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La Cordillère Blanche du Pérou et la catastrophe du Huascaran

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Au début de l' après, voulant entamer à Tolmezzo le chemin du retour, nous descendîmes par l' autobus sur Ampezzo. Quand nous primes congé de l' Untere Zahre, je le fis avec la ferme resolution de revenir ici à la première occasion et de parcourir la région des deux Zahre dans tous les sens, car aucun pays étranger ne saurait dépasser en beauté un coin, meme pauvre et dur, mais qu' illumine l' amour de la patrie.Traduit de l' allemand par E. A. C. )

La Cordillere Blanche du Perou et la catastrophe du Huascaran

P. AR W. RÜEGG, LIMA ( PEROU )

Avec 3 illustrations ( 129-131 ) et 2 cartes C' est parmi les plus belies montagnes de la terre qu' il faut compter la Cordillere Blanche, oü s' est deroulee en janvier une tragedie dont Fampleur exceptionnelle a rempli le Perou d' effroi, de detresse et de deuil, et a tenu en haieine le monde entier.

La Cordillera Bianca est une chaine bien detachee, longue de 170 km, dont les splendides geants de glace dominent les bastions des Andes. Jalonnee de plus de trente sommets depassant 6000 m, eile occupe le departement d' Ancash, dans le nord du Perou, et forme la region glaciaire la plus elevee et la plus etendue des tropiques. Son faite court approximativement du sud au nord et marque le partage des eaux du continent: ä l' ouest le fleuve Santa, ä Test le Maranön. Sa beaute, sa grandeur et sa sauvagerie en ont fait depuis des annees le pole d' attraction d' alpinistes, de glaciologues, geologues et geographes du monde entier. L' actif Club Andinista Cordillera Bianca, dont le siege est ä Huaräz et qui publie une revue annuelle de valeur, offre son experience et son aide devouee aux entreprises touristiques et scientifiques.

La Cordillera Bianca se compose en grande partie de roches apparentees au granite, telles que la granodiorite, la quarzdiorite, la tonalite, etc. ( voir carte au 1:100 000 ). La variete de leur composition et leur succession dans le temps fönt de ces roches de vrais batholites, c' est des roches de profondeur, en masses puissantes et irregulieres. Elles ont penetre dans la plupart des series marines de gres, de schistes argileux et de craie du cretacique inferieur, dans lesquelles penetrent par endroits des breches volcaniques et des fissures d' injection. Certaines regions possedent une quantite remarquable de produits d' eruption plus recents, en particulier des cendres, des tufs et des agglomerats, qui forment des couches divergentes avec les series nommees ci-dessus. De construction assez simple, le massif montre ä l' occasion un pli qui a bascule vers Test, mis en place lors d' un des grands plissements du debut de l' äge tertiaire. Ensuite les masses volcaniques d' origine granitique que nous avons nommees s' y forcerent un chemin. Elles se placerent dans Taxe general des anticlinaux, mais dans bien des cas couperent de biais ou ä angle droit les couches de la röche oü elles s' introduisaient. Leur entree et les divers effets - surtout thermiques - de leur metamorphose ont fait subir aux roches sedimentaires des changements profonds et etendus.

Au-dessus de 3500 m le relief a ete modele par des mouvements plus recents et surtout par la grande glaciation du pleistocene. Certains cas d' erosion sont peut-etre les traces de glaciations anterieures, mais c' est actuellement conteste. De toute facon les systemes morainiques des phases de recul suivant la periode glaciaire sont assez bien connus et semblent correspondre chronologique- i i ment à ceux des Alpes. Dans les vallées profondes, en forme de U avec des parois abruptes, les glaciers de l' époque glaciaire ont disparu et les fonds de vallées se sont souvent élargis. La limite des neiges a continue à monter, et approche maintenant de 5000 m. A la suite de cette mise à nu du terrain, et du retrait des glaciers qui continue actuellement, de nombreux lacs et lagons se sont formes dans les hauts vallons entre les moraines frontales et les langues de glaciers. D' après une statistique precise il y a 230 lagons dans le massif de la Cordillère Blanche, dont 162 appartiennent au bassin du Santa qui se jette dans le Paciflque.

Certaines de ces nappes d' eau, dont le nombre augmente constamment par suite de la fonte et du retrait des glaciers, baignent encore la langue du glacier. D' autres en sont séparées depuis longtemps. Les digues qui les retiennent sont souvent faites non pas de rocher en place mais de matériaux perméables et insuffisamment compacts apportés par des moraines frontales ou tombés en éboulis sur les cötes. Leur formation, leurs matériaux et leur pente font de ces digues et des grandes masses d' eau bloquées' derrière elles un danger constant pour les vallées voisines, surtout du fait que ces lacs ont une position des plus incertaine dans un ensemble qui n' a pas atteint sa stabilité physico-dynamique. Le fait est que, seulement durant les vingt dernières années, les débordements, l' érosion de la crete des digues, l' effritement des barrages ont plusieurs fois cause la rupture des digues et brusquement vide des lacs et recouvert tout ou partie de terrains dont certains étaient habités. Des catastrophes ont ainsi été causées parmi les cultures, le bétail et la population. Je ne rappellerai que la destruction partielle du Huaräz en 1941, celle de Chavin en 1945, et de celle des installations industrielles Huallanca en 1950.

Le désastre le plus recent, celui du Huascarän et de Ranrahirca, eut des causes un peu différentes, et des consequences plus épouvantables encore. Le theätre en est cette meme vallée du Santa, la seule vallée longitudinale du Pérou, qui mène à l' océan Pacifique. Encadrée de la Cordillère Blanche à Test, et ä l' ouest de la Cordillère Noire qui est plus basse et libre de neige, la vallée est si belle qu' elle a recu le nom de Suisse péruvienne. Les points marquants de cette region charmante sont le Huascarän ( 6768 m ), le géant du pays des Incas, et le district de Ranrahirca qui couvre sa base et se trouve à 45 km en aval de la ville de Huaräz.

Que s' est passe lä?

Le 10 janvier 1962 une avalanche de glace, de neige et de rochers a rase et englouti une douzaine de villages et de hameaux, dont Puyucucho, Encayoc, Armapampa, Yanama, Chico, Shacsha et Ranrahirca. Le meme sort a frappé des milliers d' habitants, disparus d' un seul coup. C' est une catastrophe naturelle de proportions gigantesques, dont voici le triste deroulement.

Le soir du 10 janvier, peu après 18 heures, dans un rugissement d' explosion, d' énormes parois de glace, des corniches glacees, des planches de neige et de névé et de puissants piliers de rocher pourri se détachèrent au-dessus de 6000 m dans la paroi ouest du sommet nord du Huascarän. Cette paroi révèle un anticlinal très prononcé abondant en granodiorite. L' avalanche, dont le volume au depart a été estime à iy2 à 3 millions de mètres cubes, tomba presque verticalement sur la cuvette glaciaire placée sept cent mètres plus bas, puis glissa au long du glacier, de terrasse en terrasse, et balaya -mais sans l' arracher - la langue de ce glacier qui pointe vers le sud-ouest. L' avalanche continua sa course dévastatrice, se transforma en un torrent bouillonnant, plongea dans la gorge de Pumahain, s' enfla d' énormes blocs et de lambeaux de terrains, franchit des éperons et des precipices, et parcourut la gorge de Llanganuca et le vallon ouvert de Ranrahirca. Sa vague haute de 10 à 15 mètres dévala dans le fond de la vallée entre les talus morainiques et les bancs d' éboulis et, tour à tour resserrée et étalée, finit par déborder sur plus de deux kilomètres de largeur. Tout au long de son galop dramatique, la masse tumultueuse de glace, de rochers, de debris, de limon et de terre envahit les lieux habités avec un bruit de tonnerre et une vitesse folle, les broya, les engloutit et les recouvrit. Elle s' abattit encore sur le faubourg residentiel de Ranrahirca qui fut écrasé et recouvert de décombres jusqu' à une hauteur de 3 à 15 metres. Enfin le gigantesque torrent de boue, comme guide par le balai d' un cyclope alla jeter ces debris dans le Santa. Sa masse dépassait 11 000 000 m3, dont /4 4 > 4 i v.N4, ».

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Region de la catastrophe d' apres la carte « Cordillera Bianca » 1 :100,000 de Ph. Borchers et H. Kinzl L^^TH Couche recenle I I Glace et Neige la plus grosse partie se deposa dans la vallee tandis que le reste etait charrie plus loin. Les dimensions en sont environ celles de l' eboulement d' Elm pres de Glaris. Mais quantite de pierres et de debris sont de plus restes sur le glacier et en chemin.

C' est une chance que les collines de Aira et Alma ( voir l' esquisse ) aient contenu le flot de l' ava, ce qui a protege d' une destruction certaine le beau bourg de Yungay et des milliers d' hommes. On se represente la force du torrent de boue, de la pression d' air et du vent d' ouragan qui l' accom, en voyant en dehors du chemin de l' avalanche des bouquets d' eucalyptus fauches comme des brins d' herbe, ou une variété de polylepsis ( en espagnol « quenua », un arbre noueux qui, avec 4900 m, détient le record du monde d' altitude ) dont les solitaires et les bosquets ont été complètement effeuilles et ecorces.

La distance entre la niche de décrochement dans la paroi du Huascaran et l' emplacement d' arret sur le fond de la vallée principale fut parcouru en dix minutes, ce qui donne une vitesse moyenne de 110 km/h. Mais la vitesse dut etre bien plus grande dans la partie supérieure: la catastrophe n' a mis que deux minutes environ pour atteindre les premières fermes et les hameaux les plus hauts. Il semble donc très douteux que l' alarme aurait pu etre donnée ä temps.

Selon des estimations detaillees le drame coüta plus de 4000 victimes. Il y eut très peu de survivants, pour ainsi dire aucun blessé. Dans plusieurs villages, des familles aux branches nombreuses et meme des clans entiers auraient disparu. Le relief géographique lui-meme est efface. Partout règnent la destruction et le désespoir, dans l' odeur des corps en putrefaction.

Le Rio Santa monta d' une bonne douzaine de mètres, emporta des routes et sema la destruction sur les 170 km qui mènent à la mer. Il charria de nombreux cadavres, et des corps horriblement mutilés ou des membres séparés s' échouèrent en grand nombre le long du fleuve et sur la cöte.

Puisqu' il ne s' agit pas ici d' une rupture de lac, la question de son origine se pose, et aussi celle des causes qui semblent predisposer la Cordillère Blanche aux catastrophes naturelles. Les conditions géologiques montrent que la chaîne est bien ancrée dans l' écorce terrestre, et c' est rarement que son corps de pierre est parcouru d' un frisson ou que sa carapace de glace craque. Des glissements et des éboulements ont pourtant eu lieu relativement souvent dans la Cordillère Blanche, tant durant les temps préhistoriques que dans l' histoire, et toutes les conditions sont remplies pour qu' on puisse prévoir que d' autres éboulements peuvent et doivent avoir lieu. N' importe quelle excursion montre clairement les dangers auxquels les localités et les habitants sont exposés, surtout dans les vallons et en particulier à leur débouche sur la vallée principale, et là où les bätiments sont situés sur des cönes de déjection ou sur des moraines.

Voilä plus de vingt ans que le directeur de l' Institut géologique, le professeur A. Broggi, a pointe le danger et a reconnu que la formation des lacs, diverses transformations dans les alentours des glaciers, et une grande partie des désastres de montagne ne sont que des consequences de la déglaciation. Les travaux remarquables de Hans Kinzl, Arnold Heim, V. Oppenheim, C. G. Egeler et Tom de Booy, Jaime Fernandez Concha, Ali de Zsepessy ( tombe jeune dans ces montagnes ), Peter Fricker, Ruedi Schatz et d' autres ont confirme ce point de vue et, avec des mesures commencées par Broggi, ont établi la base d' études géologiques sérieuses. Il s' ensuivit la fondation de la Commission des lacs de la Cordillère Blanche, qui a accompli un travail remarquable sous la direction de I' ingénieur Paul Boner et avec la collaboration de Concha. Elle a entrepris des recherches géologiques sur le terrain et par la photo, commence la description et la classification de tous les lacs et des vallées et localités menacées, fait vider les premiers lacs dangereux et introduit un service permanent d' inspection et de signalisation. Sans raison le gouvernement déclara alors son existence « interrompue »!

Independamment des résultats réjouissants de cette commission, il ne faut pas oublier qu' il existe des phénomènes naturels, dont les causes sont externes ou internes, que Fhomme ne peut pas espérer dominer, mais seulement prévoir ou deviner, des circonstances particulières qui, seules ou combinées, peuvent avoir une influence importante ou déterminante sur la genèse et le déclenchement d' une catastrophe. Il faut ainsi penser que la Cordillère Blanche, comme les Andes en général, sont formées de plis très jeunes dont l' evolution structurelle n' est pas terminée; elles sont en état de déséquilibre sismique, qui se marque par de nombreux tremblements de terre et déplacements de masses souvent destructifs. De plus cette cordillère se trouve dans la zone tropicale. Elle se distingue par la sauvagerie de ses formes, et montre des vallées coupées profondément, avec des pentes convexes dans le bas et des parois dans le haut. Les pluies, l' eau de fonte et les glissements de terrain la rongent au point que les éboulis, la couverture de terre, la carapace de glace et le rocher nu s' erodent à une vitesse incroyable, se mettent en mouvement et s' ecroulent. D' autre part les événements et changements dus à la déglaciation tels que nous les avons décrits concourent activement aux memes resultats.

C' est l' ensemble de ces circonstances particulières qui représente pour le pays et les gens un danger collectif permanent. On ne peut pas y parer par des travaux de protection, ni l' englober dans un plan technique. On peut à peine le concevoir dans son ensemble, tant la région est vaste, haute et particulière. Il est donc pressant et indispensable de choisir une nouvelle institution formée de spécialistes chevronnés. Il me semble qu' il serait possible d' instituer une commission internationale d' étude et de surveillance, disposant de moyens suffisants, capable d' offrir au Pérou une aide précise, surtout pratique, pour ses problèmes montagnards, et qui pourrait en meme temps former de jeunes spécialistes péruviens. Mais une telle commission ne peut espérer le succès que si eile est etablie ä longue echeance: l' aboutissement de cette täche enorme depend du travail deplusieurs generations. Dans un pays comme le Perou des catastrophes naturelles ne seront jamais exclues, car elles sont in-contrölables, c' est techniquement indomptables. Pourtant, en les reconnaissant ä temps et en prenant des mesures utiles, on saura s' y preparer et les eviter, ce qui permettra de proteger les hommes et de beaucoup diminuer les degäts materiels.Traduit de l' allemandpar P. Vittoz ) m Bibliographie:

Borchers, Ph., 1935, Die Weisse Kordillere. Berlin.

Broggi,J. A., 1943, La Deglaciaciön actual de los Andes del Peru. Bol. Soc. Geol. Peru, T. 14-15, pp. 59-90, Lima. Egeler, C. G. et de Booy, Tom, 1954, De geologisch-alpinistische Exploratie in de Cordillera Bianca, Peru. Kon. Ned. Aard. Gen ., deel LXXI, no.l, pp. 47-61.

1956, Geology and Petrology of part of the Southern Cordillera Bianca, Peru. Verh. Koningl. Ned. Geol. Mijnb. Gen., Geol. Ser ., deel 17, pp. 1-86.

Fernändez Concha, Jaime, 1957, El problema de las lagunas de la Cordillera Bianca. Bol. Soc. Geol. Peru, T. 32, Parte II, pp. 87-96, Lima.

Fricker, Peter, Schatz et autres, 1960, Expedition aux Andes 1959. Les Alpes, 1er trimestre, pp. 1-80, CAS. Heim, Arnold, 1948/1957, Wunderland Peru. Verlag Hans Huber, Bern und Stuttgart, 301 p., 42 dessins, 270 photos, 12 planches en couleurs, 1 carte.

- 1951, On the glacia'tion of South America as related toTectonics; Observations 1939-1947. Eclog. Geol. Helv., vol. 44, n° 1, pp. 171-182, Basel.

Kinzl, Hans, 1940, Los glaciares de la Cordillera Bianca. Rev. Ciencias, n° 432, Afio LXIII, pp.417-440, Lima.

1949, Die Vergletscherung in der Südhälfte der Cordillera Bianca ( Peru ). Zeitschr. Gletscherk. u. Glacialgeol., Bd. 1, Heft 1, pp. 1-28, Innsbruck.

Kinzl, Hans, et Schneider, Erwin, 1950, Cordillera Bianca ( Peru ). Universitätsverlag Wagner, Innsbruck, pp. 1^7, 119 photos, 1 carte. Texte allemand, anglais et espagnol.

Oppenheim, Viktor, 1946, Sobre las Lagunas de Huaräz.B.ol. Soc. Geol. Peru, T. XIX, pp. 68-79, Lima. Revista Peruana de Andinismo, 1951-1961, Bol. Oficial del Club Andinista Cordillera Bianca, Bol. Nos. 1-5; Dir.

Edit. Cesar Morales Arnao, Huaräz, Peru.

Cartes:

Cordillera Bianca, 1:100000, en deux feuilles, partie nord 1935, partie sud 1949. Leves de Ph.Borchers, H. Kinzl, K. Heckler, E. Schneider et autres lors des expeditions du Club Alpin Autrichien en 1932,1936 et 1939. Ce sont les meilleures et les plus belies cartes stereophotogrammetriques qui existent pour l' Amerique latine. Les deux ont aussi ete groupees sur une feuille au 1:200000.

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