Les variations périodiques des glaciers des Alpes suisses. 45e rapport, 1924 | Club Alpino Svizzero CAS
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Les variations périodiques des glaciers des Alpes suisses. 45e rapport, 1924

Hinweis: Questo articolo è disponibile in un'unica lingua. In passato, gli annuari non venivano tradotti.

Quarante-cinquième Rapport — 1924 I. Hans Hess ( Nuremberg ): Der Hintereisferner. 1893—1922.

Ein Beitrag zur Lösung des Problems der Gletscherbewegung.

En un fascicule, réduit à 58 pages à peine, des Annales de glaciologie * ), le professeur Dr Hans Hess, de Nuremberg, donne à la science les résultats d' une œuvre magistrale commencée par lui en 1893, sous l' influence des vues théoriques de Finsterwalder, et poursuivie jusqu' en 1913 avec le regretté A. Blümcke, puis jusqu' en 1922 avec divers collaborateurs dont son fils, l' in Gustave Hess. L' ouvrage était digne, certes, de conditions de publication plus larges, mais sa concision forcée lui est un mérite de plus et peut-être même un avantage à notre époque si occupée: aucun glaciologue ne pourra ainsi esquiver le devoir de le lire. L' ensemble de planches qui le complète, notamment les cartes, dont le superbe lever de 1920, à 1:10,000, illustrent à merveille le texte, en faisant valoir en outre les avantages des procédés stéréautographiques pour la glaciologie.

Zeitschrift für Gletscherkunde, vol. XIII, 1924.

Hess a d' ailleurs établi successivement trois cartes de l' Hintereisferner, en 1894, 1905 et 1920. La dernière, du glacier entier et obtenue à partir de trois bases tracées sur le glacier même, a pu être construite et dessinée au stéréautographe en 80 heures, le temps qu' il avait fallu jadis pour ne cartographier que la langue et le bas du Kesselwandferner. Et toutes les crevasses y sont portées! Néanmoins, ces trois cartes restent encore insuffisamment nombreuses pour enregistrer tout l' essentiel des modifications de la surface glaciaire en 29 ans. De petites cartes annexes figurent cependant l' extrémité inférieure du glacier et celle du Kesselwandferner. Les frais de ces travaux ainsi que des mensurations ont été supportés en majeure partie par le Club alpin allemand et autrichien, en ceci mieux inspiré que notre Club suisse qui, trop tôt, a retiré son appui à l' étude systématique du glacier du Rhône.

L' Hintereisferner a son névé à l' altitude de 3200 m en moyenne. Son dissipateur, long de 4,5 km environ, descend à 2300 m. Depuis 1894 jusqu' à son minimum d' extension en 1917, le glacier a reculé de 305 m, perdant 18,7 ha, mais en 1922 il en avait regagné 5,i en s' allongeant de 42 m. Voici quelques résultats:

Ablation. De 1900 à 1914, 23 perches ont été régulièrement surveillées, donnant des chiffres très variables non seulement d' une année, mais encore d' un point à l' autre du même profil.

Alentour du sondage de 40 m, surveillé depuis 1895, l' ablation moyenne a été de 4,9 m avec un maximum de 6,6 et un minimum de 2,4. Ce point s' est abaissé et est descendu vers l' aval, mais le taux de l' ablation n' en a pas été affecté sensiblement. L' ablation, nulle vers 2900 m, atteint 7,s m à 2300 m. Son taux de variation avec l' altitude est en moyenne de 1,25 m par 100 m d' élévation. Au glacier du Rhône, on a trouvé des taux moindres et ces taux eux-mêmes vont décroissant à altitude croissante.

L' accumulation a donné, de 1910 à 1912, en épaisseur de glace:

altitude 2850 2900 3000 3100 m

— 5 +35 +77 +102 cm.

La limite du névé est vers 2860 m.

Mouvement. De 1894 à 1914, 7 signaux érigés sur l' axe longitudinal ont été suivis constamment:

Les vitesses sont plus variables au voisinage de la limite du névé que plus aval. Ceci provient de l' écoulement des masses bordières du névé qui exercent là des poussées très variables, et l' inégale répartition annuelle de l' accu y est aussi pour quelque effet. La variation des vitesses du glacier atteint jusqu' à 40 % d' une année à l' autre. Elle a une période de 5 ans et les divers repères l' éprouvent en général synchroniquement: le changement se fait dans toute la masse en même temps et dans le même sens.

Quant à la marche saisonnière, elle confirme les énoncés de Finsterwalder et Blumcke: Dans le tiers aval du dissipateur de l' Hintereisferner, le mouvement estival l' emporte sur l' hivernal: c' est le contraire plus amont et jus- qu' à la limite du névé. Le rapport des deux vitesses décroît régulièrement du front au collecteur. En moins d' un an, par exemple, l' effet d' un hiver plus nourricier se propage partout. Lors de la crue de 1914 à 1922, les vitesses ont augmenté jusqu' en 1919 partout à la fois, mais avec des irrégularités locales. Hess attribue la périodicité de 5 ans à la forme du lit glaciaire. Il y aurait, lors des grandes crues, interférence cumulative de ce facteur avec l' effet de la période climatique.

La vitesse annuelle maximum a atteint 125 m/an. Le trou de sondage de 214 m a mesuré 29,4 m/an en 1913/14; 121,5 en 1918/19 et seulement 22,a en 1921/22.

Forages. Depuis 1899 on a foré 12 trous à l' aide d' une tarière à injection d' eau. Trois de ces trous n' ont d' ailleurs pas atteint le fond réel. Les autres y sont arrivés, à 2 à 3 m près ( moraine de fond ) tout au moins. Par l' emploi d' un moteur pour actionner la pompe, on est parvenu à forer 95 m par jour. Un appareil base sur le chauffage électrique s' est montré inefficace.Vers 100 m de profondeur, dans la région de vitesse maximum, on s' est heurté à de continuelles fissurations arrêtant le travail. La profondeur trouvée pour les sondages a en général correspondu aux calculs préalables: dans un cas on avait trouvé 163 m, où les prévisions en indiquaient 230, mais en forant à une dizaine de mètres de là, on est bien arrive à 224 m.

Reconstruction des profils. En appliquant à l' état du glacier, considéré comme stationnaire, le principe de continuité, connu le taux annuel d' ablation normalement à l' élément de surface du dissipateur, et en passant aux sections verticales internes du filet d' écoulement qui y aboutit, on peut déterminer de proche en proche et d' aval en amont, les profils minimum successifs correspondant aux vitesses superficielles mesurées sur la ligne de mouvement corrélative. On envisage pour cela un glacier partiel limité à deux lignes de mouvement par des surfaces verticales. Réciproquement, si l'on connaît les profondeurs ( sondages ), on en déduira la vitesse moyenne dans la section considérée et le rapport vitesse moyenne: vitesse superficielle soit Vm: Vs. A l' Hintereis, on a trouvé des valeurs allant de 0,95 pour le trou de 38 m à 0,75 pour celui de 214 m. On constate que plus le glacier est mince plus le rapport est voisin de 1.

La vitesse au sol Vsoj = 0,6 à l,o Vs, et même 0,45 où la profondeur est grande.

Les épaves émergées des trous de forage ont confirmé cette diminution de la vitesse avec la profondeur. Pour 4 glaciers partiels médians, Hess a trouvé 0,80 et 0,8i avec des variations d' une année à l' autre des trois ans considérés.

Ce rapport s' éleva à 0,9i lors de la crue de 1918 la vitesse au fond s' ac relativement plus que la superficielle, prouvant qu' alors c' est tout le glacier qui allait plus vite. Cela explique la déformation modique du glacier lors d' une crue même notable.

La vitesse marginale pendant la dite crue a été notable: 28 % de la médiane.

Profil longitudinal. Dans la susdite reconstruction on peut remonter qu' au collecteur et Hess l' a fait, sur des bases sûres jusqu' à 3100 m, à l' estime plus haut, effectuant, le premier, un tel travail pour tout un glacier. Pour le glacier du Rhône, faute de sondages, on n' avait pas pu l' essayer.

Hess a construit ainsi une carte du lit entier, la première également, et des plus instructives. En maints lieux les surcreusements apparaissent, comme aussi le gradin de confluence du Kesselwandferner. La cubature du glacier devient ainsi possible et l'on trouve 1076,5 millions de m3.

Répartition de l' énergie sur le cours glaciaire. L' étude de cette répartition est la partie la plus originale et de portée majeure des recherches de Hess. Elle fait honneur autant à sa patience inlassable qu' à sa sagacité de physicien. Il part d' hypothèses simples mais plausibles:

Une tranche de glace verticale, découpée transversalement dans le corps du glacier, est sollicitée par la pesanteur et la poussée « à tergo » à descendre vers l' aval. Son poids même, si a est son épaisseur longitudinale, b sa largeur, e sa profondeur jusqu' au lit, Vm sa vitesse de marche annuelle moyenne et enfin a l' inclinaison du lit, lui conférera une énergie potentielle de pesanteur correspondant à la puissance de chute:

Le frottement sur le lit rs et l' interne r, seront aussi pour la tranche. En étendant à tout le glacier, on aura P = i?s+i?,, mais pour les parties, l' égalité ne sera généralement pas satisfaite, P l' emportant sur Rs-\-Rj ou inversement, de sorte qu' il y aura excès ou défaut de puissance gravique suivant la section transversale considérée.

Hess choisit ju— 1 10 —12 gr/sec. cm et /=0,05.

Pour 1905/06 et le glacier partiel médian compris entre les lignes de mouvement des repères 8 et 9, l' auteur donne un tableau détaillé, lequel montre que:

Dans les profils inférieurs P est plus petit que i?s+.R,; c' est l' inverse en amont. Il y a ici de l' énergie de reste qui fait marcher le glacier y compris sa partie basse. L' auteur figure des profils longitudinaux avec en regard les tracés de P et de Rs-\-Rt. L' intervalle entre ces deux tracés, s' il est au profit de P, représente de l' énergie disponible laquelle se transmettra aux sections d' aval. Pour un bilan énergétique total de 8475 kgm/s, à l' Hintereis, le haut glacier présente un excès disponible de 2190 kgm/s. La section d' égalisation est voisine de la limite du névé sans se confondre avec elle d' ailleurs. On distinguera donc dans le glacier un domaine, amont, de poussée ( Schubgebiet ) et un domaine, aval, de freinage ( Bremsunggebiet ); c' est là une dipartition nouvelle de l' appareil glaciaire.

LES VARIATIONS PÉRIODIQUES DES GLACIERS DES ALPES SUISSES.

L' excès d' énergie arrivant à un profil engendre dans cette section une pression capable de vaincre les frottements interne et du lit. Combinée avec la pression verticale statique, cette pression, normale à la tranche, donne la pression totale. Hess calcule que, dans la section verticale du profil XI, on doit avoir:

Profondeur Pression Direction de celle-ci:

Om 13,6kg/c2 presque horizontale 110 » 17,5 » 40° de pente 220 » 25,4 » 60° » » 330 » 34 » 70° » » Conséquence: la température mesurée au fond d' un trou doit être plus basse que la profondeur seule ne le fait prévoir statiquement et ceci explique les divergences trouvées par Hess dans le sens indiqué, jadis. Pour d' autres glaciers partiels délimités dans l' Hintereis, on trouve des répartitions énergétiques semblables. Tout ceci corrobore la théorie cinétique de Finsterwalder basée sur la non-turbulence de l' écoulement glaciaire, car le maximum de pression coïncide avec le plus grand rétrécissement de la section et la pression est plus forte sur l' axe longitudinal que sur les côtés. La pression décroît quand on s' approche de l' extrémité inférieure du glacier.

Au Kesselwandferner, on constate que l' énergie disponible est toute employée dès le haut des premiers rapides: le glacier se comporte là comme un remous derrière un barrage, où il reste disponible juste assez d' énergie pour faire franchir le seuil à l' eau superficielle. Nouvel approvisionnement d' énergie dans les rapides mêmes au profit de la partie inférieure du glacier. Ici le bilan total est 6120 kgm/s et la puissance disponible pour le mouvement 290 kgm/s, soit 140 en dessus et 150 en dessous du haut des rapides.

Forme d' équilibre du lit. Quand la forme est telle qu' en tout point du profil longitudinal le tracé de P coïncide avec la courbe Rs+Rit le lit a sa forme d' équilibre définitive. Si on connaît alors la profondeur e et la pente a du lit, la formule de Hess Vo = e2 [0,0316 sin a — 0,00132 cos a] donne la vitesse superficielle en tout point du cours glaciaire médian.

Le profil du lit de l' Hintereis est assez uniforme: légère concavité en amont, convexité en aval.

Le calcul montre que les glaciers les plus voisins de l' équilibre sont ceux avec névé en plateau et convexité de lit aval par rupture de pente, tels les glaciers norvégiens et les capes polaires, inlandsis, etc.

Glacier du Rhône. Les glaciéristes suisses avaient renoncé à essayer la reconstruction des profils de ce glacier à cause de la cataracte, perturbatrice. M. Hess a cru pouvoir passer outre et l' a tentée pour un glacier partiel médian limité aux lignes de mouvement des repères n° 26 rouge et 28 jaune. Il a admis Vm: Vo = 0,86 et il a calculé ainsi un profil du lit très plausible, puis la puissance développée:

II y a équilibre ou compensation pour la section transversale d' altitude 2906 m avec un bilan de 12 892 kgm/s. La courbe de P s' élève beaucoup dans la région supérieure puis baisse dès 3000 m. La cataracte fournit un nouvel excès d' énergie. Quant à la courbe de résistance totale, elle monte depuis le haut du glacier vers la cataracte puis baisse peu à peu vers le front, et c' est la cataracte qui fournit la plus grande résistance malgré l' appoint d' énergie de pente. Le maximum de pression se présente sur le profil Inférieur du Grand-Névé; dans la cataracte la pression est plutôt petite.

Variations de pression et de puissance corrélatives d' une variation glaciaire ( Hintereis 1914 à 1922 ). Hess montre que P de même que RS+Ri ont cru en même temps que les vitesses jusqu' en 1918 pour baisser ensuite avec elles, ce qui a amené presque la stagnation. La courbe des pressions a suivi une marche inverse; les pressions étaient plus fortes pendant la décrue que durant la crue. L' énergie libre est restée grande, car la résistance a varié comme le carré de ( Vm—Vsoi ).

En établissant alors les variations de niveau correspondantes du névé, Hess constate qu' il était de 10 à 15 m plus élevé avant la crue qu' en 1905/06. Il y a eu baisse durant la crue, jusqu' en 1920 ( 8 m ). En 1917/18 baisse plus accentuée du collecteur, élévation de la langue terminale. Ceci s' accuse encore mieux en 1918/19. L' année suivante, le front gonfle encore, mais la baisse gagne de l' amont à l' aval et dans tout le dissipateur la vitesse diminue. A ce moment un crevassement intense se fait sentir sur la langue. Enfin en 1921/22 l' abaissement gagne le front qui s' arrête aussi ( 4-10 m partout ). Tout ceci donne l' impression qu' il n' y a pas eu, en réalité, une vague se propageant le long du glacier, mais bien un changement d' ensemble se transmettant très rapidement dans toute la masse, idée déjà émise antérieurement. Même un hiver excessif en précipitations ne pourrait déclencher une crue pareille. Une accumulation de longues années est nécessaire.

Le cryocinégraphe, établi au Grindelwald par les glaciéristes suisses, montre justement que la vitesse frontale s' accroît depuis l' hiver jusqu' à atteindre un maximum au mois de mai, époque de maximum aussi de l' enneigement supérieur. La vitesse diminue ensuite dès l' été.

A l' Hintereis, il a passé par la section de compensation énergétique en 1915/16: 712,000 m3; 1918/19: 1,698,000 m3; 1921/22: 158,000 m3. Il y a eu un accroissement de pression qui a diminué le coefficient de frottement interne et déclenché la déformation de crue. En pareil cas c' est la vitesse au sol qui croît le plus, se rapprochant de la superficielle. Ainsi le glissement sur le lit varie beaucoup et c' est quand la vitesse diminue que se fait le crevassement comme celui de 1919/20 et qui persiste au même endroit. On constate d' autre part que le rapport de la résistance sur le lit Rs à la résistance totale RS+Ri croît quand la vitesse de la glace croît. Dans la partie inférieure du glacier, c' est surtout le frottement au sol qui consomme l' énergie.

En terminant, Hess insiste sur l' intérêt de levers triennaux des névés, en se contentant d' ailleurs de 3 ou 4 points axiaux.P.L. M.

II. L' enneigement des Alpes suisses en 1924.

Les renseignements généraux nous ont été donnés avec plus de parcimonie encore qu' en 1923. Cela tient surtout aux conjonctures météorologiques de 1924, défavorables à l' alpinisme, et peut-être aussi pour une part au fait que les courses d' hiver ont amoindri l' intérêt des grimpeurs pour la question: un peu plus ou un peu moins de neige quand on est sur skis!... Celui qui jadis pataugeait dans la couche blanche en remarquait mieux les variations d' épaisseur! Fort heureusement, nos correspondants ordinaires nous gardent une fidélité réconfortante. On lira plus bas leurs observations, mais je tiens à les en remercier ici, sans plus attendre, en sollicitant encore leur appui futur.

L' année nivométrique 1924 ( ter octobre 1923-30 septembre 1924 ) a eu, en haute montagne, les caractères mensuels suivants, d' après les excellents tableaux qu' en donne M. Brückmann, de l' Institut central suisse de Météorologie:

Octobre 1923 a été extraordinairement chaud, mais insuffisamment ensoleillé et trop riche de précipitations. La neige tombée en septembre s' est de nouveau dissipée en octobre, jusqu' à 2500 m au moins ( Säntis ).

Décembre a été extrêmement neigeux dans sa seconde moitié. La précipitation a été de 3 à 4 fois supérieure à la normale et les journées de chute de neige de 2 à 3 fois. Il en est résulté des avalanches exceptionnellement nombreuses et redoutables. ( On trouvera plus loin des détails sur ces accidents. ) La température de décembre a été un peu trop basse.

Janvier 1924 a été normalement chaud, mais un peu trop mouillé. Février, plutôt sombre et avec un excès d' eau, a été en revanche trop froid de 2 à 21lz°. Mars, au contraire, trop chaud, trop clair n' a eu que la moitié ou les trois quarts de sa hauteur de précipitation. A un avril normal, sauf un léger déficit de soleil, a succédé un mois de mai trop chaud de 2°. Juin et juillet, le premier de température normale, le second un peu trop chaud, ont tous deux eu trop d' eau et trop peu de soleil, en raison d' orages fréquents.

Août, en revanche, a été très pluvieux et très froid; on a recueilli lx/2 à 2 fois trop d' eau et l' héliographe n' a enregistré que les 2jz de l' insolation ordinaire. Septembre enfin, légèrement trop sombre, a eu un petit excès de précipitation en Suisse occidentale, un petit déficit en Suisse orientale.

L' année nivométrique 1924/25, notons-le encore, a débuté par un octobre trop sec, trop chaud et trop ensoleillé.

Avalanches. Les chutes de neige exceptionnellement copieuses de fin décembre 1923 ont provoqué, dans toute la Suisse—je l' ai dit plus haut — des avalanches, d' autant plus désastreuses qu' elles se sont détachées dans des parages qu' on en croyait exempts. Une fois de plus le fait s' est confirmé ainsi qu' au flanc de nos montagnes, quand les neiges s' amoncellent brusquement, rares sont les endroits tout à fait à l' abri du fléau.

La vallée de la Grande-Eau, dans les Alpes vaudoises, où d' ailleurs le danger d' avalanche est ordinaire, a été particulièrement éprouvée cette fois-ci. Le 23 décembre après-midi, trois avalanches sont descendues quasi en même temps sur le territoire de Leysin. L' une d' elles a détruit presque entièrement, en Essert, un groupe de chalets, cause de graves lésions aux habitants de l' un d' eux et tué le petit bétail. Une seconde coulée a défoncé le rez-de-chaussée de la pension St-Agnès; une troisième a détérioré l' annexe en bois de la pension Dent du Midi. Dans ces deux derniers cas, les dégâts matériels ont été graves; heureusement il n' y a pas eu d' accidents de personnes.

Le même jour, trois coulées ont glissé des hauteurs dominant la ligne du chemin de fer Montreux-Oberland; la plus forte, en amont d' Allières, recouvrit la voie, interrompant le trafic jusqu' au lendemain. Aux Ormonts-dessus, à 16 h., une avalanche a emporté huit bâtiments, dont une maison d' habitation où elle tua un homme. Même accident près de Ringgenberg ( Oberland bernois ); un armailli et son bétail y laissent la vie. Partout les communications deviennent difficiles et ce n' est que par un labeur incessant et dangereux que les agents des chemins de fer Aigle-Leysin, Wengernalp, Montreux-Oberland, Rhétiques, etc., maintiennent ou rétablissent le trafic. La neige abîme mainte forêt.

Les jours suivants sont tout aussi néfastes, et jusque dans le Jura! Dans la nuit du 24 au 25 janvier 1924, une grosse avalanche recouvre la voie du chemin de fer Yverdon-Ste-Croix, sur 200 m de longueur, au lieu dit En Covatannaz. Cette même nuit, aux Ormonts-dessous, un arein tombé du Gros-Van, sommité de la crête du Mont d' Or, emporte le chalet des époux Roch. On les retrouve morts, enveloppés encore de leurs draps de lit. Depuis 101 années on n' avait pas observé d' avalanche en ce lieu. Le lendemain, 26 décembre, une autre coulée, descendue de la montagne des Dix jusqu' à la Grande-Eau, après avoir râflé sur son passage sept granges et mayens, vient détruire trois beaux chalets locatifs, récemment construits par M. Busset. Une autre avalanche arrache de ses fondations l' abri « Pillon » du chemin de fer Aigle-Diablerets. Au Lavanchy, il y eut encore d' autres chalets emportés.

A Adelboden, une avalanche heurta l' hôtel Bellevue, en endommageant sérieusement l' aile septentrionale. A Weisstannen, les fermes Butti ont été balayées et un vieillard tué, avec tout le bétail. Au Grindelwald, une coulée jeta 16 granges dans la Lütschine et 4 pièces de gros bétail périrent.

Dégâts aussi à Verbier ( Bagnes ), à Bellegarde ( Fribourg ), dans le Canton de Glaris, dans le Prättigau, spécialement à St-Antönien. Près de Göschenen, le vent ( l' oure ) de l' avalanche rompt la ligne électrique du chemin de fer obligeant de recourir à la vapeur; à Wassen, c' est la voie obstruée sur cent mètres de longueur. Le 28 décembre, une coulée venue du Glishorn ensevelit quatre bûcherons au-dessus de Brigue; deux y laissèrent leur vie. A Zuoz ( Engadine ), il en fut de même de deux skieurs. A Airolo, 15 édifices, dont l' hôtel Motta, furent endommagés par le vent d' un arein puissant.

Le 3 janvier 1924, c' est le tour de. la ligne du Lötschberg, coupée près d' Ausserberg. Le 23 du même mois, une avalanche de fond descend jusque dans le village des Plans sur Bex, sans dégâts graves heureusement. Le 4 mars, une autre tue un agriculteur à Escholzmatt et le même jour une seconde surprend une caravane de skieurs à la Rautialp et en tue un.

Continuer cette enumeration serait fastidieux. De telles nouvelles sont d' ailleurs venues de toutes les parties des Alpes. Il convenait cependant de fixer la mémoire d' une telle accentuation du fléau.

A. Etat des neiges.

Suisse orientale. M. Jacob Hess a fait du 20 au 23 août sa campagne habituelle dans les Grisons et y a noté les limites d' enneigement ci-après:

Après les chutes de neige d' août:

Limite de la nappe Limite des continueflaques 20 VIII 1924ExpositionAltitude en m Glacier de Chalderas SE2650Glacier de Flix E2650 Suvretta N2600Piz Bevers NW27002600 Piz Jenatsch S2900 Glacier de Jenatsch W29002800 Du 20 au 21 août chute de neige jusqu' à 1500 m:

21 VIII Haute-Engadine N1800 S1900 Alpe Julier N2300 ( vieille couche 2800 ) Piz Albana S2800 Piz Julier E2700 22 VIII Piz Scalotta SE26002400 ( vieilles flaques 2750 ) Piz Rosatsch NW26002100 23 VIII Porchabella, Glacier de N2050 ( le 30 VII: 2700 ).

Suisse centrale. M. Oechslin nous donne encore, entre autres contributions glaciologiques, ses relevés réguliers de l' enneigement au flanc nord du Bristenstock; je ne puis les transcrire intégralement, mais voici l' essentiel de ces observations minutieuses:

Enneigement du Bristenstock et du Belmeten ( flanc nord ) en 1924.

Tableau I. Limite inférieureLimite inférieure Epoquesait. en mEpoquesait. en m ) 1 1—3 III 4408 IX2370 ( 2 jours de 15 III 1130 ( soleilföhn ) 640 ( ombre111350 3 IV 870212370 101180 ( föhn281870 11550 ( neige fraîche ) 30 2210 ( föhn ) 30 1520 ( flaques encore à 5 X 1440 1350 m ) 15 2100 ( föhn ) 9 V 56029 1680 18 1970 ( soleil ) 20 XI 2040 ( föhn ) Tableau I.

Limite inférieure Epoques ( alt. en m ) 18 V 1640 ( ombre ) 31 2120 30 VI 2320 25 VII 2110 1 Vili 2380 28 1530 Limite inférieure Epoquesait. en m ) 21 XI440 302050 ( föhn ) 7 XII990 }(föhn ) 282100 ( soleil ) 1120 ( ombre ) 31730 Dans le pays de Glaris, l' hiver 1923/24 a été très riche en précipitations au-dessous de 2500 m ( Linthal 1,5 m ); au-dessus c' a été plutôt le contraire. Au début de mai on avait: côté ombre 1300 m, côté soleil 1400 m et au commencement de juin 1800 et 2000 m respectivement, niveaux atteints un mois plus tôt qu' en 1923. Mais dès 2400 m l' ablation a été fort contrariée par les nuages, de sorte qu' en septembre on trouvait encore des restes de névé d' une ampleur insolite.Streif(-Becker. ) Le 10 septembre 1924, il n' y avait plus aucun reste d' avalanches dans le vallon de Gletsch, ni d' un côté ni de l' autre du Gletscherboden, non plus qu' en aval du pont duMuttbach. Seul le cône entre Gletsch et la gorge d' In den Lammen, sous la Maienwang, s' apercevait encore, mais réduit à un vestige qui n' enjambait même plus le Rhône. De même le 8 septembre, les restes d' avalanches qui s' étendent assez loin ordinairement sur le glacier d' Unteraar, au pied du Bächlistock, dans le fond de l' anse glaciaire d' où part le chemin aval du Pavillon Dollfus, étaient insignifiants. ( Mercanton. ) Le 16 mars, dans le val d' Arpettaz, il y avait encore énormément de neige entre les chalets et la moraine à mi-chemin du Col des Ecandies, mais les pentes de la Fenêtre du Chamois étaient fort peu enneigées dans leur partie supérieure et l'on y discernait encore les traces, datant de janvier déjà, d' une caravane. Le 8 novembre, lors de la campagne annuelle au Col d' Orny, nous avons trouvé deux restes, minimes, d' avalanches anciennes, dans le lit de l' Eau d' Orny, entre la Source et la gorge des Echelets. Le réenneigement déjà commencé ne nous a pas permis de discerner d' autres reliquats entre les Echelets et la cabane d' Orny; toutefois, nous avons remarqué que la « tine » ne contenait presque rien.

Les environs immédiats de la cabane Dupuis ont vu s' accentuer encore les changements, surprenants, amorcés les années précédentes: la soufflure qui déchaussait le promontoire même de la cabane était plus marquée encore: dans le plan même de la façade sud du refuge, son bord, net, était à 21 m du bloc-repère de la terrasse tandis qu' au droit du « bloc à l' épingle » ( voir Rapports de 1921 à 1923 ), cette distance était 26 m. Le fond de la gouttière était à 9 m au-dessous du dit bloc.

Quant à la grande soufflure immédiatement au nord de la cabane, son bord tranchant et en denture de scie, surplombant par places, dénotait le réenneigement commencé, mais la vieille glace se voyait encore à son flanc. Au droit de la tour rocheuse, le 9 novembre 1924, la profondeur était de 10 m et la largeur 13,8 m. Nous avons semé de l' ocre jaune sur le rebord en cet endroit.Mercanton. ) Le 22 septembre on ne rencontrait plus trace de vieille neige sur le sentier avant la cabane des Diablerets, non plus qu' à la source même. Le névé à flanc de montagne, en amont de la source, était très restreint et le rebord rocheux où l'on passe en montant au Tsanfleuron était aussi très largement dénudé. Deux petits névés se voyaient encore dans le vallon d' Entre la Reille, sous la cabane.

Au Rasoir, il n' y avait aucun indice de coupure transversale. Une rimaie béait sur son flanc sud près des Petits-Rochers, mais ne se prolongeait pas bien loin.Mercanion. )

B. Relevés nivométriques.

Ensemble nivometri que d' Orny. La mise à profit de ces installations n' a pas été, en 1924, aussi satisfaisante que d' habitude. La maladie puis la mort nous ont privé des observations régulières du regretté Joseph Joris, dont la collaboration éclairée nous a été essentielle pendant plus de dix ans. Nous lui adressons ici un suprême merci. D' autre part, personne n' a lu le nivomètre à l' époque de son enneigement maximum. Toutefois, nous disposons d' utiles renseignements: de MM. Fornerod ( avril ), MUo Morel ( juillet ), Dutoit ( Jaman ) et Mignot ( Diablerets ) ( septembre ) et enfin de M. Beck ( Thoune ) ( décembre ). Une mission à l' étranger a empêché le rapporteur de faire avant le 9 novembre sa campagne ordinaire d' automne; y ont pris part avec lui: Dr E. Roud ( Blonay ) et Mlle9 A. Morel et M. Danuser ( Vevey ), secondés du porteur Léon Farquet, d' Orsières, l' actuel gardien de la cabane Dupuis.

Nivomètre. Les tableaux II et III en donnent lectures et bilan:

Nivomètre d' Orny ( 3100 m ).

( 2 degrés valent 1 m ).

Degrés Tableau II.

1921

> io

1921 — 6 1921—1922

1922

1922

1922—1923

1923

1923 0 1923—1924 >5 1924 > 2,5 1924

+ 2,5

Balise et sondages. Le 20 avril, la balise du Col d' Orny émergeait de l,o m environ ( Fornerod ); le 21 septembre de 1,9 m ( Mignot ). Le 9 novembre, j' ai mesuré 0,95 m. Un sondage au bâton a fait rencontrer là une couche intra- versable, à l,o m de profondeur. C' est à peu près le niveau du 21 septembre, qu' on peut donc prendre pour l' étiage de 1924.

Nous avons prolongé cette ancienne balise, devenue trop courte, par une nouvelle, longue de 425 cm et enfoncée, le 9 novembre, jusqu' à n' émerger plus que de 321 cm, verticalement. Ladite perche est divisée, au couteau, en mètres, à partir de son extrémité supérieure, la plus mince; en outre on y a gravé un XXIV près du troisième trait. Ces coches permettent de déterminer exactement la hauteur d' émergence quand bien même on ne pourrait pas atteindre le sommet de la balise; il suffit de compter les mètres pleins et de mesurer l' appoint depuis la neige jusqu' au premier trait métrique, en centimètres si possible. On a épandu 3/i de kg d' ocre jaune de part et d' autre de la balise, dans l' alignement perche-cabane, sur deux à trois mètres de largeur et autant de longueur. Il n' a pas été fait de sondages au « perce-neige » de Church.

Visé du bloc-repère de la terrasse de la cabane, au clisimètre Brunton, le pied de la balise s' est révélé à 10,2 m sous le dit repère. L' étiage a donc été à — ll,a m. Celui de 1923 était à — 10,8. Il y a donc eu légère baisse de la surface glaciaire de 1923 à 1924.

Totalisateur. Il a, cette fois, convenablement joué son rôle. Le 11 juillet, Mlle Morel trouvait le liquide à 645 mm de l' ouverture; le 9 novembre, il en était à 529 mm seulement. Le soutirage par étape et les pesées corrélatives ont permis de jauger le récipient ce qui facilitera les mesures intercalaires ultérieures, la voie cathétométrique devenant sûre si l'on prend soin de donner toujours au mougin à peu près la même charge initiale.Voici les résultats de 1923/24:

29 X 1923—11 VII 1924 321 cm d' eau 11 VII 1924— 9 XI 1924 79,5 » » 29 X 1923— 9 XI 1924 ~380Ts cm d' eau, soit 368 cm pour 365 jours.

La moyenne tirée des observations ininterrompues d' octobre 1915 à octobre 1920 est 336 cm par an seulement.

Durant la période considérée de 1923/24, le pluviomètre installé par l' Observatoire de Genève à Orsières ( 890 m ) a mesuré, selon les données que M. le Directeur Gautier veut bien me fournir, respectivement 53 et 26 cm, soit en tout 79 cm d' eau ( 76,5 cm en 365 jours ).

Ce même 9 novembre, le mougin a reçu une charge nouvelle.

Glacier d' Orny. Le 10 novembre 1924, les distances de son front ( lobe oriental ) aux repères avaient varié comme suit depuis le 28 octobre 1923: I,3,5 m; II,10,5 m; III, + 1,6 m, ce qui fait conclure à un état de légère décrue, 1,5 m en moyenne pour ce lobe, le seul contrôlé régulièrement.

Ensemble nivométrique des Diablerets.

Les opérations ont eu lieu le 22 septembre 1924; y ont pris part avec le rapporteur: Wes Morel et Danuser, secondés du guide E. Reber, notre collaborateur ordinaire.

Nivomètre. Les lectures émanent presque toutes de M. Reber qui mérite pour cela notre particulière gratitude. En voici l' ensemble et le bilan:

Nivomètre des Diablerets ( 3030 m ).

( 2 degrés valent 1 m ).

Tableau IV.

Degrés Dates 1922 1923 1924 1 VI91 ( enfoui ) 1191 ( enfoui22 84 > 91 ( enfoui9 VII 82 > 91 ( enfoui ) 91 1591 ( enfoui ) 89 19 84 90 87 25 82 87 86 1 Vili 82 85 — 485 15 79,5 81 84 26 76 79,5 85 7 IX 74 77 84 13 — 76 — 21 73 77 82,5 24 XI87 Tableau V. Accumulation Dissipation Résidu: annuel Hiver Mètres Eté Mètres Automne Mètres 1920—1921 9 1921 21 1921 — 12 1921—1922

> 13

1922 > 6 1922

1922—1923

1923 > 7,5 1923 + 1,5 1923—1924 > 7,5 1924 > 4,5 1924

Balise. Enfouie le 8 août encore, elle émergeait le 16 de 0,5 m. Le 26 août elle était réenfouie, mais le 13 septembre on en voyait surgir 0,2 m. Le 22 septembre, nous avons trouvé la perche cassée au ras de la première division, soit à 0,25 m de son extrémité, et penchée vers le Scex Rouge. C' est sans doute l' exploit de quelque touriste mal avisé. Nous avons placé là une nouvelle perche divisée en 1/2 m par des coches à partir de son extrémité supérieure. Cette balise, longue de 280 cm, émergeait le 22 septembre de 200 cm juste. A son pied nous avons épandu 1 kg d' ocre jaune sur 4x5 m de superficie et du côté sud. Le 24 septembre 1924, Reber a trouvé la nouvelle balise saillant de 120 cm seulement.

Totalisateur. Il s' est parfaitement comporté dans sa nouvelle station. M. Reber y a prélevé deux échantillons le 1er juin 1924 alors que le liquide était 21 à 787 mm sous l' ouverture. La densité de la liqueur, déterminée au laboratoire, I,i4o correspondait à un appoint d' eau météorique de 20,94litres, soit 105 cm d' eau, recueillie depuis le 21 octobre 1923. Le 22 septembre, jour de la vidange, la densité était I,oo4 seulement et le niveau était à 733 mm de l' ouverture. D' autre part, la pesée du contenu a donné, pour l' eau emmagasinée, 33,9o litres, correspondant à 170 cm de précipitation en 337 jours, ce qui fait 184 cm en un an. On a donc eu, en y adjoignant les observations de Diablerets-Village:

21 1 X VI 1923— 1 1923—22 VI IX 1924 1924 Tsanfleuron 105 65 ( 2870 cm » m ) Diabl.Vill.

100,5 51 ( 1170 cm » m ) 21 X 1923—22 IX 1924 170 cm 151,5 cm Ce même 22 septembre 1924, le totalisateur a reçu une nouvelle charge.

Ensemble nivométrique du massif de la Jungfrau.

Nivomètre de l' Eiger. Cette précieuse et déjà ancienne échelle a été surveillée avec le soin et la ponctualité coutumières par le personnel du chemin de fer de la Jungfrau, que j' en remercie, comme son directeur, M. Liechti, dont l' appui aussi fidèle qu' éclairé m' est un encouragement constant. Les tableaux VI et VII en résument lectures et bilans:

Nivomètre de l' Eiger ( 3100 m ).

Tableau VI.

( 2 degrés valent 1 m ).

Degrés Degrés Dates 1922 1923 1924 Dates 1922 1923 1924

5 I

56

8 VII

44 36 26 10 17 54 50 16 42 32 24 18 25 60 46 27 36 28 20 25 24 56 46

4 VIII

33 24 18

7 II

34 54 41 20 27 16 14 24 40 53 36

4 IX

23 12 18

11 III

49 52 34 15 24 8 21 23 58 56 26 20 22 9 22

3 IV

60 50 26 30 22 12 24 25

> 60

52 38

8 X

2fi 14 22

4 V

> 60

48 38 17 28 17 20 12

> 60

50 40 25 30 18 18 24 60 48 38

13 XI

37 16 16 31 58 47 36

3 XII

48 10 IG

8 VI

51 44 34 2612 16 56 42 32

27 I 1925 -

— 14 26 54 39 30 Minimum absolu de 1923: 10 ( IX ). Maximum absolu de 1924: 56 ( I ). Minimum absolu de 1924: 12 ( XII ).

Tableau VII. Accumulation Dissipation Résidu annuel Hiver Mètres Eté Mètres Automne Mètres 1920—1921 9 1921 21 1921 —12 1921—1922

> 30

1922

> 19

1922

+11

1922—1923 19 1923 25 1923 — 6 1923—1924 23 1924 22 1924

Remarquons la tardivité du minimum absolu de 1924 et la précocité du maximum, au contraire.

Toutes les tentatives pour maintenir une balise sur le glacier devant l' échelle fixe ont été déjouées par les avalanches redoutables qui tombent de l' Eiger en cet endroit, le seul malheureusement où une telle implantation puisse servir à quelque chose.

Ensembles nivométriques de la Z.G.K. J' extrais les données suivantes du XIe rapport de la Commission glaciologique de la Société de Physique de Zurich ( Z.G.K. ), rédigé par M. Billwiller:

Clarides. Voici les rares lectures faites aux balises:

Enneigement depuis le 13 septembre 1923.

Balise inférieureBalise supérieure ( 2700 m2910 m ) 2 X192320 cm45 cm 6 VII 1924340 »470 » 13 VII 1924317 »465 » 17 IX1924263 »450 » Le 17 septembre 1924, MM. Streiff-Becker et Wegmann ont fait une série de sondages qui ont atteint l' ocre précisément à 450 cm à la balise supérieure. Le chiffre 263 du tableau représente également le résultat moyen de sondages à la balise inférieure; ce chiffre est intermédiaire entre les lectures aux deux perches placées en cet endroit.

Le totalisateur du Geissbützistock a été trouvé débordant. Il a donc reçu au moins 400 cm d' eau du 12 septembre 1923 au 17 septembre 1924. Pendant le même laps de temps, Auen-Linthal mesurait 198 cm.

Silvretta. Voici les lectures aux deux balises:

Tableau VIII.

Accroissement du névé depuis le 29 septembre 1923.

Balise inférieure Balise supérieure ( 2760 m ) ( 3013 m ) cm cm 14 I 1924 250 245 26 II 240 235 1 IV 250 235 22 IV 300 260 15 VIII — 170 8 X 90 230 On constate une fois de plus que la balise inférieure a été plus enneigée que l' autre. C' est sans doute l' effet du vent au Col.

A la balise inférieure, dès juillet, tout le gain de l' hiver était dissipé et l' ocre de 1923 visible ( Guler ), de sorte que les 90 cm mesurés le 8 octobre étaient déjà du réenneigement. Sur l' emplacement de 1924, on a érigé une nouvelle balise de frêne.

A la balise supérieure, il y a bonne concordance entre le gain de 238 cm indiqué par les sondages et le résidu de 230 cm lu à la perche. Le totalisateur de l' Eckhorn ( 3150 m ) avait une couche de glace de 12 cm d' épaisseur. Il contenait d' ailleurs les précipitations de trois années et il a bien fallu le vider. La précipitation totale du 29 septembre 1923 au 8 octobre 1924 a été de 130 cm. Dans le même temps, le mougin de la cabane ( 2375 m ) recevait 164 cm d' eau et Klosters mesurait 143 cm. Le résidu d' enneigement du Col semble donc tenir davantage à la faiblesse de l' ablation estivale qu' à l' abondance des précipitations.

L'on voit aussi qu' il n' est pas recommandable de laisser l' eau s' accumuler dans un totalisateur: la dilution de la solution saline, en s' accentuant trop, livre le mougin sans défense à la congélation et aux erreurs qui en découlent.

Parsenn et Weissfluh. L' enneignement maximum a été lu le 6 janvier 1924 à la balise de la cabane Parsenn ( 2280 m ), par 195 cm. A celle de la Weissfluh ( 2740 m ) on a note 280 cm dès Noël 1923 au même 6 janvier 1924 et de nouveau 280 cm le 4 mai.

Balise du Piz d' Err ( 3200 m ). La balise installée le 27 août 1923 en remplacement d' une autre disparue a donné un maximum de 315 cm le 7 juin.

La balise a été prolongée par une nouvelle, émergeant de 41/2 m le 20 août 1924. Les sondages ont rencontré trois niveaux de durcissement, à 73 cm, 130 cm et 160 cm; on n' a pu pousser plus loin à cause du froid qui soudait les carottes de sondage au tube, cause de défaillance du procédé très gênante et avec laquelle il faut compter, même en été parfois.

Le mougin du Piz Scalotta ( 2970 m ) a recueilli 262 cm d' eau. Dans cette campagne que le mauvais temps a rendue pénible et dangereuse, M. J. Hess a été secondé très utilement par le guide G. Cotti, son collaborateur habituel.

Säntis et Gothard. Les relevés d' enneigement, faits en ces deux endroits pour l' Institut fédéral de Meteorologie, se résument ainsi:

Le Säntis ( 2500 m ) réenneigé définitivement dès le 3 novembre 1923 l' a été par deux fois jusqu' à un maximum de 350 cm dans la première quinzaine de janvier. Après il y a eu minimum relatif, 250 cm vers le 21 mars puis un maximum absolu 400 cm au milieu de mai, après quoi la fonte a été très rapide et a libéré le sommet le ler juin déjà.

Au Col du St-Gothard ( 2100 m ), le réenneigement a commence le 6 novembre 1923, le maximum absolu s' est produit dans le milieu de janvier 1924 et le désenneigement total le 18 juin.

Conclusions. En résumé, l' enneigement de 1924 a été progressif. Il faut en chercher la raison tant dans l' abondance et la tardivité des précipitations hivernales que dans le manque de chaleur de l' été et de l' automne suivants.

P.L. M.

III. Chronique des glaciers suisses en 1924.

Dès 1924, la Commission des glaciers de la Société helvétique des Sciences naturelles a assumé seule le soin, qu' elle partageait depuis quelque vingt ans avec le Service fédéral des Eaux et l' Inspectorat des Forêts, de contrôler les variations de longueur des glaciers de notre pays et de poursuivre l' œuvre commencée en 1880 déjà par F.A. Forel. Lourde tâche certainement et qui eût excédé les possibilités d' une petite poignée d' hommes, occupés par ailleurs, si les agents forestiers cantonaux ne nous avaient, sans exception et sans réserves, assuré leur aide matérielle et morale; si, d' autre part, nos collaborateurs privés ne nous avaient donné encore leur appui précieux. Il est juste de dire aussi que la Confédération nous a accordé sans lésiner les ressources financières indispensables.

Malheureusement, l' été fâcheux de 1924 a contrarié les mensurations, certains glaciers ne s' étant pas suffisamment désenneigés. Enfin, la circulaire envoyée comme précédemment dans les centres glaciaires n' a pas apporté la moisson attendue de renseignements utilisables tandis que la contribution des alpinistes restait minime. Le touriste croit-il ses renseignements inutiles ou inutilisés? Ce serait fâcheux, car le réseau des contrôles réguliers ne saurait jamais être assez large et bien des petits appareils resteront toujours en dehors de ses mailles. Nous sommes tout prêts pourtant à instruire les amis de l' Alpe qui voudraient assumer la surveillance régulière d' un ou deux glaciers. La fidélité déjà ancienne de notre collaborateur veveysan, M. Jules Guex, à son glacier de Trient, celle de M. Francis de Quervain à ceux du Lötschental, de M. Robert Campiche à ceux du Hasli, témoignent, en même temps que du zèle scientifique de ces Messieurs, de la satisfaction croissante que donne une telle œuvre à qui s' y voue avec suite.

Les contrôles ont été étendus à certains appareils de la vallée de Binn par M. le Dr W. Custer, au Duran de Seillon et au glacier de Moiry par les forestiers valaisans. Ailleurs encore on a établi de nouvelles bases frontales et 1925 verra les premiers résultats de cet effort. Les glaciers du Grindelwald ont été comme auparavant les objets des soins spéciaux de la Commission; M. l' in Blumer, de Berne, y a fait les levers usuels. M. Mercanton a répété au glacier du Rhône ses opérations de 1923 tandis que M. Lütschg revoyait les appareils de la vallée de Saas. Le programme des recherches à l' Unteraar a été exécuté par M. Beyeler, technicien de la Compagnie des Forces motrices bernoises ( BKW ). La mort violente de ce collaborateur compétent et consciencieux, emporté au début de 1925 par une avalanche, est une perte déplorable et pour nous un vif chagrin. Enfin, M. Jacob Hess, de l' Institut central de Météorologie, a pu revoir les glaciers grisons qu' il munit naguères de repères, tandis que M. Streiff-Becker, de Glaris, vouait sa sollicitude compétente au névé des Clarides.

L' emploi du cryocinémètre a fourni aux contrôles de 1924 un appoint bienvenu et ce petit instrument, judicieusement appliqué, mérite de mieux en mieux sa place dans l' arsenal du glaciologue pour élucider le régime douteux d' un glacier. Bien entendu, ses indications doivent être « interprétées »; le cryocinégraphe installé en permanence devant le glacier Supérieur du Grindelwald a démontré en effet l' existence d' une fluctuation saisonnière importante de la vitesse d' écoulement frontale pour ce glacier, et il serait imprudent de méconnaître la probabilité d' une semblable périodicité chez les autres glaciers. Quand on aura pu obtenir de tels enregistrements chez un glacier stationnaire ou en décrue, on saura si ladite variation est un phénomène général, commun à tous les fronts glaciaires quelqu' en soit le régime, comme c' est probable, ou s' il tient à la seule crue. On saura aussi entre quelles limites la variation de vitesse évolue et on en pourra tenir compte dans l' appréciation du régime actuel d' un glacier. Jusqu' à plus ample informé on peut admettre que les vitesses frontales mesurées à la même époque de l' année sont comparables et caractérisent bien l' état présent du glacier, le passage du régime de crue à celui de décrue s' accompagnant simplement d' une diminution manifeste de la vitesse moyenne et vice versa. Il y a là d' ailleurs un domaine de recherches importantes et que la Commission ne fait que « reconnaître » encore1 Le nombre total des glaciers sur lesquels 1924 nous a apporté des renseignements n' est que de 100 au lieu des 118 de 1923, mais pour la plupart d' entre eux ce sont heureusement des informations quantitatives. Les voici dans la forme habituelle; j' ai restreint la comparaison tabulaire aux seuls glaciers mensurés, me bornant à classer les autres:

Tableau IX.

I. Bassin du Rhone.

Variations, en mètres, en:

Glaciers Rhône 1922 — 28. 4 1923 — 9 — 2 1924q 3 Fiesch

Aletsch...

. 20 — 78 — 33 Jäoai.

18 27 0 0 0 9 15 0 — 9 0 10 3,6 — 2 — 6 — 2,s Lötschen

Thäliboden Kaltwasser Fee

Allalin.

15 ( max. )

12. 2,5. 4 — 6. 3,5

— 9,5 — 19 0. 1,5 2040 ( max. )

+

- 9,5 — 1 - 1,5 Q — 0,5 0 13 - 1,5 0 - 3,5 - 11,5 — 18, s(max. ) 10,5 - 12,5 6 - 5 - 4,5 - 5,5 — 6 — 14 0,5 - 28,5 — 6,5 Schwarzenberg... Gorner

Turtmann..

Duran ( Tsinal ).. Ferpècle....

A rolla Tsigiorenove

Grand-Désert Mont-Fort

Valsorey

Saleinaz

Orny

— 9 1 - 1,5 Tableau IX.

Variations, en mètres, en:

Glaciers Trient

1922 6 1923 0 1924 0 Paneyrossaz

2 2 0 Martinets.

25 9 Ki 8 Grand Plan-Névé... Petit Plan-Névé...

7 7 En outre, les glaciers suivants étaient:

stalionnaires: Pierredar, Ofentai, Lang; en décrue: Crête-Sèche, Otemma, Giétroz, Prapioz, Neuvaz.

Le glacier du Rhône est en recul décidé, faible d' ailleurs et même compensé sur le côté droit du front par une légère avance. Son aspect a peu changé depuis 1923; quelques écroulements de glace sous le Belvédère rendaient dangereux les abords de son front, à gauche.

Le cryocinémètre a mesuré, le 10 septembre 1924, des vitesses de 13,5 cm/j à droite du portail et 10,4 cm/j à gauche. Le 29 août 1923, on y avait constaté respectivement 17,3 et 9,i cm/j. C' est une diminution de 1,? cm/j en moyenne que la fluctuation saisonnière précitée ne suffit guère à expliquer.

Au Belvédère, le 9 septembre, la glace était à 8 m du repère plombé; le 26 août 1923, j' avais mesuré 10 m, mais il peut n' y avoir là qu' un simple effet d' une ablation diminuée en 1924.

Un excellent travail de repérage et de cartographie sommaire a été fait pour la Commission par M. le D1' Custer, géologue, avec le guide Adalbert Volken, dans la vallée de Binn. Des bases ont été établies par eux devant les glaciers de Mittlenberg et du Thäli et la situation du Turben fixée par rapport au premier. C' est un enrichissement véritable du réseau valaisan, encore trop pauvre à notre avis.

Le glacier de Jäggi dans le Lötschental continue de croître. M. Francis de Quervain me fait remarquer à son sujet que l' avance de 9 m attribuée dans mon rapport de 1923 aux deux années 1922 et 1923 concerne en réalité la seule année 1923 de sorte que depuis 1921 le glacier a progressé de 37 mètres. Le 7 septembre 1924, sa vitesse frontale n' était que de 3,2 cm/j.

Le dissipateur du Langgletscher s' est affaissé et rétréci de 5 à 10 m; le cryocinémètre qui y mesurait 17 cm/j en 1922 et 12 cm/j en 1923 n' indiquait plus que 7,8 cm/j en 1924, toujours en septembre.F. de Quervain. ) Dans la vallée de Saas, d' après M. Lütschg, le Thäliboden, en recul net, s' est aminci en coin de plus en plus effilé. Son écoulement frontal était au maximum de 0,4 cm/j ( en 1923: 2,4 cm/j ). Le glacier de Fee, stationnaire à son extrémité ultime, est donné par les forestiers comme en faible recul. Sa vitesse frontale, de 6,2 cm/j qu' elle était en 1923, n' était plus que de 4,i cm/j en 1924. L' Ofental, très légèrement accru, s' écoulait à raison de 1,8 cm/j.

Le front du Schwarzenberg, complètement recouvert de détritus morainiques, a progressé de 10,5 m autant qu' on peut en juger dans ces circonstances; mais le reste du dissipateur a tous les aspects de la décrue. Il va sans doute entrer en régression. Quant à l' Allalin, en dépit d' une légère avance de son lobe nord-oriental, le plus bas, il apparaît nettement en recut « Auf der Schanze », son front était, le 3 septembre 1923, à 5,sm seulement du repère; le 24 juillet 1924, il s' en écartait de 24,4 m.Lillschg. ) Le Turtmann est entré en crue tandis que le Tsigiorenove a fini la sienne et reculé de 6 m. M. l' inspecteur forestier de Werra a muni le glacier Duran de Seillon d' un ensemble de repères1 ) et M. l' inspecteur Müller en a fait autant à celui de Moiry, traduisant ses opérations par des documents photo- et cartographiques bienvenus. Ainsi une lacune regrettable de notre réseau de surveillance est comblée.

Le glacier d' Otemma persiste dans son recul et, d' autre part, son affluent le Crête-Sèche continuant de s' affaisser plus rapidement encore, il en est résulté de nouvelles accumulations d' eau au bas du dit affluent, avec débâcles consécutives, les 5 juin et 22 juillet notamment, non sans dégâts sur le parcours de l' eau ( de Preux ). Le Giétroz est donné comme en décrue par M. de Preux, ingénieur du Canton du Valais. Quant au Trient, il convient de le considérer comme stationnaire malgré que son extrémité ait gagné encore un mètre, car il a perdu plus de 4,5 m sur les côtés du front ( Guex ). Une vérification au cryocinémètre serait ici bien utile.

Même remarque pour le Prapioz ( Diablerets ).

Le glacier de la Neuvaz a terminé en 1922 sa crue, commencée en 1913.

( Rausis. ) Dans le bassin du Rhône, tous les grands glaciers se montrent ainsi en décrue.

II. Bassin de l' Aar. Tableau X. Variations, en mètres, en:

Glaciers 1922 1923 1924 Unteraar — 14 — 10 - 10 Rosenlaui10 Gamchi — 3 15 0 Grindelwald Supérieur 5 l,i - 2,5 Grindelwald Inférieur

+

12

> 10

Stein 0 0

Blümlisalp 0 0 2 Tsanfleuron — 13 0 1 En outre sont:

en crue: les glaciers de:

Schwarzwald, _ Renfen, Thierberg; stationnaires: Gspalten, Gamchi; en décrue: Lämmern, Wildhorn, Eiger, Ratzli, Trift, Rosenlaui Gauli.

Le Thierberg remplit de plus en plus l' auge entre le Vorder- et l' Hinterthierberg. Le Rosenlaui pousse encore vers les parois du Wellhorn, mais son front est en recul manifeste.Campiche. ) M. Campiche a pu enfin vérifier que l' amas pierreux en relief sur le dissipateur de l' Oberaar est fait de blocs distincts; c' est donc bien, comme nous le pensions, la résurgence d' un éboulis tombé dans le collecteur glaciaire, il y a bien longtemps sans doute, et qui a fait le « voyage du glacier » par l' intérieur de celui-ci, jusqu' au dissipateur où il est réapparu au jour.

J' ai visité l' Unteraar les 8 et 9 septembre 1924. Son talus terminal avait encore reculé de 10 m, d' après les mensurations des BKW. Deux cryocinémètres installés simultanément sur l' emplacement des années précédentes ont marqué, l' un 0,75 cm/j, l' autre O,o. En 1922, nous avions trouvé 1,8 cm/j et en 1923 0,9 cm/j.

Une particularité remarquable du glacier est ici la grosseur insolite de son grain, grosseur dont je n' ai vu la pareille nulle part, pas même à l' inlandsis grœnlandais. J' ai mesuré sommairement quelques grains, recueillis dans les couches basses de la glace frontale et d' ailleurs déjà un peu diminués par la fonte, et j' ai trouvé pour l' un d' eux les dimensions suivantes: 13x11 X6 cm, soit un volume de 860 cm3 environ, tandis qu' un autre avait 14 x 9 X 7 cm, soit 880 cm3 environ. Beaucoup de grains étaient gros comme le poing fermé.

J' ai revu, le 10 septembre, les débris de l' Hôtel des Neuchâtelois; leur destruction et leur dispersion sont activées par le crevassement des parages où ils gisent actuellement. Le gros bloc-repère n° 2 et le bloc a, mensuré en 1922, restent néanmoins bien reconnaissables.

Le 7 septembre 1924, le glacier « régénéré » du Schwarzwald portait les vestiges d' éboulements de glace copieux et récents; on doit le donner comme en crue, semble-t-il.Mercanton. ) L' avance du glacier Supérieur du Grindelwald est en passe de s' arrêter. Déjà les déplacements contradictoires du pourtour frontal en témoignent. La surface terminale du glacier s' égalise et s' aplatit en plan incliné uniforme; dans les rapides le crevassement devient moins intense. Tous signes de décrue imminente!

En automne 1924, tandis que sur son pourtour NE le front s' était notablement retiré, en son milieu il avait poussé plus avant encore l' ensemble de gros blocs qu' il refoule depuis le début de la crue, mais la Lütschine, destructrice, ne lui a pas permis de garder le terrain conquis. Le lagot qui borde le lobe gauche du front s' est encore élargi par ablation de sa rive glaciaire. En revanche, une véritable nappe de glace, formant placage continu, a envahi le flanc gauche de la grande moraine du Milchbach, écrasant la jeune forêt et déversant quantité d' éboulis rocheux jusque sur le sentier, qu' on a dû détourner. L' épaisseur du revêtement morainique explique pour une bonne part cette poussée locale, d' autant plus opportune qu' elle agit précisément sur le rocher où MM. Lütschg et de Quervain ont établi jadis leurs repères d' érosion.

D' août 1923 à août 1924, le retrait moyen du front du glacier Supérieur a été 2,3 m, découvrant 875 m2; l' envahissement du terrain sur le flanc gauche a, d' autre part, été de 470 m2 et un gros bloc sis sur le glacier a avancé là de 21,3 m. Rappelons qu' en 1923 le front entier avait cru de 1,6 m encore.

Le profil transversal en amont des rapides du Milchbach s' est abaissé de 1 m en moyenne; quant au profil longitudinal médian, il a montré, de 1923 à 1924, un léger affaissement dans sa partie supérieure et le contraire dans sa portion inférieure. A la hauteur du profil transversal, la vitesse superficielle de la glace a été de 185 m par an. En 1923, elle était encore de 207 m/an et en 1922 de 231 m/an, valeur donnée par des chaînes de pierres transversales, mais qui n' ont malheureusement pas été placées chaque année sur le même profil.

En dépit des difficultés inhérentes à ce genre de travail et aux interventions, malicieuses souvent, de l' homme, on a pu continuer la récolte des documents photographiques nécessaires à l' obtention d' un film de la crue; entreprise lancée par M. de Quervain et qui semble devoir aboutir à des résultats intéressants.

Le cryocinégraphe installé dans les parages de l' ascenseur, en 1923 encore, y a inscrit les vitesses frontales suivantes qui font suite à celles de mon Rapport précédent. Ce sont des moyennes mensuelles:

1923 Octobre 2,6 cm/j 1923 Décembre 1,6 cm/j Novembre 1,9 cm/j 1924 Janvier 1,4 cm/j Réinstallé1 ) devant le lobe médian du front entre le portail et la passerelle de la Lütschine, dans une région plus remuante, il a enregistré les vitesses mensuelles ci-après:

1924 Septembre ( 2e moitié ) 11,4 cm/j 1925 Janvier6,s cm/j Octobre8,7Février7,i Novembre7,9 Mars7,3 Décembre5,6Avri112,3 Mai ( lre moitié16,4 J' ai cru utile de donner aussi les quelques chiffres disponibles pour 1925 et que je dois comme les autres à la complaisante analyse de mon collègue Lütschg; ils mettent bien en évidence la variation saisonnière dont j' ai parlé antérieurement. On a noté en outre les maxima suivants: 29 mars: 9,o cm/j; 21 avril: 2O,o et 7—16 mai: 2O,o, ce qui fait présumer une complexité assez grande du phénomène d' écoulement et donne matière à réflexion.

Je rappelle qu' en mai 1921, année de forte crue, la vitesse moyenne mensuelle était de 37,5 cm et que du 16 au 23 elle a même atteint 47 cm/j.

Au glacier Inférieur du Grindelwald, M. Blumer a relevé soigneusement chaînes de pierres et profils. Dans l' étranglement de la Bäregg, le crevassement, intense, a rendu le travail dangereux et malaisé et l'on doit louer l' in de la Commission de ses efforts fructueux.

LES VARIATIONS PÉRIODIQUES DES GLACIERS DES ALPES SUISSES.

On note un affaissement du profil longitudinal dans la région de concentration des glaces sous le Zäzenberg; dans le chenal en aval de la Bäregg c' est au contraire un gonflement du glacier. Le crevassement de cette partie s' est accentué aussi.

Quant aux profils transversaux, ils ont subi les variations ci-après:

vitesses superf. en cm/j 1921/22 1922/23 1923/24 Profil I, sous le Zäzenberg..

abaissement 0,4 m 18 18 18 » II, en amont de la Bäregg » 0,7 m 23 23 22 » III, en aval de la Bäregg relèvement 2,2 m 28 27 29 » IV, près du front....

» 2,2 m 23 23,5 24,5 On voit qu' il y a eu augmentation de vitesse dans la région de relèvement et diminution dans les parages affaissés.

La profonde gorge de la Lütschine-Noire divise, comme on sait, le front du glacier Inférieur en trois parties: un étroit lobe marginal droit, un lobe gauche plus large étalé sur la tête rocheuse « Im Schopf » et entre ces deux le cône d' éboulis que le glacier entasse dans le gouffre de la gorge même en s' y écroulant. Au-dessus même de ce vide, le front offre une falaise verticale, voire surplombante, où la cassure fait apparaître, incurvées vers le bas, les strates ( Bänderung ) de la glace. Les éboulis forment un talus très incliné, que le torrent ronge incessamment par son pied et qui, aujourd'hui, envahit graduellement la gorge, forçant à démolir pièce à pièce la passerelle de visite. Du vieux pont en arche qui enjambe le défilé près de l' ancienne carrière de marbre on n' apercevait pas encore ce talus en 1923; il est devenu visible en 1924, à un détour de la gorge et, le 6 octobre, il était à 85 m d' un repère fixé par M. Blumer.

Quant aux deux lobes latéraux, celui de droite a fait en 1924 une avance de 12 m en moyenne ( maximum 24 m; llm et 23 m respectivement en 1923/24 ). Le lobe gauche, en revanche, n' a cru que de 2 m ( maximum 13 m ) tandis qu' en 1923 on mesurait 9,5 m et 30 m maximum. Un gros bloc sis sur le glacier très près du front a pourtant avancé de 28 m en 1923/24, mais la pente du glacier y est sans doute pour sa part. L' ablation est vraisemblablement la cause de la faible avance totale de 1924; d' ailleurs, la moraine frontale a été refoulée de 14 m.

Les tentatives faites à diverses reprises pour déterminer exactement l' ablation au glacier Inférieur ont échoué, l' ampleur de la fonte ayant amené prématurément le déchaussement total des perches.

Parmi les travaux préparatoires à l' érection d' un observatoire au Col de la Jungfrau il a été fait, aux frais de la Commission des glaciers qui y prenait intérêt, des mesures du « mouvement » sur le col même, aux moyens de perches alignées. Comme on pouvait s' y attendre, les vitesses ont été trouvées insignifiantes, confirmant ainsi l' expérience, déjà acquise ailleurs, qu' en amont de la rimaie le revêtement glaciaire est solidement fixé au terrain par la congélation.

Le glacier de l' Eiger semble en décrue lente, mais il se termine toujours par une falaise, haute de 5 m, au-dessus d' un à pic. On a fixé une base de repérage devant le Schwarzgletscher.

LES VARIATIONS PÉRIODIQUES DES GLACIERS DES ALPES SUISSES.

Tableau XI.

III. Bassin de la Rcuss Varialtoi is, en mètres, en:

Glaciers Firnälpli E,.

1922.., 2 1923 3 - 5 1924 — 1 Firnälpli W...

Griessen.

5 — 6,5 — 31 - 29,6 - 2 Q — 6 — 12 - 10 - 11,5 14,5 - 9 — 20 — 4 - 4,5 — 21 Karligel.

4 Wallenbühl...

Kehlefirn

... 4,5 Schlossberg — 12 Hüfi

14,5 Brunni

3,5 Schiessbach...

... 28 Damma

... 10 0 En outre, les glaciers ci-après étaient: en crue: Geren; stationnaires: Guspiz, St-Anna, Wyttenwasser.

Le Firnälpli W a reculé assez pour libérer complètement sa base de contrôle, mais il l' a laissée si encombrée de cailloux que les repères en sont devenus partiellement introuvables. Au glacier de Griessen, l' observateur J. Hess, le même qui avait déjà fait les mensurations de 1895 ( honneur à ce vétéran !), a pris à cœur d' en retrouver les repères et y a réussi: de 1895 à 1925, en 30 années, le Griessen a reculé de 400 mètres environ.

Toujours dans ce bassin de la Reuss, notre distingué collaborateur M. l' Inspecteur des forêts Oechslin a pris la peine de mensurer lui-même 7 glaciers. Sauf le Wallenbühl, qui a changé radicalement d' allure, ils sont tous en décrue nette.

Dans le bassin de la Linth, nous devons à M. Streiff-Becker, un autre glaciériste compétent, des indications sûres, des photographies et une excellente petite carte à 1:5000 du glacier d' Älpeli, lequel a maintenant ses repères. Le Claridenfirn est en crue probable.

Sur le chemin de l' Obersandalp à la cabane des Clarides, M. Streiff-Becker a observé un amas morainique dans lequel une crevasse récente a révélé un noyau de glace. A l' exemple de nos recherches sur le pierrier de Saleinaz et des belles études des Chaix sur les coulées de bloc du Parc national ( voir Rapport 1923 ), M. Streiff-Becker a fixé un repère sur cette singulière formation, dans laquelle il voit un reliquat « mort » du Claridenfirn, actuellement distant de 300 m.

Tableau XII.

IV. Bassin du Rhin.

Variations, en mètres, en:

Glaciers Sardona...

1922

1923 3,5 1 19248,5Cj Piz Sol...

Punteglas..

- 41,5 - 6,5 — 7 LES VARIATIONS PÉRIODIQUES DES GLACIERS DES ALPES SUISSES.

Tableau XII.

Variations, en mètres, en:

Glaciers Lavaz..

1922 — 7 1923e1924 6,5 Tambo

— 4g1 Zapport — 4 — 7 — 2 S Porchabella

— 5 Piz Piatta

15 — 0 Paradies, 35 18,5 Uerlsch

— 49 V.

Morteratsch

Bassin de l' Imi.

— 9 — 10 31,5 - 12,5 - 31,5 Roseg

. 18 - Jenatsch ( Chalderas ). Lavin ( Jenatsch ).. Lischanna

— 14 — 24 n - 2,6 - 1,5 - 11.5 Forno...

VI. Bassin de l' Adda. — 119 Palü...

— 7 Rossboden..

VII. Bassin du 37 Tessm.

78 40 Muccia...

— 63 — 19 Bresciana..

— 34 4,5 Basodino..

— 4 — 3 Sont en outre:

stationnaire: le glacier de Piatta; en décrue probable: ceux de Fex, Fedoz et Pers.

Signalons ici un changement de noms: sur les nouveaux tirages, après révision, de la carte fédérale, le glacier de Chalderas s' est mué en Jenatsch et l' ancien Jenatsch en Lavin. Voici qui prête à des confusions déplorables.

La langue du Porchabella s' est considérablement aplatie de même celle du Jenatsch ( Chalderas ). Le crevassement de ce dernier a beaucoup diminué, surtout dans les rapides supérieurs.J. Hess. ) Le manteau morainique de l' Uertsch s' est fort épaissi, indice de recul. Une perche de bois est émergée de la glace frontale, sans doute quelqu' ancienne perche topographique tombée du Piz Uertsch ( 3260 m).J. Hess. ) Les petits glaciers suspendus du Piz Bernina et du Piz Morteratsch, actuellement séparés du glacier de Morteratsch, sont sujets à des écroulements de glace continuels.

Dans le bassin du Tessin signalons la crue très remarquable du Rossboden ( Simplon ) et aussi que, durant les mensurations au Basodino, de grandes masses de glace se sont détachées à diverses reprises et à grand fracas de ce glacier.

Le tableau XIII récapitule l' ensemble des mensurations de 1924:

Bassins Nombre de glaciers Observés En crue Stationnaires En décrue Rhône.., 36 18 11 6 5 2 20 10 Aar

Reuss..., 17 3 3 11 Linth

2 1 1 Rhin

11 1 10 Inn

7 5 — 7 5 Adda

Tessin

4 2 — 2 Totaux

100 23 11 66 % 1924

23 25 11 19 66 56 % 1923

Différences %

— 2 - 8

+ 10

En résumé, de 100 glaciers des Alpes suisses, en 1924, 23 seulement étaient en crue, 11 stationnaires et 66 en décrue.

La décrue prévaut donc maintenant et l'on ne peut s' empêcher de trouver remarquable que cela s' observe justement en 1924. Si l'on admet, en effet, la période de 105 ans ( 3 X 35 ) pour les variations d' ensemble des glaciers alpins, suggérée par P.L. Mougin et justifiée historiquement par lui pour les glaciers du Mont-Blanc, 1924 devait marquer précisément la fin de la crue récente!

Paul-Louis Mercanton.

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