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Le 1<sup>er refuge des Grands Mulets

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Avec i illustration ( 65Par Alb. Smith

II y a juste cent ans que fut édifié, sur l' îlot rocheux des Grands Mulets, le premier refuge pour l' ascension du Mont Blanc. Car les divers asiles - Hospice de Blair, Temple de la Nature de Félix Desportes - qui se sont succédé au Montenvers de 1780 à 1840, où ils furent remplacés par une auberge appartenant à la commune de Chamonix, n' étaient destinés qu' aux visiteurs de la Mer de Glace et du Jardin. Celui des Grands Mulets fut édifié aux frais de la Compagnie des guides. Il était constitué d' une bâtisse en planches, protégée et renforcée à l' extérieur par un mur en pierres sèches, et n' avait coûté que 500 francs. Il subsista jusqu' en 1866. Le 2e refuge servit de 1866 à 1881 et fut remplacé par une construction qui dura jusqu' en 1897, où s' éleva l' auberge actuelle. Un nouveau refuge, plus spacieux, est actuellement en construction par les soins des services de l' Equipement de la Montagne.

Le célèbre Albert Smith, dont les panoramas montrant l' ascension du Mont Blanc furent la grande attraction de Londres de 1852 à 1860, nous a laissé dans son livre The Story of Mont Blanc ( 2e éd. 1861 ), ce récit pittoresque de l' inauguration du premier refuge.g « Durant les longs mois ennuyeux de l' hiver 1852-53 les guides de Chamouni s' occu à façonner la charpente d' une cabane qui a été édifiée sur les Grands Mulets pour abriter du froid les touristes durant les nuits de bivouac. Jusqu' ici des couvertures constituaient la principale protection contre les rigueurs de la température, et dans des circonstances ordinaires, cela pouvait suffire. Mais comme ces rochers sont à l' altitude de 3170 m. ( en réalité 3051 m .), soit 600 mètres au-dessus de la limite alpine des neiges éternelles, et qu' ils sont en outre fréquemment exposés à des tempêtes aussi violentes qu' imprévues, le besoin d' un refuge, si primitif fût-il, se faisait sentir depuis longtemps. La cabane actuelle - c' est de loin la plus haute habitation, si on peut l' appeler ainsi, de l' ancien monde - est construite sur le modèle de ces granges démontables que l'on vend dans les magasins de jouets, et dont les pièces sont assujetties par des chevilles et des tirants de bois. Les murailles extérieures sont faites de blocs plats, et le toit est chargé de quartiers de roc pour le maintenir par les gros vents. Elle est meublée de quelques planches brutes qui servent de tables et de rayons. Il y a deux fenêtres à glissières munies de vitres et un fourneau en fonte dont la cheminée sort par l' une des fenêtres. Les dimensions sont d' environ 4 mètres 30 sur 2 mètres 15; le toit de l' appentis est incliné vers l' ouest, pour que le soleil de l' après fonde la neige qui le recouvre. L' eau qui dégoutte de l' auvent est soigneusement recueillie dans des bouteilles, car il n' y a aucune autre possibilité d' en obtenir, sinon en faisant fondre de la neige sur le fourneau. Sitôt que le soleil se cache, pour peu qu' il souffle le moindre vent, le froid devient mordant et des glaçons se forment presque immédiatement au bord du toit...

« Le 21 septembre 1853, j' eus le plaisir de me trouver dans l' une des plus nombreuses compagnies qui ait jamais été réunie aux Grands Mulets. Pour autant que je m' en souviens, nous étions près de cinquante. Partis de Chamouni à 8 h., nous touchâmes les rochers vers 4 h. de l' après, ayant rencontré de grosses difficultés sur le glacier. A la tombée du jour nous fûmes rejoints par le cadet des Kehrli ( tenancier du bazar ) et Benoît, sommelier à l' Hôtel de Londres. Ils avaient bravement suivi nos traces, portant outre leurs sacs, à notre intention, du thé et de la crème de l' hôtel et une casserole qui nous fut très utile.

« Lorsque le soleil eut disparu, nous fûmes heureux de nous glisser dans le refuge; les guides eux-mêmes étaient impatients de profiter de son abri. Nous y étions tous bloqués comme des esclaves dans un bateau négrier. Il était littéralement impossible de bouger; chacun devait rester à l' endroit où il se trouvait. Le premier groupe s' assit sur le plancher, dos à la paroi; une seconde lignée s' assit droit devant eux, et ainsi de suite jusqu' à la porte. Les fenêtres étant fermées hermétiquement, on bourra le fourneau de bois vert, puis les guides fermèrent la porte et tout le monde se mit à fumer, si bien qu' au bout d' un instant l' atmosphère de la cabane devint intenable, et nous dames donner l' ordre de laisser les fenêtres ouvertes, sous menace de casser les vitres. Il va sans dire qu' il ne fut pas question de dormir; nous nous efforçâmes donc de nous divertir de notre mieux, et si des rires inextinguibles en sont une preuve, nous y parvînmes assez bien. En fait notre situation était si étrange et si comique que de pauvres facéties portaient assez loin, comme si nos plaisanteries - en d' autres circonstances elles nous eussent paru bien médiocres - sublimées par l' altitude, en devenaient plus légères et plus brillantes.

« A 2 h. du matin, quatre des touristes avec leurs guides, plus Benoît et Kehrli, se mettent en route pour le sommet. Leur départ permit à ceux qui restaient de dormir un peu, très peu, et de s' étendre de tout leur long. Mais le plancher semblait se faire plus dur de quart d' heure en quart d' heure, jusqu' à ce que chaque protubérance osseuse de notre corps fut devenue un point douloureux. De quelque côté que nous tournions notre sac en guise d' oreiller, il y avait toujours, quoi que nous fassions, des boucles sous la tête. Tout cela, toutefois, faisait partie des plaisirs de la course, et fit passer le temps jusqu' à l' aube. » La fin du chapitre donne quelques détails sur le Chamonix de 1853:

« La saison a été très favorable. Il y a eu plusieurs tentatives d' ascension au Mont Blanc; mais deux seulement ont réussi. L' automne prochain, une aile confortable sera ajoutée à l' Hotel de Londres, et M. Eisenkramer va ouvrir un salon' pour y passer les soirées, qui sera fort utile réunir les hôtes des différents hôtels. Auguste Balmat et les Kehrli ont ouvert deux belles boutiques pour la vente des objets en bois sculpté, parapluies, mackin-toches et autres objets de toilette. Une jolie Bernoise, vendeuse dans l' une de ces échoppes, n' est pas la moindre attraction du village. Au moment où je suis parti, on était en train de mettre sur pied une expédition pour aller rechercher les restes de Jacques Balmat, le premier vainqueur du Mont Blanc, qui a par la suite trouvé la mort dans les montagnes; mais ce fut sans résultat. »

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