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Le Brandberg

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Waller Schäfer, Johannesburg

( Une excursion dans le Sud-Ouest africain, à Pâques 1981 ) C' est à quelque 300 kilomètres au nord-ouest de Windhoek et Ago kilomètres de la côte ouest de la Namibie que se situe le massif du Brandberg, en bordure du désert de Namib. En fait, il s' agit d' une région montagneuse assez étendue comptant un grand nombre de sommets et de gorges profondes. Une couronne de collines d' ardoise noire et aux pentes escarpées entoure une chaîne granitique formant elle-même presque un cercle complet de quelque 25 kilomètres de diamètre.

Les quatre sommets principaux, le Königstein ( 2588 m ), l' Aigub ( 2530 m ), le Numasfeld ( 2525 m ) et le Horn ( 2510 m ), sont peu éloignés du centre du massif qui dresse ses flancs abrupts au-dessus de la surface plate du Namib. Dispersés dans toute la région montagneuse, une trentaine de sommets ( dont une partie seulement porte un nom ) culminent à plus de 2000 mètres. Tout autour du Brandberg s' étend le vaste désert de Namib dont l' altitude moyenne est de 600 mètres.

Voilà donc une brève orientation géographique. Mais, avant de lire le récit de cette ascension, plus d' un lecteur se demandera peut-être quel intérêt peut bien susciter une montagne aussi éloignée et apparemment hostile.

En fait, l' ascension du Brandberg offrira à celui qui est prêt à endurer la soifet à accomplir de gros efforts la découverte de trésors cachés dans une forteresse naturelle presque totalement inconnue.

Cette montagne intéressera sans doute tous ceux qui cherchent à connaître l' origine et l' his des anciens habitants d' une région. Des preuves indubitables révélant que le Brandberg a été habité pendant des siècles sont fournies, en effet, par les nombreuses peintures rupestres, par les outils de pierre et par d' autres vestiges trouvés sur place.

Le Brandberg laissera certainement une profonde impression à l' excursionniste qui, quittant un paysage désertique, pénétrera, au fur et à mesure qu' il s' élève, dans un monde nouveau où pousse une végétation, maigre, il est vrai, mais souvent unique en son genre.

Enfin l' alpiniste qui cherche à se dépasser en mettant à l' épreuve son courage et ses aptitudes trouvera aussi son compte sous les dures conditions climatiques de l' Afrique australe.

Le plus souvent on atteint le Brandberg en fin de journée. Au coucher du soleil ou peu après, les faces rocheuses et les sommets prennent une couleur si rougeoyante que toute conversation cesse autour du feu de camp.

Les membres de notre petite expédition contemplent, émerveillés, la chaîne de montagnes qui s' empourpre. Peut-être cet embrasement a-t-il donné son nom au Brandberg, à moins que ce soit cette apparence de terre brûlée que présentent les montagnes noires des alentours?

Tôt le matin, notre montagne se montre sous son aspect le plus accueillant. Les parois rocheuses et le sommet ont alors des couleurs chaudes et brunes, et l' air frais du matin invite au départ. Mais malheur à celui qui, se fiant aux apparences bienveillantes, se met en route sans emporter une grande réserve d' eau! Plus tard, lorsque le soleil s' élève dans le ciel en arrachant au sol sa dernière goutte d' humidité, le besoin de liquide devient insupportable. Comme les sources sont rares ou taries, il faut craindre la déshydratation.

Vers midi, la chaleur est si forte, au pied du Brandberg, que les rochers de granit et les gorges prennent une teinte bleuâtre et présentent un aspect repoussant et implacable.

l' ascension du brandberg ( vendredi saint i98i ) Dans l' air frais du matin et animés de la meilleure humeur, nous quittons notre camp installé dans le lit asséché du fleuve Amis. Nous avons choisi, comme enjuin 1975 déjà, le chemin de la gorge pour faire l' escalade de notre sommet. Cette gorge est certes raide, mais en revanche considérablement plus courte que les vallées de Numa ou de Zisab. Pleins d' espoir, nous voyons poindre le jour, alors que nous remontons la gorge orientée vers l' est. Bientôt notre regard se dirige vers le raide pierrier conduisant à la première arête de la montagne qui rayonne déjà dans le soleil du matin. C' est le prélude à une marche rude et épuisante. Bientôt nous sortons du lit de la rivière et

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Itinéraire SwakopmundBotswana traversons un terrain couvert d' énormes blocs de pierre. Sur l' un de ceux-ci, nous découvrons notre première peinture rupestre: une silhouette humaine allongée et les parties du corps d' un éléphant. Le temps et les intempéries ont pourtant endommagé fortement les couleurs. Nous trouverons des peintures mieux conservées seulement au moment où nous parviendrons à la limite du brouillard, vers 1800 mètres. Bien que l' air humide soit rare dans cette région, il peut tout de même arriver que les brumes de la côte, légèrement salées, atteignent le Brandberg et attaquent la couleur des peintures.

Nous suivons bientôt un sentier que les zèbres des montagnes foulent sans doute depuis des millénaires pour atteindre le point d' eau situé dans la gorge creusée par la rivière. Pourtant on ne voit point d' animaux. Il ne reste que leurs excréments prouvant qu' ils ont passé par là, il y a plusieurs jours. Leur visite a dû être infructueuse, car seuls les joncs desséchés sur un banc de sable attestent que l'on peut, de temps à autre, trouver une petite cuvette d' eau.

Nos langues sentent immédiatement un peu la sécheresse et instinctivement nous pensons aux réserves d' eau contenues dans nos sacs. Nous savons qu' elles sont juste suffisantes pour la montée, une nuit de bivouac et la descente, mais nous désirons tout de même passer quelques jours sur la montagne. Une vive discussion s' élève au sujet de l' eau et de ses qualités, au cours de laquelle Robert ( notre ami de Windhoek ) assure qu' il y a plus haut de l' eau jaillissant d' une source cristalline. Avait-il donc entendu que, il y a peu de temps, de noirs nuages d' orage avaient été observés sur le Brandberg et que, par conséquent, il devait avoir plu. Son optimisme ne manque pas de produire son effet, et nous poursuivons notre marche, séparés en deux groupes. Bruno, mon camarade de Johan-nesbourg, et moi voulons atteindre le plus rapidement possible la prochaine flaque d' eau et en rapporte la nouvelle.

Mais nous sommes encore tout en bas et peinons entre de puissants blocs de granit. Dans notre progression, nous sommes parfois obligés de nous écarter des à-pics glissants de la gorge. Beaucoup trop tôt, les rayons brûlants atteignent le fond et embrasent le sol. Nous pourrons de nouveau nous réjouir de ce soleil quand nous serons parvenus au sommet. Ici, au milieu des blocs de rocher, la chaleur, se réfléchissant comme sur des miroirs, devient intolérable.

Le but de notre journée, la crête qui domine le fleuve Amis, est encore éloignée. En outre, la température augmente toujours. Ce n' est que vers trois heures de l' après qu' elle atteindra son point maximum. Après plusieurs heures d' exposi intensive au soleil, j' ai atteint la limite du supportable; je me sens mal et ma volonté ne suffit plus. La condensation de la sueur a cessé, le corps ne peut plus se rafraîchir de lui-même, et il faut recourir à la gourde. Et nous ne savons pas si nous trouverons jamais de l' eau. Cependant même une ration de deux gorgées est déjà miraculeuse.

Toutefois les distances ( estimées à vue d' mil ) diminuent de plus en plus. Nos pensées et nos conversations tournent toujours autour du même sujet: boire, boire et... reboire. Le clapotis de l' eau d' une bouteille plus tout à fait pleine, enfouie dans le sac, résonne dans nos oreilles comme une musique enjôleuse.

Vers une heure, nous atteignons le verrou supérieur qui ferme la gorge. Pour moi s' impose un sérieux arrêt à l' ombre. Bruno contourne la barre rocheuse et découvre, à environ 1800 mètres, le premier trou rempli d' eau ( les précédents - contrairement à notre attente —étaient tous asséchés ). Ce n' est que de l' eau stagnante, rendue potable au moyen de pastilles spéciales. Cette découverte donne lieu cependant à un gaspillage ( excusable ) de notre propre provision d' eau. Après avoir soulagé nos gourdes d' un demi-litre du précieux breuvage, nous sentons renaître notre courage et notre désir d' escalader le Brandberg.

A deux cents mètres au-dessous de la ligne réelle de partage des eaux du territoire, à une hauteur de 1800 à 2000 mètres, s' étend une sorte de haut plateau, constitué par de nombreuses petites surfaces sablonneuses parcimonieusement recouvertes d' arbres, de buissons et d' herbe, et entrecoupées d' innombrables arêtes, sommets et gorges. Sur l' une de ces terrasses, nous installons notre camp de base.

LES HABITANTS DU BRANDBERG Les jours suivants, Robert et ses compagnons vont à la recherche de peintures rupestres dans les cavernes environnantes. Ils ont l' intention de les examiner et de les photographier systématiquement. Bruno et moi entreprenons de magnifiques excursions en partant de notre camp. Nous escaladons un sommet sans nom ( 2150 m ). La cime blanchie de cette montagne, tranchant sur le bleu profond du ciel, doit servir de point de repère à l' aigle noir des rochers que nous voyons tournoyer bien au-dessus de nous. Nous apercevons également deux antilopes en fuite. Ces gracieux animaux se sont tout à fait acclimatés à cet habitat rocheux. Ils se tiennent sur la pointe très peu aplatie de leurs sabots, ce qui leur donne une plus grande sûreté sur les surfaces lisses ou de petites dimensions. Leur effarouchement devant les deux intrus se manifeste par un martèlement sec des petits sabots qui semble nous dire: c' est notre terrain de chasse, ces rochers sont à nous!

Le sol pierreux est coupé de cicatrices herbeuses, on des buissons misérables, et même des arbres rabougris et tenaces ont trouvé une place pour subsister. Les arbres particulièrement feuillus, originellement non destinés à un climat trop sec, mènent un âpre combat pour leur existence. Nous avons admiré avec étonnement et respect les plantes et les animaux qui trouvent sur la montagne assez de nourriture et de volonté pour survivre. Sur les pentes et les à-pics rocheux croissent quel- ques aloè4 ( Aloe dichotoma ) qui se distinguent des autres plantes de la même famille par un tronc caractéristique à plusieurs arêtes. Il convient de relever que ces troncs se composent d' un tissu de canaux dans lesquels l' arbre emmagasine de l' humi pour une, voire plusieurs années. Les arbres Tsisus sont particulièrement beaux: leur tronc, couleur de miel, brille, et leur cime est ornée de feuilles d' un vert juteux. Voilà donc un coup d' œil rafraîchissant dans cette contrée si aride!

Au cours de la montée conduisant à la crête qui domine la paroi d' Hungarob, nous découvrons une variété inconnue d' euphorbes: ce sont des plantes au tronc large de to centimètres et long d' un à deux mètres; ils sont recouverts d' une écorce fibreuse et d' une sorte de « cheveux » de 15 centimètres de longueur. En fait, ce sont des branchages serrés qui commencent à peine de verdir. Décidément l' étrangeté et la variété de la nature n' ont pas fini de nous étonner.

Nous voyons souvent des excréments séchés de léopard, alors que nous descendons lentement dans les rochers jusqu' à une vaste terrasse. Nous rencontrons de petits mammifères qui ressemblent aux marmottes des Alpes: les damans. Ils nous regardent longuement et ne se retirent dans leurs abris rocheux qu' après une grande hésitation.

La vue est grandiose. Immédiatement devant nous s' étend un joli plateau sablonneux, entouré de blocs de granit arrondis et la chaude couleur rouge-brun. Au-delà s' ouvre la gorge profonde à la teinte bleuâtre.

Sur l' autre versant, des parois rocheuses s' élè jusqu' aux plus hauts sommets du Brandberg: le Königstein et l' Aigrub. Au sud, à quelque cent vingt kilomètres, nous distinguons la Spitzkopje et l' Erongo, autres massifs qui se dressent aussi en bordure du Namib. Nous jouissons pleinement de la grande quiétude qui caractérise ces contrées perdues.

En maints endroits, nous découvrons des peintures rupestres: servaient-elles à baliser un territoire habité ou simplement à décorer les cavernes?

Des outils de basalte noir, dispersés sur le terrain, remontent probablement au néolithique. Ce sont de nouveaux témoignages certifiant qu' une population primitive a vécu dans ces lieux retirés.

Contrairement aux grands et puissants outils de pierre, taillés dans l' ardoise durcie et que les archéologues ont trouvés au pied du Brandberg ou dans le désert, les spécimens découverts en altitude sont petits. Il semble que l' homme du paléolithique et celui du mésolithique ( créateurs des grands outils ) ne se soient pas aventurés dans la montagne. C' était peut-être par respect pour les dieux.

Les nombreux tessons de vases d' argile trouvés sur place apportent une nouvelle preuve que le Brandberg abritait autrefois une population fort active. N' est pas étonnant de découvrir les restes d' une civilisation passée dans une région aussi écartée, aussi inhospitalière et pourtant si magnifique? N' est pas émouvant de visiter des lieux abandonnés par l' homme depuis des millénaires, alors que de nombreux vestiges attestent une ancienne présence humaine?

A l' époque préhistorique le climat de l' Afrique australe était peut-être plus humide que maintenant, et il se peut que des hommes aient habité le Brandberg à divers moments de l' histoire. Si l'on compare les différentes peintures rupestres, on peut admettre que les artistes n' ont pas une origine commune et qu' ils sont les représentants de races diverses. Le Brandberg était occupé sans doute par de petites tribus ou familles dispersées sur de grandes étendues. La montagne n' a certainement jamais été surpeuplée.

Qui étaient ces hommesNous ne le saurons probablement jamais avec certitude, mais c' é sans doute des êtres vivant en parfaite harmonie avec leur environnement. Sinon ils n' au pu réaliser de si étonnantes peintures rupestres avec des moyens aussi simples. Les d' œuvre se trouvent dans des passages rocheux protégés et dans des grottes que les hommes utilisaient comme habitations ou comme lieux de culte.

Les habitants du Brandberg procédaient systématiquement au choix de leur « caverne ». Tout d' abord elle devait être à l' abri de l' humidité, même en cas de pluie, et puis la situation devait permettre de donner un large coup d' œil sur les environs immédiats. Les grottes ornées de dessins et les rochers surplombants que j' ai pu visiter qu' à maintenant débouchent presque toujours sur une terrasse sablonneuse où devait se dérouler sans doute l' activité quotidienne de la famille ou de la tribu.

Saisi par la beauté du paysage, je me suis assis un matin à l' entrée d' une de ces grottes où se succèdent et se superposent quelquefois une centaine d' images. A l' ouest, la vue s' étend au-delà du volcan Messum sur le sommet duquel, il y a deux ans et demi, j' ai passé, en compagnie de mon fils Beat, un merveilleux week-end, jouissant d' une tranquillité parfaite et absolue.

Les nuits dans le désert sont grandioses. Beat et moi, nous avions dormi au milieu des blocs de pierre rassemblés en cercle par les hommes du néolithique, puis nous avions escalade, tôt le matin, le cône du cratère pour assister au lever du soleil derrière le Brandberg. Maintenant que je suis moi-même sur le Brandberg, j' éprouve le sentiment d' être assis, non sous le soleil, mais devant l' astre du jour, impression qui me ravit et m' é profondément. Il me semble entendre battre le pouls de la création. Le modeste terrien que je suis reprend contact avec la nature. Je me sens proche des anciens habitants du Brandberg et de ces dessinateurs de peintures rupestres, même si j' ignore tout de leur origine et de leur genre de vie. Je serais à peine étonné, si l' un d' eux, nu et armé de son arc et de sa flèche ( tels les personnages graves sur le rocher ), sortait de sa caverne. Loin d' être intimidé, j' irais à sa rencontre comme on s' approche d' un ami, car les œuvres d' art peintes sur la roche et les outils trouvés çà et là m' ont déjà permis de faire sa connaissance.

N' ai pas, comme il l' a fait lui-même il y a des milliers d' années, passé les nuits précédentes sous le même ciel étoile et, comme lui, calculé la durée des ténèbres en me fondant sur la position de l' étoile du Sud? Comme on peut se réjouir, lorsque cette croix montre l' ouest! Elle annonce que le matin est proche. Encore quelques minutes... et un nouveau jour se lèvera sur le Brandberg.

Traduit et adapté par J.Roosen-Runge et P. Vaney

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