent de ces procédés, il conviendrait de disposer au départ de données scientifiques solides. Elles permettraient d' élaborer à l' échelon régional, puis national, des plans d' aménagement et de construction, et de contrebalancer les arguments d' ordre économique. Plusieurs pays, conscients des lacunes subsistant encore dans nos connaissances de ces milieux, ont entrepris des études à long terme, envisageant le problème sous de multiples aspects. Ces recherches rassemblent des naturalistes, des agronomes, des économistes, des ethnologues, etc... Des organisations internationales, telle l' UNESCO ( projet MAB ), donnent les lignes directrices permettant la coordination indispensable entre ces travaux.

Des portions entières de vallées voient leur morphologie, leur hydrologie et leur climat modifiées par des constructions hydroélectriques. Des surfaces de pâturage sont bouleversées par le béton. A côté de ces aspects frappants, mais d' étendue territoriale somme toute limitée, d' autres phénomènes moins visibles modifient à long terme la quasi-totalité du paysage alpin ( dépeuplement des régions à caractère agricole, augmentation constante du tourisme, etc. ).

Or, les écosystèmes alpins, soumis à des conditions climatiques extrêmes et occupant des sites exposés, sont particulièrement sensibles à toute modification du milieu. Tout « accident », tel que construction, travail d' aplanissement pour les pistes de ski, etc., entraîne une augmentation bru- tale de l' érosion lors de fortes pluies ou à la fonte des neiges. Dans cette catégorie d' événements spectaculaires, mais bien délimités, citons encore les incendies de forêt, plus fréquents dans les régions sèches du sud des Alpes.

Les conséquences de ces « accidents » sont en général très visibles; on cherche souvent à les chiffrer, c'est-à-dire à connaître la surface de pâturage détruite, le volume de fourrage perdu ou la quantité de bois anéanti. L' étude des mécanismes des dégradations lentes et de leurs effets est beaucoup plus délicate. Ces dégradations comprennent par exemple: la surexploitation ou l' abandon de régions de pâturage, l' utilisation d' engrais naturels ou artificiels, la mécanisation de l' agriculture ou les changements de mode de mise en valeur des ressources naturelles. La lenteur et l' ancienneté de ces phénomènes rendent leur étude par observation directe impossible; seules des comparaisons permettent d' approcher ces problèmes et peuvent se faire de deux façons: soit en étudiant le même endroit à intervalles réguliers, soit en réunissant des données fondamentales dans une région « naturelle » et en les confrontant à celles obtenues dans des endroits exploités dont on désire connaître l' état. Le projet de recherche dont il est question ici a pour but de fournir de telles références qui serviront ensuite de point de départ à des études futures.

A la fin du siècle passé déjà, quelques esprits clairvoyants ont eu le mérite de pressentir, quel serait l' avenir réserve aux Alpes, et ont propose la création de réserves naturelles. Mais ce n' est qu' en 1914 qu' un arrêté fédéral jetait les bases du Parc national suisse, aux confins de l' Italie et de l' Autriche. On peut donc estimer que notre Parc national, à l' abri de toute influence humaine depuis plus de cinquante ans, constitue la région alpine la mieux préservée de l' Europe. Cela explique l' intense activité scientifique qui s' y est développée; le Parc national suisse constitue la meilleure référence pour les études comparatives dont il a été question précédemment.

La géologie, la flore, la végétation, la faune et le climat du part sont bien connus. En revanche, les communautés ( ou biocénoses ) animales et végétales, leurs rapports entre elles et avec le milieu, leurs cycles annuels, la microflore ( bactéries, champignons ) et la microfaune ( insectes, acariens ), sans oublier la micrométéorologie sont encore très mal connus. Schématiquement il est possible de présenter ainsi le cycle annuel de la pelouse alpine, objet de notre étude: dès la fonte des neiges ( mai/juin ), la végétation entame sa phase de croissance en utilisant les matières nutritives du sol et l' énergie du rayonnement atmosphérique sous forme de chaleur et de lumière. Cette croissance se termine en septembre. Une partie de la végétation meurt et, tout en restant souvent attachées à la plante, les feuilles sont peu à peu incorporées au sol. Là elles sont découpées en petits fragments par les insectes et les acariens du sol; ces fragments sont repris à leur tour par les champignons et les bactéries qui les décomposent; finalement les produits restants sont mélangés aux 1 mm 5 cm 50 cm a Bloc-diagramme de la pelouse et du sol b Sonde pour les prélèvements de sol c Détail d' une « carotte » de sol éléments minéraux provenant de la roche pour former le sol. C' est à l' étude de tels cycles que sont occupés depuis deux ans cinq chercheurs travaillant à plein temps et en étroite collaboration. La partie botanique est consacrée à la connaissance qualitative et quantitative de la végétation: composition, qualité, vitesse de croissance et de reproduction, évolution sont les principaux aspects considérés. Le sol, qui fournit le support et la nourriture aux plantes, évolue toujours en parallèle avec la végétation; il est donc nécessaire d' en connaître les paramètres essentiels: structure, teneur en eau et composition chimique. La micrométéorologie n' est pas non plus négligée: les températures de l' air et du sol, l' humidité, les précipitations, le rayonnement et les vents sont mesurés et enregistrés. Tous ces renseignements seront utiles aux spécialistes de la faune du sol qui ont pour tâche de connaître les espèces, leur abondance, leur répartition, leur mode de nutrition et de reproduction. Les récoltes de matériel se font > 385000/m2 ( dèe 77 ) d Collembole ( insecte ) e Acarien par différents modes de piégeage pour la faune de surface, et par extraction à partir de carottes de sol pour la faune souterraine. L' origine des espèces et leurs relations avec les différents types de végétation sont des problèmes particulièrement importants. La figure i montre la structure du sol et de la végétation, la méthode de carottage, deux types d' arthropodes du sol et leur abondance en décembre 1977.

La période de végétation est très courte à 2500 mètres. Les chercheurs associés à notre projet sont tous rattachés à une université ou à un musée qui mettent à leur disposition les locaux et les appareils nécessaires pour le travail de laboratoire. Ils se retrouvent tous sur le terrain en été pour le grand « boom », la période des investigations intensives sur le terrain. Les pièges sont en place, les prélèvements se succèdent à un rythme régulier. Ce sont les conditions atmosphériques qui donnent le plus de soucis. Si les avantages du travail dans une réserve sont évidents du point de vue scientifique, les inconvénients posés par le côté pratique ne tardent pas à apparaître: pas de moyens de transport, pas d' eau, pas d' électricité, pas d' abri fixe. D' il Fuorn, où se trouve le laboratoire du parc, charmante petite maison cachée dans la forêt, la grimpée est rude jusqu' au sommet du Munt la Schera où nous travaillons; sept cents mètres de dénivellation, et il faut reprendre le même chemin par tous les temps. Les voyages se succèdent, et l' équipement indispensable est bientôt réuni. La mise en service de la station météo nous crée bien des soucis. S' il n' y a pas d' électricité, le vent nous la fournira; encore faut-il transporter l' éolienne, la monter. Raccorder deux fils électriques, quoi de plus simple? Mais essayez de le faire au mois de novembre! Les petites pannes se succèdent, créant des trous dans nos données et autant de soucis pour celui qui doit y remédier. En une saison, certains d' entre nous ont effectué jusqu' à 25 montées par toutes les conditions possibles.

Un autre aspect des plus intéressants est l' étude de la vie dans le sol pendant l' hiver; il est d' autre part original, car la plupart des travaux en zone alpine ont été interrompus en hiver pour des raisons facilement compréhensibles. On pourrait penser que la microfaune passe l' hiver soit sous une forme de vie réduite, soit au stade d' œufs, soit en profondeur. Or après quelques heures à 200 C, le sol qui était gelé et dur comme la pierre libère une quantité impressionnante d' arthropodes. Ceux-ci semblent pouvoir supporter sans dommage un séjour de plusieurs mois dans un sol gelé, simplement en réduisant leur activité. Comme en été, ce sont les premiers centimètres qui sont les plus riches, ce qui exclut une migration en profondeur comme moyen de survie.

Dès l' apparition des fortes gelées, seuls les indispensables travaux de surveillance et d' entretien des appareils, ainsi qu' un programme minimal de prélèvement, sont maintenus. De décembre à mai, c' est à ski que nous nous rendons sur place. L' en devient sérieuse, une préparation minutieuse de chaque « expédition » est nécessaire. Le travail à accomplir, le prélèvement de quelques kilos de sol gelé et recouvert d' un à deux mètres de neige occupe, et largement, la journée de deux personnes. Il est nécessaire de creuser des trous aux endroits balisés, puis de détacher à grands coups de pioche les quelques fragments de sol indispensables...

Ces quelques excursions au cœur de l' hiver exigent une bonne connaissance de la montagne.

Il faut souligner ici les excellents contacts que nous entretenons avec les gardes du parc qui nous font bénéficier de leurs conseils et de leur longue expérience. Il ne reste finalement qu' une seule condition à remplir, mais c' est peut-être la plus importante: il faut aimer la montagne et la nature en général. C' est la combinaison de tous ces facteurs qui, seule, peut rendre un travail comme le nôtre passionnant et enthousiasmant.

Feedback