Le Verdon, Yosemite des pauvres | Club Alpino Svizzero CAS
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Le Verdon, Yosemite des pauvres

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Claude et Yves Remy, Bossière ( VD )

Préoccupés par une future visite du Verdon, nous avons dû parcourir les voies d' entraînement pour la pratique, et compléter nos informations à l' aide de livres ou de revues. Les histoires et les descriptions des falaises de haute Provence sont des plus alléchantes, mais pas toujours rassurantes: grimpeurs pris dans d' inquiétantes parois souvent en surplomb, où parfois même le IV ressemble au VI!... Bref, le Verdon, des sa découverte ( en 1968 seulement ) « réussi » par quelques-uns des meilleurs grimpeurs du moment, a su créer, grâce à sa « nouvelle ambiance » et ses difficultés, un mythe.

Au début de mai, nous gagnons Genève et poursuivons la route dans l' auto de notre ami R. Burdet. Nous quittons le Salève pour nous enfoncer dans de gros nuages, qui ne sont pas une invitation du soleil de Provence.

Quelque part sur la route, un restaurant nous accueille. Dehors la pluie fait rage. Par une fenêtre nous distinguons la neige sur les montagnes... Quelle année pourrie!

Vers le milieu de l' après, nous passons Moustiers-Ste-Marie en compagnie d' un soleil discret. Le décor change, l' air aussi. Par une route étroite nous pénétrons dans le domaine renfermé et tortueux du fameux canyon du Verdon. Nous découvrons, perdu dans la lavande, le pittoresque village de La Palud où l'on peut se ravitailler. Quelques virages plus loin, nous arrivons au Point Sublime... Il l' est! De grandes parois bordées de piliers dessinent dans le ciel leurs geometries verticales, pleines de promesses.

Nous descendons au parking, en face du Couloir Samson, nous mêler à une foule animée. En effet la région se prête à divers sports, principalement la randonnée, le canoë ( il faut en ce moment attendre un débit d' eau plus faible ) et la varappe. Désireux d' en connaître plus, nous continuons par le touristique et renommé sentier Martell. En face se dresse l' imposante Paroi du Duc, qu' Yves a déjà escaladée par la Voie des Enragés, tout un programme de haute voltige.

1 Cet itinéraire pédestre de grande classe par sa beauté a été parcouru pour la première fois par E.A. Martel. Il a été aménagé par le Touring club de France en 1925.

Si la tumultueuse rivière a creusé son lit parmi les rocs verticaux, l' homme aussi a dû s' y frayer un chemin, et nous nous engageons dans un tunnel. Découverte de magnifiques baumes creusées par l' érosion et plus loin, sur notre droite, examen d' un mur déversant de couleur vive, où se déroule principalement l' itinéraire de la Castapiane Rouge. A la sortie du prochain tunnel, vue saisissante de la Paroi Rouge qui propose une redoutable voie d' artificielle sur un mursurplombant. La face nous inspire un sentiment de crainte et de désir, surtout lorsqu' on sait que la paroi avance de trente mètres avec des traversées horizontales sur rurps ( le plus petit piton ). La suite de notre balade dans le Chaos du Trescaïre ( nom de cette partie du Verdon ) nous laisse rêveurs: des falaises encore plus belles, dotées de fissures spendides, montent là-haut d' un élan prodigieux, et partout des piliers sans défaut s' avancent, telles d' immenses proues de navires échoués. Le Verdon lui-même complète le décor de ces lieux sauvages et a su accorder à la bonne note son continuel mugissement.

Retour avant la nuit. A côté du parking, dans de vastes baumes, nous découvrons notre chambre à coucher...

Tôt, contrairement aux habitudes du pays, nous avalons notre petit déjeuner. Le choix de l' itinéraire n' a pas fait l' objet de grandes discussions: le frangin - qui restera le leader - déclare: - Le Pilier des Ecureuils est juste ce qu' il nous faut: équipé, magnifique, conseillé, extrême...

Après une agréable promenade dans le maquis, nous voilà les trois au pied d' une paroi de rochers bien raide. Le ciel lâche ses promesses, ce qui a pour conséquence, malheureusement, de faire abandonner notre copain Roger. Nous lui demandons de venir nous chercher au sommet, par la route des Crêtes, vers deux heures. ( Une route parcourt le plateau sommital, ce qui a pour effet, si l'on rencontre un automobiliste complaisant, de rendre le retour vraiment tranquille. ) La pluie, qui vient de cesser, semble n' avoir pas même mouillé le rocher.

D' emblée on est plongé dans l' ambiance sévère de la course, qui est aussi celle du Verdon. Les pitons sont rares, juste pour permettre la progression. Après un court passage sur étriers, nous découvrons une fabuleuse longueur dans des « gouttes d' eau » ( anfractuosités du rocher ). Le jardin, qui interrompt peut-être la course, offre un endroit bien sympathique parmi la verdure pour se reposer quelques instants. La suite? Comme l' indique si simplement, en trois mots, le topo ( et pour beaucoup d' autres voies d' ailleurs ): suivre la fissure.

Attentif, suspendu aux pitons, j' observe mon frère qui s' éloigne horizontalement. C' est un des passages « délicats » de l' ascension, pour ne pas employer d' autre terme. Plus haut, il faut retraverser et rejoindre la fissure que l'on a quittée.Voie qui se révèle pleine d' intérêt et de variété, et que l'on « classera » comme la plus jolie de celles parcourues au Verdon. La suite, dotée de bonnes prises, mais diablement verticale, comprend un passage athlétique. Pour changer, une fissure-che-minée s' escalade en coincements, et nous débouchons sur le plateau sommital. Des Français, qui ont pris part à quelques premières dans la région, nous regardent, surpris. Si tôt?... Ainsi nous constatons que, partis pour sept heures de « grimpe », comme indique, nous en avons mis moins de la moitié!

L' après s' annonce « vivifiante », et la météo penche pour le mauvais temps. Roger préfère rentrer en Suisse.

Durant la nuit, un violent orage se déchaîne et, sous les baumes dégoulinantes, nous sommes obligés de changer plusieurs fois de « lits »; puis la journée s' annonce sans espoir... Entre deux averses, pendant une accalmie, nous profitons d' aller repérer le départ des ascensions.

Le lendemain, dimanche, soleil! Une horde de grimpeurs s' engouffrent dans les tunnels pour se disperser selon leur choix au pied des voies, mais la majorité se trouve au départ de la très classique Demande. Nous serons seuls à la Ula, et pour cause; cette voie semble avoir les mêmes caractères que les Ecureuils, avec, en prime, des difficultés nette- ment supérieures. C' est l' une des plus sérieuses escalades libres du Verdon; trois cents mètres entre V+ et VI!

Dès le premier pas, c' est violent, et le passage ressemble à du bloc d' école. En tout cas, il fait mal aux doigts. Dans une traversée à droite, nous franchissons le seul passage qui nécessite l' emploi de deux étriers; plus haut, nous abordons le jardin et, de là, assis, nous admirons la fissure qui file d' une envolée de deux cents mètres dans le ciel. Yves s' engage. D' emblée la confrontation avec les difficultés est très sévère.Verticalité et absence de points d' assurage ( nous n' utiliserons pas de coinceurs ) offrent une ascension continuellement soutenue et athlétique. Yves passe un « titon » ( variété de coinceur ) qu' il me demande de récupérer. Coincé dans cette large fissure, j' essaie de libérer le « titon » d' une main maladroite. Si des prédécesseurs l' ont laissé, c' est certainement pour de bonnes raisons... Afin de faciliter les mouvements, je demande à mon frère de me bloquer sur la corde. Suspendu, je me vois m' éloigner de la paroi... Rapidement j' ai compris, et préfère abandonner la position d' araignée, ainsi que le coinceur, pour gagner le relais. Nous poursuivons dans la fissure surtout en coincements qui écorchent peau et habits sans distinction. Encore des passages vraiment « chers », puis la sortie nous offre une sorte de reptation. Heureux, nous terminons cette extraordinaire escalade, qui se déroule sur un bon rocher. Nous avons rencontré moins de trente points d' assurage, y compris ceux des relais, ce qui est fort peu, surtout pour ce type de voie. L' exposition du grimpeur y est nécessairement excessive, mais on peut la diminuer par l' utilisa de coinceurs ( à quoi le rocher du Verdon se prête particulièrement bien ). Il est possible ainsi de conserver un itinéraire de haute valeur, pratiquement dans l' état où l' ont trouvé les premiers ascensionnistes. Encore une fois notre horaire est rapide: moins de quatre heures, ce qui nous laisse envisager la Paroi Rouge sans bivouac. Au Belvédère, qui offre un magnifique point de vue sur Y Escales, nous rencontrons quelques-uns des ani- 72 A 3500 mètres environ: porteur dans la forêt de bruyère, humide de brouillard et tapissée d' usnée ( barbes de lichen ) 73 Lac Vert ( 4200 m ) au fond d' une forêt de séneçons presque impénétrable. Comme des chandelles, les lobélies se dressent dans les clairières 74 Sols striés par le gel ( 4550 m ). A l' arrière, on reconnaît des buissons d' immortelles ( Hehchrysum ) mateurs du Verdon, et Stéphane Troussier qui vient avec son ami de faire la Paroi Rouge en dix heures ( certainement la première sans bivouac ). Ils nous signalent la nécessité de planter quarante à cinquante pitons, et nous avertissent aussi d' une longueur particulièrement dangereuse: le rocher pourri est complètement « péteux », selon leur expression.

Mais il est tôt dans l' après. Nous envisageons encore une escalade et partons en auto-stop pour la Falaise des Malignes, où se trouve le chalet du TCF. Rapide descente à pied. Nous jugeons que la voie Chan-Thé devrait nous convenir, mais surprise... le Verdon est si large qu' il empêche toutes nos tentatives pour le traverser afin de gagner le pied de la face. Ah! sacré Verdon! Ainsi on saura désormais s' en méfier, et la valeur de l' itinéraire en est encore augmentée par cette difficulté. Plus tard, nous l' apprendrons, un chemin avec rappel permet de gagner directement le bas de la falaise. Evidemment, le topo des Alpes de Provence est fort apprécié et permet de réaliser déjà de magnifiques entreprises, mais on y découvre de notables erreurs, dues au manque de connaissances au moment de sa réalisation. Il permet sans doute de faire les voies ( peut-être pas toutes !) et leur conserve ainsi un attrait de fraîcheur, de découverte et d' aventure. De toute façon les grimpeurs sont mis en garde. Néanmoins il nous faut remonter à pied, et nous découvrons que, avec les chaussures souples, c' est pénible!

Le lendemain est déclare jour de repos et, pour le rendre bien évident, Yves choisit une voie qu' il juge « aisée », mais très recommandée. Son nom ne laisse d' ailleurs planer aucun doute: Y Eperon Sublime.

Nous gravissons les premières longueurs de la Demande qu' Yves connaît déjà, et nous voilà au Balcon. On se croirait dans un jardin privé, perché dans les verticales sur une grande terrasse. Nous traversons à droite et découvrons le pilier... vraiment sublime. L' escalade se révèle variée: délicates traversées, fissures en coincements, passages surplombants et, comme pour mettre un point 75 Les deux plus hauts points du Ruwenzori, vus du Pic Albert: P. Margherita et P. Alexandra, tous deux au-dessus de 5100 mètres 76 Le glacier Stanley ouest vu du Gîte de la Moraine 77 La majestueuse Pointe Alexandra vue de Margherita 78Vue du Pic Margherita ( 5122 m ) vers le nord-est. Il est g heures du matin et le thermomètre marque -33 degrés final, une splendide traversée sur la gauche en artificielle ( seul passage ), que nous exécutons suspendus au rocher, dans un décor fantastique de fil à plomb. D' une dernière longueur nous joignons les touristes qui nous observent. Tôt nous sommes à notre chambre à coucher pour nous préparer au sérieux du lendemain: la voie Guy Héran de la Paroi Rouge. Ouverte en juin 1970 par B. Dineur, S. Gousseault, G. Héran et P. Louis en trois jours, après préparation préalable, cette voie est l' une des plus difficiles ascensions d' artificielle, du fait des zones surplombantes à franchir ( finalement la voie « avance » de moins de vingt mètres ), de la variété du pitonnage ( actuellement facilité par la présence de nombreux clous en place ), de l' incom des relais, ainsi que de l' engagement qu' elle exige du grimpeur.

Nous avons mal dormi! C' est normal. Nous nous forçons à manger. Selon notre habitude, pour une journée nous n' emportons pas de provisions; mais l' exception confirme la règle, et nous fourrons dans une poche une bouteille de produit fortifiant. Il fait encore nuit quand nous sommes déjà au pied de la paroi. Elle nous apparaît encore plus sauvage et lugubre qu' en plein jour. Deux trous situés sous le surplomb final « humanisent » la face...: nous y voyons le visage d' un diable qui nous nargue. Il nous faut attendre la lumière, et de gros nuages font durer le plaisir...

Encordé « léger », Yves est parti. Jusqu' à la première grotte c' est du libre, et je garde le matériel lourd. Une rampe donne du fil à retordre, l' équi est réduit au minimum. Plus haut, il faut quitter les cannelures et un petit dièdre par une traversée horizontale à gauche, sur un rocher qui demande circonspection. Nous accédons à la grotte qui offre un aspect complètement délité. En une traversée tout aussi horizontale, nous gagnons la deuxième grotte et nous découvrons les pitons rurps. Même bien plantés ces bouts de ferraille sont, comme on le sait, terriblement petits. Je ne trouve pas tout de suite le moyen de récupérer les étriers. Arrêt ( à ne pas prolonger ), vue du « gaz » environnant, goût de sel autour de la 72 79 Le puissant glacier Alexandra s' écoule entre les pics Albert 81 Terrasse marécageuse près de lagrotte de Bujongolo ( au milieu ) et Alexandra ( tout à droite ) 82 Dans les glaces de la Pointe Margherita Photos J. und B. Lichtenegger, Zürich 80 Au bord du lac Kitandara bouche... Finalement un piton, en haut à gauche, me facilite les opérations. Au bon relais de la grotte, qui sert souvent d' emplacement de bivouac, nous absorbons le liquide miracle. La suite, maman! c' est le genre de longueur qui donne envie de partir en courant... ailleurs. Yves s' oblige à une escalade plus dangereuse que difficile, la précaire stabilité des blocs réclamant la plus grande attention ( passage coté originalement A4, qui s' effectue en libre ). Puis il franchit le toit et, quelques mètres plus haut, arrive au relais du Genévrier ( comme souvent dans les voies du Verdon, on découvre des arbres qui permettent la progression ou le relais ). Tout de suite je suis plongé dans les réalités du rocher « péteux », c' est vraiment risqué! Quand j' arrive sous le toit, mes habits sont trempés de deux sources de sueur: efforts et tension nerveuse ( comprendre peur ). Le passage du toit est... acceptable, puis à califourchon je m' installe sur l' arbre qui a su trouver la vie dans ce monde hostile. La valse du pitonnage commence sérieusement, toujours le long de zones surplombantes. Nous gagnons le relais sur étriers de la Fesse d' en bas ( désignation du passage ). Qui dit pitonnage dit dépitonnage et, pour s' assurer de la suite, il est important de consacrer un moment à la récupération du matériel. Ainsi, précieusement, je remets à mon frère les outils du rochassier, modeste challenge du second, qui doit passer sans rien oublier. Pour assurer notre rapidité ( et éviter un éventuel bivouac imprévu ), Yves s' em à fond et se lance dans du libre très osé, afin, comme d' habitude, de limiter l' emploi des moyens artificiels. Le soleil aussi poursuit sa course, et nous subissons l' un de ses aspects négatifs: sa chaleur trop généreuse. En plein été, le Verdon doit ressembler à un four aux dimensions géantes. Le passage de la Fesse se parcourt en libre tire-clous; puis, sur étriers, nous quittons par un toit à gauche l' ambiance sévère de la Paroi Rouge pour nous trouver suspendus à un relais. D' une longueur nous arrivons sur une large vire, et un dièdre donne accès à la barrière du bord de la routed ).

Photos D. Dühmke, Dogern Des Belges nous regardent ébahis, sortir du précipice. En bas, le Verdon étire son mince filet d' eau verte. Qu' il est petit! Difficile dialogue entre le monde du tourisme automobile et ceux qui émergent de ces « effrayantes profondeurs ». Fatigués, nous nous couchons à même la route; le matériel reste pêle-mêle. Des grimpeurs de la région arrivent en auto; ils sont allés en face pour observer les parois en vue d' ouvrir d' autres voies. Le Verdon est encore plein de possibilités, puisque même certaines falaises n' ont été que peu visitées.

- Ah! dites donc, vous avez foncé: neuf heures pour la Guy Héran!

Ainsi, espérons que nous avons su conserver l' excellente réputation des « petits » Suisses, que Claude Redard ( GE ) a su établir au Verdon.

Le lendemain, une violente pluie tombe à point pour justifier sans regret une journée de repos que nous nous accordons avec plaisir. La visite de grimpeurs pleins de projets laisse envisager pour demain, avec Philippe Martinez, l' escalade de la voie la plus difficile en libre: l' Estemporanee ( l' une des nombreuses voies de F. Guillot ).

Par la route des Crêtes, en auto d' abord, nous gagnons le haut des falaises de l' Eycharme, qui plonge de plus de deux cent cinquante mètres dans le Verdon. Par une sente peu marquée, au bas d' un couloir raide où pousse une abondante végétation, nous gagnons le pied de la face sous un ciel douteux. La première longueur est vite enlevée, ce n' est pas encore sérieux. Yves avec brio franchit la dalle suivante qui semble coriace. Elle l' est, avec des « gouttes d' eau » qui nécessitent de bons « accroche-doigts ». La suite, à première vue, nesemblepas du gâteau: une fissure tout arrondie, aux bords lisses, s' élève par bombements successifs à l' assaut du ciel.

Yves, coincé, s' avance verticalement, cela fait presque peur! Il souffle épais, gémit, émet diverses appréciations sur l' itinéraire et ses premiers ascensionnistes, jure en voulant s' accrocher à un petit arbre qu' il découvre bien trop fragile, évite un relais et « tire d' une longueur » pour aborder enfin la plate-forme du quatrième relais, épuisé. Phi- lippe ne demande plus d' aller en tête et se répand en appréciations élogieuses sur Yves. Moi je ne pose plus de questions et me contente de suivre, même si parfois je ne comprends pas la solution. Bref, la cordée s' élève par bonds successifs. Faire une description des passages est lassant, puisque c' est continuellement extrême et fait de difficultés pénibles à surmonter. C' est certainement une voie qui requiert une complète désintoxication de la musculature et exige un engagement complet dans l' effort à fournir. En exécutant cette voie en libre avec moins de quinze points d' ancrage, Yves fournit un exemple d' escalade de VI, puisque ( nous l' apprendrons plus tard ) l' Estemporanee n' avait jamais été escaladée ainsi auparavant.

A peine avons-nous gagné le « sommet » que la pluie nous accueille.Vite nous franchissons le talus pour nous engouffrer dans l' auto et allons nous offrir un verre à La Palud où nous rencontrons J. Perrier ( surnommé Pschiit ) et quelques grimpeurs locaux. La conversation est passionnante, et, à propos de la graduation, nous aboutissons à une conclusion que la cotation est en rapport avec le matériel utilisé et l' horaire réalisé par les cordées.

Au soir arrive notre père. Il vient de « terminer » une haute route valaisanne abrégée par le mauvais temps, qui semble sévir partout.

Pour papa, nous avions conservé un morceau de choix: la Luna-Bong. C' est la ligne d' une magnifique fissure qui s' élève d' un jet depuis le Balcon entre la Demande et Y Eperon Sublime. Encore un des nombreux itinéraires très logiques du Verdon qui se réalise en coincements « affolants » et révèle des difficultés à ne pas sous-estimer. Mais le « paternel » n' est nullement impressionné, et c' est rapidement que nous gravissons cette splendide voie qui se déroule sur un rocher massif. De chaque côté, nous entendons pitonner, preuve que malgré une bonne idée écologique, le coinceur n' est pas la solution unique ou la plus adéquate, surtout pour ouvrir une voie. Sous un soleil de plomb, qui nous encourage traîtreusement au repos, nous débouchons sur le terrain plat.

Le lendemain, le temps menace et annonce une journée de pluie. Seule la voie conseillée du Péril Rouge semble envisageable, puisque son surplomb final protège la face des intempéries.

Papa nous conduit au-dessus des falaises de YImbut et préfère nous quitter pour une cure de sommeil. Du bord gauche du Belvédère de la Maugue, nous suivons dans les « dérupes » un étroit sentier pour touristes avertis. Son cheminement insoupçonné et aérien se découvre au fur et à mesure d' une agréable descente, en vingt minutes, jusqu' au fond du canyon.

Au pied des voies, nous récupérons, à notre bonne surprise, un joli lot de matériel perdu.

Et c' est l' encordage. Yves quitte la végétation. Ici aussi le Péril Rouge s' accorde bien avec la couleur de la face. Moins franc et solide que d' habi, le rocher présente quelques courtes zones médiocres, sans dangers particuliers, mais qui réclament de l' attention. Le pitonnage minimum laisse une escalade absolument libre. Une splendide écaille offre un passage remarquable ainsi que plusieurs rétablissements légèrement déversants. Autour de nous, des oiseaux se livrent à un véritable ballet, peut-être essaient-ils de nous convaincre de la supériorité de leur mode de transport... Nous aboutissons au passage final ( très court ), qui se franchit avec les étriers. En deux heures trente, nous avons parcouru cet itinéraire qui mérite le déplacement, mais nous voilà sous la pluie. A la route, nous attendons le « paternel » au rendez-vous, fixé à plus tard...

Pour la dernière journée, nous effectuons, les trois, le modeste Pilier sud, situé dans la falaise du Point Sublime. Courte voie de cent mètres qu' on pourrait parcourir pour prendre un premier contact avec la région.

Après une dernière visite, mais touristique et en automobile, afin de mieux situer tous ces à-pics de rochers, nous quittons le Verdon, dont nous conservons déjà un impérissable souvenir.

Note technique sur le Verdon: Guide-topo: Alpes de Provence ( M. Dufranc, A. Lucchesi ).

Revues: La Montagne 3/1974 et 2/1975 Annales G. H. M., principalement celles de 1970.

Crags MagazineS et lo; Mountain Magazine 61.

Le Verdon propose un large éventail de voies, mais les plus belles sont souvent les plus difficiles. Encore peu « exploité » ( mais cela change ), échelonné sur plusieurs kilomètres, le Verdon possède un terrain de jeu de tout premier ordre. Considéré comme haute école d' escalade ( 300 mètres de hauteur ), on le découvre par des approches anodines ou par la problématique enjambée du torrent, du libre facile à la pire voie de trois jours, dans le décor et le climat si caractéristiques de la Provence.

Ce qui frappe dans les escalades, c' est l' absence de point d' assurage ( il n' est pas rare de rencontrer une longueur complète sans piton ). Il est donc généralement nécessaire d' em un bon choix de coinceurs.

Nous donnons ci-dessous une liste de voies recommandées, classiques et magnifiques ( parmi les plus difficiles ):

Falaise du Duc: Voie des Enragés, ED +, 7—lo heures, escalade mixte, en bonne partie équipée.

Falaise de l' Escales: en définitive, le plus beau choix; marche d' approche aisée, ainsi que le retour.

De gauche à droite dans la paroi ( environ 300 m ).

Pilier des Ecureuils: ED, 3-5 heures, voie variée, libre, équipée.

ULA: ED, 4-6 heures, l' une des voies les plus difficiles en escalade libre ( coincements ), équipée.

Demande: ED, 4-5 heures, la plus classique, variée, libre, équipée.

Triomphe d' Eros: nouvelle voie, variée, libre, équipée, 4-6 heures.

Luna-Bong: ED, 4-5 heures, libre, coincements, équipé.

Eperon Sublime: ED inf., 4-5 heures, variée, libre, équipée.

Paroi Rouge, voie Guy Héran. ED +, principalement artificielle, ( à pitonner partiellement ); une journée de 10-12 heures, note: une longueur particulièrement délitée.

Falaise de l' Estellie: dièdre de L' Oursinade, TD+, 3-4 heures, principalement libre, équipée, variée.

Falaise de l' Eycharme: voie des Caquous: ED+, 8—lo heures, mixte.

Estemporanee: ED, 4-6 heures, certainement la voie de libre la plus difficile ( coincements ), équipée.

Falaise de l' Imbut: dièdre des Aixois: ED, 8-1 o heures, mixte.

Péril Rouge: ED, 2-3 heures, variée, libre, réalisable même par la pluie, équipée.

Roumagaou: TD+, 2 heures, variée, libre.

Note: le terme « équipé » signifie que la voie possède un nombre minimum de pitons en place; il n' est donc ( normalement ) pas nécessaire de repitonner, mais il peut être indispensable, parfois, de réaliser même un relais sur coinceurs.

Notices glaciologiques:

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