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L'Illgraben

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Par R.P. Bille

Avec 1 illustration ( 87 ) C' est le nom que l'on donne au vaste cirque d' érosion creusé dans le versant nord de l' Illhorn en Valais. L' Illgraben dont le sombre entonnoir ne mesure pas moins de 1500 m. de hauteur, empiète par son cercle supérieur, sur les hautes pentes de la commune anniviarde de Chandolin et étale ses déjections jusqu' au pied du bourg de Loèche. Son immense cône d' alluvions tapissé par les pins du bois de Finges et, dans sa partie orientale, rendu à la culture, a refoulé le cours du Rhône sur une largeur de plus de 5 kilomètres. Le torrent de l' Illbach, presque à sec la plupart du temps, se change, à la moindre averse ou lors de la fonte des neiges, en une coulée de pâte jaunâtre qui donne au Rhône une teinte particulière.

On ne saurait voir ailleurs en Suisse preuve plus frappante du patient travail de destruction des massifs alpestres. Mais celui qui se rend, au printemps, au bord de l' immense gouffre sera impressionné davantage encore par le continuel bruit sourd qui s' en échappe. Parfois, un roc plus gros que les autres se détache du terrain détrempé et, tout en se fracassant et en s' émiet dans sa chute, fait entendre de véritables détonations amplifiées encore par l' acoustique spéciale des lieux. Certes, cette vallée chaotique mérite bien le surnom de ravin de l' Enfer! De tout temps d' ailleurs, l' Illgraben a vu fleurir la légende et il y a quelques années les fameux « monstres valaisans » ne l' ont rendu que trop célèbre! Ce qui surprend surtout, c' est la désolation intense, la sauvagerie inouïe qui se dégagent de ce gouffre, creusé il semble, par la main de quelque malfaisant génie... Pendant plus de huit mois de l' année, les pentes anniviardes et l' alpage de Ponchette qui bordent l' Illgraben dans sa partie supérieure sont à peu près déserts. Au cœur de l' hiver même, l'on sera assuré de n' y rencontrer personne, car le chemin de Chandolin à Ponchette est sans cesse obstrué par des avalanches. Toutefois en prenant ses précautions, celui qui connaît bien la région, pourra s' y rendre en ski et jouir alors de la solitude la plus parfaite qui se puisse imaginer!

Depuis le plateau, la vue plonge dans le gigantesque labyrinthe, embrassant également la plus grande partie de la vallée du Haut-Rhône. Des arbres morts, à demi déracinés ou déchiquetés par la foudre, ajoutent à l' âpreté du paysage. Parfois un chamois se profile sur les derniers escarpements rocheux du Corbetsch, tandis qu' une ombre glisse rapidement le long des fabuleuses ravines teintées d' ocre rose. Soudain un cri perçant retentit dans le silence, suivi bientôt d' une sorte de sifflement dans l' air et, avant que vous ayez pu vous rendre compte de ce qui se passe, une grande forme brune fonce dans l' abîme avec une hardiesse folle.Vous la suivez du regard, à peine revenu de votre surprise, cependant que l' aigle royal troublé dans sa quiétude par votre présence insolite, reprend maintenant de l' altitude sans donner un coup d' ailes et vire majestueusement au-dessus du gouffre, bercé par les courants ascendants. Beau et rare spectacle en vérité pour celui que la nature sait émouvoir, spectacle inoubliable et digne d' un conte des « Mille et une nuits »!

Mais le cri sauvage, le métallique « Twie-uh! » retentit encore, ce cri dont l' intonation perçante dit tout l' orgueil de celui qui le pousse... Alors, face au ravin de l' Enfer, face aux rocs, face au ciel, vous regardez une dernière fois l' aigle se perdre dans les nues...

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