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Les variations périodiques des glaciers des Alpes

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Prof. Dr. F.A. Forel à Morges.

Par le

Quinzième rapport. 1894 ' ).

LUT. Résumé général des quinze premiers rapports.

Voici quinze ans que nous entretenons le Club alpin des variations en grandeur de nos glaciers. Il me paraît opportun de jeter un coup d' œil en arrière et de considérer le travail accompli et les résultats obtenus dans cette période, longue déjà si nous la comparons à la durée possible de l' activité d' un homme, bien courte, hélas! en présence de la grandeur et de la lenteur d' allures du phénomène que nous étudions.

Quel était l' état de la question en 1880, quand j' ai commence cette série de rapports?

Le phénomène de la variation en grandeur des glaciers était connu depuis longtemps; on peut dire qu' il avait été constaté dès les premières observations. Ce qui a frappé d' abord les naturalistes et les montagnards et ce qu' ils ont note dans les siècles passés, ce sont les allongements et raccourcissements des grands glaciers d' écoulement. Nos études récentes ont démontré que ce n' est pas seulement la longueur du glacier qui varie, mais encore son épaisseur et sa largeur; les trois dimensions du glacier varient en même temps et dans le même sens. Les glaciers sont des amas de glace qui tantôt augmentent de volume, tantôt diminuent.

La cause prochaine de ces variations a bientôt été reconnue; dès le commencement de ce siècle, on a compris l' essentiel du phénomène. Ce qui nourrit le glacier, c' est la neige qui tombe sur les montagnes; plus les chutes de neige seront fortes sur les névés, plus le glacier augmentera. Ce qui détruit le glacier, c' est la chaleur qui fait fondre la glace; plus la température sera élevée ( et dans ce facteur rentrent l' hu de l' air et son agitation par les vents ), plus les glaciers diminueront. Il y a donc deux facteurs en présence, l' un de construction, l' autre de destruction; leur résultante donne l' état de grandeur actuelle du glacier.

La grande généralité des naturalistes attribuaient au facteur de la fusion l' action prédominante sur la grandeur des glaciers. H.B. de Saussure, J. de Charpentier, L. Agassiz, parmi les anciens, L. Grüner, Alphonse Favre, H. de Saussure, parmi les modernes, expliquaient les variations des glaciers par les variations actuelles du climat * ). Pendant une année chaude, les glaciers fondent beaucoup; pendant une année froide, ils fondent peu; cela suffirait, semblait-il, pour rendre compte du phénomène, qui dépendrait ainsi des variations thermiques de l' année. Il est vrai que Venetz, Hugi et le chanoine Rendu avaient déjà indiqué l' influence prédominante de l' alimentation du glacier; mais leurs opinions très saines étaient oubliées, et le facteur de l' ablation ou de la fusion entrait seul ou presque seul en compte dans les dissertations courantes sur ce sujet.

Appelé à m' occuper de ces questions pour l' étude de l' alimentation du lac Léman et des variations de hauteur de ses eaux, j' ai bientôt reconnu que cette explication communément admise n' était pas suffisante. Les variations de température et d' humidité qui président à la destruction par fusion du glacier sont relativement rapides: à une année chaude peut succéder une année froide, à une année sèche une année pluvieuse, à une année calme une année venteuse. Le caractère individuel des années successives varie à un haut degré. Donc le facteur fusion doit être très variable; donc, si c' est le facteur fusion qui est le dominant, la variation en grandeur des glaciers doit être de courte' périodicité.

Or, l' observation nous montrait, au contraire, que la variation de grandeur des glaciers est de longue, de très longue périodicité. J' avais eu l' occasion d' étudier de plus près le glacier du Ehône, lequel avait eu son état de maximum vers 1856; depuis cette époque, il s' était mis en décrue, et cette diminution était manifestement continue. Chaque année, le front du glacier était reculé plus en arrière que l' année précédente. Pendant ces 14 années, de 1856 à 1880, il avait sans exception, sans retour en avant, toujours reculé en remontant dans la vallée2 ). Or, dans ces 14 années, nous avions eu des étés plus chauds et des étés plus froids que la moyenne, des années plus sèches et des années plus humides; tantôt les vents avaient été violents et continus, tantôt l' atmo avait été relativement calme. Même en combinant pour le mieux ces divers éléments du temps météorologique, je pouvais affirmer que je ne trouverais pas des conditions résultantes qui m' amenassent toujours et sans exception à une fusion de la glace plus forte que la normale pendant la série prolongée de ces 14 années.

Donc le facteur de la fusion n' est pas le prédominant dans le phénomène. Donc c' est l' autre facteur, l' alimentation du glacier, qui est l' élé important, décisif. Sans nous étendre ici sur la manière dont de fortes accumulations de neige sur les hauts névés peuvent propager leur action dans les glaciers inférieurs, nous devons admettre que, dans certaines périodes d' années, l' alimentation étant puissante, la vitesse d' é du glacier est rapide; elle est beaucoup plus active que l' ablation, même que l' ablation d' une année très chaude, et le glacier fait une poussée en avant; il est en crue. Dans d' autres périodes, l' ali étant faible, la vitesse d' écoulement du glacier est lente; elle amène moins de glace que la fusion, même que la fusion d' une année peu chaude n' en détruit, et le front du glacier recule; il est en décrue. Les variations de vitesse d' écoulement étant dues au facteur éloigné de l' alimentation du névé ( la hauteur du névé résulte de la somme des chutes de neige dans les années antérieures; elle est donc de très lente variabilité ), elles se continuent dans des périodes d' années prolongées. De là, lenteur de la variabilité dans la grandeur des glaciers.

Tel est le raisonnement qui a servi de base à mes études théoriques 1 ).

Mais quand j' ai voulu le vérifier par la critique des faits d' obser, j' ai reconnu que le matériel nécessaire nous faisait absolument défaut. Nous avions de nombreuses observations isolées, mais pas d' ob d' ensemble; certains glaciers, comme ceux de Grindelwald et du Vernagt, nous permettaient de remonter à un ou deux siècles en arrière; mais d' observations continues ou générales s' étendant sur Pen-'semble du pays, nous n' en avions point à disposition.

C' est alors que j' adressai aux membres des Clubs alpins suisse et étrangers, aux naturalistes et aux montagnards, la demande de me donner les observations individuelles qu' ils pourraient faire sur les glaciers, leur promettant, de mon côté, de les réunir dans des rapports d' ensemble qui permettraient de déduire les lois générales du phénomène. Mon appel a été entendu, et j' ai reçu des centaines d' observations venant soit d' indi vidus, soit de certaines sections du Club alpin, soit des autorités cantonales et fédérales, celles-ci ayant mis en action leurs agents forestiers; la somme des faits isolés ou d' ensemble que nous avons pu enregistrer dans nos 15 rapports successifs est considérable. Ce précieux matériel, nous l' avons élaboré au fur et à mesure que la généralisation devenait possible, et nous croyons en avoir tiré des vues intéressantes et utiles.

Le point de vue auquel je me suis placé et tenu jusqu' à présent est le suivant: Pour l' étude de ce phénomène, ce qu' il est important de constater, ce sont les dates relatives et absolues des phases de la variation: plus encore que la grandeur du mouvement, sa durée et ses relations dans le temps doivent être notées et observées. Il faut, par exemple, préciser les années des maximums successifs qu' un glacier présente dans le siècle, les années des minimums, ou si l'on préfère les dates des phases de crue et de décrue. Non seulement la détermination de ces dates est plus facile à obtenir, mais par la comparaison d' un glacier à l' autre, elles donnent des relations plus intéressantes. Ah! si nous pouvions avoir pour tous les glaciers, comme pour le glacier du Rhône dans les 20 dernières années, la position exacte du front du glacier, qui nous donne la variation de la longueur, les profils en travers qui nous permettent de calculer les variations du volume, ce serait pour le mieux. Mais l' étude complète d' un seul glacier est déjà bien onéreuse, le S.A.C. en sait quelque chose; l' étude analogue des 800 glaciers de la Suisse, celle des milliers de glaciers des chaînes alpines du globe entier est inexécutable. Nous devons donc nous contenter de ce que nous pouvons obtenir. Or réunir des dates sur les phases de variation des glaciers, c' est dans les choses possibles; notre expérience en Suisse l' a prouvé 1 ).

En dépouillant les anciennes observations enregistrées çà et là dans les trois premiers quarts du siècle, et en y joignant les observations modernes contenues dans nos 15 rapports annuels, nous pouvons tracer à grandes lignes les allures des glaciers suisses dans le XIXme siècle.

Avant 1811, nous n' avons pas d' indices valables.

A partir de 1812, phase de crue très générale qui aboutit vers 1818, 1820 ou 1825, suivant les glaciers, disons vers la fin du premier quart du siècle, à un état de maximum des glaciers; ceux-ci ont atteint partout de grandes dimensions, dans beaucoup de cas la plus grande extension connue dans l' époque historique.

A partir de ce maximum, décrue mal marquée, peu générale, qui a été suivie par une crue aussi indécise, ces variations aboutissant cependant à un état de maximum pour bon nombre de glaciers vers 18401 1850 ou 1860, disons vers le milieu du siècle.

A partir de ce maximum, phase de décrue générale, très claire, très intense, très prolongée, décrue pour les glaciers qui ont eu un maximum vers 1850, décrue pour ceux dont ce maximum secondaire n' est pas connu. Vers 1870, tous les glaciers des Alpes suisses, sans exception enregistrée, étaient en décrue.

A partir de 1875, bon nombre de glaciers de notre territoire alpin ont recommence une nouvelle période. Les glaciers du Mont-Blanc, les premiers, les uns après les autres, sont entrés en phase de crue ( les Bossons en 1875, la Brenva 1878, le Trient 1879, etc., jusqu' aux Bois 1889 ), tellement qu' en 1890 tous étaient en augmentation. Un nombre notable des glaciers du Valais ( Zigiorenove, Fée, Allalin, etc. ), quelques glaciers de l' Oberland bernois ( Grindelwald supérieur, Rosenlaui, etc. ), quelques glaciers des Grisons ( voir le présent rapport ) se sont aussi mis en crue. C' est bien loin de représenter la totalité des glaciers suisses; il n' y a pas unanimité dans le mouvement, mais je ne me trompe pas en disant que les glaciers suisses qui sont jusqu' à présent entrés en phase de crue sont la majorité des Alpes occidentales, la minorité des Alpes orientales.

Enfin, dans les deux dernières années, 1893 et 1894, quelques-uns des glaciers qui avaient fait cette poussée du dernier quart de siècle ( Bossons, Fée, etc. ) semblent entrer en phase de décrue. Leur front a commencé à reculer; ils diminuent d' épaisseur. Sommes-nous déjà, pour eux, entrés définitivement dans la deuxième phase de la période? L' a nous l' apprendra.

A côté de ces glaciers des Alpes suisses, nous pouvons, grâce aux excellentes observations de nos amis d' Autriche, reconnaître que les allures des glaciers des Alpes orientales ( Tyrol et Autriche ) ont été les mêmes que celles des glaciers des Grisons, du moins dans la dernière moitié du siècle. Maximum vers 1850 ou 1855, décrue générale depuis lors; légère crue de quelques glaciers depuis 1890.

Pour les glaciers des Alpes françaises, en dehors de ceux du Mont-Blanc, qui ont été étudiés avec soin, nous n' avions, jusqu' aux dernières années, que des observations isolées qui ne permettaient, du moins pour des étrangers, aucune généralisation. Depuis cinq ans environ, des travaux importants, ceux de M. le prince Roland Bonaparte, de Paris, et ceux de la Société des Touristes du Dauphiné, dirigés par M. le professeur Dr. W. Kilian, à Grenoble, ont réuni un matériel superbe d' ob actuelles. Nous attendons très prochainement de ces collègues en glaciologie une généralisation qui nous dira dans quelle phase de la période sont les glaciers de ces régions intéressantes.

Des autres glaciers du monde, nous n' avons jusqu' à présent que des observations isolées; peut-être les naturalistes savants qui en ont entrepris l' étude arriveront-ils, eux aussi, à en tirer des faits généraux; nous espérons en avoir bientôt des nouvelles.

Tels sont les grands traits du phénomène imposant que nous nous sommes donné la mission d' étudier; étant connue la complexité dès faits, il a fallu réunir un immense matériel, de valeur très inégale et insuffisant dans bien des parties; les conclusions que nous avons tirées des faits observés en Suisse sont plausibles, et nous pouvons espérer que des observations ultérieures les confirmeront. Pour ceux qui connaissent la difficulté du sujet, ils ne trouveront pas que ces résultats aient été achetés par trop de labeurs.

J' essaierai maintenant de déduire de ce regard rétrospectif quelques conclusions pratiques qui seront utiles à l' étude ultérieure du phénomène.

1° La méthode qui s' attaque essentiellement à la détermination des phases de la variation et à la fixation chronologique de ces phases est bonne; elle amène facilement à des résultats positifs et intéressants.

2° La durée des périodes. Des faits constatés en Suisse, il ressort que certains glaciers ont présenté dans le siècle actuel trois états de maximum, d' autres glaciers deux seulement, d' autres peut-être un seul. Il y a donc au plus trois périodes par siècle; la durée de chaque période est de plus de 35 ans, peut-être de cinquante. Cette durée très prolongée des périodes correspond assez bien avec les observations historiques des glaciers de Grindelwald et du Vernagt. Jusqu' à meilleur avis, ce sera la valeur de 35 à 50 ans que nous attribuerons à la durée de ce phénomène périodique. Une périodicité d' une telle amplitude est évidemment difficile à observer; elle demande longueur de temps et patience. Cette durée correspond à la durée moyenne d' une vie d' homme, elle la dépasse peut-être. Dans les 15 années de nos observations, nous n' avons pas eu le temps de suivre la moitié d' un des battements de ce pendule gigantesque dont les oscillations se répètent deux ou trois fois par siècle. Dans ces conditions, on ne peut pas encore exiger de nous trop de précision dans la fixation des temps et des durées.

3° Les périodes de variation sont loin d' être synchrones dans les divers glaciers. Les glaciers des diverses régions des Alpes ne com- mencent pas simultanément à entrer en crue ou en décrue; les maximums, les minimums ne coïncident pas. Dans une région prise isolément, il en est de même; les allures de chaque glacier sont individuelles. Par conséquent, il n' est pas possible de conclure de i' observation d' un seul glacier aux allures de i' ensemble des glaciers de la région; ce n' est que par des observations générales et comparables de tous les glaciers ou du moins de la majorité d' entre eux qu' on peut prendre une idée des phases de la périodicité. Plus les observations sont multipliées, plus la détermination acquiert de la précision.

4° Si la conclusion précédente était rigoureusement valable dans toute l' étendue de sa proposition, elle serait fort décourageante pour nos études; si chaque glacier était un organisme individuel avec ses allures spéciales, sans rapport avec ses voisins, il n' y aurait pas de généralisation possible, et aucune loi ne pourrait être tirée de faits isolés. Nous constatons heureusement des circonstances plus réjouissantes et qui nous encouragent à chercher des lois générales dans le phénomène. Il y a souvent une tendance plus ou moins marquée à une simultanéité plus ou moins rapprochée dans les allures des glaciers de la même région et du même groupe de montagnes.

Prenons nos exemples en Suisse:

Phase de crue.Vers 1818, la grande généralité des glaciers étaient en crue; pour beaucoup d' observateurs, c' était l' unanimité des glaciers.

Vers 1850 ou 1855, la crue était assez marquée pour que la majorité peut-être de nos glaciers aient montré à cette époque un état de maximum. Pour bon nombre de glaciers l' époque du maximum a été fixée à l' année 1856.

Vers 1890, tous les glaciers du groupe du Mont-Blanc étaient en crue.

Phase de décrue. La phase de décrue s' est développée progressivement à partir de 1856, tellement que, vers 1870, tous les glaciers des Alpes, sans exception connue, étaient en diminution. Cette phase continue encore actuellement pour la majorité des glaciers des Alpes centrales et orientales.

Je ne parle pas encore des symptômes de décrue indiqués depuis 1893 par quelques glaciers du Mont-Blanc et du Valais; l' observation est trop récente pour que j' ose la donner comme démontrée.

Voilà, semble-t-il, quelques grands faits d' ensemble, des mouvements généralisés. Ils sont difficiles à démêler au milieu de l' intrication extrême des mouvements individuels; mais, à mesure que les observations s' étendront et se multiplieront, ils deviendront, j' en ai l' assurance, plus clairs et mieux marqués.

5° Il est une foule de questions qui restent ouvertes et qui ne se résoudront que par l' observation ultérieure, longuement et patiemment poursuivie. En voici quelques-unes:

a. Pour chaque glacier pris individuellement, les périodes successives sont-elles isochrones? Le même état de grandeur se reproduit-il à des intervalles toujours identiques? Je ne le crois pas, mais je ne puis le prouver.

b. De même pour les périodes générales considérées dans l' ensemble des glaciers d' un groupe, y a-t-il isochronisme ou non? Y a-t-il des longues périodes et des périodes courtes? Ou bien, toutes les périodes sont-elles égales? Nous savons que la longueur que les glaciers atteignent dans leur état de maximum varie d' une période à l' autre; y a-t-il des différences analogues dans la durée des périodes? Je le crois, mais je ne puis encore le démontrer.

c. Le début d' une nouvelle période est-il soumis à des lois de succession régulières? Ainsi, dans la période actuelle, les glaciers du Mont-Blanc se sont mis en crue dans l' ordre suivant: Bossons 1875, Brenva 1878, Trient 1879, Orny 1881, La Neuvaz 1883Les Bois 1889; quand une nouvelle période recommencera, la crue débutera-t-elle chez ces glaciers dans la même succession?

Autre exemple: Le glacier de Zigiorenove s' est mis en allongement en 1879, le glacier d' Arolla en 1893; dans une prochaine période y aura-t-il de même 14 ans d' intervalle dans le début de la phase de crue: de ces deux glaciers?

d. Les périodes sont-elles générales ou partielles? Les glaciers dont nous connaissons suffisamment les allures ont eu tous plus ou moins un maximum vers le milieu du siècle ( entre 1830 et 1870 ); quelques-uns de ces glaciers ont eu une nouvelle phase de crue depuis 1875 ., quelques-uns même un nouvel état de maximum vers 1893, tandis que d' autres sont restés continuellement en décrue. Les uns ont eu une période de fin du siècle, les autres non. Cette nouvelle période va-t-elle manquer à ces derniers? ou bien, se développera-t-elle plus tard? Certains glaciers échapperont-ils à cette poussée en avant qui est si manifeste chez d' autres? Le phénomène de la variation périodique est-il général, ou bien n' atteint, dans certains cas, que quelques glaciers? Cette question d' im capitale ne trouvera sa réponse que quand nous aurons une série suffisamment longue d' observations serrées, embrassant au moins deux périodes générales des variations glaciaires.

Je pourrais continuer pendant longtemps cette enumeration des points qui sont encore obscurs pour nous et que l' observation ultérieure éclair-cira pour nos successeurs. J' en ai assez dit pour montrer que le phénomène est intéressant, qu' il est encore insuffisamment élucidé et qu' il y a lieu d' en poursuivre l' étude systématique.

Ainsi donc, en remerciant les nombreux collaborateurs connus et inconnus qui m' ont, avec la meilleure grâce, communiqué le fruit de leur expérience, je sollicite d' eux des observations nouvelles; je prie en particulier mes collègues et amis du Club alpin suisse de continuer à vouer leur attention à ces faits qui appartiennent à l' un des plus beaux phénomènes de la nature, au phénomène peut-être le plus grandiose qu' offre à notre investigation notre chère nature alpine. Le superbe système d' observa inaugurées en Suisse par l' initiative de l' Inspectorat fédéral des forêts, que dirige avec tant de distinction notre collègue M. J. Coaz, va nous donner une base ferme pour l' étude méthodique du phénomène; on en jugera déjà cette année en feuilletant notre Chronique des glaciers dans le présent rapport. Mais à côté de ces observations officielles, il restera beaucoup à faire à l' initiative individuelle: petits glaciers des hautes régions, névés, épaisseur des neiges, glaciers nouveaux et glaciers disparus, etc.; les fervents des grandes cimes doivent nous apporter leur précieuse collaboration. Les secrets intimes de la grande nature alpine échappent au touriste inattentif; ils ne se révèlent qu' à l' étude passionnée de ceux qui leur ont voué leur cœur et toute la patience de leur vigilante observation.

6° Je clôturerai ce paragraphe en précisant la terminologie du phénomène que nous étudions. Une expression correcte donne de la netteté aux idées, aux observations, aux déductions qu' on en tire, à la théorie qui les résume.

J' appelle une période l' ensemble des changements de volume d' un glacier depuis le moment où il commence à croître jusqu' à ce que, après avoir décru, il recommence à s' agrandir.

Une période est composée de deux phases:

Phase de crue ou de croissance ou d' agrandissement.

Phase de décrue ou de diminution.

L' état de minimum est le début de la période; il succède à. la phase de décrue et précède celle de crue.

L' état de maximum est au milieu de la période; il termine la crue et précède la décrue.

Mouvement accéléré; dans la première moitié de la phase, que ce soit la phase de crue ou celle de décrue, la variation s' accélère progressivement; elle débute par être nulle, puis très faible, puis forte, puis très forte.

Mouvement ralenti; dans la seconde moitié de la phase, la variation diminue de .vitesse ou d' intensité; d' une valeur maximale elle passe à une valeur nulle.

Une période se compose donc des temps suivants: Etat de minimum, phase de crue, d' abord accélérée, puis ralentie, état de maximum, phase de décrue, d' abord accélérée, puis ralentie; enfin retour à l' état de minimum.

LIT. Organisation des études glaciaires.

Dans le VIme Congrès international de géologie, qui a tenu sa session à Zurich, en août 1894, j' ai été chargé par le Comité du Congrès de développer devant l' assemblée une proposition de notre ancien collaborateur, le capitaine Marshall Hall, actuellement établi dans le comté de Dorset en Angleterre. Il demandait la création d' une commission internationale, avec mission d' étudier suivant un plan d' ensemble les variations en grandeur des glaciers du monde entier et de résumer dans des rapports généraux les faits de détail collectés dans les diverses régions alpines du globe.

La proposition a été bien accueillie et la commission a été nommée. M. le prof. Léon Du Pasquier, de Neuchâtel, membre de la commission des glaciers de la Société helvétique des sciences naturelles, et moi-même y représenterons la Suisse.

Nous aurons probablement l' occasion, dans nos prochains rapports, d' entretenir nos lecteurs des actes de cette commission x ).

LY. Chronique des glaciers des Alpes suisses 1894.

Nous sommes heureux de pouvoir, dès cette année, utiliser les précieuses observations que la bienveillance du Departement fédéral de l' In et de l' Agriculture nous avait fait espérer l' année dernière ( voir XIII™ rapport, XLVIII, et XIVme rapport, LI ). M. l' Inspecteur en chef des forêts de la Confédération a obtenu des Administrations cantonales que celles-ci missent à sa disposition, pour la surveillance des glaciers, les agents forestiers des districts alpins, et, au mois de décembre 1894, il a déjà reçu des rapports sur 68 glaciers des divers cantons de la Suisse. M. Coaz a bien voulu nous communiquer ces observations, et nous lui en exprimons ici notre vive reconnaissance, ainsiLa Commission internationale des glaciers est composée de MM.: Suisse: Prof. Dr. F.A. Forel, à Morges, président.

Prof. Dr. Léon Du Pasquier, à Neuchâtel, secrétaire. Allemagne: Prof. Dr. Seb. Finsterwalder, Munich. Autriche: Prof. Dr. Ed. Richter, Graz. Danemark et colonies: Dr. K. Steenstrup, Copenhague. Etats-Unis d' Amérique: Prof. Dr. H. F. Reid, Baltimore. France: Prince Roland Bonaparte, Paris.

Grande-Bretagne et colonies: Capt. Marshall Hall, Parkstone Dorset. Italie ( vacat ).

Norvège: M. Peter Annsens Oyen, Christiania. Russie: Prof. Dr. J. Mouchketow, St-Pétersbourg. Suède: Dr. Svenonius, Stockholm.

Les variations périodiques des glaciers des Alpes.

qu' à tous les auteurs de ces importantes études. Nous continuerons à désigner les observations qui nous viennent de cette source par les initiales O. F. ( observations des forestiers ).

I. Bassin du Rhône.

Tout d' abord nous allons, comme nous l' avons fait l' année dernière, utiliser le tableau très intéressant que nous a communiqué M. Antoine de Torrente, forestier cantonal du Valais. Il indique pour 28 glaciers, mesurés par les agents forestiers du Valais, l' état de variation de cette année. Pour lui donner toute sa valeur, je mets en regard les valeurs analogues de l' année précédente ( 1893 ). Toutes les observations de 1894 ont été faites au mois de septembre. ( O. F. ) Glacier.

Vallée.

Variations „ 1893. 1894. Remarques.

Fiesch Fiesch — 36 m — 5,4 m Aletsch Massa — 5 m — 7 m dimin. d' épaiss. 1,5 "

Latschen Lötschen + 12 m -f 8 m Dala Leuk — 13 m Zanfleuron Sanetsch — 28 m — 68 m Kaltwasser Saltineym — 2,5 m Rossboden Simplon

+ 0,2 »

Om s' épaissit à l' extrém, 1° Allalìn Saas -f 6 m -f 6 m Fée n -j- 6ra — 26 m Gorner St-Nicolas — 26 m — 25,5 » Findelen n + 30 m + 60m Znwlt n — 5 m — 3 m Turtmann Turtmann

+ 5 m Durand ( Zinal ) Anniviers — 24 m — 20m Moiry n — 67 m Arolla Hérens -f- 5 m

Zigiorenove n -j- 102 "

-j-74 m Ferpècle n -f 4 m -j- 7 m Grand Désert Nendaz — 15 m — 20m Montfort n — 18 m — 16 m Otemma Bagnes — 1715 m Giétroz v — 6 m — lm Durand — 18 m — 3 m Corbassière n — 9 m Om diminution d' épaisseui Valsorey Entremont — 2,8 "

— l,8 m Boveire 119,5 m — 8,6 m La Neuvaz Ferret Om — 5 m Saleinaz 4- 8 mim D' après ces observations qui nous donnent un excellent aperçu du phénomène, et dont nous remercions M. de Torrente et ses agents, les allures ne se sont pas modifiées pour la grande majorité des glaciers du Valais ( 22 sur 28 ). Quatre glaciers qui étaient en phase de crue les années précédentes se sont mis en décrue en 1894, à savoir: Fée, Boveire, La Neuvaz et Saleinaz. Nous avons un nouveau glacier en phase de décrue à ajouter à notre liste des glaciers observés, le glacier de la Dala; un nouveau glacier en phase de crue, Turtmann; pour ces deux glaciers les observations ayant commencé cette année seulement, nous ne pouvons préciser autrement le début de la phase que nous constatons. ( O. F. ) Nous avons encore quelques notes à ajouter à ces observations officielles des forestiers valaisans.

1° Glacier du Rhône. D' après les mesures de M. L. Held, ingénieur au bureau topographique fédéral, le front du glacier, qui, les années précédentes, était à peu près stationnaire, s' est notablement reculé pendant l' année 1893-94, environ 20 m en moyenne. La superficie de la moraine profonde mise à nu par la diminution du glacier est de 14,800 m2, dont 8350 m2 appartiennent à la langue du glacier actif, 6450 m2 à la partie du glacier mort sur la rive gauche du Rhône. Depuis 1882, M. Held n' avait jamais constaté une diminution aussi forte.

Des rapports de M. Held au Gletscher-Collegium du S.A.C. je tire les chiffres suivants qui intéresseront nos lecteurs.

Nivellement des profils 1892-93.

Profil vert variation moyenne de hauteur — 6,10 » » jaune n n n il — 1,37rouge ».

n n )i — 1,57 - Unterer Thälifirn n V n — 1,80 » - Grossfirn n V; n — 0,66 m Oberer Thälifirn n n: B — 1,82 ' "

,, Grossfirn V n r V — 0,58™ Ainsi diminution d' épaisseur sur toute l' étendue du glacier. Vitesse annuelle sur les profils du glacier.

Profil jaune.Profil rouge.

1888-89105,7 m98,4™ 1889-90105,0 m92,9™ 1890-91106,1 m103,6™ 1891-92105,7 m101,4 m 1892-93 102,6 m104,Om Les petites variations d' une année à l' autre n' indiquent pas un changement appréciable dans les conditions d' écoulement du glacier.

Variations de la langue du glacier.

La superficie de moraine profonde recouverte par le glacier a varié comme suit:

1881-8224,500 1882-8311,400 1883-8413,850 1884-855,675 1885-866,300 1886-877,125 1887-886,950 1888-896,800 1889-904,110 1890-913,100 1891-92520 1892-938,050 1893-9414,800 II semble, d' après ces chiffres, que la retraite du glacier a atteint son minimum en 1891-92, et que depuis lors la décrue est devenue plus active 1 ). Cette reprise dans la retraite est-elle due à un ralentissement de la vitesse d' écoulement ou bien à la fusion extraordinairement forte des deux derniers étés très chauds et très secs? C' est ce que les observations ultérieures nous apprendront.

2° Glacier du Roteiseli. ( Note rétrospective. ) Je lis dans la Théorie des glaciers du chanoine Kendu, Chambéry 1840, p. 109: „ Le glacier de Rothelch, ( sic ) qui domine le nouvel hospice du Simplon, n' existait pas en 1732. " Le chanoine avait visité le Simplon entre 1835 et 1840, et il semble d' après son dire que ce glacier avait une certaine importance. Sur la carte du club de 1869, il est dessiné avec tous les caractères d' un petit glacier dans le fond d' un ravin du Schönhorn. Sur la feuille 501 de l' Atlas Siegfried, lever de 1886-87, ce ne sont plus que deux mauvaises flaques de neige sur le flanc N.E. du Hübschhorn ( Schönhorn ). L' étude attentive des très petits glaciers donnerait, semble-t-il, de précieux indices sur les variations de l' enneigement des hautes régions.

* ) La poussée en avant est, depuis 1856, toujours plus faible que la valeur de l' ablation au front du glacier; le glacier est depuis 38 ans en décrue continue.

3° Glacier inférieur de Fée. Déjà depuis deux ans on nous signalait la diminution d' épaisseur du glacier. Cette année, Mlle Clara Imseng, qui surveille attentivement son glacier, reconnaît un raccourcissement, confirmé par les mesures des agents de M. de Torrente.Voici donc un glacier qui a terminé sa phase de crue et qui s' est mis dans la seconde phase de la période.

4° Inondation de Bagnes. Le 28 juin 1894, une crue extraordinaire de la Dranse a ravagé la vallée de Bagnes; elle s' est manifestée vers 9 heures du matin dans le haut vallon de Chermontane, vers 10 heures à Pionnay, vers 12 heures à Chable, vers 2 heures à Martigny. La crue, de beaucoup la plus forte depuis la catastrophe du 16 juin 1818, a enlevé 17 ponts, a coupé les routes en plusieurs places, a érodé les terres cultivées; elle a failli dépasser les digues à Martigny-Bâtiaz, et peu s' en est fallu que les sommiers du pont du chemin de fer à Martigny n' aient été atteints par ces eaux extraordinaires. Heureusement que l' inondation de 1818 avait appris aux habitants de la vallée qu' un torrent glaciaire est toujours un mauvais voisin; toutes les habitations sont bâties à flanc de coteau, et aucune d' elles n' a été atteinte par la crue de cette année qui n' a, du reste, fait aucune victime ni parmi les hommes ni parmi le bétail.

En visitant la vallée le lendemain de l' événement, nous avons reconnu que l' inondation était sortie du glacier d' Otemma. Les études faites ultérieurement, entre autres par MM. A. de Torrente et P. de Rivaz, de Sion, Bioche et Michel, de Paris, ont montré que la cause en était due à la formation d' un lac temporaire sur le bas du glacier de Crête-Sèche, à sa jonction avec le glacier d' Otemma. Le corps de ce dernier glacier et sa moraine latérale gauche, beaucoup plus élevés que le petit glacier de Crête-Sèche, arrêtent les eaux de ce dernier. Normalement ces eaux s' écoulent par des canaux sous-glaciaires ou intra-glaciaires. Cette année, ces canaux ont été obstrués, et plus d' un million de mètres cubes se sont accumulés dans un petit lac. Celui-ci, ayant trouvé un écoulement dans une crevasse, a élargi celle-ci en un vaste canal par lequel le torrent s' est subitement déversé.

C' est là un phénomène un peu analogue à celui que nous avons signalé ( rapports X et XII ) au torrent de la Plima, Martellthal, massif de l' Ortler. Là aussi un lac temporaire, arrêté par le corps d' un glacier, a trouvé subitement son écoulement sous celui-ci. Dans le cas du Martellthal l' événement était dû à la mise en crue du glacier de Zufall. Si, comme cela est possible, l' obstruction de l' écoulement des eaux de Crête-Sèche est due à une reprise de l' activité du glacier d' Otemma, l' accident de 1894 pourrait se reproduire cette année ou les années prochaines. Le gouvernement du Valais a donc bien fait, sur le rapport de MM. de Torrente et de Rivaz, d' ordonner une surveillance attentive de ce glacier.

Des photographies intéressantes prises par MM. Bioche et Michel, de Paris, et M. l' ingénieur Rosenmund, de Berne, garderont le souvenir des détails de l' événement.

5° Glaciers des vallées de la Dranse. Je dois à M. le professeur Oh. Bioche, de Paris, les détails suivants, été de 1894:

„ Le glacier de Breney est certainement en crue et présente un fort gonflement.

„ Le glacier de Valsorey n' a pas avancé cette année; il a gonflé. Peut-être ce gonflement est-il dû à la poussée qu' exerce sur lui le glacier du Vélan.

„ Le glacier de Tzeudet paraît en décrue. "

6° Alpes vaudoises. Les observations des forestiers vaudois dirigés par M. A. Puenzieux, à Lausanne, qui nous sont communiquées par l' Ins fédéral des forêts, donnent les résultats suivants pour l' année 1893-94 pour deux glaciers du massif du Mûveran:

Glacier de Paneyrossaz. Crue de 0 à 8 m sur les divers repères. Glacier de Plan-névé. Crue de 7 à 36 m sur les divers repères. Les deux glaciers sont donc en crue, et nous devons les ajouter à la liste de nos glaciers en phase de crue dans la fin du XIXme siècle. ( O. F. ) 7° Glacier du Trient. D' après les notes de M. Jules Guex, de Vevey, la crue de ce glacier est moins active cette année que les années précédentes. L' allongement n' est que de 7, 8 et 9 mètres, suivant les repères, tandis qu' il était de 12 à 15 dans les années dernières; la calotte inférieure semble moins épaisse. Ces données sont confirmées par les photographies de M. J. Tairraz de Chamonix.

8° Glaciers du Mont-Blanc. Les seules observations que j' ai revues cette année sont celles de M. Joseph Tairraz, de Chamonix, qui m' a en -voyé les belles photographies de ses sept glaciers. En les comparant à celles de l' année précédente, j' apprécie comme suit les variations de ces glaciers:

Trientcrue faible.

Tourdécrue sensible.

Argentière décrue.

Boiscrue.

Bossomforte décrue.

TaconnazBionnassay stationnaire.

Les variations ne sont pas très considérables et n' apparaissent sur les photographies qu' au bout de quelques années. M. Tairraz confirme dans sa lettre du 11 décembre que le glacier des Bossons, dans sa partie inférieure, a décru notablement, moins en longueur, mais surtout en épaisseur ( 10 m ) et en largeur ( 9 m ). La décrue de ce glacier, qui a commencé en 1893, semble donc se confirmer positivement. Celle du glacier du Tour est bien évidente dans les photographies; les rochers qui apparaissent en plusieurs points de la cascade terminale des glaces sont notablement élargis en 1894.

II. Bassin de l' Aar.

Grâce à l' intervention eücace de l' Inspectorat fédéral des forêts, nous recevons enfin des observations systématiques sur les glaciers de l' Oberland bernois. Ces observations sont organisées avec grand soin et promettent un grand intérêt; elles portent sur 12 glaciers. Nous donnons en tableau le résumé des mesures faites en 1893-94. Dans la colonne „ Remarques " nous indiquons l' appréciation que nous croyons devoir tirer des observations détaillées:

Glacier.

Vallée.

Observateur.

Variations mesurées sur divers repères.

Remarques.

Unteraargletscher Aar Ad. Müller de7 » àllm décrue.

Steingletscher Gadmen n )i de6 m àim id.Rosenlauï Reichenbach v n delm à13"1 id.1 Oberer Grindelwaldgl.

Lütschine F. Marti de -

1-11 » à -

- 50 m orue.

Unterer Grindelwaldgl.

n n n 0 décrue.

& s Eigergletscher Lauterbrunnen » n 0 stationnaire.

do Tschingelgletscher n n de2 m à8 m décrue.

Kanderfirn Kander Abr. Müller delm à16 m id.

1Blürnlisalpgletscher n de3 m à8 m id.

è1

Gamchigletscher Kienthal V 71 de2- à24™ id.

ce tu Geltengletscher Lauenen F. Reichenbach de20 « > à -30 m id.

S* *

Wildhorngletscher Lenk J. Jäggi de2œ à40 m id.

Pour compléter ces valeurs numériques, les agents forestiers ajoutent les observations suivantes:

Glacier de Grindelwald supérieur. Le front du glacier est actuellement de 100 m environ en arrière de la position qu' il occupait lors du lever de la carte topographique ( feuille 396 de l' Atlas Siegfried, 1870 ). Le glacier est considéré comme étant encore en crue. Cependant une île rocheuse apparaît au milieu de la langue ( rive droite ). ( F. Marti, forestier d' arrondissement, Interlaken. O. F. ) Glacier de Grindelwald inférieur. Le front du glacier est actuellement en retraite de 800 m sur la position figurée dans la feuille 396 Siegfried, 1870. Après la caseade de glaces de 80 m de haut qui sort de la mer de glace, la langue du glacier se prolonge d' une centaine de mètres dans la gorge rocheuse de 20 à 30 m de large avec parois verticales de 80 à 100 m. Le glacier semble être encore en décrue de longueur. ( F. Marti. O. F. ) Depuis quelques années, M. le prof. Dr. A. Baltzer, à Berne, étudie attentivement sur le front de ce glacier le phénomène de l' érosion glaciaire; nous pouvons, de ses travaux, utiliser les faits suivants. D' après une carte au 1:2000 levée en 1893, le front était distant de 680 m de la moraine frontale délaissée par le glacier en 1860.

Des marques placées sur les bords de la vallée, à la Steglauene et au point où autrefois on descendait au moyen d' une échelle du Ranft-bodenband, montrent que, de 1889 à 1893, le glacier a accru son épaisseur d' environ 20 m dans sa partie moyenne.

Quant à l' extrémité terminale, elle n' est pas stationnaire, comme nous le disions dans notre XIIIme rapport, mais elle est encore en décrue. ( Prof. A. Baltzer. ) Glacier de l' Eiger. Lors du lever de la carte topographique, feuille 489, 1883, le front du glacier descendait jusqu' au pied de la paroi très inclinée de 70™, au haut de laquelle il s' arrête actuellement. Le glacier semble stationnaire. ( F. Marti. O. F. ) Tschingelgletscher. Semble en décrue rapide. Le front actuel est en retraite de 450 m sur la position donnée par la feuille 488, 1873, de l' Atlas Siegfried. ( F. Marti. O. F. ) Rosenlauïgletscher. Malgré la diminution de longueur, les montagnards affirment que ce glacier est encore en crue et continue à s' é dans les régions supérieures. ( Ad. Müller, forestier d' arrondisse, à Meyringen. O. F. ) Steingletscher. La langue de droite du glacier est entièrement couverte de débris; la langue de gauche se prête seule à des mesures. D' après le rapport des bergers de la Steinalp, le glacier est toujours en retraite. ( Ad. Müller. O. F. ) Unteraargletscher. D' après le dire des bergers et des guides de l' hospice du Grimsel, ce glacier est encore en décrue. ( Ad. Müller. O. F. ) Si je résume ces observations des glaciers bernois, ils semblent plus ou moins tous en décrue. Les glaciers de Rosenlauï et de Grindelwald supérieur, qui étaient en crue très active dans les dernières années, depuis 1880 environ, semblent ou bien s' être mis en décrue, ou tout au moins avoir de beaucoup ralenti leur accroissement. Nous verrons les années prochaines si cet arrêt se confirme. C' est en tous cas quelque chose d' analogue à ce que nous avons vu dans certains glaciers du bassin du Rhône.

in. Bassin de la Heuss.

Maderanerthal. D' après les observations de M. E. Krayer-Rams-perger, de Bâle:

Glacier de Hüfi: raccourcissement de 8 m; voûte du torrent 3in. Glacier de Brunni: encore en grande décrue; il s' est raccourci de 31 m; la langue du glacier est très mince, la voûte du torrent est nulle, l' eau très abondante sort par divers trous. ( E. Krayer, Bâle. ) L' inspectorat forestier du canton d' Uri a fait observer les principaux glaciers de la vallée et donne le résumé des variations pour 1893-94:

Glacier.Vallée.Variation.

Wyttenwassergletscher Urseren26 m KehlegletscherGesehenen — 10™ TV aïïenbïMfirn n _ 14 m Karligelfirn Meïen — 5 m Rossfim n 0 Erstfelder gletscher Erstfeld — 16 m D' après ces chiffres, qui résultent des observations de M. Th. Meyer, forestier cantonal d' Uri, décrue évidente sur toute la ligne. ( O. F. ) IV. Bassin de la Linth.

Le glacier des Clarides a été mesuré le 5 novembre 1894 par M. A. Leuzinger, forestier, à Glaris, et, malgré la neige qui recouvrait le front du glacier, il a reconnu sur un des repères un allongement de 2 m, sur l' autre un raccourcissement de 8 m. Le glacier doit être considéré comme étant en décrue. ( O. F. ) V. Bassin du Rhin. Rive gauche du H h in.

Le glacier de Puntaiglas, qui, chaque année, donne issue à un subit écoulement d' eau pendant 24 heures, semble avoir, depuis deux ans, 1893 et 1894, cessé de présenter ce phénomène. ( A. Giesch, forestier d' arrondissement, Disentis. O. F. ) Glasergletscher. Vallée de la Tamina. Le glacier s' étend sur une terrasse et s' y précipite en avalanche. En 1887, la terrasse était dégagée sur 1,5 m de largeur. Depuis lors, elle n' a plus été visible jusqu' en 1892 et 1893, où elle a réapparu sur une largeur analogue. Le Tamina-gletscher a, de même que tous les glaciers de la région, fortement décru en 1893. ( Robert Jäger, forestier d' arrondissement, Vättis. O. F. ) Pizolgletscher. Commune de Mels. De 1893 à 1894, il s' est allongé de 8 m sur le seul repère qui ait été retrouvé, les 4 autres repères posés l' année dernière ayant été recouverts. Ce glacier semble être en crue évidente. ( Robert Jäger. O. F. ) La section Rhaetia du S.A.C. fait observer l' état des glaciers de l' Oberland grison. ( Voir VIIIme rapport, 1887. ) Des mesures de 1893 et 1894 il résulte que:

Le Bundnerfirn, au Piz Vorab, s' est raccourci de 27™ depuis le 8 septembre 1887 au 13 août 1893.

Sur l' Obérer Segnesgletscher, Val Segnes, on n' a pas pu retrouver, en 1893, les repères posés en 1887. Une colline qui, d' après le rapport des montagnards, était atteinte par le glacier, il y a une vingtaine d' an, en est actuellement distante de 400 m environ. D' après les repères posés en 1893, il y a eu en 1893-94 un très fort raccourcissement: repère n° 1 — 8 m2.... _ 9»3 —464 —22- Le glacier est difficile à mesurer à cause des débris qui recouvrent son extrémité terminale.

Unterer Segnesgletscher. Depuis les mesures de 1887, le glacier était en 1893 tellement diminué qu' il n' est pas possible d' en mesurer le raccourcissement; il n' est plus qu' un champ de névé. De 1893 à 1894, le raccourcissement a été de 6 m. ( Peter Jakob Bener, section Rhsetia. ) Sentis. M. W. Kobelt, forestier cantonal, à Appenzell, a étudié lui-même la Blaue-Schnee entre le sommet du Sentis et l' Alpe Mesmer. Dans l' état actuel, c' est une grande flaque de neige et de glace, couverte de débris de rochers, qui ne peut prétendre au titre de glacier; il ne semble pas possible, pour le moment, d' en mesurer les variations. ( O. F. ) [Rire droite [du Rhin. "

Le glacier de Porchabella, vallée de Bergün, a montré, de 1893 à 1894, un allongement de 2,4 à 11,6 m, suivant les repères mesurés. ( Jakob Beely, forestier, Tiefenkasten. O. F. ) M. Ch. Jacot-Guillarmod, ingénieur au bureau topographique fédéral, occupé dans les trois dernières années à la revision des feuilles Ardez et Samnaun ( 420 et 417 de l' Atlas Siegfried ), a l' obligeance de me communiquer ses observations sur les glaciers du groupe de la Silvretta.

„ En comparant le nouveau lever avec celui de MM. Coaz et Bétemps, vers 1850, on peut constater partout de fortes variations dans l' état des glaciers. Tous ont fort diminué. Dans le vadret Tiatscha, où le recul est le plus évident, il s' élève à 800 m. Le Verstanklagletscher fWinter-thäligletscher de la feuille XV de l' atlas Dufour ) a diminué de 300 m et s' est séparé du Silvrettagletscher, qui lui était uni. Beaucoup de petits glaciers ne sont plus que de vulgaires flaques de neige.

„ J' ai demandé aux montagnards si peut-être ils auraient remarqué un accroissement récent de quelque glacier; Fon n' a pu me répondre. Quant à moi, je n' ai pu constater nulle part les signes de la poussée, si ce n' est peut-être au haut du glacier de Fermont, près du Fermontpass, où les cailloux de la moraine latérale m' ont paru fraîchement remués. A cet endroit, les couloirs de neige descendant du Piz Buin forment un coude assez prononcé en arrivant dans le thalweg aboutissant au val Tuoi.

„ L'on m' a dit que les glaciers reculaient toujours. Ainsi deux pointes de rochers qui se montrent maintenant au milieu du glacier, au fond du Fimberthal /vadret Fenga, recul d' environ 500 m ), n' étaient pas visibles il y a quelques années.

„ J' ai remarqué, en passant en 1893, c'est-à-dire l' année qui a suivi le lever, sur le glacier de la Silvretta qu' il était beaucoup plus crevasse que l' année précédente, signe donc d' une activité quelconque. " ( Ch. Jacot-Guillarmod. ) VI. Bassin de l' Adda.

Vallée de la Mera. Le glacier de la Bondasca a été levé en 1876 par M. H. Bachofer lors de t' établissement de la feuille 523 de l' atlas Siegfried. M. R. Reber, ingénieur au bureau topographique fédéral, a fait en 1894 une excursion dans cette région. Il a constaté, ainsi qu' il me le communique très obligeamment, que les trois langues du glacier entre les alpes Cengelo et Sciora sont fortement accrues, la langue orientale, près de l' alpe Sciora, de 300 in environ, les deux autres langues de 100 à 125 m. Toutes les trois descendent plus bas que les chalets de l' alpe Sciora ( 2068 m ). C' est donc un glacier en crue de fin de siècle à ajouter à notre catalogue.

Dans le petit vallon de la Duana, sans écoulement superficiel, mais qui appartient probablement au bassin de la Mera ( atlas Siegfried, feuille 520 ), M. Reber a également, en 1894, fait les observations suivantes: „ Der Ghiacciajo della Mazza ist seit 1875-76 an seinem nördlichen Ende wenigstens 100 m zurückgegangen, in einer sehr interessanten Form. Nämlich durch sein Zurückgehen ist der oberste Teil des Val di Roda, der früher vom Gletscher ausgefüllt war, bloßgelegt worden, so daß derselbe sich nun nördlich unter dem Gletscher durch fortsetzt bis zu dem Querwall, welcher Val di Roda und Val Duana trennt — bis zur Rodahöhe. In diesem bloßgelegten Teil des Val di Roda sind nun auch mehrere kleine Seen sichtbar geworden, in die der Mazzagletscher sehr steil und hoch abfällt und damit endigt. " ( R. Reber. ) Vu. Bassin du Tessin.

Les forestiers tessinois nous ont donné les mesures faites en 1893-94 sur trois glaciers du Val Maggia.

Glacier.

Vallée.

Variation suivant les repères.

Basodino Cavergno de — 4,8 m à — 22,a Cavagnoli n de — 4,7 m à — 19,7 Sassonero Peccia de — 6 m à — 8,8 Le mouvement de décrue est indiscutable. ( Observations du forestier Medici, sous la direction de M. l' inspecteur cantonal Merz. O. F. )

Résumé.

Il résulte entre autres des faits ci-dessus détaillés que:

1° La crue des glaciers de Zmutt, de Findelen, d' Arolla et de Ferpècle est positivement confirmée.

2° En fait de nouveaux glaciers qui semblent, d' après les observations de cette année, être en crue, nous avons à citer: Turtmann ( Valais ), Paneirossaz et Plan névé ( Vaud ), les Clarides ( Glaris ), Pizol ( St-Gall ), Porchabe.Ua et Bondasca ( Grisons7 glaciers.

3° En fait de glaciers qui, après avoir présenté une crue de fin du XIXme siècle, se sont mis en décrue depuis 1892, nous citerons avec plus ou moins de certitude: Fée inférieur, Boveire, Tzeudet, la Neuvaz, Saleinaz ( Valais ), Bossons, le Tour, Argentière ( Mont-Blanc ), Rosenlauï, Stein, Gamchi ( Berne11 glaciers.

4° Tous les autres glaciers qui ont été mesurés ou étudiés cette année par les forestiers suisses et par nos correspondants au nombre de 60 à 70 sont tous en décrue, et rien n' indique qu' ils aient subi une crue de fin du XIXme siècle.

5° L' année dernière, nous comptions dans notre territoire de glaciers 60 glaciers ayant présenté des symptômes positifs de la crue de fin du XIXme siècle. Cette année, ce chiffre est porté à 67.

Mais onze glaciers paraissant s' être mis en décrue l' année dernière ou l' année précédente, le nombre des glaciers en crue constatée actuellement serait de 56.

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