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La photo en montagne

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Par André Roch

Nombreux sont les articles parus sur ce sujet; si néanmoins je prends la plume, c' est qu' à mon avis une part importante du plaisir de l' alpinisme provient de la collection d' images que l'on a pu faire au cours des randonnées et ascensions. Ces souvenirs et documents constituent un véritable trésor pour leur auteur et souvent aussi pour d' autres. Combien d' heures heureuses ai-je passées à contempler mes photos, et non seulement les miennes mais celles de tous les alpinistes photographes de montagne.

Si j' ai réussi quelques belles vues de montagne, ce n' est certes pas du premier coup, ce fut l' aboutissement d' un long apprentissage auquel on n' échappera pas. Pour le raccourcir et le rendre moins onéreux, je crois pouvoir donner ici quelques bons conseils aux grimpeurs photographes.

Pour prendre une belle photo de montagne, il faut avant tout de belles montagnes. Heureusement, la conception de la beauté est toute relative et une montagne laide pour les uns apparaîtra merveilleuse pour les autres, surtout qu' un éclairage différent peut modifier non pas les formes mais l' aspect des formes.

Cela dit, j' hésite moins à donner des conseils, car il est maintenant établi que le jugement porté sur les photos est également relatif. Ainsi par exemple il est fort probable que je n' aimerais pas beaucoup vos photos et que celles des miennes que je trouve parfaites ne vous diront rien.

L' alpiniste, le grimpeur doit avoir un appareil qui soit à sa portée à chaque instant. Il doit pouvoir prendre une vue rapidement, sans avoir besoin d' enlever son sac et de provoquer l' arrêt de toute la cordée. J' attache beaucoup d' importance à ce point, car il y a toujours une certaine résistance à vaincre en prenant la décision de s' arrêter pour une prise de vue.

Petits ou grands formats ne jouent actuellement plus de rôle, quant au résultat technique final. Pour mon compte j' obtiens des agrandissements tout aussi fouillés provenant de clichés de petit format, qu' autrefois en partant de négatifs 6x9 cm. Cependant la chose essentielle à laquelle il faut prendre garde est une bonne netteté. Une empreinte digitale de sueur, une buée sur l' objectif nuisent toujours à la netteté. Un appareil à reflex signale immédiatement si l' objectif est embué.

Même en faisant l' acquisition d' un appareil bon marché, il faut exiger une qualité de négatifs qui permette de faire des agrandissements en 18x24 cm. ou plus, nets jusqu' aux bords. Dès le début il vaut mieux consacrer assez d' argent pour l' achat de votre appareil, afin d' avoir un instrument qui vous donne satisfaction.

Quant aux sujets que vous allez photographier, ils sont infinis; chacun les choisit selon son goût et son tempérament. En montagne, la photo classique a généralement un premier plan pas trop grand et un fond. Etudiez avec attention la merveilleuse collection de cartes postales de Gyger, de Gaberell ou de Klopfenstein, vous serez étonnés de la perfection de ces photos! Mais n' oubliez pas le temps que ces auteurs mettent pour guetter le moment favorable et l' éclairage approprié pour réaliser leurs prises de vues, de même toute la peine qu' ils doivent se donner pour rejoindre des emplacements repérés et notés à l' avance, leur permettant de réaliser une vue d' ensemble.

La composition est très importante. Elle est la faiblesse du débutant qui se fait remarquer par des photos mal mises en page. Il coupe les pieds, équilibre mal son sujet, prend trop de ciel, ou pas assez, prend des personnages trop grands au premier plan ou trop petits suivant les cas etc. Les photographes qui font les agrandissements peuvent bien corriger la mise en page, dans une certaine mesure, mais peu d' entre se donnent cette peine, car c' est un travail long et surtout délicat, à moins de connaître à fond les intentions et les goûts de l' auteur. Pour les clichés en couleurs, aucune correction de mise en page, si petite soit-elle, peut intervenir après coup. On projette ces diapositives telles quelles montées dans des caches de dimensions standardisées. Celui qui fait de la couleur en montagne a d' autant plus d' intérêt à soigner sa mise en page et d' acquérir une caméra qui lui permette de délimiter son champ avec une précision absolue.

Qu' entend par une photo bien composée? C' est une image où le sujet est équilibré, où les masses se font pendant les unes aux autres, où les ombres et les lumières se répartissent l' espace. Pour obtenir ce résultat, il faut choisir des sujets dont les surfaces éclairées sont en aussi grande quantité que les parties ombrées. C' est presque toujours le cas dans une direction perpendiculaire à la position du soleil. A contre-jour on a généralement davantage d' ombre, mais l' éclairage met les formes en évidence et produit souvent un bel effet.

Ce qu' il faut éviter dans tous les cas, c' est d' avoir des plans très clairs, ou des taches très claires, aux bords de l' image, surtout si elles sont coupées. L' aspect d' une image accusant ces caractéristiques ne peut avoir un effet heureux.

A l' amateur passionné, je voudrais conseiller un appareil récent de petit format, de fabrication suisse, qui fait parler de lui. A part la perfection de sa fabrication son grand avantage est qu' on peut en une seconde y adapter des objectifs de focales très différentes, sans avoir besoin de les visser ni de changer de viseur.

Le contrôle de mise en page et de la netteté se fait toujours avec une précision absolue, par une visée reflex sur un verre dépoli. L' image est contrôlée à travers un système optique de loupes en sorte qu' on peut très bien se rendre compte de l' effet désiré, l' image étant agrandie et redressée.

Ceci donne à l' alpiniste des possibilités illimitées. C' est en effet un art bien différent que de photographier des fleurs de près ou des cimes éloignées au téléobjectif. On n' y réussit pas du premier coup mais on obtient peu à peu des effets surprenants. Un appareil de ce type m' a rendu d' inappréciables services au cours de quatre expéditions: aux Montagnes Rocheuses, au Mont Logan au Canada et à l' Himalaya. Je voudrais encore conseiller d' uti pour la montagne un filtre jaune de couleur sodium. Il double le temps de pose, mais les résultats sont enchanteurs. Un tel filtre donne du contraste tout en n' alourdissant pas outre mesure les parties ombrées. On obtient des photos contrastées et en même temps fouillées et détaillées.

Il est des jours blancs pendant lesquels il ne faudrait pas photographier, et d' autres où il faut mitrailler sans hésiter. Ces jours-là des centaines de photos ne sont pas de trop. Ce sont les journées pendant lesquelles les nuages passent entre les montagnes, changeant leur aspect à tout instant.

On aimerait fixer toutes ces visions merveilleuses, mais on hésite à prendre beaucoup de clichés du même sujet. C' est un tort; n' hésitez pas, et prenez cent photos s' il le faut. Ce seront les plus belles de votre collection, elles resteront votre plus cher souvenir.

Il n' est pas toujours facile de prendre toutes les bonnes photos que l'on voudrait. Dès qu' un éclairage intéressant se présente, qu' une cime apparaît encadrée de nuées, il faut faire marcher l' obturateur. Souvent, on est en train de grimper ou bien on est fatigué et par paresse on perd l' occasion.

Il est évident que lorsqu' une situation d' éclairage ou tout effet de nuages en mouvement évolue, il est très difficile de prévoir à quel moment il aura atteint son effet le plus photogénique. Dans des cas semblables, il y a deux solutions: soit de faire une série de prises de vues pour ne pas manquer le moment le plus propice, ou alors de se borner à une ou deux photos et regretter d' avoir attendu trop longtemps ou d' avoir été trop pressé au début du phénomène. Même si une telle photo trop précoce ou trop tardive est belle quand même, elle évoquera toujours pour l' auteur le souvenir d' une occasion de prise de vue partiellement manquée. Il est évident que pour celui qui a suivi le premier conseil, il résultera une série de clichés peut-être très semblables, dont il faudra choisir le meilleur et abandonner carrément les autres. Je vois de ce côté là, cependant, un très grand avantage du petit format qui, en réduisant les frais par cliché, permet de travailler économiquement malgré tout.

Je me souviens qu' après une ascension extrêmement pénible nous étions parvenus, mon ami Gréloz et moi, à 20 h. 30 au sommet du Mont Blanc. L' éclairage du soleil couchant était merveilleux. Les rayons rasants ciselaient les nervures argentées de neige. Comme j' étais très fatigué, je saisissais toutes les occasions pour m' asseoir, sortir mon appareil et photographier les détails de la fin grandiose de cette journée. Gréloz qui avait hâte de rejoindre le refuge Vallot, s' impatienta et me dit que j' avais pris suffisamment de photos. Dans mon empressement, j' en pris deux l' une sur l' autre ( ce que je ne pourrai plus faire actuellement ), et je m' en aperçus. Ma colère éclata; et malgré ma fatigue, le dôme du Mont Blanc, solitaire à ces heures tardives, retentit d' une algarade furieuse dans laquelle toute la philosophie du photographe alpin se résume en ces mots: Si je ne peux plus prendre de photos en montagne avec toi, je ferai mes courses avec un autre compagnon.

Pour terminer, je vous dois un aveu: il m' arrive de laisser encore passer de beaux éclairages sans les photographier.

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