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Essai de toponymie au Val d'Illiez

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PAR CHARLES KRAEGE, AIGLE

Le Val d' Illiez est un monde à part. Cette assertion peut paraître, à première vue, péremptoire, mais elle est plus archéologique et linguistique que géographique. C' est donc laisser entendre, en toute bonne foi, que le Val d' Illiez fut autrefois un pays plus qu' isolé, mis à part en quelque sorte. Il a fallu la révolution scientifique du XVIIIe siècle pour le sortir de son isolement, et l' homme de la découverte fut alors Jean-Maurice Clément, celui-là même qui fit, en 1784, la première ascension de la Dent du Midi. Né en 1736, il fut d' abord curé de Mage, de 1765 à 1769, puis administrateur de Troistorrents de 1770 à 1773, année qui le voit devenir recteur de Champéry jusqu' en 1781, date dès laquelle il prend le vicariat de d' Illiez jusqu' à sa mort, en 1810. Il nous a laissé des remarques extrêmement importantes sur le Val d' Illiez, dans son ouvrage Polygraphia Vallesiaca ecclesiastico-civilis. Clément attire alors ses amis, le Doyen Bridel et le naturaliste genevois Horace-Bénédict de Saussure.

En 1797, le Doyen Bridel écrivait dans les Mélanges helvétiques:

« Les montagnards de cette région vraiment alpestre ont un génie bien plus vif et plus délié que leurs compatriotes de la plaine et des bords du Rhône; une originalité, pleine de bonhomie et d' énergie tout ensemble, une simplicité quelquefois grossière mais toujours franche, une grande ignorance des conventions sociales, jointe à tous les instincts de la nature laissée à elle-même, voilà ce qui caractérise cette peuplade à laquelle on devrait soupçonner une origine très différente de ses voisins. » Dans les mêmes Mélanges helvétiques des années 1794-1796, Bridel exprimait déjà cette opinion qui indique bien la caractéristique archéologique et linguistique du Val d' Illiez: « Leur patois, très différent des autres patois de la Suisse romande, contient une foule de mots celtes et d' autres termes qui dérivent sans doute du langage que parlaient ordinairement les premiers colons de cette vallée, qu' il est naturel de croire venus du Nord plutôt que du Midi de F Europe. » Voilà, nous semble-t-il, une raison suffisante pour s' intéresser à la toponymie du Val d' Illiez et pour en tirer des conclusions intéressantes. Comme le fait remarquer M. le Dr Ignace Mariétan, dans le Guide du tourisme pédestre, N° 13 ( Bas-Valais ):

« .Le patois de Troistorrents est différent de celui de d' Illiez et de Champéry qui ne formaient autrefois qu' une seule et même commune. Le patois de Troistorrents possède des formes de langue plus évoluées, exemple de la lente pénétration des influences extérieures dans les vallées de nos montagnes, et de la remarquable conservation du langage. Les termes professionnels de la vie paysanne sont très riches, le patois remonte au latin, parlé par les Gaulois romanisés. » II faudrait pouvoir parler de l' histoire du Val d' Illiez dans l' Antiquité, mais les documents propres à une esquisse manquent totalement. On a bien trouvé, dans la région de Troistorrents, quelques monnaies romaines; on peut admettre avec le savant genevois A. de Claparède ( Champéry, le Val d' Illiez et Morgins, histoire et description, Genève 1903 ) que la vallée fut colonisée aux premiers siècles de l' ère chrétienne. Le grand ethnologue actuel, M. J. Christian Spahni, a signalé dans son ouvrage sur les mégalithes de la Suisse qu' il devait y avoir autrefois une sorte de cromlech dans les environs de Massillon. Nous n' avons pour le moment aucune donnée exacte.

Quand Tacite écrivit son ouvrage sur la Germanie, au premier siècle de notre ère, on conservait encore la mémoire d' une époque où nos ancêtres, les Helvètes, habitaient au nord du Rhin, comme les Gaulois ou Celtes. C' est dire que de nombreux mots gaulois viennent des langues parlées en Ger- manie. Le celtique et le germanique ont emprunté l' un à l' autre des mots que leurs vocabulaires possèdent donc en commun, mais le celtique et le latin ont, dans le cadre de la parenté des langues indo-européennes, une affinité plus grande que celle constatée entre le celtique et le germanique.

Il y a environ cent cinquante ans, le géographe allemand A. de Humboldt, qui a laissé son nom au courant maritime longeant le continent américain, émettait, à la suite du Doyen Bridel, l' opinion que l' idiome parlé dans le Val d' Illiez portait des traces de langue ibérique. Comme une tradition attribue la couleur foncée des yeux et des cheveux d' un grand nombre d' habitants du Val d' Illiez à un sang maure qui coulerait dans leurs veines, on a voulu voir, dans cette survivance linguistique, une influence sarrasine1. En fait, et scientifiquement parlant, c' est complètement faux, et l' opinion de Humboldt, qui n' était alors qu' une hypothèse, repose sur un fondement beaucoup plus stable, qu' il faut rechercher jusque dans la préhistoire. Mais le grand géographe ne s' en doutait nullement, car quand il parlait d' ibérique, il pensait assurément basque. Or, aujourd'hui, les linguistes ne prennent plus au sérieux cette parenté linguistique, car on s' est aperçu que le basque était en réalité une langue complètement différente de la langue espagnole qui n' avait avec elle aucun point de relation. En revanche, la langue ibérique, parlée par les premiers habitants de l' Andalousie, il y a plus de huit mille ans, est une langue protoaryenne, proche parente du groupe hittite-lituanien, et ce qui n' était qu' une hypothèse pour Humboldt devient une réalité scientifique démontrable, si l'on se réfère à la parenté linguistique constatée entre le tartessien ibérique d' il y a huit mille ans et le celte parlé par les Gaulois, il y a deux mille cinq cents ans.

Cela démontre d' ailleurs aussi la part que la toponymie prend dans l' étude de la préhistoire et le secours qu' elle peut lui apporter, à condition de faire des etymologies correctes. Or, pour faire de l' étymologie correcte, il serait indispensable d' avoir une certaine connaissance de l' aryen primitif; mais, cette langue nous étant encore inconnue, nous ne pouvons nous fier qu' aux langues proches parentes, encore vivantes dans une certaine mesure, à savoir le lituanien et le hittite, langues dont la découverte est relativement récente par rapport au sanscrit et à l' iranien.

Le grand historien C. Jullian ( Histoire de la Gaule, t. II, p. 240 ) reconnaît que les villes les plus anciennes et les plus importantes de la Gaule portent des noms protoaryens qui furent ensuite celtisés et romanisés. La civilisation campignienne, contemporaine ou peu antérieure à celle des Kiökkenmödings, laisse apparaître des traces de la première agriculture et donne lieu à l' épanouisse des premiers habitants de la Gaule, les Ligués, comme les appelle Hérodote. Ces Ligués seraient les Ligures, des Préceltiques et, si l'on en croit la toponymie du Val d' Illiez, ce seraient ces Préceltiques qui auraient les premiers colonisé cette vallée.

De toute façon, il faut reconnaître que les noms de lieux du Val d' Illiez portent dans leur étymologie une empreinte gauloise, et cette constatation n' est pas sans importance. C' est ce que cette étude sommaire de toponymie tend à prouver.

Antème, c' est l' alpe située face à Champéry, au pied de la Haute Cime. Ce grand pâturage s' étend de la limite de la forêt jusqu' aux lacs et aux rochers de la Chaux d' Antème. Le patois atemo donne beaucoup d' éclaircissements sur la signification du mot, bien que les toponymistes soient généralement muets quant à la définition de ce lieu. Après de nombreuses recherches, nous arrivons à la conclusion suivante: il faut décomposer le mot patois en a temo; le a sous-entend le mot alpe, alpage, et temo provient du patois terne ( le sorbier ). C' est donc un alpage où il y a du sorbier des oiseleurs ou 1 Voir, à ce sujet, l' article de Max Liniger-Goumaz: Le mythe de rétablissement des Huns et des Sarrasins dans les Alpes ( Les Alpes 1966, p. 211 ).

thymier ( Sorbus aucuparia, jusqu' à 2400 m ). Les fruits astringents, diurétiques et antiscorbutiques de cet arbre servent à fabriquer dans le nord de l' Europe une boisson fermentée.

Arche est la partie moyenne de la vallée de Morgins que l'on atteint, après une dure montée, dès Troistorrents. La val s' élargit, la pente se fait plus douce, la route s' éloigne de la forêt, on entre dans la zone des pâturages. Le participe latin arsus de ardeo indique un terrain plus sec où le soleil « tape ». Nous pourrions rapprocher Arche du Vanil des Artses, dans les Préalpes fribourgeoises. Le patois du Val d' Illiez dit artze. Le toponymiste Jaccard y voit le latin arcam indiquant des croupes plus ou moins arrondies en arcs et en pointes rapides, séparées par des couloirs. Mais le patois artse signifie coffre avec couvercle, alors, ne faut-il pas y voir plutôt une sorte de selle, pénéplaine très menue et bien exposée aux rayons du soleil? Si l'on consulte uniquement la racine ar, les noms formés au moyen de cette racine indo-européenne désignent en général des endroits aptes à l' agriculture, comme le nom aryen suppose lui-même l' idée d' un peuple de laboureurs. Cette racine indoeuropéenne que l'on retrouve dans les divers dialectes gaulois avec le même sens est peut-être à l' origine du mot arche qui ne viendrait pas alors du latin arsus, mais du hittite où elle avait la signification primitive marcher, aller et venir et où elle a pris ensuite le sens de labourer, c'est-à-dire marcher derrière la charrue. Arche viendrait alors directement du hittite arsis ( champ planté et cultivé ). Cela supposerait donc que le nom a été donné bien avant les Romains à un endroit où pouvaient se faire des cultures, ce qui convient parfaitement au relief du terrain.

Pointe de l' Au, en l' Au. L' ancienne orthographe Haut laisse penser à une dérivation de Aup, forme ancienne de alpem avec le sens de pâturage, alpe, lieu de pâture. Le pluriel de ail, les aulx semble ne pas convenir ici, mais s' appliquer plutôt à la Larze des aulx, dans la région des Dents Blanches, où quelques couloirs sont garnis de plantes d' ail sauvage.

Les Avouilles, sous la station supérieure du téléphérique de Planachaux, versant Champéry, proviennent du latin acuculam ( petite aiguillec' est le patois avwude qui désigne des espèces de becs mi-herbeux, mi-rocailleux, se dressant parmi des blocs éboulés. Ces aiguillons sont facilement reconnaissables de la nacelle du téléphérique de Planachaux. Signalons encore la Croix de l' Aiguille au sud de l' alpe d' En l' Au.

Ayerne se trouve dans la même région, au-dessus de Champéry. C' est une forme latine acerinum du patois aye = acer pseudo-platanum, autrement dit érable faux Alatane. Le latin acer serait issu d' une racine gauloise akarn ou akar dont nous n' avons pas retrouvé l' origine dans les formes préceltiques.

La Barme, le Champ de Barme sont des endroits fort connus du fond de la vallée de Champéry. Le patois baerma a le sens de grotte; balma est un mot préromain, peut-être ligure, avec le sens d' anfrac dans une montagne, mais aussi celui de flanc de coteau, replat ou replaton, c'est-à-dire ressaut de la montagne. Le sens du patois fait penser cependant à l' existence d' une grotte; celle-ci existe réellement dans les rochers au sud du pâturage, mais elle est difficilement accessible.

L' arête de Berroi sépare la région de Barme de celle des Creuses; c' est le roman berrà qui a certes donné le patronyme Berra, nom de plusieurs familles de la contrée. Le provençal berrò a le sens de lieu inculte. Quant au patois beru, il indique un bélier. Il est donc difficile de se prononcer. On ne peut que reconnaître que, située au-dessus de la limite des forêts, l' arête de Berroi est surtout formée d' éboulis, parsemés d' herbes rares et de couloirs rocailleux qui sont plus le domaine des moutons et des chèvres que celui des bovins. Les deux sens possibles sont ainsi heureusement cumulés. Le patois berwa est le féminin de beru.

La Berthe est une croupe arrondie entre les cols de Cou et de Bretolet. On l' appelle quelquefois aussi la Bertha. Bertholinge est un pâturage situé au-dessus de la route de Monthey aux Giètes. L' équivalent patois bertu, bertula ne donne pas grand renseignement. Jaccard mentionne un adjectif patois berth ( fragile ) qui expliquerait la nature du terrain schisteux de ces endroits. Nos recherches se poursuivent.

La Pointe de Bellevue qui regarde Morgins et Monthey a son équivalent dans le grand alpage de Bonnevouette, à 1200 mètres au sud-est de Troistorrents. Jaccard y voit un substantif verbal de ouatti ( regarder ). Le patois traduit Bonnevouette par bunavaleta ( bon vallon ).

Vouargne Bourlo est le lieu du sapin brûlé. Le patois vwaerno désigne le sapin blanc et laisse sa trace dans notre français vitame. Ce pâturage se trouve au nord-est de la Dent de Valerette.

Les Bochasses sont situées dans une région marécageuse à 1600 mètres au nord-ouest de d' Illiez. Le patois botso ( étable à boucs ou à chèvres ) indique bien l' utilisation que l'on peut faire d' une alpe où l' herbe n' est pas d' excellente qualité.

Bonavau était autrefois le gîte de ceux qui faisaient l' ascension de la Haute Cime par le Pas d' Encel et Clusanfe, avant la construction de la Cabane CAS de Susanfe. Un autre Bonavau se trouve au nord de la Pointe de l' Au, cité par le vicaire Clément en 1796 bonavou. On pourrait l' interpréter dans le sens du patois bonève ( bonne eau ), comme malève qui a donne Malévoz ( mauvaise eau ), mais le patois bwunavu forme de awu ( vallée ) n' autorise que le sens: bon vallon, bonne vallée, vallée agréable.

Crête Borney est un alpage à 1757 mètres au sud de la Pointe de l' Au; son nom provient du patois borna ( cheminée ) et par dérivation de borné ( tuyau de fontaine ), plutôt que du vieil allemand born ( source ), bien que l' un n' exclue pas l' autre.

Bossât est un chalet à 1500 mètres, à l' est de Savolaire. Comme pour Bochasses le patois botsase définit le lieu où se trouvent des étables pour les chèvres. Nous ne retenons donc pas l' étymologie boschetum ( bosquet ).

Le Pas de la Bide ou de la Bède, situé sur le sentier qui de Barme permet de gravir les Dents Blanches de Champéry par le Col de Bossetan, est le patois bida qui signifie trou à une porte, à un habit, à un linge et même entrée de la poche d' un vêtement féminin ( pantalon, en ce qui concerne le Val d' Illiez ). Il s' agit en effet d' une fissure dans un rocher, qui permet d' éviter une vire herbeuse. C' est dans cette région qu' apparaissent des roches foncées, riches en fossiles, du Gault tranchant nettement sur une roche plus claire de calcaire urgonien. L' effet de ces différentes teintes de roches est saisissant de l' arête de Berroi, spécialement après la pluie.

Bêtre est une pénéplaine en bordure de la Vièze, à l' est de Champéry. C' est le patois bétare ( endroit marécageux dans un pré ).

Le Col de Bretolet, très connu des ornithologues depuis qu' on y a installé une station de baguage des oiseaux migrateurs, paraît dériver d' un mot celtique bref ( marécage ). C' est l' étymologie qu' en donne M. Jaccard. Et pourtant l' endroit n' a rien de marécageux, puisqu' il s' agit d' un col très étroit, situé entre la Berthe et les contreforts de la Tête de Bossetan. Il nous semble qu' il faut plutôt y voir une métathèse de Bertholet en Bretolet, provenant de la proximité de la croupe arrondie de la Berthe.

Les Boutiers, petite alpe située sur le chemin de Champéry au Col de Cou, par le vallon des Creuses, au bas des grands couloirs de l' arête de Berroi, seraient des endroits où l'on fait des fagots, des bwutse, de bûchettes faites à la hache.

Buchelieule, à l' est de Val d' Illiez, pourrait avoir le même sens, ce serait l' endroit où l'on dépose les bûches pour le service du chalet. Si l'on se rapporte au terme buchet, forme romane du bas-latin buxe-tum, il s' agirait simplement d' un lieu boisé.

Pour la Tête de Bossetan, la dernière à l' ouest des Dents Blanches de Champéry, il y aurait, comme aussi pour le col qui lui est adjoint, une confusion du R en B. On aurait alors le même nom que l' alpage de Rossetan, dominé par la Dent de Rossetan qui doit son nom à la couleur rouge de sa roche. Cette couleur est celle de la limonite, fer pisolithique, qui donne l' impression d' une roche cuivrée. Mais en fait, il s' agit bien de Bossetan qui est le nom du vallon qui se termine aux Allamands, au-dessus de Samoëns. Le nom principal de Boston est attribué à la forêt qui domine la vallée du Nant du Clévieux. On distingue dans le toponyme Bostan l' ancien français bos ( bois ) et la racine celtique tann ( chen ). Comme il est question d' une forêt de chênes et d' un nom composé d' une racine bas-latine boschus et de la racine celtique tann, ce toponyme appelle deux remarques: on sait combien les forêts de chênes jouaient un rôle fondamental dans la religion gauloise. C' est une indication utile à l' étude de la pénétration gauloise dans nos régions. D' autre part, l' association d' un terme bas-latin avec un terme celtique indique le sens de cette pénétration d' ouest en est.

Le Calvaire est une eminence au nord-est de Champéry dont le point culminant porte une croix de pierre. C' est un magnifique but de promenade pour les hôtes de la station, et la vue porte très loin. Comme son nom l' indique, cette colline est complètement dépourvue d' arbres, du latin calvus ( chauve ).

La Cathédrale est l' une des pointes des Dents du Midi. C' est du village de d' Illiez qu' elle donne l' impression de l' élancement des piliers d' une cathédrale.

Chalin. C' est à la fois le nom d' un alpage et d' un petit glacier. L' alpage, situé à 1750 mètres, est dominé par la Cime de l' Est et par la Cathédrale. On pourrait y voir une ancienne forme latine ayant le sens: endroit où il fait chaud, et admettre avec Jaccard que c' est un endroit bien exposé à la chaleur du milieu de l' été, mais il nous semble que c' est tout simplement le bas-latin calmis ( alpe ).

Champarin contient le terme champ, du latin campum, que l'on retrouve dans de nombreux noms de lieux de la vallée. Comme pour Champerene, situé de part et d' autre de la Tine de Morgins, ces noms se disent en patois champerae et perae a le sens du patronyme Perrin. Il doit donc s' agir de biensfonds appartenant à une famille Perrin, nom très répandu dans le Val d' Illiez. Ce nom Perrin provient lui-même de petrinus, diminutif du latin Petrus ( Pierre ). On pourrait aussi faire venir le mot Champarin du patois pari ( aigrir le lait ), mais cette étymologie paraît peu probable. Enfin, une dernière étymologie, de perae ( pierre ), champ garni de pierres ne semble pas se justifier, ces pâturages n' étant pas spécialement pierreux, comme c' est le cas pour Perraye.

Champéry. Le patois de la vallée indique plusieurs termes: tsapirey, tsapirae, et tsaperi dans le patois de Troistorrents. Le mot tsa du latin: campum ( champ ) En 1286, on trouve la forme actuelle Champéry tandis qu' en 1180, on a celle de Champeirie. Auguste Michaud, instituteur à Champéry, à la fin du siècle dernier, dans sa Monographie de la commune de Champéry estime que, à en croire la tradition, Champéry tirerait son nom d' un colon nommé « Péry », qui cultivait un champ à cet endroit, il y a de longs siècles de cela... Un livre de limitage, commence en 1761, achevé en 1763, mentionne une parcelle de terrain sur Illiers, près de Champéry, désignée sous le nom de « !anche à Péry », en patois « lats à pirey ». Quoi qu' il en soit, par reconnaissance, cet ancien habitant a été mis dans les armoiries de Champéry. Nos recherches nous ont conduit à trouver un patronyme Péry, dans la région de Thyez, en Haute-Savoie. Comme nous le verrons par la suite, le village d' Illiez est beaucoup plus ancien que celui de Champéry. C' est probablement la raison pour laquelle, d' une part la contrée de Champéry fit longtemps partie de la paroisse d' Illiez et, d' autre part, les patois de Champéry et d' Illiez ne font qu' un.

Chanso désigne un grand alpage au sud-est de la Pointe de Bellevue. L' orthographe actuelle du mot prête à confusion. Il semble cependant que l'on y retrouve une forme champso ou chamso, du patois tsaso qui signifie enchantement, charme, du latin cantionem. Ce serait alors une région agréable et peut-être même enchantée par de vieilles légendes. On pourrait y voir aussi le tsa du latin campum ( champ ) et le tso du latin calmis ( pâturage ). Ce serait alors un pâturage qui se transforme peu à peu en champs cultivés, aux abords surtout de la route de Troistorrents à Morgins, qu' ils côtoient dans leur partie inférieure.

Les Champeys. Le patois tsapé paraît provenir de la même origine que les noms précédents. Cela se justifierait si l' alpe désignée par ce nom ne se trouvait pas si haut perchée au nord-est de la Pointe de l' Au. Ici, le patois tsapé indique plutôt un chapeau, du latin caput ( tête, partie supérieure ).

Le nom du Torrent de Cha valet, que l'on devrait appeler Nant de Cha valet, descend de la région des Portes du Soleil, passe aux Crosets, pour aller se jeter dans la Vièze, un peu au-dessous de Champéry. Le nom lui vient de la région située à l' est du village de Champéry. C' est le patois tsavale forme du terme tsa ( champ ) et du verbe patois vaia ( avoir de la valeur, de l' importance ), donc champ qui rapporte. On pourrait aussi y voir une survivance de tsavo ( bout, extrémité ), comme ce lieu se trouve à l' extrémité est de la terrasse champérolaine. Mais il faut signaler encore que le Nant de Chavalet portait autrefois le nom de Nant des Arayes. Or, le mot Arayes contient cette racine indo-européenne ar dont nous avons parlé sous Arche, supposant l' existence de terrains arables, en tous cas dans sa partie inférieure, entre le pont de la route actuelle et son confluent avec la Vièze.

Chemex est le centre de toute une agglomération qui, avec la construction de nouveaux chalets de vacances et de week-end, devient un véritable hameau au nord-est de Troistorrents. A l' instar de la tsoumaz qui constitue les mayens de Riddes, au-dessus d' Isérables, il semble que Chemex soit une déformation du celtique chouin ( s' arrêter ) et de cauma ( la grande chaleur ). C' est alors le verbe patois tsoema ( rester à l' ombre ), en parlant du bétail, déformé en choumets, puis en Chemex, du patois tsamé. C' est ici l' occasion de voir comment le patois du Val d' Illiez s' est formé très anciennement à partir des formes celtiques, ce qui paraît confirmer l' hypothèse que le Val d' Illiez a été colonisé par des éléments celtiques, probablement antérieurs à la semi-conquête romaine.

Chenarlier. Ce nom désigne toute la région comprise, sur la rive droite de la Vièze, entre Troistorrents et les hauts de Monthey. C' est un parcours très agréable pour le touriste qui a ainsi l' occa de se rendre compte de la formation géologique de la vallée glaciaire et de l' érosion que la Vièze y a opérée, au cours des âges. Le patois tsenali ( faire des rainures ) indiquerait bien la rainure que s' est creusée la rivière dans l' auge glaciaire primitive.

Chenau, situé au sud de Monthey, au départ de la route des Giètes, doit dériver du latin canalem ( canal, chenal ), à l' instar de ses homonymes des Alpes vaudoises. Le fait que, actuellement, il n' y a pas de bisse dans la région ne signifie pas pour autant qu' il n' y en ait pas eu à une certaine époque ( bisse ou canal d' irrigation ). Mais on pourrait aussi y voir une forme du patois tsano ( le chêne ).

Cheseaux, au sud de Chemex, est une agglomération de chalets, à proximité immédiate de la halte du chemin de fer AOMC de la Croix du Nant. C' est à n' en pas douter le bas-latin casale ( ferme, emplacement d' une maison ), du latin casam ( la maison, la chaumière ).

Chésery est plus le nom d' une région qu' un terme s' appliquant à une pointe ou à une alpe. En effet, c' est toute la contrée autour de la Pointe de Chésery, autant sur France que sur Suisse, qui porte cette sorte de qualification, car il s' agit encore une fois d' un dérivé de casam ( la maison ), dans le terme casaria qui indique un endroit où il n' y a pas de chalets à proprement parler, mais simplement des huttes de bergers, des refuges pour les troupeaux qui estivent à la cote 2000 environ.

Le Chétet représente une bande de forêt très déclive, en bordure de la Vièze, sur sa rive droite, à l' est de Champéry. C' est le latin saxum ( rocher ), avec permutation de Y s en ch et avec la marque diminutive en et. 11 y a en effet quelques rochers surplombant le lit du torrent, le Nant de la Tière, descendant des lacs d' Antème. Le Chétet fait suite à la région appelée Sous Sex, située sous les rochers des Rives.

Choëx portait en 1178 le nom de Choiz, puis en 1428 celui de Chuex. Le patois indique les formes tswi et tswey. Nous n' avons pas trouvé de mots correspondant à ces formes patoises, mais l' ancien français chauvèce ( lieu dénudé dans une forêt ) pourrait se rapprocher du nom de ce hameau de Monthey et serait alors dérivé de calvum ( chauve, dénudé ).

Colaire est devenu un véritable hameau de Troistorrents, sur la route de Morgins. C' est probablement une forme bas-latine du latin colere ( habiter ), donc région d' habitation.

Collombey. Le patois indique le nom koloba et pour les habitants de Collombey les noms koloberu et koloberuda. La forme Collombey vient assurément du latin columbarium qui désigne un tombeau plus qu' un pigeonnier. Si on sait que la région de Collombey-Muraz est le lieu de nombreuses trouvailles archéologiques se rapportant au « Bronze », l' appellation latine columbarium prouve que les tombes étudiées à notre époque étaient déjà connues du temps des Gallo-romains.

Conches désigne une partie de la chaîne-frontière au nord-ouest de Planachaux sur Champéry. C' est assurément le latin concavam terrain ( dépression ), sous la forme d' un couloir. Ce terme pourrait aussi indiquer une fontaine peu abondante creusée en forme de conque. Une alpe de Conches se trouve aussi au nord des Portes de Culet, au-dessus de Morgins. Dans un creux de cet alpage, il y a du terrain marécageux et le petit lac du Goillet.

Condémine est une partie de Choëx qui se rapporte à une propriété possédée d' une manière indivise par plusieurs seigneurs appelés au Moyen Age condomini.

Le Mont Corba. A première vue, il semblerait qu' il y ait un rapport direct avec le français corbeau, comme c' est le cas pour de nombreux autres noms à rapprocher de ce dernier. En fait, c' est plutôt le patois korbâ ( courbe, arrondi ). Cette eminence est en effet une croupe arrondie à l' est de d' Illiez, comprise entre le Nant de la Tille et le Nant des Crêtes. La même étymologie siérait encore à la montagne du Corbeau, au-dessus de Morgins.

Cornebois. H. Jaccard indique pour cet endroit de la chaîne franco-suisse au nord de la Pointe de Chésery un lieu situé sur quelque promontoire saillant dans une pointe du territoire. Nous avons cherché en vain l' équivalent en patois et nous ne pourrions vraisemblablement nous arrêter qu' aux formes: tsoene boew ( fiente des bovins ) ou sonâ boew ( corner les troupeaux ) ou encore kornâ ( braire ). Pour le moment, nous n' en savons pas plus.

Col de Cou. En 1188, on trouve la mention marginale montent qui dicitur col. Il n' y a pas de doute que cou représente le latin collum ( le col ). Le patois kyoew ( passage étroit dans la montagne ) signifie aussi plus simplement selle, ensellement. C' est le cas des nombreux lieux-dits du Val d' Illiez: Sur Cou, Sur le Cou, etc. Nous ne trouvons donc pas de résonance en celtique pour le col-frontière. Comme nous l' exposerons plus loin, il est probable que la colonisation du Val d' Illiez s' est faite par le Col de Bretolet et le vallon de Barme, laissant à l' écart le vallon du Col de Cou et des Creuses.

Le Roc coupé mérite bien son nom, puisqu' il s' agit d' un passage pratiqué dans une croupe mi-herbeuse, mi-rocailleuse, permettant du Grand Paradis, au sud-ouest de Champéry, de remonter sur la rive droite le torrent ou Nant de la Saufla et d' arriver ainsi à l' alpage de Rossetan, sous la paroi de rocher dite Para rousse.

La Cour est un lieu situé entre Champéry et d' Illiez, en aval du Nant des Arayes, dont le nom paraît dérivé du bas-latin cortem, variante de curtem ( domaine rural ). Le patois kyoe, prononcé à Troistorrents ko, ne donne pas d' éclaircissement.

Grand Crau est l' alpage qui domine Monthey, directement sous la Pointe de Bellevue. Comme son nom le dit bien, il s' agit d' un grand creux.

La Crête, au sud de Champéry, comme Sur Crête, au nord de d' Illiez, s' appliquent à un mamelon, voire à un petit plateau, du bas-latin crestum.

Les Creuses, comme les Crosets, région d' Illiez, sont des noms de lieux provenant du patois krösä ( creuser ) et représentent en général des vallons très encaissés.

Crie est le nom de deux petits alpages, sur la rive gauche du Nant du Fayot qui fait limite entre d' Illiez et Troistorrents. C' est une forme abrégée du bas-latin criacum désignant un pâturage à moutons, du grec krios ( le bélier ). Une autre étymologie, d' après le patois kruye, indiquerait qu' il s' agit d' un mauvais pâturage, mot patois en provenance du celtique kroudios. Nous penchons pour cette dernière étymologie, car le bas de ces petits alpages se terminent par des ravines.

Le Culet, sommet bien connu dominant Champéry, est issu sans doute de culatam terrant ( terrain éboulé, ravine ). C' est l' impression qui en découle, lorsqu' on parcourt ces arêtes dénudées et sauvages qui ne manquent pas de grandeur, face au remarquable panorama des Dents du Midi. Quant aux Portes de Culet et à Y Alpe de Culet au-dessus de Morgins, c' est la même impression de ravinement, dans un terrain schisteux, malgré une nature très sauvage et une flore magnifique.

Cultin est la région située à l' est des Creuses, à l' ouest du torrent de Seumon qui descend de la région de Planachaux. D' après M. H. Jaccard, c' est le fond d' un vallon fermé. Nous estimons que c' est plutôt le patois kultae, dérivé de kuta, latin costam ( la côte ). Il s' agit bien là d' une côte dominant la Vièze et s' étendant jusqu' à l' alpe de Seumon.

La Galerie Défago était autrefois un très sympathique lieu de promenade pour les estivants de Champéry. Il s' y trouvait une buvette, précédant l' entrée de la galerie de bois qui permettait aux touristes de se déplacer sur les vires des grands rochers des Rives et de jouir ainsi d' une vue exceptionnelle sur le village de Champéry 1. Le patronyme Défago est aussi connu dans le Val d' Illiez que son synonyme de Zurbuchen dans la vallée de Saas et dans l' Oberland bernois. Au cours des âges, le nom Défago a passé par les formes defagu, defaguda et de fayau. C' est donc un dérivé du latin fagus ( le hêtre ).

Delifrête est un grand alpage situé au nord de d' Illiez, aux sources du Nant de Fayot. Son nom est intéressant, car il comprend un préfixe deli, placé devant le frète du latin fraxinus ( le frêne ). Ce préfixe d' origine celtique, issu du radical dele doit provenir de l' indo data ( fissure, division ). Ce dala se trouve sous la forme sanscrite dal ( fendre ), qui se retrouve dans le lituanien doliti et dans les langues slaves doli et dolina, dans le celtique dol, dans le gothique dais, dans l' anglo dais et enfin, dans le germanique tal. Delifrête signifierait donc vallée des frênes. Nous voyons par la succession des etymologies données ci-dessus que le préfixe deli peut être considéré en toute sûreté comme une forme aryenne. Mais en plus de tout cela, il faut considérer que le lituanien doliti provient d' une forme dali ou dalis ( partie, division ), forme qui se retrouve dans l' ibérique dalis, avec le même sens, et dans le hittite talis ( vallée, division, partie ). Il est donc extrêmement intéressant de noter ces correspondances qui appuient, d' une façon quasi certaine, l' hypothèse que nous avons formulée précédemment, selon laquelle le peuplement du Val d' Illiez remonterait à une antiquité bien antérieure au peuplement gallo-romain.

Draversa, situé en bordure de la Vièze, rive droite, en prolongement du Chétet, au nord-est de Champéry, est mis pour traversa via ( chemin qui va au travers d' un pâturage ). On dit communément une traverse.

1 Cette galerie existe d' ailleurs encore et mérite une visite. Elle a été aménagée et améliorée par le guide - et ancien gardien de la cabane de Susanfe — Frédéric Avanthey, de telle sorte qu' on peut sortir de la galerie à son autre extrémité, sous la Cantine des Rives, ( réd. ) 53 Ella-Rock, 1705 m. Im Süden die Kataragama-Berge 54 Belihul-Oya, World' s

Lasistan

Photos 58-63 H. Gall, Kufstein 58 Der Große Kaçkargletscher unterstreicht seine Persönlichkeit mit einem steilen Eisbruch und einem respektablen Bergschrund. Das Bild wurde auf dem Weg zum Mittleren Kaçkargletscher aufgenommen 59 Meist gegen Mittag schieben sich schwere Nebel von der Schwarzmeerküste her an den Hauptkamm des Gebirges vor, wo sich tagtäglich die Frage stellt: Erreichen sie uns heute? Im Tief blick über den Grossen Kaçkargletscher hinweg liegt der erosions-gefährdete Almboden von Mezovit 60 Der Mittlere Kaçkargletscher zieht sich auch immer mehr in den Schutz der Nordwand des Büyük Kaçkar, 3937 m, zurück. Sein kurz, aber steil abfallendes Ende keilt flach in eine Breimoräne aus. An der Felsrippe links im Bild wurde eine Gletschermarke angelegt. Der Einstieg in die Nordwand quert den firntragenden Gletscherteil von links nach rechts oben 61 Blick von der Scharte, 3560 m, westlich des Büyük Kaçkar, nach Süden auf Rand und Vorfeld des Krenek-U-Gletschers und den höchstgelegenen Glazialsee Kaçkar golii 62 Von Südwesten, wo die Silhouette des schonen Verçenmstockes auszumachen ist und die Huiuil-ticrge aulragen, nach Nordosten zieht das seenreiche Hochgebirge von Lasistan. Etwas nach Norden vorgeschoben erhebt sich über einst stark vergletscherten Hochtalmulden der markante Varos Dag. Links im Vordergrund die haldenartig abfallende Moräne des Grossen Kackargletscheis 63 Zu Füssen der abweisenden Felsfluchten der « Adlerwand » zieht der eindrucksvolle Krenek-ll-Gletscher steiler Zunge bis auf 3550 m herab mit Pointe de Dréveneuse. Le terme Dréveneuse est vraisemblablement mis pour drieuse du patois dryoewza ( la verne des montagnes ). Il doit s' agir de l' aune blanc, alnus incana, qui tire son nom de la couleur blanchâtre de la face inférieure de ses feuilles. C' est un arbrisseau qui se plaît sur les sols calcaires, frais ou humides. Au premier abord, on pourrait avancer l' étymologie de l' indo drava ( rapide, violent ), en parlant de l' eau, ou bien l' étymologie du bas-latin draia ( chemin suivi par les troupeaux, couloir dans une forêt pour l' exploitation des bois ). Ce sont des etymologies très tentantes, mais qui ne conviennent qu' en partie. Il nous a paru, une fois de plus, intéressant de nous en référer au patois d' abord. Et le patois nous donne un sens plus exact, plus approprié surtout, en fonction du relief et de la végétation qui s' y est développée.

Les Epenis sont une sorte de quartier de l' agglomération de Choëx. Le mot provient du latin spinetum ( buisson d' épines, fourré ).

Le Pas d' Encel sépare le vallon de la Saufla ( Bonavau ) de celui de Clusanfe ou Susanfe. Le sentier s' engage à travers des rochers, dit M. le Dr Mariétan, ( Guide pédestre du Bas-Valais ), pour s' y faufiler adroitement. L' endroit est connu sous le nom de Pas d' Encel ( planchette dont on couvre les toitseffec-tivement, une planche permet de traverser le torrent à Giétroz-du-Fond. Dans le patois du Val d' Illiez, la planchette dont on couvre les toits, que nous appelons bardeau ou tavillon, se dit körme. Mettre des tavillons sur un toit, c' est akörmer, et les enlever c' est dékormer. Le Pas d' Encel évoque spontanément le latin incisum ( entaillé ), ce qui correspondrait assez bien à la nature du terrain et à l' étroite coupure de la gorge de la Saufla. Mais comme le but de cette étude est de rechercher l' étymologie, en partant de préférence du patois, nous nous sommes arrêtés au terme etsyla ( l' échelle ). Il s' agirait donc du Pas de l' Echelle, le mot pas étant pris dans le sens de passage. Comment concilier alors ce sens de Pas de l' Echelle avec la planche qui servait de pont? Lorsqu' on se rend sur place, on s' aperçoit que le sentier, dès la sortie de l' alpe de Bonavau, s' engage dans des rochers et qu' à l' endroit dit le mauvais pas, c' est comme si l'on grimpait à une échelle naturelle, sur une dizaine de mètres. Un peu plus loin, avant que le sentier ne redescende vers le fond de la gorge, une suite de vires naturelles, mi-gazonnées, mi-rocheuses, permettent de s' élever de quelques mètres dans la paroi qui tombe de la Chaire de Bonavau. Il est très possible aussi que, pour éviter ces vires difficiles à franchir, surtout lorsqu' on est chargé, une échelle ait été installée autrefois à cet endroit. C' est alors tout le passage le long de la gorge qui aurait été appelé Pas de l' Echelle d' etsyla, nom patois francisé en Pas d' Encel. C' est d' ailleurs bien dans ce sens que certains Champérolains l' entendent.

Pointe de l' Erse. C' est le contrefort nord de la Dent de Valére. M. H. Jaccard fait venir le terme Erse d' un verbe ancien français herdre ( s' accrocher ), et il indique des forêts rapides comme accrochées au rocher. Mais cette pointe est située bien au-dessus de la limite des forêts; on pourrait supposer le latin arsum ( qui brille ), qui étincelle au soleil couchant, mais y-a-t-il assez de rochers pour que cela soit le cas? Et pourtant le latin se rapproche ici du patois ardze ( briller ), du celtique argissa ( clair, brillant ), du grec argos ( clair ).

L' Eperon est une sorte de dent ruinée, contrefort est de la Dent Jaune. Son nom doit venir de sa forme en dents de scie, telle qu' elle apparaît de d' Illiez.

Les Esserts sont situés à l' ouest de Champéry, en contrebas de l' arête de la Croix de Culet. C' est le patois essertys, du verbe esserla ( défricher un terrain ).

8Die Alpen —1968 - Les Alpes113 Les Fahis, domaine qui fait face à Troistorrents sur la rive droite de la Vièze, du latin fagetum ( endroit planté de hêtres ). De même, le mot Fayot paraît être un dérivé du latin fagwn ( le hêtre ). Le Nant de Fayot correspond au Nant de la Tille, en tant que frontière entre les communes de d' Illiez et de Troistorrents. Il est assez étrange de constater que ces deux noms représentent chacun une espèce différente d' arbres. Or, on peut se rendre compte que ces deux essences se trouvent bien sur place.

Pro Favroz se trouve au nord de d' Illiez et au sud de la Foilleuse. Favroz est vraisemblablement le nom du propriétaire du pré. Il peut être intéressant cependant de savoir que les formes favro etfavra correspondent au latin fabricam ( forge ); tous deux supposent une forme du bas-latin/aèra, fondée sur le latin fabrum, de faber, qui pouvait avoir le sens de fondeur. Le patois/avro correspond au français maréchal-ferrant. Peut-on supposer dans cet endroit une entreprise de fonderie ou bien faut-il simplement y voir l' influence d' un patronyme?

Pointe des Fornets. C' est l' un des sommets de la chaîne-frontière entre le Col de Cou et le Pas de Morgins. Le latin furnellum ( petit four ) dérivé de furnum, avec la variantefornum ( le four ) peut laisser entendre d' une part qu' il y avait des fours dans la région voisine de Haute-Savoie, la vallée du Nant du Fornet, affluent de la Drance de la Manche qui passe à Morzine. Il faudrait alors Her cette étymologie à la fabrication de charbon de bois ou plus anciennement à une entreprise de fonderie. Nous n' estimons pas pouvoir retenir l' étymologie de fumum ( endroit chaud, bien exposé aux rayons du soleil ) qui est celle d' autre part exprimée couramment pour expliquer le nom de la Pointe des Fornets. Le patois savoyard Forné est attribué à l' endroit où se pratique l' écobuage, c'est-à-dire le brûlage des mauvaises herbes et des racines pour en faire une sorte d' engrais que l'on répand à la fin de l' hiver sur les pâturages.

La Fontaine blanche est une des sources de la Tine de Morgins, probablement due à une résurgence des eaux du Lac de Chésery, lequel, comme le Lac de l' Hiver, n' a pas d' écoulement visible vers l' aval. Le latin fontem indique clairement qu' il s' agit d' une source. De même, au sud-est de la Pointe de Bellevue, Fontany paraît avoir le même sens, tout en étant une variante de Fontanil.

La Frâche est à l' extrémité des Rives, face à Champéry, proche du Nant de la Tière. C' est l' équiva des nombreuses Frasses et ces noms sont issus du latin fraxinum ( le frêne ). De même, La Frassenaye qui se trouve plus à l' aval, Le Fratié aux Giètes sur Monthey et enfin Les Fréneys dans la même région. Parallèlement à fraxinum, il existait une forme plus simple et sans doute plus ancienne, fraxum dont fraxinum est le diminutif, forme qui se retrouve dans l' italien frasso et frasco. Le bas-latin a modifié la forme latine fraxinum, mot féminin comme le sont les arbres en latin, en fraxinam, portant une désinence plus clairement féminine. Quant au patois de la vallée, il rend le mot frêne p&r frino. Signalons aussi le patois savoyard qui a les noms de lieux suivants: Frasse, Fresse, Fraisse, Fressoz, lesquels ne sont pas issus de fraxum, mais defraxea ( lieu où il y a beaucoup de frênes ).

La Tête du Géant se dresse au nord-est de la Pointe de Chésery, dans la chaîne-frontière. Sur la Carte française au 1:50000 ( 1922 ), elle porte également le nom de Pointe de Boccor, comme d' ail la Pointe de Chésery porte celui de Pointe de Beeret. Quant au nom Bécor, il se rapporte au point 2206 de la CN. Nous n' avons pour le moment trouvé aucune étymologie susceptible de convenir à ces différents sommets.

Les Giètes. A première vue, c' est le bas-latin gistum qui a donné le mot français gîte. Mais lorsqu' on étudie la forme de plus près, on s' aperçoit que le terme giète est une forme apocopée de agieta, diminutif de agia ( haie, bois forêt ), forme de la même manière que le mot Pouille mis pour Apouille, du latin Apuliam.

C' est le nom Agittes qui se rattache de préférence à la forme gitta, ancien français giste, du latin jaceo, verbe français défectif gésir, giste qui devait s' employer primitivement au féminin, c' est pourquoi l'on disait la giste, devenu l' agitte, puis Les Agittes. Ce mot gista désigne une demeure temporaire, généralement en montagne, c' est l' équivalent du mot remue et du mot mayen, chalets temporaires pour le commencement et la fin de la saison estivale. Les Giètes seraient donc une portion de territoire couverte de forêts et de bois-taillis, ce qui est parfaitement le cas pour la région considérée au-dessus de Choëx.

Le Goillet est un petit lac, dans la dépression de Conches, au nord de Morgins. C' est le patois gyoeli ( petite mare ). Il y a dans ce mot patois l' idée du patois gyoeda ( bouedonc le gyoeli est un bourbier, un petit étang bourbeux. Mais le nom Goillet vient-il vraiment du patois? Ne serait-ce pas plutôt le latin gotale ou gotalium ( ruisselet, petit cours d' eau ), mots qui ont donné gotalia et goilia, ancien français goille, puis gouille? En revanche, le patois permet de différencier Goillet de Gollet qui serait alors le diminutif bas-latin goletum de gulam ou golam ( passage étroit dans la montagne ) d' où est issu le Col de la Golette, dans le massif du Luisin, et celui de la Gueulaz, au-dessus de Finhaut. Disons enfin que le latin gulam ( gorge, gosier, cou ) se dit en patois gyoewla, proche de gyoetro ( le goitre ), lequel a donné Giétroz. C' est de gyoewla que vient aussi gyoelize ( Golèze ), col et pointe, situés à l' ouest du Col de Cou, en Haute-Savoie. Il faudrait encore citer le passage de la Golette, appelée sur certaines cartes Golette de l' Oulaz, qui fait communiquer la vallée savoisienne de Bossetan ou Bostan avec le Lac de Vogealle, au sud du col franco-suisse de Bossetan. C' est ainsi que, de Champéry, on peut aisément faire le tour des Dents Blanches, en empruntant successivement le Pas de la Bède, le Col de Bossetan, la Golette de l' Oulaz et le Col de Sagerou, pour revenir au point de départ par le Pas d' Encel. Mais ce trajet est parfois assez scabreux.

Giétroz comprend trois régions du vallon de Clusanfe ou Susanfe: Giétroz-du-Fond où se trouve le pont sur la Saufla, au débouché du Pas d' Encel, Giétroz-Devant, à l' emplacement de la Cabane du CAS, Section d' Yverdon, et Giétroz-Darray ou Giétroz-Derrière qui occupe les premières pentes du Col de Sagerou. Comme nous le disons ci-dessus, le patois gyoetro est proche de gyoewla qui semble provenir du latin gulam. On trouve dans le lituanien un terme gula qui signifie: tombe, endroit creux, dérivé d' une racine verbale guleti ( être touché ). Le lituanien semble avoir employé cette racine pour indiquer le lit d' une rivière exprimé par le mot doliti en provenance de galiti. Ce mot serait à rapprocher d' une racine indo-européenne dr ( diviser ) dont la transition s' est faite avec le lituanien par le Scandinave darl qui a donné l' allemand tal ( la vallée ). Nous pouvons ainsi estimer la parenté de langue entre le patois du Val d' Illiez et ses origines dans le latin et les idiomes indo-européens.

Les Grantis font le pendant des Petis ou Petis, désignant par là de petits et de grands alpages. Signalons simplement que le patois piti se retrouve en Haute-Gruyère, avec le même sens « petit ».

Les lettes sont un groupe d' habitations situé au pied des monts, à droite de la route de Monthey à Massongex. Comme il y a un canal qui part en direction ouest, il est difficile de savoir s' il s' agit du germanique lista ( bordure, bande longue et étroite ), tel que le mentionne H. Jaccard, ou s' il s' agit du diminutif du mot Ile, latin insulam, ancien français isle ( terrain situé le long d' une rivière ). En 1700, on trouve la mention es Utes, puis es lettes.

Illiez. Nous considérons ici le nom de la commune qui a donné son nom au val: Yliacum en 1180, Iliacam vallem aux XIIe et XIIIe siècles. Il est très difficile d' établir une étymologie correcte. On a pensé à un patronyme d' origine germanique. J. Monod, dans le Guide du Valais mentionne illex qui aurait la signification: le houx. Nous pourrions alors penser à illicem ( l' appât, la séduction ). Le patois donne eli pour le village et vodeli pour l' habitant. C' est donc d' après cette forme eli que nous avons orienté nos recherches. En considération de ce que nous avons dit précédemment concernant les relations entre patois du Val d' Illiez et idiome ibérique, comparés au lituanien et au hittite, on trouve dans le dialecte lituanien une forme elks correspondant au sanscrit alfe ou elfe, ou encore ilk qui pourrait être, à la fois, l' ancêtre du latin iliacum et qui est en rapport avec la forme germanique elh, le sanscrit alk ( arbre ) et le sanscrit elks ( idole ). Le patois eli proviendrait alors d' une forme celtique; nous aurions donc ainsi, comme indiqué dans l' introduction, un terme emprunté à l' ancien haut-allemand, avec passage dans la langue des Celtes et survivance dans les patois du Val d' Illiez. Cette hypothèse est très alléchante, elle établirait en effet la preuve que le patois du Val d' Illiez est bien d' origine celtique, qu' il est plus proche qu' aucun autre dialecte de chez nous des origines indo-européennes et, enfin, que le peuplement du Val d' Illiez s' est opéré d' une façon stable, au moment de la pénétration celte en Gaule. La forme germanique elh, alh, que l'on peut tirer des noms lituano-slaves, se retrouve dans l' ancien saxon alah et dans l' anglo alh ou ealh ( le temple ). Or, on sait que les anciens Germains célébraient leurs cultes dans les forêts et que les arbres sacrés y jouaient un grand rôle. Un de ces arbres était probablement utilisé comme lieu de réunion au centre de l' actuel Val d' Illiez, si l'on établit sa longueur du Col de Cou à Monthey. Ce lieu de rassemblement aurait donc par la suite donné son nom à la vallée tout entière.

Croix d' Inerme. Cette dénomination se rapporte au sommet oriental de l' arête de Berroi, ( 1838 m ). Incontestablement, c' est le latin in crena ( dans l' entaille ). On pourrait admettre, avec M. H. Jaccard, l' idée de crête dentelée, mais nous estimons qu' il est plus juste de réserver le terme rincrène à la dépression de l' arête de Berroi qui se trouve à l' ouest de la Pointe. Il s' agit bien d' une sorte d' entaille qui fait communiquer les chalets de Berroi avec le vallon des Creuses.

Si Jaqueule se trouve à l' ouest de Collombey, Jacolan est à l' ouest de Monthey, au-dessus des Naires, dans un secteur de montagne où les couloirs sont nombreux. C' est ce qui explique ces deux noms qui portent à la fois le dzo du patois, devenu ensuite dza ( déjà ), et la forme du patois de Troistorrents koloe ou koloew ( couloir ), forme issue du patois de d' Illiez kyoedoe, du même sens. Donc cela signifie que ces petits alpages sont déjà dans les couloirs, situés à une altitude où les couloirs sont déjà fréquents.

La Jeur. A n' en pas douter, c' est le celtique for ( forêt, montagne boisée ) qui a donné les noms fréquents de jeur et jorat. On trouve aussi le préromain juris ( montagne boisée ) et on rencontre encore les formes furia, joria et l' ancien français fore. Mais juris indique une forêt de bois noirs, c'est-à-dire une forêt serrée, touffue. Quant à l' origine du celtique, c' est une autre affaire, fort compliquée. En effet, il est intéressant de considérer la racine celtique juris comme étant à l' origine du mot Jura, mais cela ne prouve rien, puisque, lorsqu' on parle du massif de la Djurdjura en Afrique du Nord, qui n' a rien d' une montagne boisée, on se trouve peut-être en présence d' une racine indo-européenne youra ( mer ). Nous ne trancherons donc pas le débat, nous contentant du celtique jor ou juris ( montagne boisée ), ce qui correspond parfaitement aux endroits observés dans cet essai.

Latieurne est un alpage situé derrière le rocher de Barme, au pied de l' arête de Berroi. Le patois indique la forme latsoerna qui est peut-être une déformation de latsoena, tsoena introduisant l' idée de fiente des ovins, caprins et porcins. Se trouvant au bas de pentes rapides, il n' y a pas de doute que cette alpe soit passablement humide et que la boue mélangée à la fiente des troupeaux ait déterminé son nom.

Le Lapisa se trouve entre la Pointe de Ripaille et le Col de Cou. C' est assurément le latinpetrosam terrant ( lieu rempli de pierres ). Cet alpage jouxte d' ailleurs celui de la Pierre qui indique bien l' origine de son nom.

La Léchère est, au sud-ouest du Grand Paradis, une sorte de clairière, dans le triangle compris entre la Vièze et le Nant de Barme. Le patois l' appelle letsyire. C' est le bas-latin Uscaria qui vient du germanique lisca ( herbe des marais, lâche ou lèche ).

Lisa est le nom de la région au nord du village de d' Illiez. Est-ce le patois lia ( en là ), ou, peut-être une variante du bas-latin agia ou aya ( la forêtIl est cependant douteux que ce nom provienne du lisca ( cf. ci-dessus: La Léchère ), cette contrée n' étant pas du tout marécageuse.

Loy est aussi orthographié sur nos cartes Laoy et se trouve presque entouré de bois. Le patois Iwi ( à Troistorrents Iwey ) est à rapprocher de Iwa ( le lieu ). On trouve en Savoie des noms de lieux loi, en Maurienne surtout. Ce loi serait une variante de loye, variante elle-même de laye qui viendrait alors du bas-latin aya ( la forêt ). La situation de ce chalet à la pointe d' une forêt ne serait alors pas si étrangère à cette dernière etymologic La Lui est un coin de prés et de forêts, au sud-est du Grand Paradis. Le mot est issu du celtique lok ou lak, éventuellement de plak ( pente raide d' herbe, entre des rochers ). Il en est de même des rochers herbeux appelés Sur les Luis, chaîne-frontière, à l' ouest du Col de Cou.

L' Hiver. Ce nom se rapporte à plusieurs lieux: Portes de l' Hiver, Croix de l' Hiver, Montagne de l' Hiver, etc. L' étude de ce nom a déjà fait couler beaucoup d' encre, puisque l'on a suggéré qu' il s' agis du patois H vert qui dirait alors lac vert et désignerait le petit lac se trouvant dans la dépression, à l' est du Col de Chésery. Plusieurs auteurs ont cru y reconnaître une couleur verte, produite par une algue. Quant à nous, nous avons consulté une fois de plus le patois de la vallée qui donne: gyoeli de Vive, et c' est en se référant à cela que Clément traduit: Portes et Lac de l' Hiver. Cette forme se trouve dans les plus anciennes archives du Val d' Illiez. On disait donc la petite gouille de l' hiver, et on doit conclure que, comme en bien d' autres cas, l' ancienne forme patoise vient du nom même du pâturage we ( hiver ). A l' appui de cette thèse, disons que les eaux du lac sont le plus souvent d' un gris sale, sa surface restant gelée une grande partie de I' année. Lorsqu' on passe les Portes de l' Hiver, on se sent, même en plein été, dans une région dont la solitude surprend et dont l' apreté, même par les plus beaux jours, est inattendue.

Malatry. C' est toute la partie boisée qui jouxte le Nant du Chavalet, sur sa rive droite, au nord de Champéry. Le patois mälatri n' apporte pas d' indication spéciale, étant donné qu' on retrouve là le latin malum attraction ( mauvais attrait ), donc mauvais déblais, ancien français attrait = déblais.

Machère domine le vallon de la Croix du Nant, à l' est de Troistorrents. Le patois matsera ou mat- serey se rapproche de maedze, latin manicam ( la manche ), donc le couloir. Ce chalet se trouve, en effet, sur la rive gauche du couloir emprunté par le Nant qui sépare la région de Colaire de celle de Chemex, à l' est de Troistorrents. Cette étymologie paraît plus exacte que celle faisant dériver Machéré du latin metam ( la meule de foin ).

Madze est situé sur les pentes est de la Foilleuse, au sud-est de Morgins. Ce doit être le radical indo-européen mag qui a donné le latin magnum ( grand ). Nous n' avons pas trouvé d' équivalent en patois, sinon maedze qui ne paraît pas se justifier ici, ou éventuellement madsya, medietatem ( moitié ).

Marendeu. Jaccard donne, comme étymologie de cet endroit situé au sud de Monthey, un terme marendon qui voudrait dire: position du soleil à l' heure du coucher. Nous citons à l' appui le patois mareda ( repas du soir pour le bétail ).

Pro Mailleu est à l' ouest des Naires, au-dessus de Monthey. Ce doit être le patois maya ( grosse meule de foin ) du latin meta. Primitivement meta voulait dire colonne, puis il a signifié borne, tas, amas pour devenir, après diverses évolutions dans les langues romanes, tas de loin, équivalent de l' ancien français moie ou moille.

Marcheuson est à l' ouest de la Croix de Culet. On trouve aussi Malcheusson, qui est forme du patois tzeso ( emplacement d' un chalet ). Donc c' est un chalet place dans un endroit difficile à atteindre. C' est bien exact, puisque cet alpage se trouve dans une combe, entouré de pentes raides et rocailleuses.

Massillon, que l'on trouve aussi sous la forme Maxillon en 1696, est situé à Outrevièze, à l' endroit où la route de Troistorrents, qui suit la rive droite de la Vièze, quitte les hauts de Monthey pour s' enfoncer dans la vallée. C' est le patois masedo ( mouche, cousin, taon ) plutôt qu' un diminutif de mas, du latin mansum ( maison, demeure ), ainsi que l' indique M. H. Jaccard. C' est aux environs de Massillon que devait se trouver autrefois le cromlech signalé par l' ethnologue M. J.Chr.Spahni. Nous avons interrogé sur place un paysan qui nous a certifié avoir vu, dans sa jeunesse, il y a une cinquantaine d' années, un tas de pierres, qui, selon lui, a été démoli pour construire des soubassements de chalets.

Massongex, Massungiacum en 1178, c' est assurément le suffixe iacum ajouté à un nom d' homme ou de famille, peut-être une forme romane de maximiacus? Le patois nous donne les formes masod-zyi pour d' Illiez et masodzyé pour Troistorrents. La transformation du suffixe iacum en ex nous paraît cependant inhabituelle, car en général on a une transformation en ieux comme dans Meximieux, éventuellement en ey. Ce suffixe acum est un suffixe gaulois qui s' ajoute à des gentilices gaulois, puis romains.

Metecoui, qui ne le sait pas? est un chalet et un alpage magnifiquement situés face à Champéry. Le mot metecui est pittoresque à plus d' un point de vue, mais le patois est sourd sur le nom entier. En revanche, la première partie du nom mete a une résonance très intéressante dans le patois matsé ( le matin ). Une solution satisfaisante serait alors de l' associer à la racine sanscrite, puis celtique, cuit, latin culmen ( sommet ) Cela insinuerait quelque chose comme sommet du matin, et concerne-rait le point 2177, situé directement au-dessus de l' alpage et portant sur la CN le nom général de Chaux d' Antème. Il peut être interessant pour nos lecteurs de savoir que le point appelé Chaux d' An sur la CN ne correspond pas au nom employé sur les cartes précédentes. Nous estimons qu' il y a là, de la part du géographe contemporain, une erreur, le mot « chaux » ayant le sens de haut pâturage. C' est plutôt à la région des lacs d' Antème que ce terme devrait s' appliquer et non au point 2177 qui domine Metecui et qui devrait alors porter le toponyme: Signal de Metecui. Si l'on se réfère à l' orien de ce point par rapport au col qui s' ouvre entre la Dent Jaune et les Doigts, on s' aperçoit que la droite qui les relie virtuellement est exactement orientée en direction de l' est. Il faut donc en déduire que c' est un des premiers points du versant nord des Dents du Midi qui soit éclairé par le soleil levant, au solstice d' été, par l' entrebâillement du Col Dent Jaune—Doigts, alors que toutes les autres pentes nord sont encore dans l' ombre. Ce serait alors la preuve que le nom du sommet de l' alpage Pointe du matin correspond bien à ce phénomène. Qu' il nous soit permis encore de mentionner que, lorsqu' on se réfère à l' histoire des populations mégalithiques, on apprend que la direction du soleil à son lever, au solstice d' été, détermine chez ces populations des alignements de menhirs, comme c' est effectivement le cas en Bretagne et en Angleterre. Il s' ensuivrait donc que le terme metecui pourrait très bien être un toponyme d' origine préceltique, ce qui prouverait une fois de plus que le patois du Val d' Illiez a des racines très anciennes et que la vallée a été colonisée par une population celtique et peut-être même préceltique.

Dents du Midi. Autrefois, on disait Dents de Tsallen. Ce dernier nom serait, selon Paul Joanne ( 1884 ), celui que l'on donnait aux pointes dans la vallée. Le Doyen Bridel disait déjà Dent de Sallan ou de Challan. On peut s' en référer à l' étymologie généralement admise comme une provenance du latin calere ( être chaud ), sous-entendant des pentes fortement ensoleillées. Nous pensons qu' il faut rapprocher le terme Challan ou Tsallen de l' alpage et du glacier de Chalin. Mais d' où vient alors le nom Dents du Midi?

Nous faisons un rapprochement entre le patois midzoe ( milieu du jour ) et le patois dauphinois meidge ( mi jour ) qui a donne son nom au Pic de la Meige, dans la Vallée de la Romanche. Dans le patois de la Vallée du Trient, la Dent d' Emaney est aussi appelée Dent de Midzo, parce que son ombre se projette vers Emaney au milieu du jour. Il pourrait en être de même pour la Dent du Midi, la Haute Cime en particulier, et cela d' autant plus qu' il en est ainsi pour la Meige du Dauphiné. Nous estimons donc que le nom le plus ancien est celui que porte actuellement la chaîne, mais qu' il n' y a aucun rapprochement à faire avec une orientation au midi du Val d' Illiez ou même de Montreux, comme certains font dit. Il peut enfin être intéressant de se remémorer les dates de conquête de quelques pointes: Haute Cime ou Dent de l' Ouest en 1784, par le Curé Clément de Champéry; Doigt de Salanfe en 1886, Doigt de Champéry en 1882, Dent Jaune, appelée aussi quelquefois Dent Rouge, en 1879, Cathédrale en 1881, Cime de l' Est, appelée autrefois Dent Noire du Midi, en 1842.

Miroi. Ce chalet place dans l' enfilade du vallon de Chavalet, à l' est des Crosets ( à 1514 m ), ferme en quelque sorte la vallée et jouit par conséquent d' une vue particulièrement étendue en direction aval. Le mot provient du latin mir ari ( regarder ) qui a donné l' ancien français mirer. Miroi serait donc mis pour Miroir: lieu d' où l'on regarde. Le patois meryoe confirme le mot miroir.

Monteilly désigne le quartier sud de Champéry, à I' extrémité de la terrasse qui surplombe la vallée de la Vièze. Le patois moteli ( mont ) n' apporte pas grande explication, sinon que ce lieu qui s' étend sous toute la longueur du village est le haut de la montée à partir de la Vièze.

Monthey. Le patois mota indique un tertre naturel sur lequel s' élevait autrefois un château. Nous estimons que, dans ce cas, l' appellation patoise est postérieure à l' appellation réelle. Monthey doit provenir du bas-latin montatum correspondant au féminin montatam ( la montée ), soit que cela ait été l' endroit où commençait la montée des troupeaux, car il ne faut pas oublier que tout le développement historique du Val d' Illiez a été dominé par l' idée directrice de l' économie pastorale, soit que, tout simplement, ce soit le début de la montée, dès la plaine.

Morgins, mordza ou mordze, en patois, doit être issu d' une racine celtique que l'on retrouve dans les nombreux Morges, Morge, Morgex. Cette racine celtique morga a donné le patois mordzi ou mordze et désigne des pierres servant de limites entre des champs ou des alpages, donc limites marquées par des tas de pierres, éventuellement par des pierres dressées ou par des murets de pierres. Morgins a donc la même étymologie que Morzine, dans la haute vallée de la Drance, à l' ouest du Col de Cou.

Pointe de Mossene. Il semble à première vue que cela soit un diminutif de Mosse dans le sens de marais, mais rien n' indique qu' il y ait là des terrains marécageux, sinon à son pied nord, au bord dudit lac vert. Nous n' avons pas pu trouver de correspondances en patois, mais nous nous demandons si cela ne serait pas le patois morse ( l' épervier ) qui a déterminé le nom de ce sommet déjà rocailleux où des rapaces trouveraient facilement des aires propices. La Pointe de Motsé serait ainsi devenue la Pointe de Mossette.

Les Nés forment un petit hameau au nord-est de Troistorrents, au-dessous de la route de Monthey. Le bas-latin naisium a donné l' ancien français nais ( routoir ), c'est-à-dire creux où l'on fait rouir le chanvre. Le patois ni ne donne pas d' indication spéciale.

Les Naires, magnifiquement situées au-dessus de Monthey, devaient être autrefois un endroit sombre, très boisé, ce qu' explique le patois li naires, cité en 1329, dans le sens: endroits sombres.

Nant désignait dans le Val d' Illiez les nombreux torrents: Nant du Chavalet, Nant de Fayot, Nant de la Tille, etc. Malheureusement la CN n' a pas gardé cette appellation fort typique ( et cela d' autant plus que le mot est celtique ). C' est le terme nanto ( vallée, qui a signifié par la suite ruisseau, torrent ). Seule reste indiquée sur la Carte nationale la Croix du Nant, halte de la ligne Monthey-Champéry, qui tire son nom du fait qu' une grande et imposante croix se trouve là, à deux pas du torrent descendant des alpages de Chanso. Si l'on substitue nant à torrent, on s' aperçoit que cette dénomination définit un sens de pénétration, à partir de la vallée savoisienne du Giffre, du sud-ouest au nord-est. Cette constatation est importante, si Pon émet l' hypothèse d' une pénétration celtique et d' une occupation progressive du Val d' Illiez par des populations gauloises, à partir de l' ouest, populations réunies sous la dénomination générale de Nantuates ( habitants des vallées ). Comme nous venons de le dire, cette pénétration se serait alors faite à partir de la vallée du Giffre en direction du nord-est, par la région du Nant Gollon et le Col de la Golèze, pour aboutir au Col de Bretolet et de là dans le Val d' Illiez, par le vallon de Barme. Ce n' est, bien entendu, qu' une hypothèse qui pourrait peut-être un jour être vérifiée par d' éventuelles fouilles. Pour le moment, les remarquables travaux faits dans la région de Collombey-Muraz, comme les fouilles entreprises dans la vallée supérieure du Rhône tendent à prouver que notre Chablais fut colonisé dès la plus haute antiquité. Y a-t-il un rapport entre les hypothèses que nous formulons et cette première colonisation? Il est indéniable que les noms de lieux portant l' empreinte de migrations préceltiques sont comme des bornes indicatrices et que ces noms de lieux à racines celtiques bien localisées peuvent être considérés comme une sorte de document préhistorique.

Outrevièze est encore un nom de lieu déformé par nos géographes modernes. On devrait dire Tra-vièze, forme dans laquelle se retrouve le latin trans ( au-delà de ). Le patois de d' Illiez dit trayize et celui de Troistorrents trayèze.

La Pointe des Ombrieux, à la borne 60 de la chaîne-frontière, est au nord de Morgins. C' est le latin umbilicus ( nombril ), désignant des rochers faisant saillie. Les langues grecque, latine et celtique s' accordent pour rendre la syllabe initiale ont, en plaçant la voyelle avant la nasale, le grec disant omphalos, le latin umbilicus et le celtique imbliu. C' est le sanscrit nabhih qui a donné l' allemand Nabel. Quant au patois, il donne noebde qui se rapproche de la forme sanscrite.

Chaux Palin est un alpage de la partie supérieure de Planachaux, dominant les Crosets. C' est, ainsi que nous l' avons déjà mentionné, le patois tso qui désigne un pâturage élevé, au-dessus de la limite des arbres, en général. Le mot chaux est apparenté au préromain calmis, même sens que le patois tso. Il lui est adjoint ici le terme palin, du patois pala, qui doit être une forme préromane du latinpabula ( pâture, pâturage ). On sent donc tout de suite le pléonasme. Si l'on cherche une autre étymologie, dans le patois savoisien palin est un diminutif de pal ( pieu ) qui servait souvent à marquer la limite entre deux territoires. Le Pallin ou Palin pourrait donc désigner une clôture faite avec des pals. Jaccard a pensé à une provenance de paludetum ( lieu marécageux ). Mais, sur place, on peut aisément constater que cet alpage est parfaitement sec. Même à la fonte des neiges, il n' y a pas trace de marécages.

La Pale. Il n' y a pas de doute que c' est le patois pala ( pala ), forme romane du latin patibulam ou plus simplement pabulam qui serait devenue paWa puis palla par assimilation, donc pâture, pâturage. L' alpage est situé dans le vallon de la Tille ( à 1519 m ). Mais ce terme n' a rien de commun avec la Pala, cette grande coulée d' éboulis, dans la pente à l' ouest de Muraz-Collombey. Ici, c' est un autre mot pala ( pelle ). En effet, cette bande de rocailles détachées de la montagne a la forme d' une pelle.

La Panissière désigne la région comprise entre le Malévoz et la Maison Blanche, au nord de Monthey. Jaccard estime dans son Essai que c' est le latin^annus ( le drap ) ou bien l' ancien français pan/c ( le millet des oiseaux ). Nous y voyons plutôt le patois panoesa ( paquet de racines pour frotter la chaudière ). Comme il s' agit d' une forêt de petits arbres, il n' y a pas de doute que l'on y trouvait autrefois certaines racines résistantes d' arbustes, racines propres à constituer des fagots utilisés pour décrasser extérieurement les chaudières de chalet. C' est presque le même mot que Panossière que nous trouvons dans la Vallée de Bagnes.

En Patenaille se situe dans la région de Planachaux, au-dessus de Champéry. Le suffixe aille indique une collectivité, un ensemble de pâturages, de pabulas ou mieux encore de patibulas ( endroits où paissent les bestiaux ). On y retrouve en effet le radical pâte du latin pascere ( paître ). Mais il pourrait s' agir aussi d' une déformation du patois patenade ( carotte jaune ) du latin pastinaca. La CN en fait le nom d' un sommet de la chaîne-frontière entre le Pas de Chavannette et le Pas de Cuboré. Si l'on consulte les anciennes cartes, on trouve le terme Patnaly, tandis que la carte topographique française ignore le nom et le remplace par Pointe de Chavannette. Or, Chavannette est un alpage situé trois cents mètres plus bas au nord-ouest. Est-ce alors que cet alpage porte aussi le nom de Patnaly ou de Patenaille ?II indiquerait alors un endroit où il y a des carottes sauvages.

Pro Pera est au sud des Naires, au-dessus de Monthey. C' est un endroit où se sont souvent produits des éboulements, comme dans toute la région de Chemex. C' est lepre pierreux, ainsi que la région de Perraye, au sud de Chemex, plus proche de Troistorrents. Pour Pro Pera, on pourrait aussi avancer le fait qu' il se trouve dans cette région beaucoup de blocs erratiques de granit ( protogine ), charriés par les glaciers, depuis le massif valaisan du Mont Blanc. On sait, en effet, que, à une altitude moyenne de 600 mètres au-dessus de Monthey, se trouvent les restes de la moraine de l' ancien glacier du Rhône. Est-ce à ce fait que la région doit ses nombreux noms de lieux sous-entendant des pierres? Nous estimons que l' appellation est plus récente et qu' elle s' applique au terrain calcaire qui s' éboule facilement. C' est le patois savoyard/?era ( pierre ) qui a donné son nom à la région, tandis que le patois du Val d' llliez pere a plutôt donné le patronyme Perrin, très fréquent dans la vallée de la Vièze. Les Perrays, partie supérieure du village de Troistorrents, sont issus de la même origine.

La Petau est située dans la partie sud de la Pointe de Ripaille, vallon des Creuses, au-dessus de Champéry, dans un terrain d' éboulis et de couloirs qui en font une région peu aisée. C' est assurément le latinputidum ( laid, vilain ) qui se retrouve dans le patois poeto ( chose de peu de valeur, saleté ).

Les Petis, comme nous l' avons déjà écrit, s' opposent aux Grands, dans le sens de petits pâturages, par rapport à de plus grands. Le patois dit :piti.

Les Parses et leur forêt, sur la route du Col de Cou, à peu de distance de Champéry, s' écrivent aussi Parzes et proviennent du patois pâza qui est probablement une déformation du verbe patois pâsa ( passer ). Il s' agit donc d' un lieu de passage.

Le Grand Paradis « des enfants », devrait-on ajouter, car cet endroit, où comme enfant nous nous sommes amusé royalement, est en fait un creux de vallée aplani grâce aux alluvions de la Vièze et du Nant de la Saufla. L' ancien nom de ce coin si champêtre est Etrivoué, ce qui veut dire au-delà de Veau. du patois ivwe ( eau ). Sur les anciennes cartes, la partie ouest du village de Champéry se nommait Entrevoies, ce qui voulait dire entre deux torrents.

Velar du Pertuis. Il ne s' agit ici que d' étudier le mot pertuis qui indique un passage pratiqué naturellement entre des rochers. C' est vraisemblablement le terme indo-germanique berdh qui a donné le grecpertho ( percer ). Le patois de Champéry dïtpertwoy et celui de Troistorrentspertwi avec le même sens que le uançaispertuis ( passage ). Quant au mot vela qui signifierait chalet, l' inscription de ce toponyme sur la CN prête à confusion, d' abord parce qu' il n' y a pas de chalet sur ce versant sud de la chaîne-frontière et parce qu' ensuite le nompertuis désigne deux alpages du versant nord, dans le haut vallon du ruisseau de l' Aity, affluent de la Drance. Le mot Pertuis se rapporte alors au Col de Fécon, permettant de communiquer entre le vallon de l' Aity et la vallée de la Tine de Morgins.

Plan Péna est à l' est de Troistorrents, touchant à la forêt du Crétian, laquelle tire son nom du Nant du Crétian, affluent de la rive droite de la Vièze. Le motplan que l'on retrouve dans Plagnois, au nord de Champéry, est issu du bas-latin plana terra ( petit plateau en terrain montagneux ). Quant à péna, c' est une variante du bas-latin pma, latinpinum ( le pin ). Il est intéressant de noter ici la forme ( pina ) qui, bien qu' elle paraisse en bas-latin postérieurement au latinpinum, se retrouve dans le sanscrit comme participe d' un verbepi ( être gras ), laissant supposer l' idée de la résine. Plan Péna est donc un petit plateau garni de résineux, qui autrefois étaient plus nombreux que maintenant, puisque Plan Péna est une grande clairière, patois pena ( sapin ).

Planachaux. Il peut paraître, à première vue, que l'on se trouve en présence du mot plan, mais c' est vraisemblablement une métathèse du latin palma ( le creux de la main ) enplama. On devrait donc dire Plamachaux. C' est un pâturage, calm is, en forme de creux, ce qui correspond bien à la réalité.

Les Portes du Soleil. Le mot Portes est pris dans son sens latin portum ( passage étroit, défilé, col ). Par rapport à ce que nous avons dit auparavant des Portes de VHiver, les Portes du Soleil font l' anti et indiquent un lieu plus agréable et plus hospitalier. Le terme Portes est une désignation moderne de col. On disait autrefois ala a live et ala a latsowté. Or, le patois tsowté indique la chaleur du soleil et signifie été, temps chaud. L' antithèse est frappante, et c' est assurément une preuve de plus à l' appui de la thèse Portes de VHiver, compare à Portes de l' Eté. Le patois tsowté reflète très exactement les formes celtiques synonymes: savitr, savitra, suvana, sunu et suta qui ont les deux sens été et soleil. La forme de l' ancien irlandais som provient du cymrique ham qui répond au zend hama et au sanscrit soma ( été, chaleur, soleil ), tandis que par opposition l' hiver s' indique par la racine sanscrite hima que l'on retrouve dans le mot himalaya ( demeure de l' hiver, du froid et de la neige ).

La Poyat se dit en patois poeya et vient du verbe poeyi ( monter ). C' est le bas-latin podiata ( montée ). On pense naturellement à la montée des troupeaux à l' alpage, sens qu' il a en patois fribourgeois. Il s' agit plutôt ici simplement du fait que la pente du vallon des Creuses s' accentue, l' alpe de la Poyat étant située au bas de la dernière montée du Col de Cou.

Pouénère se présente sous la forme d' un petit plateau, au sud-est de Troistorrents, sur la rive droite du Nant de la Tille. La forme patoise poe provient d' une forme romane puy, du latin podium ( crêt, eminence, estrade, terrasse, monticule ). C' est un petit plateau entouré de forêts sombres et touffues.

Le Sex du Pomey est un rocher qui forme saillie entre Massongex et Monthey. Le latin saxum ( rocher, roche ) est adjoint à l' adjectifpometum qui présage un lieu où il y a des pommiers.

Rafour est situé entre le Nant de Chavalet et d' Illiez, en contrebas de la route et de la ligne AOMC. Le nom est intéressant, puisqu' il signifie four à chaux, en provenance directe du celtique ra ( la chaux ) et du latin furnus ( four ). Le patois rafoe est issu directement du celtique, et c' est une indication très importante si l'on songe à l' occupation primitive de la vallée par des populations celtiques qui fabriquaient ainsi probablement leurs tuiles et poteries sur place. C' est une raison de plus pour insister sur le fait qu' une prospection archéologique s' impose dans le Val d' Illiez.

Les Ravaires. C' est presque un quartier de la station de Morgins, tant ce lieu de villégiature s' est développé ces dernières années. Le mot paraît correspondre à ravière qui indiquerait un lieu où l'on cultive les raves. Le patois räva ( rapa ), rapum ( la rave ) et le bas-latin raparia pourraient très bien avoir donné ce mot ravaires. Mais, à considérer le lieu, il est assez improbable qu' il y ait eu autrefois là des cultures de raves, sinon peut-être des raves sauvages. Nous songeons plutôt à une idée d' eau, d' endroit sur les rives d' un cours d' eau ou, ce qui paraît encore plus probable, d' un endroit marécageux. Nous pensons à la transformation d' une forme primitive dravaire, du sanscrit dravanti ( rivière ), les Ravaires se trouvant en effet dans une sorte de creux où aboutissent plusieurs ruisselets descendant du Corbeau.

Les Reusses, nom d' un alpage, sur l' arête nord-ouest de la Dent de Valére, un peu au-dessus de celui de la Pale. Il est difficile d' établir une étymologie certaine. Il semble cependant que le nom vienne d' une ancienne dénomination reisse ou reysse, du bas-latin ressia, d' où fut tire le roman re&ye, substantif verbal en provenance de resecare ( couper, scier ). C' était donc probablement là qu' on sciait les arbres, avant de descendre les troncs vers les scieries, établies au fil de l' eau des torrents, des nants ou de la Vièze.

Haute Revène, située sur la route du Col de Cou, à peu de distance de l' embranchement de Planachaux, est en fait une déformation commise par les auteurs de la Carte nationale pour moderniser le vieux nom Autervenaz. Il est difficile de dire quelle est la provenance de ce dernier: serait-ce une forme dérivée du patois eterwoy qui correspond à Eterpis, exstirpata terra ( terre défrichée ) ou bien est-ce une combinaison avec le verbe patois vena ( veni ), parce qu' il y a une bifurcation avec un autre chemin? Une autre interprétation ( en prenant la forme adoptée par la CN: Revène ) ferait intervenir le patois revena ( éboulement ). Il est vrai qu' en ces lieux la pente est assez forte et que des éboulements auraient très bien pu s' y produire autrefois.

Ripaille. Sur la côte française du Léman, il y a le célèbre château de Ripaille dont le nom vient du latin ripam ( la rive ). Dans le cas de la petite sommité de la région de Planachaux, le patois savoyard rippe indique un lieu broussailleux, un amas de broussailles et de mauvais bois ou bien un terrain vague, anciennement boisé. C' est le bas-latin rispa, devenu par la suite respe, répe, rieppe et rippe.

Les Rives. Qui ne connaît, face au village de Champéry, cette longue bande de terrain qui surplombe la vallée encaissée de la Vièze? Le mot paraît à première vue provenir du latin ripam, et c' est bien ainsi que se présente le relief, cependant plus élevé que la rive d' en face. Mais le patois a le terme riba ( ruban ) et lorsqu' on regarde les Rives, de la Croix de Culet par exemple, cela semble bien une sorte de ruban de prairies, disposé entre les rochers de la falaise et les forêts qui s' accrochent aux contreforts des Dents du Midi.

Rossetan. L' alpage et la dent qui le surplombe prennent au coucher du soleil une couleur vraiment rosée. Il n' y a pas de doute que c' est le patois roedzo ( rouge ). La paroi qui domine s' appelait d' ail sur d' anciennes cartes la para reussa, dont la couleur est due à l' oxyde de fer. Cette oxydation se poursuit en une large bande qui ceint toutes les Dents du Midi comme d' un ruban.

La Rotse est un alpage de la montagne de Fécon, à l' ouest de Morgins. Ce doit être aussi le patois roedzo ( rouge ) plutôt qu' une déformation du mot roche. A proximité d' ailleurs se trouve un torrent appelé Eau rouge.

Rumières délimite la pente qui se trouve juste au-dessus de la gare de Champéry, entre celle-ci et le chemin de Sur le Cou. Le nom est cité rymiéris en 1352. Une source d' eau a été captée dans la pente et amenée dans un petit bassin où l'on peut la goûter, à deux pas de la gare AOMC. Cette eau, à forte teneur de lithium, aurait produit des cures surprenantes. Il serait intéressant de citer ici une autre source que nous avions découverte, il y a bien des années, au fond d' une petite gorge sur la route du Col de Cou, avant de sortir de la forêt des Parzes. L' eau d' une couleur laiteuse et forte odeur sulfureuse sortait d' une petite source, à même le torrent.

Savolaire. Le grand alpage, situé au nord-est de Morgins, près de la Foilleuse et de la Cabane du Club alpin, est entouré presque de tous les côtés de forêts. Son sommet est occupé par une petite forêt, ce qui indique bien pour le nom du lieu un diminutif du latin silvani ( la for@t ). C' est une étymologie facile, mais qui n' est pas pour nous concluante; en effet, le patois tsava ( la corneille ) nous semble plus approprié avec le suffixe collectif aire. Une autre étymologie pourrait entrer en ligne de compte avec le patois tsavo ( mot masculin qui a deux sens: celui de pièce de bétail et celui de bout, extrémité ). La question est délicate à résoudre, les quatre etymologies s' appliquant parfaitement bien au nom de lieu Savolaire. Qui ne connaît en effet le majestueux promontoire que forme, à l' est, l' alpage de Savolaire et le délicieux haut-lieu que forment la croix et ses alentours, face au non moins magnifique panorama qui s' offre au promeneur.

Savoune désigne le sommet oriental de la Pointe de Ripaille, dominant le vallon des Creuses, sur la route du Col de Cou. Il doit s' agir d' une déformation de chavonne ( du bas-latin capana, la cabane ). Mais on pourrait aussi avancer Fétymologie tsavo, énoncée ci-dessus ( le bout, l' extrémité ), ce sommet étant à l' extrémité de la petite chaîne de Ripaille.

Sassex, sur le chemin de Morgins aux Portes du Soleil, est dominé par de grands rochers, à l' ouest. C' est le latin saxum ( rocher ), ancien français says et saysse. On trouve la même étymologie pour le Pia de Sex, sur la route de Morgins, au nord-ouest de Troistorrents, ce lieu étant situé plus ou moins au pied des rochers de la gorge de la Tine de Morgins. Etymologie identique pour Sous Sex, au sud-est de Champéry, près de la Vièze, sous les rochers des Rives.

Socelare est dans une contrée marécageuse, au fond de la petite vallée du Fayot. Il pourrait s' agir d' un endroit où il y a beaucoup de saules, du bas-latin salsa pour salicea, latin salicem ( le saule ). Mais la CN a transposé en socelare l' ancien nom Soffleyleraz, qui, d' après le patois, indiquerait un endroit où cela souffle, où il y a beaucoup d' air, très exposé au vent. Ce toponyme Soffleyleraz se rencontre sur les anciennes cartes. Ce serait aussi Fétymologie la plus rationnelle pour la Saufla, l' affluent de la Vièze, descendant de Clusanfe.

Signal et Glacier de Soi. La Carte nationale écrit Soi, alors que les anciennes cartes portaient Soix. C' est la raison pour laquelle onapensé qu' il s' agissait de l' ancien français soie qui a donné le français scie. On a alors imaginé que cette étymologie était due au fait que cette arête assez aérienne, qui va du Signal au Glacier du même nom, était parsemée de « becquets » ressemblant aux dents de la scie. Le patois swa ne fournit pas d' indications plus intéressantes. C' est la forme que cite le Dr Fankhauser, dans sa thèse sur le Patois du Val d' Illiez ( Faculté des Lettres, Philologie, Université de Berne, 1911 ). Ce savant se fie à une question de prononciation plus que d' écriture; il cite, d' autre part, le terme sa ( branche de sapin ). Nous mettons cette forme patoise en relation avec le roman soy ou sey qui est la traduction probable d' un nom perdu quel' on retrouve dans l' ancien français sueffe ou suiffe ( le sapin épicéa ). Il ne faut pas perdre de vue que le toponyme Soi se rapporte à toute la région et que c' est assurément le nom de la forêt qui a influence la terminologie des environs. Il semble que cela soit presque une règle en toponymie que l' affectation d' un nom de lieu à une région déterminée suive ainsi une ligne directrice de bas en haut, ce qui est un ordre logique et naturel, puisque les noms de lieux ont été donnés par nos ancêtres qui voyaient les divers aspects du terrain plutôt d' en bas que d' en haut. Il en est de même de l' alpage déjà cité de Rossetan: Rossetan a"En-Bas, Rossetan d"En-Haut, Para Rousse, Dent de Rossetan. La forêt de Soi, dans le sens que nous lui avons donné, forêt d' épicéas s' opposerait alors à la forêt de frênes de la Frassenaye, située plus bas sur le versant ouest.

Les Sives. C' est l' alpage supérieur du vallon des Crêtes, à l' est du Signal de Soi. Nous pensons à la même définition toponymique que ci-dessus. On trouve le patois soive à d' Illiez et sive à Troistorrents. Le chalet des Sives a été l' objet d' une légende que l'on raconte encore dans la vallée: il y avait autrefois lu peseva de soyve, le revenant des Sives, qui n' était réellement qu' un cheval qui s' était égaré et avait pénétré dans l' écurie dont la porte s' était refermée sur lui, sans qu' il trouve le moyen de la rouvrir. Le cheval donnait alors des coups de sabots et l'on croyait ainsi le chalet hanté par un fantôme.

Susanfe. Nous dirons Clusanfe; c' est une forme plus rationnelle et plus conforme à l' usage des gens du pays, nous semble-t-il. En effet, cela doit être la terra elusa ( la terre fermée, le vallon fermé ), le vallon enfermé entre des parois abruptes. C' est bien l' aspect du relief. Mais pour les partisans de Susanfe, il y a le patois sesathe, le th ayant la valeur du th anglais, ce qui donne approximativement sesaphe ou sesaphle. Nous nous demandons, dans ce cas, s' il y a une relation avec le nom du torrent qui descend le vallon appelé la Saufla? On aurait alors le patois sofia ( souffler ) et un terme sesofla ( sans souffle ). S' il y a une relation entre ces deux derniers termes, lequel alors est antérieur à l' autre? On a noté au passage la fausse interprétation actuelle de Socelare et fait mention, sous cet article, de la Saufla. La gorge de Giétroz-du-Fond où elle coule est vraiment l' endroit d' un courant d' air continu entre le vallon de Susanfe et celui de Bonavau.

Les Tarais. Le patois Tardoy paraît avoir donné Tardi, dans la région de Troistorrents, qui viendrait alors de tardivum ( lent, qui produitpeu, dans le sens de l' ancien français ). Cet adjectif caractérise Les Tardis, dans la plaine, à l' est de Monthey, qui étaient probablement autrefois une région marécageuse produisant peu, et La Tardive, pâturage encerclé de forêts, à l' est de Troistorrents, dans la région des Cerniers, au-dessus des Giètes. L' exiguïté du pâturage est la cause directe du nom qui lui a été donné.

Tchiésey, à l' ouest de Troistorrents, devient, par suite du développement de l' agglomération, presque un hameau et fera bientôt partie intégrante du village. Le même mot se retrouve dans le nom francisé de la Tchièse, groupe de chalets, dans les derniers tournants de la nouvelle route de Morgins, au nord-est de Troistorrents. A première vue, le bas-latin casaria ( groupe de chalets ) semble s' impo, mais ne négligeons pas le patois du Val d' Illiez tsyiza, devenu à Troistorrents tsyéza, d' une forme adoucie de tchiesso, forme féminisée du latin sedere ( s' asseoir, demeurer ). Il s' agit donc de maisons, de chalets qui sont le siège principal de la famille de l' agriculteur, demeures sédentaires par opposition aux mayens, demeures temporaires. On pourrait aussi admettre une étymologie à partir de cisa traduction probable d' un nom perdu quel' on retrouve dans l' ancien français sueffe ou suiffe ( le sapin épicéa ). Il ne faut pas perdre de vue que le toponyme Soi se rapporte à toute la région et que c' est assurément le nom de la forêt qui a influencé la terminologie des environs. Il semble que cela soit presque une règle en toponymie que l' affectation d' un nom de lieu à une région déterminée suive ainsi une ligne directrice de bas en haut, ce qui est un ordre logique et naturel, puisque les noms de lieux ont été donnés par nos ancêtres qui voyaient les divers aspects du terrain plutôt d' en bas que d' en haut. Il en est de même de l' alpage déjà cité de Rossetan: Rossetan a"En-Bas, Rossetan d"En-Haut, Para Rousse, Dent de Rossetan. La forêt de Soi, dans le sens que nous lui avons donné, forêt d' épicéas s' opposerait alors à la forêt de frênes de la Frassenaye, située plus bas sur le versant ouest.

Les Sives. C' est l' alpage supérieur du vallon des Crêtes, à l' est du Signal de Soi. Nous pensons à la même définition toponymique que ci-dessus. On trouve le patois soive à d' Illiez et sive à Troistorrents. Le chalet des Sives a été l' objet d' une légende que l'on raconte encore dans la vallée: il y avait autrefois lu peseva de soyve, le revenant des Sives, qui n' était réellement qu' un cheval qui s' était égaré et avait pénétré dans l' écurie dont la porte s' était refermée sur lui, sans qu' il trouve le moyen de la rouvrir. Le cheval donnait alors des coups de sabots et l'on croyait ainsi le chalet hanté par un fantôme.

Susanfe. Nous dirons Clusanfe; c' est une forme plus rationnelle et plus conforme à l' usage des gens du pays, nous semble-t-il. En effet, cela doit être la terra elusa ( la terre fermée, le vallon fermé ), le vallon enfermé entre des parois abruptes. C' est bien l' aspect du relief. Mais pour les partisans de Susanfe, il y a le patois sesathe, le th ayant la valeur du th anglais, ce qui donne approximativement sesaphe ou sesaphle. Nous nous demandons, dans ce cas, s' il y a une relation avec le nom du torrent qui descend le vallon appelé la Saufla? On aurait alors le patois sofia ( souffler ) et un terme sesofla ( sans souffle ). S' il y a une relation entre ces deux derniers termes, lequel alors est antérieur à l' autre? On a noté au passage la fausse interprétation actuelle de Socelare et fait mention, sous cet article, de la Saufla. La gorge de Giétroz-du-Fond où elle coule est vraiment l' endroit d' un courant d' air continu entre le vallon de Susanfe et celui de Bonavau.

Les Tarais. Le patois Tardoy paraît avoir donné Tardi, dans la région de Troistorrents, qui viendrait alors de tardivum ( lent, qui produitpeu, dans lesensdel' ancienfrançais ). Cet adjectif caractérise Les Tardis, dans la plaine, à l' est de Monthey, qui étaient probablement autrefois une région marécageuse produisant peu, et La Tardive, pâturage encerclé de forêts, à l' est de Troistorrents, dans la région des Cerniers, au-dessus des Giètes. L' exiguïté du pâturage est la cause directe du nom qui lui a été donné.

Tchiésey, à l' ouest de Troistorrents, devient, par suite du développement de l' agglomération, presque un hameau et fera bientôt partie intégrante du village. Le même mot se retrouve dans le nom francisé de la Tchièse, groupe de chalets, dans les derniers tournants de la nouvelle route de Morgins, au nord-est de Troistorrents. A première vue, le bas-latin casaria ( groupe de chalets ) semble s' impo, mais ne négligeons pas le patois du Val d' Illiez tsyiza, devenu à Troistorrents tsyéza, d' une forme adoucie de tchiesso, forme féminisée du latin sedere ( s' asseoir, demeurer ). Il s' agit donc de maisons, de chalets qui sont le siège principal de la famille de l' agriculteur, demeures sédentaires par opposition aux mayens, demeures temporaires. On pourrait aussi admettre une étymologie à partir de cisa 126 ou de cesa, du latin caedere ( couper ). Il s' agirait alors de haies taillées, mais cette solution paraît beaucoup moins plausible que la précédente.

En Tey. C' est un très grand alpage à 1433 mètres, dans la vallée supérieure de la Tine de Morgins. L' ancienfrançais teil, du latin tiliam ( le tilleul ), s' explique difficilement du fait de l' altitude. Les anciennes cartes portent En They, ce qui se rapproche du patois teya que l'on trouve sous plusieurs formes dans la vallée, dont la plus courante est taya ( le bois gras ) qui permet de faire des copeaux grossiers ou des bûchettes, utilisées souvent pour la confection des torches de résine, ou aussi des tavillons pour recouvrir les toits des chalets. Il s' agit d' une sorte de pin, identifié pinus pumilia ( pin nain ) Il faut donc en conclure que cet arbrisseau se trouvait dans la région. Disons enfin que le patois teyaou taya vient du latin taeda ( arbre résineux ), et par suite résine. Le latin taeda vient du grec dayo ( brûler ), de la racine sanskrite du ( brûler ) qui a donné dava ( la forêt ).

Le Torrent de la Tille. Il faudrait respecter l' ancienne dénomination Nant de la Tille, comme nous l' avons dit plus haut. Le terme Tille est assurément le latin tiliam ( le tilleul ). Nous avons constaté nous-même, dans la région, l' implantation de quelques spécimens de cet arbre qui ne craint pas l' altitude dans le cours inférieur de ce torrent. La région de la Tille se trouve, à son embouchure, sur la rive droite de la Vièze. Quant au Nant de Thière qui descend des lacs d' Antème, il porte le nom de l' alpage situé en prolongement des Rives, face à la partie orientale de Champéry. Y a-t-il pour ce mot Thière un rapprochement à faire avec le latin tiliam, bien que l' altitude soit différente de près de cinq cents mètres en amont, Thière se trouvant à côté de Frâche qui indique l' implantation des frênes? Le patois indique une étymologie toute différente. Il dit Nant de la Tchière et le mot tsyera a le sens de tas de fumier, disposés en file, en rangées sur les pâturages, ou comme cela se fait régulièrement pour la fumure. C' est donc que le Nant a pris ici, une fois de plus, le nom du pâturage.

La Vièze. M. Hubschmied, l' un des spécialistes qui a le plus d' autorité en toponymie, voit dans ce nom la dérivation d' une racine indo-européenne wes qui aurait donné le mot gaulois wespa ( nourriture du bétail, pâturage ), d' où Vièze et Viège: torrents venant des alpages. Cette étymologie renforce considérablement notre thèse selon laquelle les Celtes auraient les premiers colonisé le Val d' Illiezet cela d' autant plus que les noms de torrents portent tous primitivement la désignation, d' origine gauloise, nant. Il est logique d' admettre aussi que les premiers habitants d' une région donnaient d' abord un nom aux cours d' eau, puisqu' ils en tiraient certainement de très nombreux avantages, ne serait-ce que ceux découlant de l' irrigation des terres labourables ou pâturables. Mais il est aussi intéressant de constater que l'on trouve dans le zend, langue indo-européenne dans laquelle est écrite VAvesta, la racine vad ( couler ), qui a donné en armoricain gwaz ( cours d' eau, ruisseau ) dont le diminutif gwazien aurait très bien pu donner Vièze. Mais que dit le patois? Il dit layiza ou layize que nous avons déjà mentionné dans le mot Outrevièze, traduit en Trayize ou Trayèze. Il y a bien dans ce patois encore un terme ize ( oiseau ), mais il ne peut entrer en considération, de même que izer ( érable ). Ce n' est donc pas ici le patois qui pourra nous donner la clé de l' énigme. Nous référant alors à l' hypothèse tendant à démontrer que le patois du Val d' Illiez est issu d' un idiome celtique, nous chercherons dans les formes préceltiques, rejoignant ainsi M. Hubschmied Le nom patois de la Vièze nous semble alors ne pas être isolé, mais faire partie d' une série de noms préceltiques désignant un grand nombre de rivières dont les vallées présentent un sol cultivable. On aurait alors une forme primitiveyizar remontant à un nom composé des formes suivantes: vis {partout en langue lituanienne ), et de ar, racine protoaryenne signifiant labour. Le terme de Vièze ou de cesa, du latin caedere ( couper ). Il s' agirait alors de haies taillées, mais cette solution paraît beaucoup moins plausible que la précédente.

En Tey. C' est un très grand alpage à 1433 mètres, dans la vallée supérieure de la Tine de Morgins. L' ancienfrançais teil, du latin tiliam ( le tilleul ), s' explique difficilement du fait de l' altitude. Les anciennes cartes portent En They, ce qui se rapproche du patois teya que l'on trouve sous plusieurs formes dans la vallée, dont la plus courante est taya ( le bois gras ) qui permet de faire des copeaux grossiers ou des bûchettes, utilisées souvent pour la confection des torches de résine, ou aussi des tavillons pour recouvrir les toits des chalets. Il s' agit d' une sorte de pin, identifié pinus pumilia ( pin nain ). Il faut donc en conclure que cet arbrisseau se trouvait dans la région. Disons enfin que le patois teyaou taya vient du latin taeda ( arbre résineux ), et par suite résine. Le latin taeda vient du grec dayo ( brûler ), de la racine sanskrite du ( brûler ) qui a donné dava ( la forêt ).

Le Torrent de la Tille. Il faudrait respecter l' ancienne dénomination Nant de la Tille, comme nous l' avons dit plus haut. Le terme Tille est assurément le latin tiliam ( le tilleul ). Nous avons constaté nous-même, dans la région, l' implantation de quelques spécimens de cet arbre qui ne craint pas l' altitude dans le cours inférieur de ce torrent. La région de la Tille se trouve, à son embouchure, sur la rive droite de la Vièze. Quant au Nant de Thière qui descend des lacs d' Antème, il porte le nom de l' alpage situé en prolongement des Rives, face à la partie orientale de Champéry. Y a-t-il pour ce mot Thière un rapprochement à faire avec le latin tiliam, bien que l' altitude soit différente de près de cinq cents mètres en amont, Thière se trouvant à côté de Frâche qui indique l' implantation des frênes? Le patois indique une étymologie toute différente. Il dit Nant de la Tchière et le mot tsyera a le sens de tas de fumier, disposés enfile, en rangées sur les pâturages, ou comme cela se fait régulièrement pour la fumure. C' est donc que le Nant a pris ici, une fois de plus, le nom du pâturage.

La Vièze. M. Hubschmied, l' un des spécialistes qui a le plus d' autorité en toponymie, voit dans ce nom la dérivation d' une racine indo-européenne wes qui aurait donné le mot gaulois wespa ( nourriture du bétail, pâturage ), d' où Vièze et Viège: torrents venant des alpages. Cette étymologie renforce considérablement notre thèse selon laquelle les Celtes auraient les premiers colonisé le Val d' Illiezet cela d' autant plus que les noms de torrents portent tous primitivement la désignation, d' origine gauloise, nant. Il est logique d' admettre aussi que les premiers habitants d' une région donnaient d' abord un nom aux cours d' eau, puisqu' ils en tiraient certainement de très nombreux avantages, ne serait-ce que ceux découlant de l' irrigation des terres labourables ou pâturables. Mais il est aussi intéressant de constater que l'on trouve dans le zend, langue indo-européenne dans laquelle est écrite VAvesta, la racine vad ( couler ), qui a donné en armoricain gwaz ( cours d' eau, ruisseau ) dont le diminutif gwazien aurait très bien pu donner Vièze. Mais que dit le patois? Il dit layiza ou layize que nous avons déjà mentionné dans le mot Outrevièze, traduit en Trayize ou Trayèze. Il y a bien dans ce patois encore un terme ize ( oiseau ), mais il ne peut entrer en considération, de même que izer ( érable ). Ce n' est donc pas ici le patois qui pourra nous donner la clé de l' énigme. Nous référant alors à l' hypothèse tendant à démontrer que le patois du Val d' Illiez est issu d' un idiome celtique, nous chercherons dans les formes préceltiques, rejoignant ainsi M. Hubschmied. Le nom patois de la Vièze nous semble alors ne pas être isolé, mais faire partie d' une série de noms préceltiques désignant un grand nombre de rivières dont les vallées présentent un sol cultivable. On aurait alors une forme primitiveyizar remontant à un nom composé des formes suivantes: vis {partout en langue lituanienne ), et de ar, racine protoaryenne signifiant labour. Le terme de Vièze 127 aurait alors le sens de cours d' eau dont la vallée est partout propre à Vagriculture, ce qui est parfaitement le cas, si on la compare à toutes les autres vallées alpines qui commencent en général aux neiges éternelles pour se terminer en plaine. La Vièze elle-même prend sa source à une altitude moyenne de 1600 mètres, le torrent descendant de Clusanfe portant un autre nom, la Saufla, et étant considéré comme un affluent. Cette origine préceltique est d' autant plus intéressante que, à l' instar d' autres rivières portant des toponymes de même origine, telles que la Vézère, affluent de la Dordogne, l' Isar près de Munich, et enfin l' Isare, ancien nom de l' Oise, l' affluent de la Seine, cette origine autorise à penser que, dans les parages, vivaient des populations non seulement celtiques, mais encore préceltiques, descendant en ligne directe des populations aryennes de l' époque protohistorique.

Enfin, qu' il nous soit permis, puisque la Vièze nous en fournit le prétexte, de proclamer bien haut que la science préhistorique n' est qu' à ses débuts dans les vallées alpines et que, peut-être, un jour, des fouilles et des découvertes démontreront clairement ce que nous avons modestement essayé d' avan, en nous fondant sur l' étude des noms de lieux de cette vallée intéressante à plus d' un titre.

Conclusion Ainsi que nous le laissions entendre dans notre introduction, nous arrivons à la conclusion que de nombreux noms de lieux du Val d' Illiez portent dans leur étymologie une empreinte gauloise. Cette étude tend donc à démontrer que la première colonisation du Val d' Illiez est plus que probablement celtique. Mais, comme nos lecteurs pourront aisément le constater, c' est un véritable itinéraire que Fétymologie des noms de lieux semble tracer. Dans quel sens cette colonisation s' est faite? De l' est à l' ouest ou en sens contraire? Des études ultérieures tendront à prouver l' une ou l' autre thèse. Cependant, d' ores et déjà, nous pouvons faire les constatations suivantes:

1. L' abondance des racines celtiques, dans la partie supérieure du Val d' Illiez, prouverait, à première vue, une colonisation d' ouest en est, à partir de la Vallée du Giffre.

2. Du fait même de l' implantation des noms de lieux à racines celtiques, l' itinéraire de colonisation aurait emprunté le Col de Bretolet et la Vallée de Banne jusqu' à Troistorrents, pour se répartir ensuite dans la Vallée de la Tine de Morgins.

3. L' abondance des termes à bases celtiques, dans la région limitrophe de Haute-Savoie, à l' ouest du Col de Bretolet ( Samoëns, Nant Gollon, Col de la Golèze ), laisserait supposer un foyer de dispersion vers les vallées d' Illiez et de Morgins du grand courant de colonisation celtique.

Ces constatations sont donc importantes pour l' avancement de l' histoire dans notre pays. Mais, comme nous l' avons déjà exprimé, seuls des travaux archéologiques, dans ce coin de notre Chablais, pourront prouver le bien-fondé de nos hypothèses. Ces travaux pourraient d' autre part établir de façon plus certaine si la colonisation celtique du Val d' Illiez est la première en date de notre histoire ou si elle a été précédée d' une pénétration, en rapport avec les établissements du « Bronze », signalés par nos archéologues, dans la Haute Vallée du Rhône.

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