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La face nord du Triglav

Hinweis: Questo articolo è disponibile in un'unica lingua. In passato, gli annuari non venivano tradotti.

PAR FÉLIX LARGIADÈR, ST-GALL

Avec 3 illustrations ( 111-113 ) II fait déjà grand jour quand nous quittons la cabane d' Aljazev. Devant nous, un grand but: la paroi nord du Triglav. Depuis longtemps, récits et photos avaient fait naître en nous le désir de connaître les Alpes Juliennes, de voir leur roi, le Triglav, et d' escalader sa face nord. La voilà devant nous, burinée de piliers et de couloirs, mais puissante et massive comme nous nous l' étions toujours représentée! Le ciel est couvert; pourtant, d' après l' expérience des jours précédents, nous pouvons compter sur le beau temps.

Nous nous encordons sur un petit névé, au départ de la voie des Allemands. Rochers peu difficiles et traversée d' un couloir nous amènent au Pilier des Allemands. Nous gagnons rapidement de l' altitude; le rocher, friable et facile au début, devient escarpé et plus solide, avec de bons passages. Les longueurs de corde s' ajoutent les unes aux autres; souvent nous nous arrêtons un instant pour jeter un coup d' oeil en arrière, dans la vallée de Vrata, sur le Pilier Slovène à notre gauche, ou sur l' imposant Pilier Central à notre droite. Nous nous tenons le plus souvent sur l' arête. Un petit mur jaune indique, croyons-nous, que nous sommes déjà haut et devons maintenant tirer à gauche. Je m' élève par une belle fissure. Mais je dois bientôt me rendre à l' évidence: les mesures de cette paroi nord sont autres que celles des montagnes d' escalade de chez nous. La vraie paroi jaune, notre point de repère, se montre tout en haut, au-dessus de ma tête, autrement grande que son sosie à notre hauteur. Je dois redescendre pour monter ensuite tout droit. Il n' y a plus moyen de se tromper de route et nous progressons bien. Soudain nous débouchons sur un large balcon, à l' entrée d' un couloir rempli de neige, qui coupe la paroi en son milieu. Entre temps les nuages ont disparu, un ciel bleu et serein s' étend au-dessus des montagnes. La partie supérieure de la paroi se dresse devant nous en pleine lumière et semble, dans sa clarté engageante, nous promettre une progression rapide. Le cœur léger, nous jouissons du soleil et de la journée splendide, préparons sans hâte une tasse de thé. Après un bon moment de repos, nous reprenons l' escalade par la Voie de la Fenêtre ( Fensterweg ). Montant tantôt dans la neige du couloir, tantôt sur son bord, nous en atteignons l' extrémité. Là notre élan reçoit un brusque coup de frein: le couloir se termine par un surplomb, au-delà duquel la paroi se dresse, verticale, avec un nouveau surplomb fermant l' accès de l' étroit couloir rocheux de la Fenêtre ( Fensterrinne ). La suite de l' itinéraire me paraît d' abord énigmatique. Ayant escaladé un gradin raide, je me dirige vers un petit mur lisse. Après en avoir escaladé deux mètres, je me rends compte que ça devient sérieux: pas la moindre prise, pas une seule fissure à piton dans le rocher auquel je me colle. Je dois redescendre et déposer le sac. Ainsi ça va mieux. En haut, des rebords étroits mais solides permettent d' effectuer une traversée au-dessus du surplomb et d' atteindre un relais d' où je peux faire monter Hélène, qui peine avec le sac. Le surplomb suivant aboutit à droite dans la paroi lisse. J' arrive à le surmonter. Encore une fissure pauvre en prises, et j' atteins le Couloir de la Fenêtre ( Fensterrinne ). Par des rochers raides et mouillés et un cône de neige nous passons à travers la Fenêtre. De ce coin humide et sombre s' ouvre un coup d' œil enchanteur sur la vallée de Vrata baignée de soleil. A l' endroit où le couloir forme une grotte et se perd dans la montagne nous montons obliquement à gauche pour rallier de nouveau la paroi. Plusieurs longueurs de corde nous amènent au névé sous la « Petite paroi noire », dans la partie supérieure de la face nord. Bien que nous ayons perdu déjà beaucoup de temps à photographier et à filmer, et que le ciel, sur ces entrefaites, se soit couvert de nuages, nous faisons halte sur une petite arête pour nous préparer encore une fois une tasse de thé. Puis nous reprenons notre marche, heureux de pouvoir progresser rapidement sur le névé recouvert d' une couche de neige fraîche, ramollie et bien adhérente. Une traversée vers la voie de montée Zimmer-Jahn et, à 5 h. 30, nous sortons enfin des 1000 mètres de paroi, instant que nous fixons sur la pellicule. Puis l' escalade reprend, car 500 mètres de dénivellation nous séparent encore du sommet. Nous montons rapidement maintenant et, trompés par l' apparente brièveté du trajet jusqu' au sommet, nous nous berçons de douces illusions sur le temps de marche qui nous attend encore. A partir du point culminant de la vire Kugy, nous contournons l' arête nord, escaladons un étroit couloir rempli de neige pour rallier de nouveau l' arête, puis obliquons dans le versant nord-est. Mais une fois de plus les dimensions de cette montagne se font sentir. Les quarts d' heure succèdent aux quarts d' heure, les longueurs de corde s' ajoutent aux longueurs de corde dans un terrain monotone, d' une difficulté moyenne, et pourtant le sommet ne se rapproche pas. Nous varappons à l' ombre, alors que le soleil illumine les montagnes, baigne d' une chaude lumière la cabane sur la Kredarica et projette jusqu' au loin dans la plaine ses rayons échappant sous une nappe de nuages noirs.

Enfin nous atteignons l' arête où nous retrouvons le soleil du soir. Une grande partie du fameux paysage du Triglav, que quelques bancs de nuages n' arrivent pas à cacher, s' ouvre à nos yeux surpris et enchantés. A l' est nous devinons Ljubljana, au nord le regard glisse librement par-dessus les Karavanka et toute la Carinthie jusqu' au Bas Tauern, au nord-ouest le Grossglockner et le Grossvenediger semblent nous faire signe, et dans le ciel vespéral, loin derrière les Alpes Juliennes occidentales, s' alignent serrées les pointes des Dolomites.

Notre sommet n' est pas encore visible, mais nous avons retrouvé notre entrain de ce matin et escaladons à bonne allure les gendarmes inondés de lumière rouge. Encore une montée inutile dans la face pour contourner un pseudo-gendarme, encore un retour sur l' arête que le soleil a quittée maintenant, et le sommet est devant nous. Nous parcourons ensemble les quelques derniers mètres et, 14 heures exactement après avoir attaqué la paroi, nous sommes sur la corniche sommitale du Triglav ( 2863 m ). La vue vers le sud est très bonne, malgré le crépuscule brumeux qui cache la mer; mais nous la verrons demain. Nous sortons du sac le slivovitz1, jetons encore un coup d' œil alentour, puis, satisfaits et heureux, nous prenons dans la nuit tombante la voie normale vers la cabane.Traduit par Nina Pfister-Alschwang )

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