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Le Diemtigtal, paradis du ski de randonnée

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paradis du ski de randonnée

Ruedi Horber, Niederscherli BE

Le couloir du Spillgerten est derrière nous. Vue en direction du sud-est 28 décembre 1993. Une froide journée d' hiver aussi belle que dans un livre d' images, avec de la neige jusqu' en plaine. Pour commencer la saison, quoi de mieux qu' une randonnée facile dans les Préalpes? Pourquoi pas au Meniggrat, dans le Diemtigtal tout proche, à moins d' une heure de voiture de Berne? Cette vallée, la plus grande vallée latérale du Simmental, est attrayante par ses courses intéressantes et ses descentes raides, qui restent souvent en bonnes conditions jusque tard dans le printemps. Le Diemtigtal: un vrai paradis pour les courses de peau de phoque dans un environnement bien préservé.

Un monde intact?

A moins de 50 kilomètres du centre de Berne, on plonge sans transition dans un autre monde. Adieu le stress, les affaires urgentes, les chantiers gigantesques. Le bel hôtel de ville de Oey-Diemtigen invite à la contemplation, ce dont ne se privent pas les habitants du Diemtigtal, décrits dans les documents touristiques publiés par l' admi communale comme des gens « tranquilles et attachés aux traditions, critiques face à la nouveauté tant qu' elle n' a pas fait ses preuves ». Un habitat très dispersé caractérise ce paysage bien préservé et le développement touristique a gardé jusqu' à présent une certaine mesure. Sur une surface de 130 km2 ( plus de la moitié du canton de Zoug ) ne vivent que 2000 habitants, tandis que plus de 4000 têtes de bétail estivent sur 107 pâturages. Le Diemtigtal est la cinquième commune du canton de Berne, mais la première pour la surface de pâturages. Aujourd'hui encore, 45% des personnes actives y sont employées dans l' agriculture, alors que la moyenne suisse se situe à 5%.

Le Diemtigtal est-il dès lors un monde intact? En tant que skieur qui ne fréquente la vallée que pour y faire des randonnées, on aurait envie de répondre oui. Mais cette image est trop idyllique pour être vraie. Comme pratiquement partout ailleurs, l' agri de montagne affronte ici de difficiles problèmes de structure et le nombre de places de travail est limité. Les hivers pauvres en neige de ces dernières années ont aussi affecté le Diemtigtal dans les branches qui dépendent du tourisme ( remontées mécaniques, restaurants et hôtels, parahôtellerie ). Et en fin de compte, ce qui fait la joie des uns fait la peine des autres: sur les pentes au revers, la neige reste jusqu' à la fin du printemps; d' un côté, elle fait battre le cœur du skieur, mais de l' autre, elle rend l' entretien des pâturages plus difficile et rallonge l' hiver, ce qui peut peser sur le moral des habitants.

Cependant, les perspectives d' avenir du Diemtigtal, à moyen et à long terme, autorisent un optimisme prudent. La vallée fait partie de la région de montagne Thoune-Innerport et profite ainsi des prêts à intérêt très bas accordés par la Confédération pour les investissements d' infrastructures. La population résidente a légèrement aug- menté entre 1980 et 1990, tandis que le nombre de places de travail ( à temps complet ou partiel ) a passé de 1150 en 1975 à 1301 en 1990/91. Pourtant, les buts touristiques ( trop ) ambitieux que la Commune s' était fixés n' ont pas pu être atteints. C' est pourquoi les projets actuels restent sages; on ne prévoit pas de nouvelles constructions, ni pour des moyens de remontée mécanique, ni pour des hôtels ou chalets. Une détente active et sportive dans un paysage soigné, telle est la devise du Diemtigtal ( projet de développement 2005 ). L' alpi ne peut qu' approuver un tel mot d' ordre.

Vue sur la raide pente sommitale du Rothorn Des courses pour tous les goûts Si le bilan est partagé pour la vallée, il est nettement positif pour les amateurs de peau de phoque. Premièrement, le Diemtigtal est facilement accessible et à l' écart des grandes concentrations touristiques. Au-delà de Oey-Diemtigen, il n' y a plus d' agglomération; on ne trouve que des hameaux ou des fermes isolées, ici et là un restaurant, les remontées du Wiriehorn et, tout au fond de la vallée, la Grimmialp avec trois téléskis; rien de surdimensionné, donc. Les adeptes du ski de piste et ceux de la peau de phoque ne se gênent pas les uns les autres. Le paysage modelé par les hommes s' intègre harmonieusement à la topographie. Les nombreuses fermes et étables étagées jusque vers 2000 mètres ne nuisent pas au coup d' œil, au contraire: elles font partie du paysage hivernal du Diemtigtal. Elles offrent des abris en cas de mauvais temps et, par temps ensoleillé, on peut s' adosser à leurs parois pour se reposer ou prendre un bain de soleil après une belle descente dans la poudreuse ou la neige de printemps.

La vallée n' offre pas de montagne connue loin à la ronde, ni de randonnée à la mode; quant aux sommets de trois mille, on les cherchera en vain. Le plus haut est la Männliflue, qui culmine à 2652 m. En revanche, on trouve deux douzaines de montagnes skiables entre 1900 et 2600 m et d' innombrables variantes et couloirs de tous les degrés de difficulté. Les possibilités vont des parcours tout simples, praticables par tous les temps et sans danger d' ava, jusqu' aux courses exigeantes avec des pentes qui dépassent 40 degrés. A la première catégorie appartiennent par exemple, dans la moitié inférieure de la vallée, le Miniggrat ( 1949 m ) et le Turnen ( 2079 m ) ou, au fond, le Rauflihorn ( 2323 m ) et la Galmschibe ( 2425 m ). Durant les beaux week-ends, on n' est jamais seul dans ces classiques. D' autres sommets posent davantage d' exigences: le Seehore ( 2281 m ), au-dessus de la Grimmialp, le Mägisserhorn ( 2347 m ) et le Hohniesen ( 2454 m, appelé aussi Bündihore ), dans la chaîne du Niesen, ou encore le Drümännler ( 2436 m ), à l' angle sud-est du Diemtigtal. On a ensuite toute une série de buts de courses vraiment sérieux, que ce soit par la longueur de la montée, la raideur du terrain, l' exposition ou le caractère alpin. Sans vouloir révéler les itinéraires secrets connus uniquement de gens de la région, tels Heinz Neukomm, l' aubergiste de Horboden, on peut citer la Männliflue ( 2652 m ) et le Cheibehorn Soleil, montagnes et neige à perte de vue! Coup d' œil en direction de l' ouest, depuis le sommet du Rothorn ( 2460 m ), ou le Rothorn ( 2410 m ) et le couloir de Spillgerte ( 2400 m ), au-dessus de la Grimmialp. Il ne faut pas négliger le versant nord du Gsür ( 2709 m ), dans le Färmeltal, une course tout à fait alpine avec un couloir raide qui ne peut être fait que par conditions absolument sûres mais qui jouit d' une popularité croissante.

L' alpiniste ne pourra certes pas se rendre n' importe quand au Diemtigtal, mais la saison y est longue, compte tenu de l' alti relativement faible. Elle commence en général en novembre et s' étend jusqu' à début juin dans les régions supérieures. Dans la partie sud-est de la vallée, à Fildrich ou Chilei, la neige reste longtemps, même dans les « années maigres », si bien qu' on peut en déguster la variété printanière jusqu' à début juin au Winterhorn ( 2609 m ) ou au Drümännler, à condition de ne pas craindre le soleil déjà chaud ni le portage occasionnel des skis.

Après cette louange du paradis du ski de randonnée, voici le récit de deux courses d' une certaine difficulté qui se déroulent dans le fond de la vallée.

Le Rothorn ( 2410 m ) Je me souviens encore très précisément de ce dimanche 27 janvier 1991. Un froid matin, un ciel bleu piqueté d' étoiles, tout au fond de la vallée, sur la place de parc de la Grimmialp ( 1214 m ). Il est 8 heures, tout est encore dans l' ombre. Des douzaines de skieurs se préparent, contrôlent une dernière fois leur matériel, et en route pour le Rauflihorn. Mais aujourd'hui, Bernhard, Fritz, Heinz et moi, nous avons un autre but en vue, plus lointain: le Rothorn. C' est un sommet dont je rêve depuis longtemps. Dressé fièrement au fond de la vallée, il en forme le verrou avec la dent marquante du Spillgerte. Ses versants sont abrupts. Une magnifique photographie, dans le livre de Daniel Anker et Hans Grossen sur les 100 plus belles courses à ski de l' Oberland bernois, nous a mis l' eau à la bouche et convaincus de sortir une fois des sentiers battus.

Tandis que la foule des skieurs attaque le Rauflihorn, nous sommes bientôt seuls sur la pente qui monte à Wildgrimmi. Le froid est mordant, la neige profonde et poudreuse, le ciel sans nuages. Bientôt la forêt s' éclaircit, le terrain s' aplatit un peu et l'on a maintenant une bonne vision de la montée, plus raide vers le haut, en direction de la selle ( 2224 m ) située entre Rothorn et Spillgerte. Cette vue éveille en moi le souvenir de mon ascension de la Dent du Géant, dans le massif du Mont Blanc, il y a plus de 20 ans. Le décor est alpin, rude, la trace s' incurve. Nous avons dépassé les derniers arbres depuis longtemps et à main gauche se dresse le Rothorn avec son impressionnante face ouest.

Arrivés à la brèche, nous nous accordons une pause assez longue et nos regards ne cessent d' être attirés par la face ouest, si abrupte. Nous suivons la trace de montée et fixons les couteaux. Surtout, ne pas glisser! Nous attaquons prudemment la dernière montée. Elle est moins terrible que nous ne le craignions et les conditions sont excellentes. Un premier skieur dessine déjà sa trace de descente. Il glisse avec élégance, c' est un habitué qui enchaîne encore avec le couloir du Spillgerte. Après trois bonnes heures de montée, nous atteignons le sommet. Quel sentiment fantastique, le Rauflihorn est à nos pieds. Là-bas des douzaines de skieurs, ici une dizaine à peine qui admirent le panorama impressionnant.

Une heure après, nous sommes 500 m plus bas, dans le vallon de Wildgrimmi. Nous jetons un regard en arrière sur la face ouest, un vrai régal avec des conditions comme aujourd'hui. Une inclinaison de 40 degrés au maximum, une neige poudreuse presque pas skiée, pas de danger de glissement de plaques de neige ou d' ava. Nous sommes détendus et soula- Après le passage du couloir du Spillgerten. Au milieu de la photo, le Rothorn gés, les difficultés sont derrière nous. Un dernier coup d' œil sur le fier sommet du Rothorn, puis nous nous dirigeons vers un terrain plus plat. Le quotidien nous reprend... jusqu' à la prochaine course dans le Diemtigtal.

Männliflue ( 2652 m ) La Männliflue, point culminant du Diemtigtal ( alors que le point le plus bas se trouve à l' angle nord-est, au bord de la Simme, à 640 m ), est un belvédère connu, d' apparence imposante. C' est surtout vrai de son versant sud, lorsque la coupole sommitale couverte de neige brille au soleil. A ce moment, elle n' est pas moins impressionnante que les volcans d' Amérique du Sud, malgré son nom qui évoque plutôt une bonhomie toute helvétique ( « Männliflue » = la falaise du petit homme )! Vue de Steibode, au fond de la partie sud-est de la vallée, la Männliflue se détache majestueusement sur l' horizon; elle paraît inhospitalière et infiniment éloignée. Ce sommet est-il vraiment idéal pour la peau de phoque?

Eh bien oui, tout particulièrement au printemps. Le ski de randonnée connaît un vrai boom et grâce à l' amélioration de la technique et du matériel; même des skieurs moyens se lancent toujours plus souvent dans des courses longues et raides. Alors que la Männliflue n' était que rarement gravie à ski il y a 20 ans, elle est devenue aujourd'hui une vraie classique. Il peut arriver lors de beaux week-ends qu' elle voie passer entre vingt et trente randonneurs. Cependant, cette course reste relativement difficile et ne peut être entreprise que par conditions sûres. Pour la montée, il faut compter quatre heures et la pente sommitale est raide et fatigante car elle est orientée au sud-est et bien exposée au soleil du matin; tout en haut, l' inclinaison de la pente est de 38 degrés. A la descente, il faut un En descendant de la Männliflue certain courage pour s' élancer depuis le sommet aérien, mais en général on est récompensé par une splendide neige de printemps jusque dans la vallée.

12 avril 1992. Fritz, Konrad et moi, nous faisons nos derniers préparatifs à Fildrich ( Chilei ), 1353 m d' altitude. Il est 6 h 30 du matin et le froid est vif, mais une magnifique journée de printemps s' annonce. Sur les versants sud, il n' y a plus que quelques restes de neige, mais à Steibode tout est encore blanc. Nous suivons d' abord une piste bien marquée en direction du Drümännler et du Gsür, puis nous remontons des pentes assez raides jusqu' à Mittelberg ( 1764 m ). Le dôme de la Männliflue se dresse fièrement à l' arrière. A notre gauche, la Galmschibe, déjà presque dépourvue de neige. Après une courte pause, nous continuons à monter en direction d' Obertal sur une trace dure qui nous oblige à fixer les couteaux et qui nous fait transpirer. A 2200 m environ, nous nous accordons une dernière pause. Il est presque 9 heures et le soleil chauffe déjà impitoyablement. Nous sommes loin d' être seuls; deux douzaines de skieurs environ ont choisi comme nous la Männliflue.Voici maintenant le couloir sommital, abrupt, orienté au sud-est. La trace est bien faite cette année; malgré tout, la sueur nous coule le long du front, la pente n' en finit plus. Chacun monte à son rythme. La partie supérieure de la pente est encore plus raide. Enfin, nous voici arrivés, après trois heures et demie de montée, sur la plus haute montagne du Diemtigtal.

Il est midi, nous sommes attablés à l' auberge de Horboden devant une grande bière. Nous faisons notre rapport de course à Heinz Neukomm. Aujourd'hui, c' était vraiment l' idéal. Une journée splendide, une trace commode, une neige de printemps parfaite depuis le cairn du sommet jusqu' à la voiture. La première partie de la descente est exposée, raide, il faut une concentration totale. Mais plus bas, ce sont des pentes superbes où on peut laisser aller. Et puis on vise les dernières taches de neige jusqu' à ce qu' on arrive au fond de la vallée. La Männliflue offre vraiment tout ce qu' on peut souhaiter: une montée relativement longue qui demande un certain engagement; une pente sommitale raide; une vue fantastique, sans pareil loin à la ronde; le plus haut sommet du Diemtigtal, ce qui compte pour ceux qui collectionnent les records; une forme harmonieuse qui comble les esthètes; enfin, des conditions d' enneigement en général très bonnes.

Postface Je crois bien qu' il n' est pas exagéré de parler du Diemtigtal comme d' un « paradis du ski de randonnée ». Personnellement, c' est là que j' ai réalisé mes plus belles courses à ski. Par exemple la montée au Mägisserhorn, un après-midi d' hiver peu Traduit de l' allemand par Annelise Rigo avant la nuit. Ou bien la course facile sur le Meniggrat un jour de novembre, juste après une chute de neige. Ou encore les descentes raides du Gsür ou du couloir de Spillgerte un jour de semaine. Enfin, une course que je fais pratiquement chaque année: la descente depuis les rochers sommitaux du Drümännler dans une neige de printemps magnifique. Et je pourrais encore allonger la liste.

Et les habitants du Diemtigtal, quel profit tirent-ils du plaisir ressenti par les skieurs venus de la plaine? A l' exception de la bière traditionnelle après la course, il n' y a quasiment pas d' argent qui reste dans la vallée; au contraire: l' automobiliste utilise les infrastructures en place et contribue à polluer l' air. L' alpiniste ne pourrait-il pas apporter son aide aux régions de montagne? Par exemple sous forme d' une taxe volontaire de Fr.5. par personne pour l' utili des infrastructures. Cet argent pourrait être versé à un fonds pour le soutien de projets de développement écologiquement intéressants. Quelques dizaines ou même centaines de milliers de francs par année seraient ainsi récoltés pour le seul Diemtigtal. Mais l' argent n' est pas tout. Une telle action pourrait promouvoir la solidarité et la compréhension entre habitants de la plaine et de la montagne. Faire des courses à ski dans un paysage intact, mais aussi dans une région qui garantit à ses habitants des chances réelles de développement - voilà un exemple de solidarité vécue qui conviendrait bien aux alpinistes-skieurs.

Bibliographie D. Anker, R. Schnegg, F. Labande: Ski alpin 4 - Vaud, Fribourg, Berne ( éd. du CAS, 1994 ).

F. Labande: Ski de randonnée, Ouest-Suisse, Genève 1986.

D. Anker, H. Grossen: L' Oberland bernois à skis. Paris 1990.

D. Anker, F. Labande: Skitouren Schweiz, Band I, Berner Oberland, Wallis. Innsbruck 1991.

Entwicklungskonzept 2005 Bergregion Thun-Innerport. Heimberg 1993.

Administration communale Oey-Diemti-gen: divers documents sur le Diemtigtal.

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