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Les courses de haute montagne sont-elles dangereuses

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Ueli Mosimann, Utzigen BE

Les accidents collectifs et leur déroulement1 III. 1-2 Une prudence particulière s' impose toujours en terrain mixte, où il est souvent impossible d' as de manière satisfaisante. ( Arête sud du Täschhorn ) Problématique « Une cordée de trois tombe au Mönch »; « Cinq alpinistes emportés au Dom »; « Déjà dix victimes cette année au Cervin »: les communiqués de ce genre attirent l' attention sur l' alpinisme et ses risques spécifiques. On discute des dangers et de la sécurité, et l'on ressert volontiers le cliché du promeneur mal équipé, chaussé de baskets et s' aventurant à la légère dans des courses difficiles.

La sécurité en montagne est-elle donc d' abord une question de technique et d' équi? Sans doute, le développement continu de ceux-ci, de même que la qualité 1 Cet article a reçu l' appui de la fondation Emil Huber-Stockar, Löwenstr. 1, 8001 Zürich, dont la vocation est de financer des actions de sauvetage ou de recherche, de venir en aide matériellement aux victimes d' accidents en montagne, d' encourager enfin toutes mesures visant à prévenir ces accidents ou à en atténuer la gravité.

des secours, y contribuent-ils pour une bonne part. Néanmoins, la fréquentation du monde alpin est liée à certains dangers qu' il convient d' identifier, sous peine de courir de gros risques. En haute montagne, en particulier, la seule configuration des lieux suffit à donner aux courses réputées faciles un caractère très sérieux, fortement dépendant des conditions météorologiques. Ainsi, la possibilité d' y acquérir de l' expérience à force d' erreurs est limitée - ce qu' illustrent bien les accidents collectifs, où des cordées entières sont entraînées par la corde qui relie leurs membres. Quelles sont les causes et les conséquences de ces accidents, et comment les éviter?

Aperçu historique Les accidents où la corde, bien loin de jouer son rôle salutaire, a entraîné au contraire dans la mort tout ou partie d' une cordée, sont aussi anciens que son utilisa- tion. Célèbre entre tous, l' accident survenu lors de la première ascension du Cervin: à la descente, la chute d' un membre de l' équipe entraîna celle de quatre des sept alpinistes. Aujourd'hui encore, la polémique au sujet des causes, du déroulement et des responsabilités de cette tragédie est relancée de temps à autre dans les revues spécialisées. Mais l' alpinisme classique abonde en épisodes analogues. Faute d' une technique d' assurage efficace, il était usuel qu' en terrain difficile ou délicat, plusieurs groupes se réunissent en une seule cordée, de manière à ce que quelques personnes au moins puissent se tenir à un emplacement « sûr ». On ignore dans quelle mesure cette méthode a pu empêcher la chute de cordées entières. Il est clair, en tout cas, que dans de nombreuses occasions c' est au contraire la faiblesse du matériel, conduisant à la rupture de la corde, qui s' est révélée salvatrice. Ainsi, par exemple, lors d' une tentative de première ascension à la face sud de la Meije, lorsque le célèbre Zsigmondy, grimpant en tête, tombe: la corde de soie casse; ses compagnons, simplement agrippés au rocher, en réchappent. Ou à l' arête de Ferpècle de la Dent Blanche: le premier d' une cordée de cinq - deux groupes ont décidé de faire cause commune - chute dans le dernier ressaut difficile et emporte trois de ses compagnons, l' homme de queue, là aussi, ne devant la vie qu' à une rupture de la corde. Parfois, tout de même, la corde résiste... et alors la catastrophe est générale: à la Jungfrau, trois cordées qui viennent de gravir l' arête du Rottal se sont réunies pour la descente de la voie normale; la glissade d' un des alpinistes que personne ne peut enrayer, et c' est tout le groupe qui est précipité dans le vide; cinq personnes sont tuées.

Les accidents aujourd'hui - Rôle du matériel et de la technique dans la sécurité Si l'on considère le progrès général que le matériel et les techniques d' assurage ont connu au cours des dernières décennies, on Total des victimes d' accidents de montagne et de ski ( statistique CAS des accidents ) Victimes lors de courses de haute montagne Participants 1 > Accidents collectifs Victimes J est enclin à penser que les catastrophes évoquées ci-dessus appartiennent à une époque révolue. Et effectivement, on a peine à imaginer avec quelle audace les grandes voies d' autrefois ont été ouvertes ou répétées. En y repensant, les générations actuelles, arrimées à leurs relais munis de pitons à expansion ou de vis à glace, bénéficiant d' un matériel de premier ordre et familières de techniques d' assurage modernes, balancent entre l' admiration et le frisson dans le dos. Mais l' alpinisme, grâce au développement technique, est-il véritablement devenu plus sûr? La réponse n' est pas simple à donner. Les innovations, tant dans le domaine des techniques d' escalade et d' assurage que dans celui du matériel, sont intervenues Graphique 1: Accidents de montagne et accidents collectifs avec issue fatale dans les Alpes suisses de 1984 à 1990 220 Victimes H 210 200 190 180 170 / - 16070 60 50

40

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30 /

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20 10 0 1984 85 86 87 |88 \8 Ì 90 avant tout pour répondre aux besoins de l' al extrême - si tant est que ce terme ait encore un sens, compte tenu de la très grande diversité des activités qu' il recouvre. Chacune de ces activités, à son niveau le plus élevé, exige un équipement et une technique spécifiques, taillés sur mesure. Quelle influence le matériel et la technique modernes ont-ils sur la sécurité? La réponse dépend de la situation.

Gain en sécurité et nouveaux risques Partout où il est de règle d' assurer de relais en relais, c'est-à-dire dans les escalades rocheuses en général et dans les itinéraires de difficulté supérieure en particulier, le gain en sécurité est important, et rares, en conséquence, les accidents impliquant des cordées entières. Ces dernières années, les Alpes suisses n' ont connu que deux drames de ce type ( 1987: chute depuis le deuxième névé, dans la voie classique de la face nord de l' Eiger; 1990: chute dans le tiers supérieur de l' arête nord du Piz Badile ); mais dans les deux cas, on avait manifestement renoncé à l' assurage de chaque longueur qui aurait été normal dans un tel terrain.

Les alpinistes parcourant des itinéraires de faible ou moyenne difficulté sont, eux aussi, parfaitement équipés. Néanmoins, leur sécurité y a peu gagné, sinon, peut-être, grâce à un plus grand confort ( vêtements plus fonctionnels, cordes plus légères ). Il faut même admettre que, lors de courses techniquement faciles, l' utilisation de matériel hautement spécialisé peut présenter certains dangers. Ainsi, par exemple, le piolet-ancre ne permet-il pas d' assurer correctement en terrain peu incliné; il est donc bien inférieur, dans ce cas, au piolet conventionnel. Autre exemple, les crampons de glace raide qui, aux pieds d' un néophyte, ne vont l' aider qu' à trébucher. En tout état de cause, c' est dans ces courses plutôt faciles que se produisent en majorité les accidents collectifs. Ces dernières années, en particulier, des étés ensoleillés et, corollairement, une intense activité alpine ont conduit à une augmentation du nombre de cas. Tout spécialement alarmante, l' année 1990 dans les Alpes suisses où l'on a enregistré, pour un total de 14 accidents, 37 personnes impliquées et 34 victimes ( voir graphique 1 ).

Causes et conséquences Facteurs déclenchants et principales sources de risque Où situer l' origine de ces graves événements? Au premier abord, la réponse semble évidente: une chute, plus souvent encore une simple glissade ( crampons qui bottent ), un déséquilibre ( crampons qui se prennent dans les habits ou les lanières ) d' un des membres de la cordée, que ses compagnons ne peuvent retenir et qui les emporte tous. Spécialement dangereux et incontrôlables, les incidents survenant pendant une descente face au vide: la chute y a lieu sans contact avec la pente et développe dès sa phase initiale une haute énergie cynétique. A la montée, ou si l'on descend à reculons, par contre, on tombe en général sur les mains, ce qui augmente nettement les chances de se rattraper. En principe, les cordées nombreuses sont désavantagées: sauf circonstances très favorables, dès qu' une deuxième personne est entraînée, il devient impossible même à un chef de cordée expérimenté d' éviter une chute générale.

Chute de la cordée et conséquences Une fois amorcée la glissade ou la chute d' une cordée entière, la suite dépendra surtout du terrain. Sur neige ou névé ramollis, si la réception est bonne, tout se résumera à une inoffensive partie de luge. Par contre, sur glace ou neige dure, si la dénivellation est importante ou la réception mauvaise ( ressaut rocheux, rimaye ), la chute aura le plus souvent des conséquences extrêmement graves. En 1990, par exemple, dans les Alpes suisses, 11 des 14 accidents ayant entraîné mort d' homme n' ont laissé aucun rescapé dans la cordée. Dans la plupart des cas, il n' y a donc pas de témoins directs dont les déclarations permettraient une reconstitution détaillée des faits. Cependant, si l'on prend en compte l' ensemble des circonstances qui ont accompagné l' accident - terrain, conditions et, lorsque c' est possible, les manœuvres techniques exécutées -, on voit se dégager quelques profils typiques.

Problèmes d' assurage en terrain de haute montagne Le fait capital est que, en terrain de haute montagne, un assurage continu, de relais à relais, est en général impraticable. D' une part, les distances à parcourir sont importantes; pour des raisons de rapidité, les membres de la cordée se déplacent simultanément, sur certaines sections de l' itinéraire Reproduit avec l' autorisation de l' Office fédéral de topographie du 3 2.1992~ Itinéraire de montée, lieu de l' accident et trajectoire de la chute, lors de l' accident collectif du 16 septembre 1990 à' Aletschhorn ( CN 1249 Finsteraarhorn ) tout au moins. D' autre part, même là où un assurage serait nécessaire, on ne trouve souvent pas de relais équipé ou évident. Ainsi, il revient à chaque cordée de déterminer, de moment en moment, si la compétence des participants et les conditions permettent une progression simultanée. Dans les courses faciles tout spécialement, où la difficulté d' un terrain peu exposé, d' appa anodine, est sujette à d' énormes variations selon les conditions, la capacité de jugement de personnes inexpérimentées se révèle rapidement insuffisante. On ne surprendra donc personne en soulignant que les accidents collectifs de ces dernières années sont, le plus souvent, à mettre au compte d' une méconnaissance ou d' une sous-esti-mation de conditions difficiles.

Mauvaises conditions de neige ou de glace: un facteur déclenchant Ces dernières années, les fortes chaleurs estivales ont conduit à un englacement des zones de névés: en beaucoup d' endroits, toute la couverture neigeuse avait fondu et la glace sous-jacente apparaissait, transfor- mant certaines courses faciles en entreprises périlleuses. La situation était particulièrement critique aux endroits où la glace vive restait recouverte d' une mince couche de neige non consolidée. De ce point de vue, deux graves accidents de l' été 1990, l' un au Fründenhorn, l' autre à l' Aletschhorn, présentent des analogies typiques. La voie normale du Fründenhorn est une course techniquement facile, fréquemment entreprise. L' itiné, dans sa partie supérieure, remonte un névé incliné à 30 degrés environ, avant de déboucher sur l' arête arrondie et bien marquée conduisant au sommet. Par bonnes Même dans une courseterrain raide: situation techniquement facile,de l' accident du 5 août une simple glissade peut1990 au Fründenhorn, conduire à une chute enCN 1248 Mürren ) conditions, ce névé ne présente aucune difficulté. Mais en août 1990, il était en conditions exécrables. Même la nuit, suite à une période prolongée de grosses chaleurs, la mince couche de neige résiduelle ne regelait plus sur la glace vive. Cette circonstance, qui réduit fortement l' efficacité du piolet et des crampons, allait être fatale à une cordée de cinq: une marche ramollie qui cède, une personne qui dérape, la brusque secousse dans la corde à laquelle les autres ne résistent pas, et toute la cordée s' abîme sur le glacier d' Oeschinen, 300 mètres plus bas; il n' y a aucun survivant.

L' accident de l' Aletschhorn se produit le 16 septembre. A ce moment, dans les Hautes Alpes, les zones de névés, et même celles que l' arrière laisse d' ordinaire pourvues d' une couche de neige, sont devenues des champs de glace vive. Une brève détérioration du temps, il tombe quelques centimètres de neige, et le lendemain matin, les zones de glace sont recouvertes. De loin, elles semblent d' inoffensifs névés; mais l' ap est trompeuse. En effet, la saison est déjà très avancée, les nuits froides, et la neige ne peut plus adhérer rapidement à la glace. Un groupe de deux cordées de trois quitte le bivouac du Mittelaletsch pour gravir l' arête nord-est. Dans la pente assez raide menant à l' antécime, l' un des alpinistes, là aussi, doit avoir glissé, entraînant ses camarades, puis l' autre cordée dans la mort.

III.6 Lorsqu' on marche ensemble encordé, un encordement court et tendu, sans anneaux â la main, donne seul le moyen de retenir une glissade dès sa phase initiale et d' éviter un accident collectif.

Les accidents collectifs sont-ils évitables?

Résultats de l' étude menée par le Centre d' études sur la sécurité du DAV Ces accidents, compte tenu des conditions, auraient-ils pu être évités? En progression conjointe et sans mesures supplémentaires, sûrement non. On sait depuis longtemps que, lorsqu' on marche ensemble encordé, le risque d' être entraîné est élevé. Une étude menée par le Centre d' études sur la sécurité du Club alpin allemand ( DAV ) et présentée dans le rapport d' activité 1980-83 de ce dernier montre quelles conséquences peuvent avoir la glissade ou la chute sur neige d' un des membres de la cordée, lorsqu' on se déplace simultanément: sur neige dure, il suffit d' une traction de 5-40 kp pour déséquilibrer un alpiniste. Des forces de cet ordre sont vite atteintes, puisqu' une chute sur une pente à 45 degrés libère déjà une énergie égale à 90% de celle d' une chute libre. Les résultats des tests sont à l' avenant:

extrêmement rares ont été les cordées capables d' enrayer la chute d' un des leurs. La corde constitue un handicap supplémentaire pendant la chute: en général, les tentatives de freinage - à l' aide du piolet ou en cherchant une bonne position du corps - ne peuvent être coordonnées, les personnes restées en mouvement entraînant une nouvelle fois celle qui aurait réussi à s' arrêter.

Possibilités de prévention Ces faits étant connus, les possibilités d' éviter les accidents décrits ci-dessus auraient été au nombre de trois.

Assurage au moyen de vis à glace Le plus souvent, on dispose de ce matériel même dans les courses simples, et c' est la paresse ou la crainte de perdre du temps qui pousse, en terrain apparemment facile, à renoncer à l' utilisation de ce moyen d' assurage pourtant commode. Cependant, compte tenu de la sécurité qu' il procure dans de telles situations, on ne regrettera pas les minutes qu' exige sa mise en œuvre. La veille de l' accident au Fründenhorn, une cordée em- menée par un guide, redescendant de l' arête ouest par la voie normale dont elle connaissait les conditions difficiles, avait assuré les passages critiques avec des vis à glace. « Perte de temps »: environ une demi-heure.

Renonciation à la corde Une conclusion du rapport du DAV déjà cité: quand la corde ne peut remplir son rôle, on ne s' encorde pas, et chacun évolue à ses risques et périls. Il s' agit là, sans doute, d' une recommandation de portée fondamentale et d' un moyen radical de limiter les dégâts. Sa mise en pratique, toutefois, crée autant de problèmes qu' elle en élimine: une communauté d' alpinistes, telle celle que forme une cordée, peut-elle abandonner froidement à leur sort ses membres les plus faibles? Sûrement pas! Même parmi un groupe de partenaires d' égale valeur, dans lequel on pourrait imaginer de renoncer sélectivement à la corde, cette façon de procéder ne va pas sans inconvénients. La corde, une fois pliée, n' est plus utilisée, y compris lorsque l' assurage redevient possible et souhaitable. Un exemple parmi bien d' autres: à la descente de la Blüemlisalp, les membres d' une cordée se détachent au Blüemlisalpsattel afin de parcourir individuellement le névé suivant. Et pour l' ultime traversée du glacier, la corde reste au fond du sac. Il n' y a, certes, plus de pente délicate à affronter, mais on est en plein après-midi, ce qui augmente considérablement le danger de rupture de ponts de neige et de chute dans une crevasse!

Interruption de la course La plupart des alpinistes sont persuadés que, confrontés à des risques trop importants, ils rebrousseraient chemin sans hésitation. La réalité présente néanmoins un tout autre visage. L' analyse fine du complexe III. 7 et 8 Des anneaux tenus à la main sont une manière très dangereuse de raccourcir la corde: une glissade, même minime, d' un partenaire ne peut plus être enrayée dans sa phase initiale. La chute, dès lors, se développant sur toute la longueur de l' encordement, excède très rapidement la capacité de résistance des autres membres de la cordée.

111.10 Lorsque font défaut les notions les plus élémentaires du maniement de la corde ( ici, encordement et raccourcissement de la corde ), la voie normale d' un 4000 se transforme en course de tous les dangers. On aurait pu trouver terrain d' exercice plus approprié!

« ambition mal comprise et recherche inconsidérée de la performance en alpinisme » dépasserait de loin le cadre du présent article. Pour résumer, on peut tout de même avancer que, dans les courses de haut niveau, les difficultés techniques et l' épuisement physique auquel elles peuvent conduire sont suffisants pour que l' apparition de problèmes supplémentaires ne tarde pas à entraîner un abandon. De telles barrières font défaut dans les courses faciles. Par ailleurs, la pression du groupe et la rivalité - qu' expriment des phrases comme: « Si les autres continuent, moi aussi! » - constituent d' autres facteurs importants, dont l' influence se fait sentir bien au-delà des accidents collectifs.2 De multiples sources de danger Ce serait toutefois simplifier que d' attri en bloc les accidents collectifs à de mauvaises conditions ou à un terrain délicat par nature, et de réduire toute la problématique de l' assurage à l' alternative « s' encorder - renoncer à la corde ». La plupart des itinéraires classiques de la région des 4000, où se concentrent les accidents collectifs, se prêtent parfaitement à un assurage à la corde. L' expérience, la maîtrise des manœuvres de corde élémentaires, ainsi qu' une prudence raisonnable en sont les compléments indispensables ( voir ill. 6 ). Mais lorsqu' on considère la masse des touristes parcourant ces voies et le comportement de certaines cordées, on peut s' étonner que le bilan ne soit pas plus lourd. Détours par des flancs qu' on espère plus faciles mais qui se révèlent tout le contraire, négligences dans le maniement de la corde qu' on raccourcit en faisant des anneaux tenus à la main, manœuvres de corde sur de longs tronçons horizontaux sans assurage intermédiaire, assurage inadéquat ou incomplet du relais dans les passages où il serait nécessaire: ce n' est là qu' un échantillon des mille et une situations auxquelles on assiste chaque jour durant la belle saison, et dont les photos 7 à 10 ( les personnes représentées n' ont pas posé pour l' auteur !) tentent de donner quelque idée. En règle générale, tout se passe bien même 1 Voir BM 5 et 6/1992 ainsi, parfois grâce à beaucoup de chance, tant que la chaîne d' assurage, ou ce qui en tient lieu, n' est pas mise à contribution. Mais la corde n' est pas une amulette conjurant à elle seule le danger: il suffit de la glissade d' un camarade pour en faire la dure expérience.

Conclusions Questions de fond La signification de la corde Au-delà de son utilisation pratique, la corde garde dans l' alpinisme moderne un caractère symbolique: symbole de sécurité, de camaraderie, de solidarité. En s' encor, on franchit un degré dans l' échelle des valeurs alpines; la langue ratifie ce passage: on n' est plus un « randonneur », mais un « alpiniste » au plein sens du terme. Le maniement de la corde est un peu le rite initiatique par lequel le débutant est introduit dans la confrérie. Dans ces conditions, on imagine quelle tragique désillusion peut représenter l' accident où la corde joue le rôle d' un multiplicateur des dégâts...

Les accidents collectifs, principal risque du terrain « haute montagne » Quant à la place que les accidents de ce type occupent dans le bilan global, la statistique de ces dernières années ne laisse planer aucun doute. Traités comme groupe indépendant, ils sont à considérer, relativement au nombre de victimes, comme le principal risque de l' alpinisme en général et des courses de haute montagne en particulier ( voir graphique 2 ). Ces courses sont-elles donc véritablement dangereuses? On constate en tout cas, en ce qui les concerne, que le nombre des accidents évolue de manière beaucoup plus négative que dans les autres disciplines alpines. Il faut donc bien admettre que les risques y sont plus élevés qu' ailleurs.

Une juste appréciation des risques En haute montagne, où le temps et les conditions influent de façon déterminante sur les difficultés, technique et équipement ne peuvent garantir une sécurité totale. Si l'on aborde une course trop défensivement, avec un maximum de sécurité technique, l' allure se ralentit et, parallèlement, d' autres dangers s' amplifient neige ramollie, risques de chutes de pierres et d' orage plus élevés au fur et à mesure que la journée avance -, rendant inutiles toutes les précautions prises. Une juste appréciation de tous ces facteurs n' est pas simple et demande beaucoup d' expérience et de routine. Mais cela même ne permet pas d' éliminer un risque résiduel.

Graphique source des accidents mortels lors de courses de haute montagne dans les Alpes suisses de 1984 à 1990 Victimes f(0X Rocher SSJS& Neige, névé, glaceL' homme, source d' erreur Les accidents collectifs impliquant des alpinistes très expérimentés, comme en 1988 à l' arête nord du Weisshorn, ou en 1990 à l' arête sud-ouest du Mönch, démontrent très clairement que, en terrain de haute montagne, la marge d' erreur est minime. Dans la plupart des cas, cependant, on ne saurait faire découler ces accidents du risque résiduel évoqué ci-dessus. Au contraire, comme je l' ai développé, ce sont le manque d' expé et de routine, conjugués souvent au désir immodéré de parvenir au sommet, de même que la méconnaissance des règles les plus élémentaires du maniement de la corde et de la technique alpine qui les déclenchent Graphique 3: Nombre de victimes par pays, lors d' accidents collectifs dans les Alpes suisses de 1984 à 1990 la plupart du temps. Dès lors, que faire pour les prévenir? En alpinisme, heureusement, le comportement de chacun ne se prête guère à une réglementation rigide, et on ne connaît pas de recette passe-partout pour corriger les erreurs humaines. Malgré tout, on peut retenir quelques possibilités d' améliorer la situation.

Mesures pratiques Equipements de sécurité Dans les Alpes suisses, et en particulier dans l' Oberland bernois, on observe une longue tradition en cette matière. Installés aux endroits les plus délicats, mains courantes et scellements, par exemple dans la voie normale de la Jungfrau, ou à la descente de l' Eiger ou de la Blüemlisalp, ont permis de réduire considérablement les risques d' acci collectifs. Et il serait sans doute possible d' appliquer ces mesures, çà et là, à quelques autres itinéraires. Mais le problème en serait-il résolu pour autant? Finalement, il faudrait transformer toutes les voies classiques des 4000 en de gigantesques « vie ferrate » - perspective absurde, irréalisable techniquement autant qu' indéfendable éthi-quement.

Formation et information L' idée que toute pratique alpine sérieuse exige une bonne formation de base ne date pas d' hier. Les clubs alpins, les institutions d' Etat ( en Suisse, Jeunesse et Sport ) et les écoles commerciales d' alpinisme font de gros efforts dans ce sens et proposent une Traduit de l' allemand par Denis Stulz.

large palette de cours. Dans la pratique, néanmoins, le comportement de beaucoup d' alpinistes laisse gravement à désirer, en particulier dans les courses de haute montagne techniquement faciles, et cela pour plusieurs raisons. On mettra en cause tout d' abord, sinon la qualité technique de la formation, généralement bonne, du moins son application inadaptée. Ainsi, on voit souvent le débutant encombré de tout un équipement dernier cri, tandis que l' apprentissage de la progression sûre et efficace en terrain peu difficile est négligé. A l' heure de l' alpi moderne, quelques considérations générales sur l' éthique alpine et le respect dû aux forces de la nature devraient également trouver place dans la formation d' un alpiniste.

Mais les cours, aussi bons soient-ils, encore faut-il venir les suivre! En effet, la tentation est grande, surtout pour l' alpiniste occasionnel, de se lancer au petit bonheur dans des ascensions techniquement faciles et ne réclamant apparemment aucune compétence particulière. Comme on peut supposer tout de même qu' il n' agit pas ainsi par goût du risque, mais par ignorance ou parce qu' il sous-estime les dangers de sa conduite, on voit bien quel rôle central joue l' information dans la prévention des accidents. Mais avec la mobilité actuelle et la popularité que connaît l' alpinisme jusque bien au-delà des pays alpins, il faudrait pouvoir intervenir en amont, avant le moment où les gens ont leur voyage derrière eux, leur équipement sur les épaules, et le sommet convoité en ligne de mire. La mise en pratique de ce principe se heurte certainement à des difficultés, et il ne faudrait pas en attendre des effets immédiats. Mais l' alpinisme, de nos jours, est devenu un sport de masse, et les associations alpines qui voudront s' acquitter de la tâche qui leur incombe dans le domaine de la sécurité en montagne ne pourront y parvenir qu' en débordant de leurs champs d' activité traditionnels.

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