Huit jours dans le Tyrol italien | Club Alpino Svizzero CAS
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Huit jours dans le Tyrol italien

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PAR GEORGES CURRAT, BULLE

Skis, piolets, crampons forment un équipement inusité pour des voyageurs qui empruntent la voie des vacances balnéaires par excellence, celle de Milan—Venise. Tout s' explique lorsque les sept gars du CAS, section de la Gruyère changent de cap à Vérone et, confortablement installés dans l' express du Brenner, remontent l' Adige sous la garde des castels en ruine placés en sentinelles près de Trente, Bolzano et Merano. Disons d' emblée qu' un itinéraire plus helvétique et plus court, mais plus connu et pas forcément plus rapide nous aurait également amenés à pied d' œuvre par Zernez et Sta. Maria.

Voici Goldrano/Goldrain notre fin d' étape ferroviaire. Ces noms latins et germaniques que nous retrouvons dans toutes les localités rappellent un problème politique que nous n' avons pas pour mission de dénouer.

Nous ne tardons pas à apprendre que tous les refuges affichent « complet » en ce samedi soir 7 mai. Qu' à cela ne tienne, l' hôtelier de l' endroit qui est aussi transporteur public, se démène tant et si bien qu' il réussit à nous faire ouvrir les portes du « Sport-Hôtel » fermé en cette saison. Les 27 kilomètres du Val Martello qui nous séparent de Paradiso del Cevedale représentent une véritable expédition tant le chemin est sinueux, enneigé et verglacé. Grâce aux dons d' équilibriste du chauffeur et aux performances de sa Fiat 1400, nous terminons ce petit jeu de passera... passera pas... à 1 km de notre but.

Aujourd'hui dimanche première ascension à la Cima di Venezia ( 3385 m ) par temps légèrement couvert et fort vent par intermittence. Un coup d' oeil réprobateur en passant à l' adresse du refuge Nino Corsi qui n' a pas voulu de nous, faute de place, et, après six heures de montée notre premier sommet nous offre en panorama une vue de ce qui nous attend les jours suivants. Les montagnes ont un charme certain et leurs formes arrondies sont une invite aux skieurs. Rien qui nous rappelle les arêtes rocheuses rencontrées partout au Dauphiné.

Lundi: il neige sérieusement lorsque nous quittons les aimables gardiens du prétendu hôtel. Dans la bourrasque, brassant vingt, puis trente cm de neige poudreuse, nous multiplions les relais, en tête de colonne et, grâce aux renseignements conjugués de la boussole et de l' altimètre, nous atteignons le Col Madriccio ( 3123 m ). Pour l' heure, les éléments déchaînés y ont rendez-vous et nous obligent à amorcer la descente sans ôter les antidérapants. Transformés en chasse-neige, nous pénétrons dans les congères jusqu' aux hanches, ce qui ne nous empêche pas d' échouer sur des récifs traîtreusement camouflés. Rien d' étonnant dès lors que j' y aie laissé ma peau... de phoque.

Le refuge Città di Milano ( 2573 m ) est le bienvenu. Nous évoluerons d' ailleurs pendant toute la journée du mardi dans la région immédiate vu la neige abondante et le ciel boudeur. Plus gaie sera la soirée: la cabane, occupée par des groupes de jeunesse allemands, retentit, en effet, de leurs chants scandés. Tout au plus pensions-nous nuancer l' ambiance par un couplet de chez nous, mais c' est un tonnerre d' applaudissements qui répond aux premières « youtzes ». Le répertoire complet doit y passer et les refrains repris en chœur créent une joyeuse atmosphère qui ne s' oubliera pas de si tôt.

Mercredi 11: A cinq heures, aucun nuage n' est en vue. Une légère bise souffle, ce qui n' est pas pour déloger le thermomètre de ses moins 17. Ce bain de fraîcheur nous donne des ailes pour monter à l' assaut de notre premier objectif du jour: le Sulden ( 3376 m ). Le pont de neige qui en permet l' accès se laisse franchir sans incident et un mur d' une centaine de mètres recouvert de neige poudreuse instable offre une dernière résistance bientôt vaincue. Lorsque nous le quittons, quelques dérapages profonds nous font découvrir des trous d' un vert sombre pas très rassurants.

Poursuivant notre itinéraire par le Col du Lago Gelato, voici le refuge Casati ( 3229 m ) où un repas excellent nous attend.

D' accès facile, notre deuxième sommet du jour, le Cevedale ( 3764 m ), nous réservait un petit tour à sa façon en nous accueillant par des assauts de vent aussi violents que réfrigérants. Cela ne nous empêche pas de constater avec émerveillement qu' il domine à des centaines de kilomètres à la ronde. Deux exceptions cependant, l' Ortler et le Gran Zebru à qui il doit le respect tant pour leur allure que pour leur altitude.

Jeudi 12: Quand j' affirmais que le Gran Zebru ou Königs Spitze ( 3859 m ) nous toisait de sa superbe, vous vous doutiez je pense que nous ne pourrions résister à son défi. Cette pyramide est vulnérable par sa base ouest, ce qui nous oblige, de Casati, à redescendre à moins de 3000 mètres pour avoir ensuite 900 m de dénivellation à grignoter. Ayant abandonné skis et sacs à l' abri d' un rocher, nous chaussons les crampons. Le couloir quasi vertical de 200 m environ débouche sur la face sud où nous traçons une nouvelle ligne droite vers ce royal sommet comme l' indique son nom, que nous foulons avec une évidente satisfaction.

Des conditions de neige favorables permettent à nos deux cordées une descente accélérée malgré les crampons. Ayant récupéré les lattes, c' est un « schuss » grisant, rapide et long qui nous conduit, tel un train direct, via le refuge Pizzini vers la cabane Branca ( 2493 m ).

Branca est bien la cabane la plus jolie et la plus confortable que nous ayons habitée pendant ces quelques jours. Si nous la quittons malgré tout, même en ce vendredi 13, c' est que le San Matteo ( 3684 m ), notre dernier morceau de ce festival, a vraiment l' air engageant avec ses champs de ski qui se superposent en balcons ensoleillés, et que notre photographe ne peut s' empêcher de fixer sur sa pellicule.

La montée se fait sans difficulté majeure grâce à des conditions idéales et des muscles maintenant bien rodés. Si la montagne en général sait parler à l' âme de ses fervents adeptes, ce Saint Matteo pousse son rôle jusqu' à nous révéler sur ses roches sommitales des plaques gravées à la mémoire du « Regimento Alpini-Bataglione Sciatori M. Ortler - Alla Gloria del Capitano Arnoldo Berni -Dei Fratelli Soldati d' Italia ( suit un texte traduit librement ):... ils ont versé leur sang, et, de leur sépulcre de glace, veillent sur les Alpes reconquises et sur la Patrie libérée. Août, septembre 1918 ».

Les fils de fer barbelés qui émergent encore de la glace, témoins de tant de drames, nous font mesurer tout le prix d' une paix qui en cet instant plane sur cet univers entre ciel et terre.

Le soleil et la griserie de la descente ont eu raison de cette note de mélancolie et c' est maintenant le retour vers Santa Caterina où nous attend un car pour Bormio.

C' est en autobus également que nous descendons la Valteline, le lendemain, jusqu' à Tirano où nous prenons congé de l' Italie.

Nous grimpons, sans effort cette fois, grâce aux chemins de fer rhétiques, à la Bernina, saluons au passage la Diavolezza, Morteratsch, Pontresina et son Piz Palü, d' anciennes connaissances que nous recommandons à votre attention, amis clubistes, tout comme ce Tyrol voisin qui reste à portée des groupes, tant il est vrai que les difficultés doivent être à la mesure du plus faible.

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