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Ollomont et son cirque de montagnes.

Hinweis: Questo articolo è disponibile in un'unica lingua. In passato, gli annuari non venivano tradotti.

l' abbé J. Henry, Valpelline.

Pur Ollomont est un petit pays de la Vallée d' Aoste, confinant avec la Suisse et situé au nord de Valpelline.

On fait venir le nom d' Ollomont de olla montis, marmite de la montagne, à cause de sa configuration presque circulaire et des hautes montagnes plantées sur la circonférence du cercle. Les paysans prononcent Allomon, ce qui pourrait faire venir le mot de ad montem. Au moyen âge, on a écrit quelquefois Haut lo mont.

Pendant deux siècles, depuis environ 1700, Ollomont se fit connaître par ses mines de cuivre aujourd'hui presque abandonnées. Des exploiteurs y ont fait la fortune, d' autres y ont trouvé la ruine.

Ollomont se compose de trois parties successives: la plaine, les pâturages alpins, les cimes.

La plaine d' Ollomont côtoie le thalweg du vallon, qui est orienté du sud au nord. D' un côté et de l' autre du thalweg, où se promène le torrent appelé le Buthier, sont assis les villages du pays. Le village le plus au nord et le plus reculé dans le vallon s' appelle Glacier et n' est pas habité en hiver. Tous ces villages sont éparpillés entre 1300 et 1600 m d' altitude environ.

Les pâturages alpins s' étendent au-dessus de chaque village et forment sur eux une couronne presque complète; seule la gorge du côté sud, par où le Buthier s' écoule, n' en a pas. Ces pâturages occupent une large bande de terrain qui va de 1600 m jusqu' à 2800 m environ. Le milieu de la bande fait esplanade sur tout le cirque, en sorte qu' on peut parcourir horizontalement et dans une petite journée tous les alpages d' Ollomont, en commençant par celui du Berrio situé à l' extrémité sud-est, passant au nord et finissant par celui de Champillon situé à l' autre extrémité sud-ouest.

Les pâturages d' Ollomont sont les plus beaux de la Vallée d' Aoste. Ils n' ont presque point de pierriers, tellement que les vaches vont brouter jusqu' aux extrémités supérieures. A l' exception de l' alpage du Berrio, on n' a point besoin de faire venir des chèvres pour happer les plus hauts brins d' herbe. Tout est brouté par les vaches, ces vaches alpines, petites, trapues et solides, en général châtaines ou noires. Ces vaches sont là 1300 en nombre, distribuées entre les alpages appartenant à 29 propriétaires.

Ces alpages puis, sont surmontés tout alentour d' un cirque fantastique de montagnes. Au milieu d' elles, au nord, trône le Grand Combin, à deux km en- viron au delà de la frontière italienne et qui semble posé, comme sur un large piédestal, sur la Grand' Tête de By, puis à gauche et à droite, dans les cornes est et ouest du cercle se dressent, déchirant le ciel, à l' ouest, les longues crêtes barbelées, dentelées, grimaçantes, déchiquetées des Aiguilles de Valsorey, le Mont, Velan et les Têtes de Faudery et à l' est le Mont Gelé et les cimes orgueilleuses et effrayantes du Morion, cimes rendues encore plus terribles par leur paroi ouest à pic de 400 m sur une largeur de plusieurs kilomètres.

Où établir son pied-à-terre, où dresser son camp, pour ascensionner toutes les montagnes d' Ollomont? Elles sont relativement toutes assez voisines d' Ollo, chef-lieu. Un alpiniste qui va dormir tôt et qui se lève le matin à une ou deux heures peut les faire toutes dans la journée en partant du chef-lieu d' Ollo. Je les ai du reste moi-même toutes ascensionnées dans la journée, en partant de Valpelline qui se trouve à une heure et quart plus bas qu' Ollomont.

On peut donc établir son camp au chef-lieu d' Ollomont. Il y a là un petit hôtel, le Restaurant Parisien. Il y a quelques cantines, plusieurs maisons particulières, entre autres Rosset Rosine, qui louent des chambres. En tout une cinquantaine de personnes peuvent trouver à loger à Ollomont. Ce nombre pourrait être augmenté si la Société Ansaldo faisait des restaurations pour convertir en villas et en logements pour les villégiateurs les quelques belles maisons qui avaient été construites pour les ouvriers, lors de l' exploitation de la mine.

Les gens moins citadins et qui n' ont pas besoin de recevoir tous les jours les journaux, peuvent monter plus haut, à 2042 m, et mettre leur camp à By, où ils trouveront, chez un des propriétaires de l' alpe, M. Farinet, accueil cordial, quelques chambres et une vingtaine de couchettes. De By, on est beaucoup plus à la portée des cimes que du chef-lieu d' Ollomont, car on est deux heures plus haut-Et puis on est déjà là à 2000 m; or, quand on part de 2000 m, vous savez, les ascensions à 3500 m ne font plus le même effet, ni sur les jambes, ni sur les poumons. Ici à By, bien des alpinistes suisses, anglais, français, sont venus passer une petite saison. Quand la Cabane d' Amiante n' existait pas, By était le point de départ pour l' ascension au Grand Combin.

A la même hauteur que By, mais plus à l' ouest, des alpinistes peuvent aussi trouver un gîte pour quelques jours au chalet des Crêtes, chez Rodolphe Ansermin, ou aux Seytives, chez les frères Norat d' Aoste.

Enfin un troisième pied-à-terre, mais plus haut encore, est la Cabane d' Amiante, cabane fermée ( il faut demander la clef à By ), à l' altitude de 2965 m. Ici peuvent dormir et séjourner une quinzaine de personnes. Il faut emporter victuailles et bois ou alcool pour la cuisine. Cette cabane n' est pas vraiment un centre d' excursions, vu qu' elle a été faite exprès pour l' ascension au Grand Combin. On peut toutefois rayonner sur les petites pointes des alentours: à l' est la Tête Blanche de By, la Tête du Filon, la Tête de Balme et le Mont Avril; à l' ouest le Rocher Gamme, la Grand' Tête de By et les pointes est et ouest de Valsorey.

J' ajouterai que ceux qui veulent faire le Velan, peuvent aller dormir aux chalets de Plan Bagò ( 2646 m ), un des chalets les plus hauts des alpes. On a ici le toit, mais pas autre chose. Par contre, on se trouve à une heure et demie du Col de Valsorey, d' où, en quatre petites heures, on peut aller sur le dôme du Velan par la large arête neigeuse des confins.

Ollomont et son cirque de montagnes.

Maintenant, je vais donner un petit aperçu sur toutes les pointes du cirque d' Ollomont en commençant par celles de l' extrémité sud-ouest et en finissant par celles de l' extrémité sud-est. Mais je dois dire que j' ai déjà décrit la grande majorité de ces pointes dans la brochure « Valpelline et sa Vallée » que j' ai publiée en 1913. Je ne vais donc pas faire un duplicat. Mon but dans cet article est d' améliorer et de compléter ce travail en mettant au point tout ce qui a été produit en fait d' ascensions, dans cette chaîne, depuis l' année 1913. Le C.A.S. publie, on le sait, un guide des Alpes Valaisannes; les montagnes dont je vais parler entrent toutes dans ce cadre. C' est donc une contribution que j' apporte à la confection de ce beau travail.

La jolie pointe conique qu' on aperçoit à l' extrémité de la chaîne sud-ouest est appelée Crou de Bleintse ( 2825 m ) ( traduction française: trou de Bleinche ). Ainsi on l' appelle à Etroubles, bourgade qu' elle domine. D' autres l' appellent encore Creu de Bleintse, c'est-à-dire Croix de Bleinche, à cause de la croix qu' elle porte à son sommet. A Ollomont, on l' appelle Becca de I' Aoullie, c'est-à-dire Bec de l' Aiguille. Comme c' est une pointe herbeuse, on peut en faire l' ascension de tous côtés. On y monte en une petite demi-heure du Col de Champillon. Cette pointe jette à l' est une arête dont le point le plus bossue est appelé Becca de Champillon ( 2720 m Y ), aussi accessible de partout. Au nord de la Crou de Bleintse s' ouvre le Col de Champillon ( 2700 m ), col herbeux sur les deux versants et qui fait communiquer la Combe d' Ollomont avec la Combe de Menouve sur Etroubles. C' est le col usuel pour aller d' Ollomont à Etroubles. Mais il n' est employé comme tel que par les amateurs de sport et par les soldats en exercices; car, d' Ollomont à Etroubles ou vice versa, il est plus court de traverser les collines de Doues et d' Allein. Ce Col de Champillon, tant d' un versant que de l' autre, demande environ trois heures à la montée et deux petites heures à la descente.

Du Col de Champillon, une longue et large côte d' éboulis conduit au Mont Chenaille ( 3204 m ). Le mot Chenaille ( en patois Tsenaille [canal, cou-loir] ) indique le lit desséché d' un torrent de montagne, par où se précipite l' eau dans les averses. Le Mont Chenaille est une pointe facile et vraiment pour dames.

Au nord du Mont Chenaille, l' arête continue, mais cette fois mince et entrecoupée de gendarmes et forme un peu plus haut La Tête des Crêtes ( 3235 m ), pointe qui domine tout le Vallon des Crêtes où se trouve l' alpe homonyme. Après la Tête des Crêtes encore une autre petite tête sur l' arête, puis on arrive à une brèche nette. C' est Le Col de la Saillaousa ( 3300 mi ) auquel on accède du côté d' Ollomont par une longue et rapide glavinière. Col de contrebandiers et de chasseurs. Au nord du col, l' arête se projette vivement en l' air et forme une pointe assez majestueuse. C' est la pointe de La Saillaousa ( 3355 m ), gravie la première fois par Topham le 7 juillet 1898. Elle a deux petites pointes, l' une au nord et l' autre au sud. Je penche à croire que Topham a gravi la pointe nord que je crois plus haute, tandis que, avec l' abbé Bovet, j' ai gravi la moins haute le 3 août 1904 par l' arête sud-est.

Ici nous entrons dans les Monts de Faudery et dans la confusion, mais nous allons mettre les choses au clair.

A Ollomont, on appelle Monts Faudery ( Foudi-i ), tant les crêtes qui bornent les alpages d' Ollomont à l' ouest que celles qui les bornent à l' est, d' où les mêmes noms pour des pointes tout-à-fait différentes.

Le mot Faudery vient certainement de fodere, percer. Tous ces monts portent vers leur sommet des trous provoqués par de grandes dalles de pierre descendues de la crête supérieure et tombées en diagonale entre un point inférieur et la paroi supérieure et laissant ainsi apercevoir un trou sous elles. Monts Faudery est synonyme de Monts Percés. L' imagination du peuple a brodé là-dessus; selon lui, ces trous auraient été faits par le diable, à qui Saint-Théodule commandait de transporter les cloches d' Italie en Valais. Le diable, arrivé à la frontière et trouvant trop pénible de passer sur les becques avec un poids si énorme, pour s' épargner l' ascension complète, perçait celles-ci à mi-montée pour passer de l' autre côté. Un vieux tableau, déjà bien détérioré, de la vieille chapelle de By, dont la cloche porte la date de 1582, représente la Sainte-Vierge ayant à sa gauche Saint-Bernard, à sa droite Saint-Théodule le patron du Valais, et derrière celui-ci, à la hauteur de la tête, un vilain diable noir, cornu, pliant sous le poids d' une énorme cloche ( voir la planche à page 8 ).

La Becca de la Saillaousa est aussi appelée Pointe de Faudery, mais pour éviter toute confusion, l' usage a prévalu maintenant de l' appeler La Saillaousa. Ce mot un peu étrange dérive bien naturellement de salire ( monter ), pointe en Saillie sur l' arête.

Au nord de la Saillaousa, l' arête continue un bon bout plus ou moins horizontalement, pour se dresser de nouveau avant d' arriver sur l' arête du Velan au Col de Faceballa. Sur ce long trajet, elle forme Cinq Têtes, moins accentuées les trois premières, plus accentuées et déchiquetées les deux autres. Ce sont les Cinq Têtes de Faudery. J' ai dit dans mon livre « Valpelline et sa Vallée » qu' il y a quatre têtes, mais j' ai fait erreur. Il y en a cinq. On les compte du sud au nord.

Il m' arriva, en 1913, à Valpelline, un alpiniste milanais, Paolo Ferrano, un homme tout muscles, un vrai alpiniste de rocher. La grande montagne au-dessus des 4000 m ne lui disait rien à lui. Ce qu' il aimait, c' était le rocher, c' étaient des pointes vierges de roche, entre les 3000 et les 3500 m. Là il lui plaisait d' aller se frotter et se déchirer. Il avait tout un attirail pour ça: des souliers de cordes, des chevilles de fer à planter dans les fissures, la corde double pour descendre Il amenait avec lui tantôt un compagnon, tantôt un autre. Il arrivait, lui, toujours au sommet, le compagnon pas toujours. Ferraiïo fit ainsi dans la Valpelline et ailleurs une quarantaine de pointes vierges. Je lui ai dit plusieurs fois de décrire dans les Bulletins du Club Alpin les ascensions qu' il faisait. Il me répondait invariablement: je ferai ça tout à la fois. En attendant, éclata la grande guerre et il périt presque dans les commencements. Après sa mort, on trouva bien dans son carnet la note de ses ascensions, mais une note extrêmement succincte: la date, la direction et rien d' autre; les itinéraires précis, les difficultés de chaque pointe, tout fut perdu, ils sont restés dans sa tête. A ma manière de voir, les alpinistes qui font du nouveau devraient publier aussitôt le fruit de leurs découvertes, car la mort peut les surprendre au moment où ils s' y attendent le moins, Ollomont et son cirque de montagnes.

et ainsi, n' ayant rien publié, bien des notions se trouvent perdues à jamais et il faut de nouvelles courses et de nouvelles pénibles explorations.

Quoiqu' il en soit, l' alpiniste Paolo Ferrario me tombait fort à propos sous la main. C' était la providence qui me l' envoyait. J' avais tant de choses à éclaircir dans le cirque des montagnes d' Ollomont. Ferrario ne demandait pas mieux que de faire du nouveau. Je lui citai donc le nom de toutes les pointes encore vierges, et entre les deux années 1913 et 1914, il m' en fit une dizaine.

Touchant les Cinq Têtes de Faudery, soit la crête qui nous intéresse, il l' ex tout entière en partant de By, avec son compagnon Carlo Semenza. Ils firent en un jour les quatre premières têtes. La 1re Tête de Faudery ( 3300 m ?) fut faite par eux le 7 août 1913 par la paroi est. Ils y trouvèrent un steinmann. De cette tête, ils passèrent par la crête qui les unit à la 2e Tête de Faudery ( 3370 met de celle-ci encore par la crête à la 3e Tête de Faudery ( 3380 m ?) et de celle-ci encore, toujours par la crête, à la 4e Tête de Faudery ( 3400 m ). Cette 4e tête n' est pas sur la ligne de faîte, elle se trouve plus à l' ouest, sur le Vallon de Menouve. Pour la descente, ils retournèrent sur leurs pas jusqu' à la 2e tête, la descendirent par sa paroi est et rentrèrent à By. La 5e Tête de Faudery ( 3400 m ?) avait déjà été faite par eux la première de toutes, deux jours auparavant, le 5 août, en partant de Plan Bago, par le Col de Faceballa. L' ascension et la descente furent exécutées par sa crête nord.

Voilà donc un long tronçon d' arête entièrement fixé. Les quatre premières têtes n' offrent aucune difficulté; la cinquième est un peu moins facile. Des chasseurs, des contrebandiers, peut-être l' alpiniste Topham et d' autres alpinistes après lui ont passés très probablement sur les trois premières têtes. Il était réserve à Ferrario d' établir définitivement la nomenclature de cette arête.

Au nord de la 5e tête, nous avons le Col de Faceballa ( 3360 m ?) d' où descend un grand couloir sur le versant d' Ollomont. Ce n' est pas si simple que ça, d' aller se fourrer dans cette échancrure et d' en sortir. Ferrario et Semenza y firent la première apparition le 5 août 1913, lors de leur ascension à la 5e The de Faudery.

Au nord du Col de Faceballa s' ouvre en une molle courbe la Selle de Faceballa ( 3370 m ?) qu' on appelle par erreur Col de Faceballa, parce que c' est ici que l'on arrive ordinairement soit pour la traversée de l' arête, soit pour la montée au Velan. La Selle de Faceballa, facile des deux côtés, est le passage usuel. Le Col de Faceballa, moins facile, hors de la portée, ne peut être utilisé que pour l' ascension à la 5e tête.

De la Selle de Faceballa, par la côte d' abord large et neigeuse et ensuite étroite et rocheuse, on arrive assez facilement au sommet de la plus haute pointe du Velan. De là, une petite corniche vous introduit sur la plaine immense et bombée de la calotte névé du Mont Velan ( 3747 m ) où nous ne nous arrêterons pas, car il a déjà une littérature immense.

Au sud de la calotte, au sommet de l' arête qui monte de Valsorey, nous avons les trois Dents du Velan ( 3660—3700 mque l'on monte facilement du nord par leur côte neigeuse et bombée. Ceux qui ont deux heures de temps à perdre sur le dôme du Velan peuvent s' amuser à les ascensionner.

Des trois Dents du Velan descendent dans la paroi sud du Velan et la sillonnent toute entière des couloirs séparés dans toute leur longueur par des nervures médianes. On est monté plusieurs fois au Velan par quelques-uns de ces couloirs et nervures. Les passages s' entrecroisent tellement les uns les autres qu' il est impossible de bien les distinguer. On pourrait appeler ces routes Les routes des Dents du Velan. A l' est de ces routes, la paroi sud du Velan devient plus unie et plus taillée à pic jusqu' au couloir du Capucin.

A l' est des Dents du Velan, en descendant l' arête, la première pointe que nous trouvons est la Pointe de l' Ariondet ou Tête de l' Ariondet ( 3550 m ?) qui s' élève à peine de 15 m sur l' arête. La première ascension certaine que je connaisse de la paroi sud de cette pointe a été faite le 25 juillet 1916 par Mario Borelli et sa sœur Nunzia Borelli. Partis le matin d' une alpe de la Combe de Berruà, ils attaquèrent la paroi du Velan, puis, obligés d' obliquer toujours à droite, soit à l' est, ils finirent par arriver à trois heures du soir à l' arête des confins un peu au-dessous de la Tête de l' Ariondet. Roche très mauvaise.

A l' est de la Tête de l' Ariondel, toujours en descendant, nous avons le Col du Capucin ( 3496 m ?) avec sa jolie corniche de neige et son dangereux couloir, puis le Mont Capucin ( 3406 m ?) deux pas à côté. J' ai décrit au long cette pointe et les suivantes dans l' article Al Mont Vélan, publié dans la Rivista del C. A. L, vol. XXXII, n° 4, an 1913. Je n' ai donc pas à m' arrêter. Il y a plus loin des choses bien plus intéressantes qui nous attendent.

A l' est du Capucin ( toujours en descendant l' arête ) et avant d' arriver au Col des Chamois se dresse à 15 m environ sur la crête une becque noire, toute petite, mais bien visible et bien distincte. Cette becque jette même une assez puissante arête médiane dans la paroi sud, arête qui atteint le fond de la paroi; cette arête médiane est accompagnée à l' ouest d' un effrayant couloir. J' ai appelé cette pointe Le Doigt du Velan ( 3260 m ?). J' y dressai un petit steinmann le 11 août 1922.

Sous le Doigt du Velan s' ouvre le Col des Chamois ( 3210 m ?), puis le Mont Cordine ( 3300 m ?), puis le Plateau de Cordine ( 3140, puis le Col de Valsorey ( 3087—3113 m ), cols et pointes que j' ai décrits au long et au large dans mon guide « Valpelline et sa Vallée ». Il est inutile d' y revenir Maintenant, attention!

La scène change brusquement. Les pointes de l' arête est du Velan que nous venons de quitter se laissent toutes gravir facilement par leur face nord; elles sont les unes sur la route du Velan, les autres à deux pas de la route. Mais les pointes de Valsorey où nous entrons, c' est tout ce qu' il y a de plus hargneux, de moins avenant. Ce groupe de pointes assez difficiles va des Trois Frères jusqu' aux Dents de Valsorey. Il y a ici 9 pointes, mais quelques-unes salées, je vous dis. Au Ollomont et son cirque de montagnes.

delà des Dents de Valsorey, c' est beaucoup moins rude. Attention donc et tenez vous bien, car un pied pourrait vous échapper et alors, c' est fini. Arrière les pusillanimes et les jambes flageolantes.

Du Col de Valsorey, la crête monte vertigineusement vers l' est et forme la pointe trifide appelée les Trois Frères. Vers le milieu de la montée, sur l' arête des confins, se dresse une pointe bifide. Je l' appellerai Le Petit Frère ( 3160 m ?). Il ne me résulte pas qu' il ait jamais été gravi. Au-dessus du Petit Frère, vient le Frère Ouest ( 3260 m ?) ou Premier Frère qu' on gravit du Col de Valsorey par sa face nord-ouest et du côté d' Ollomont par sa face sud et son arête sud-ouest. Un couloir qui descend de cette arête et qui tombe sur le vallon sud du Col de Valsorey peut être utilisé avantageusement pour arriver à mi-arête sud-ouest.

Du Frère Ouest tombe donc une arête sud-est. Au pied de la paroi, cette arête devient herbeuse et vient mourir sur les pâturages de Porchère. La partie herbeuse de cette arête prend le nom de Boégno bà, mot patois qui vent dire oreille baissée. L' ascension par l' arête sud-est au Frère Ouest commence au point où l' arête finit d' être herbeuse et commence à être rocheuse. A ce point-là il y a une baisse et comme un petit col par où l'on peut passer du couloir sud du Col de Valsorey au large plateau montant qui se trouve sous le petit glacier des Molaires. Sur ce plateau, il y a même un petit lac. Comme il faut tout préciser, j' appellerai ce col Col du Boégno bà ( 2700 m ?). L' arête du Boégno bà et sa continuation jusqu' à la cime du Frère Ouest sépare la Combe de Berruà ( qui prend à l' arête qui descend de la Salliaousa ) de la Combe de By ou de l' Eau noire. La Combe de Berruà est la tombe qui contient la plus grande partie des chalets d' Ollomont. Le Frère Central ( 3270 m ?) ou Deuxième Frère a été fait par la face sud, mais j' ai idée qu' avec un peu de peine et avec la corde double on pourrait le faire par l' arête qui l' unit au Premier Frère. L' échancrure qu' il y a sur cette arête donnera un peu de fil à tordre. Le Frère Est ( 3270 mou Troisième Frère a sensiblement la même hauteur que le Frère Central. Pour autant que je sache, il est encore vierge. On pourrait le tenter par la paroi et le couloir suisses. En tout cas, il faut faire bien peu de cas de sa vie pour aller par là.

Après le Frère Est, l' arête fait de nouveau une profonde baisse. Au delà de cette baisse on entre dans la région des Molaires. Cette profonde échancrure de la montagne pourrait être appelée la Brèche des Molaires ( 3220 m ?). On n' y est encore jamais parvenu. Du côté d' Ollomont, on doit cependant pouvoir y arriver en la montant directement par la paroi inférieure; car j' ai vu un troupeau de chamois effarouché partir du petit Glacier des Molaires et grimper directement à cette brèche. Or, c' est un axiome en alpinisme que là où passent les chamois passe aussi l' homme.

Après la Brèche des Molaires vient la Ve Molaire ( 3240 m ?). Elle est vierge. Mais on doit pouvoir la faire par l' arête, de la Brèche des Molaires, si tant est qu' on puisse arriver cette brèche.

De la Ie Molaire, on doit pouvoir passer par arête et paroi sud à la 2e Molaire ( 3260 m ?). En hiver, on voit des taches de neige, avec quelques solutions de continuité, qui restent accrochées près de l' arête entre la première Molaire et la seconde. Or, là où la neige s' arrête, on peut poser le pied et passer. L' alpiniste Paolo Ferrano qui a bien étudié ces pointes me disait que le seul moyen de les gravir serait d' arriver à la Brèche des Molaires par le côté suisse, car le côté italien est trop perpendiculaire et puis les prises sont la plupart tournées en bas. Avis donc à quelque grimpeur enragé.

Ces années passées, quelques jeunes étudiants d' Université sont allés tenter la Brèche des Molaires par la paroi sud. Mais ils ont justement pu surpasser le Glacier des Molaires et s' élever de quelques mètres sur la paroi. Bons enfants! Ceci n' est pas du pain pour vous. Faites encore dix ans d' alpinisme et puis vous retournerez essayer. Mais pas pour le moment. Vous allez tous dégringoler. C' est bête de tenter des choses comme-ça à l' ouverture de sa carrière. Commencez donc par des choses plus faciles. La 3e Molaire ( 3250 m ?) a été faite par Ferrano et Semenza le 11 août 1913; montée et descente par la crête nord-est et le versant sud-est. La route est de grimper par une large fissure en direction est-ouest. La fissure porte à la brèche située entre la 3e Molaire et la 4e, de cette brèche au sommet par l' arête est ou mieux nord-est. Le baromètre leur donna la cote 3300 m. La 4e Molaire ( 3260 m ?) fut faite le 8 août 1913 par les mêmes, Ferrano et Semenza, par la crête nord-est en montée et en descente. L' itinéraire exact est comme ci-dessus: suivre dans la paroi un sillon qui porte à la brèche située entre la 4e Molaire et la 5e et de cette brèche au sommet par l' arête nord-est. Cote barométrique trouvée par eux 3350 m. La 5e Molaire ( 3250 mfut encore faite par les mêmes le 4 août 1913. Montée par la crête nord-est et descente par la paroi sud-est. Leur baromètre marqua 3250 m. De ces trois dernières Molaires, la 5e est assez facile, la 4e moins facile, la 3e difficile.

Avant de quitter ces pointes effrayantes et monstrueuses des Molaires, disons que la paroi italienne des Trois Frères et des Molaires peut se traverser dans son milieu d' un bout à l' autre, de l' ouest à l' est et vice versa, mais elle est très glissante.

Après les Molaires, toujours en continuant au nord-est, nous entrons dans une région de pointes moins sauvages et un peu plus apprivoisées. Ce n' est pas encore du facile, mais ce n' est plus du difficile.

Après la 5e Molaire, il y a un bon bout de crête presque horizontale, hérissée toutefois de gendarmes, qui se relève brusquement aux trois Dents de Valsorey ( 3220 m ?) La première Dent, la plus haute, celle qui est à l' ouest, se monte par la brèche qui la sépare de la centrale ou de la seconde et ensuite par sa face sud-est. J' y fus, par cette route, avec le guide Forclaz Théodule, le 1er juillet 1914. Elle a, à un mètre sous le sommet, une jolie petite plateforme. La seconde Dent se monte par sa paroi sud-est; de celle-ci, en une minute, on passe à la troisième. Le sommet de ces deux dernières pointes est lisse et raboté par les vents.

A la suite des trois Dents de Valsorey, toujours au nord-est, il y a encore sur la crête faîtière deux petites têtes ou protubérances aiguës dont celle plus à l' ouest constituée d' une roche blanchâtre, puis nous avons la pointe massive et stupide du Grand Carré ( 3248 m ) qui se monte facilement par le Col du Grand Carré et l' arête nord-est. Toute la base de la tête du Grand Carré est constituée d' une forte couche de 20 à 30 m de roche vert-blanchâtre qui continue sous l' épaule sud-est du Mont Percé et qui reparaît plus loin sous l' éperon sud de l' Aiguille Verte Ouest de Valsorey. On est ici dans la région des pierres vertes. Ici affleurent aussi partout jusqu' au Col Est d' Amiante des stratifications d' amiante d' où le nom de Monts d' Amiante donne à ces montagnes.

Au nord-est du Grand Carré se creuse assez largement le Col du Grand Carré ( 3225 m ), atteint la première fois par la paroi sud-est le 31 août 1909 par les abbés J. B. Gontier et Henry lors de leur ascension au Grand Carré.

Au nord-est du Col du Grand Carré se dresse la pointe bifide du Mont Percé ( 3262 m ) ou Mont Tunnel. Les deux pointes ont sensiblement la même hauteur et sont séparées par une brèche de 4 à 5 m de profondeur avec parois à pic. La Pointe Sud du Mont Percé a été faite, on le sait, par Topham le 23 juillet 1893. Le sommet de la pointe est horizontal sur 5 à 6 m. La Pointe Nord du Mont Percé a été faite en 1907 par un Suisse, puis le 24 juillet 1920 par Massimo Strumia et Alessandro Gallo par face nord-est et arête nord en partant de la Fenêtre du Mont Percé. Le dernier bout, 15 m environ, doit être fait à califourchon sur l' arête. La cime est si aiguë qu' on peut l' embrasser.

Entre le Mont Percé et les Luisettes se trouve un col que j' ai appelé la Fenêtre du Mont Percé ( 3232 m ?). J' y suis arrive avec le guide Forclaz Théodule le 18 septembre 1914 ( voir Bulletin de la Société de la Flore Valdôtaine, n° 10, page 88 ). Du côté suisse descend de la Fenêtre un petit couloir très rapide qui fait sa jonction avec un autre grand couloir qui descend des Luisettes.

Après la Fenêtre du Mont Percé, la crête monte de nouveau brusquement et très haut pour former trois pointes bien distinctes presque d' égale hauteur, appelées dans la carte italienne I Tre Fratelli et dans la carte suisse Les Luisettes ( 3418 m ). C' est le nom généralement adopté pour ces pointes. On peut probablement monter directement de la Fenêtre du Mont Percé à la Luisette Ouest par sa face sud-est et du sommet de celle-ci aller sur les autres; ou bien encore monter par les couloirs situés entre une Luisette et l' autre. Mais le plus commode c' est d' aller au Col des Luisettes ci-après et de monter la Luisette Nord-Est par sa large et facile arête nord-est. Du sommet de celle-ci, en quelques minutes, on passe sur les deux autres en facile névé.

Les Luisettes sont au tournant de l' arête faîtière qui, maintenant, va plier davantage à l' est.

Au bas de la pointe nord-est des Luisettes se trouve le Col des Luisettes ( 3360 m ?). C' est un col par manière de dire: facile du côté italien, mais très difficile et presque impossible du côté suisse, comme la plupart des cols des arêtes que nous venons de traverser.

Jahrbuch des Schweizer Alpenclub. 57. Jahrg.., En montant au Col des Luisettes du côté italien, on aperçoit sur ce col trois toutes petites pointes; c' est la reproduction en tout petit des Luisettes. On reste frappé de cette singularité. Quand on est arrivé au col, on passe dessus sans même s' en apercevoir. J' appellerai ces trois pointes microscopiques:

Les Petites Luisettes ( 3362 m ?). Après le Col des Luisettes, l' arête monte de nouveau en direction est plus prononcée, puis il y a une coupure brusque. Au delà de la coupure l' arête reprend de nouveau un bon bout pour terminer à L' Aiguille Verte Ouest de Valsorey ( 3503 m A. S. ). J' en ai fait l' ascension avec le guide Forclaz Theodule le 12 juin 1913 par la large pente de neige qui part à 20 m environ à l' ouest du sommet de la montagne et qui la sillonne dans toute la longueur de son flanc ouest ( voir Bulletin de la Société de la Flore Valdôtaine, n° 10, page 8 ). Du sommet, nous suivîmes l' arête nord-est et descendîmes dans le vallon névé du Col Vert. Strumia et Gallo; le 22 juillet 1920, la montèrent directement par la paroi est. Leur baromètre marqua au sommet de la pointe 3445 m. Baratono, Chabod et Schiagnio, un mois après, soit le 24 août 1920, répétèrent l' ascension de cette paroi en suivant une ligne tant soit peu plus au nord. Au sommet, leur baromètre marqua 3510 m. L' arête sud, en partant du Pas du Sphinx, fut montée par Marcel Kurz le 26 août 1922.

L' Aiguille Verte Ouest de Valsorey projette du sommet en direction sud une arête qui fait d' abord une espèce de petit col, puis continue à descendre. Bientôt elle disparaît et une langue sud-ouest du glacier de By lui passe dessus, elle reparaît, prend un peu au-dessous, puis s' éteint. Ce petit col je veux l' appeler le Pas du Sphinx ( 3450 m ?). On peut passer par là pour se rendre du vallon névé du Col des Luisettes au vallon névé du Col Vert. Je fus à ce pas le 28 juillet 1910 avec les abbés L. Anselmet, E. Bionaz, J. B. Gontier, L. Lyabel et César Perron ( voir Bulletin de la Société de la Flore Valdôtaine, n° 7, page 10 ).

Après l' Aiguille Verte Ouest de Valsorey, l' arête faîtière court presque en ligne droite au Col Vert. Au moment d' y arriver, elle se redresse de nouveau et fait une petite pointe assez trapue et massive. J' ai appelé cette pointe Le Sphinx de Valsorey ( 3420 m ?). C' est une chose assez insignifiante que j' ai gravie par sa face sud avec l' abbé Victor Anselmet, le 31 mai 1920. M. Strumia, E. Barisone, A. Gallo, G. Canuto répétèrent cette petite ascension par le côté est le 22 juillet 1920. Le baromètre leur donna la cote 3340 m. C' est drôle! Quand on monte au Col Vert par le versant italien, cette petite tête semble vous regarder énigmatiquement et vous produit vraiment l' effet d' un sphinx.

Après le Sphinx de Valsorey, l' arête tombe au Col Vert ( 3400 m ?) ou Col Vert de Valsorey, très facilement accessible du côté italien; le névé de la combe du col vient y mourir doucement. Strumia et Chabod ont trouvé respectivement à ce col avec leur baromètre les quotes de 3320 et 3305 m d' altitude. Marcel Kurz a fixé l' altitude de ce col à 3410 m.

A l' est du Col Vert, l' arête faîtière s' élève de nouveau rapidement jusqu' à la pointe de L' Aiguille Verte Est de Valsorey ( 3590 m ). Aldo Bonacossa et Carlo Prochownik firent le 15 septembre 1920 l' ascension de cette pointe par son arête ouest. La roche schisteuse est très mauvaise. Il faut procéder en quelques endroits par adhérence sans pouvoir bien se tenir. Difficiles aussi les tours terminales. Ils redescendirent par la paroi est avec la corde double. Traversée difficile et dangereuse. Jeunes gens n' allez pas vous fourrer par-là.

Du sommet de l' A iguille Verte Est de Valsorey, l' arête Est tombe brusquement au Col Ouest d' Amiante ( 3540 m ?). Du côté italien, un large couloir de glace y conduit. Du côté suisse, c' est moins facile; il faut se garer des pierres qui tombent de la crête du Sonadon.

De ce col, l' arête monte de nouveau jusque sur la pointe du Mont Sonadon ( 3600 m ?). A cette pointe bifide viennent aboutir trois arêtes: l' arête qui monte du Col Ouest d' Amiante, l' arête qui monte doucement par névé du Col Sonadon, et l' arête qui descend aussi par névé de la Grand' Tete de By. C' est donc une pointe très facile à identifier; c' est un petit nœud d' arêtes, l' erreur est impossible. J' ai fait cette pointe le 16 décembre 1913 avec Forclaz Théodule et Duclos Alexis et les Messieurs Carpano, Pergameni et Ranuzzi. Mais d' autres probablement y auront été avant nous ( voir Bulletin de la Société de la Flore Valdôtaine, n° 10, page 7 ).

Du Mont Sonadon part en direction nord l' arête du Sonadon. Cette arête traverse toute la tombe glacée et monte encore tant soit peu dans les flancs sud du Grand Combin. Le point le plus bas de cette arête qui est toute en territoire suisse est appelé le Col Sonadon ( 3489 m ). On traverse ce col pour aller de la cabane d' Amiante à la cabane de Valsorey ou bien pour aller de la cabane d' Amiante au Grand Combin par l' Epaule Isler à laquelle fait suite la large arête sud du Combin de Valsorey.

Ce Col Sonadon a des glaciers sur ses deux versants, le versant ouest et le versant est. Le glacier du versant ouest est appelé le Glacier du Sonadon et celui du versant est est appelé je ne sais pas vraiment quoi. D' après les cartes, il devrait être appelé Glacier du Mont Durand, mais, en réalité, le vrai Glacier du Mont Durand est plus bas. Son bord supérieur ne commence pas à l' arête du Sonadon, mais d' après moi il commencerait seulement sous la chute de séracs qui se trouve sur la ligne entre le Col d' Amiante et les éperons sud-est du Grand Combin qui plongent dans le glacier; la démarcation est ici très nette. Au-dessus de la muraille de séracs, on entre dans un plateau supérieur, dans une toute autre région, je dirai dans un autre glacier, quoiqu' il soit relié au glacier inférieur par cette haute muraille de chute de séracs. Je propose donc d' appeler Glacier Ouest du Sonadon le glacier qui part de la crête du Sonadon et qui se développe en tombant en cascades de séracs sur les flancs ouest de cette crête, glacier qu' on appelait jusqu' ici simplement Glacier du Sonadon et Glacier Est du Sonadon le glacier qui part de la crête du Sonadon, qui couvre le grand plateau est de cette arête et qui se termine sur la muraille de la chute de séracs, muraille qui est à peu près à la hauteur du Col d' Amiante et qui est jetée en travers du vallon glacé. Sous cette muraille commencerait le Glacier du Mont Durand.

Cette mise au point me semble d' autant plus nécessaire et urgente qu' il commence à y avoir de la confusion pour les glaciers de ces régions, confusion qu' on peut constater dans le livre de la Cabane d' Amiante. Je connais bien ces régions et il me semble que l' appellation que je propose devrait être acceptée.

Après cette petite incursion dans le champ suisse, rentrons sur la crête des confins.

Du Mont Sonadon, l' arête faîtière incline plus fortement à l' est. On est en deux minutes sur la Selle du Sonadon ( 3514 m ?), selle qui doit pouvoir se monter par sa face sud-ouest du Glacier de By, puis une jolie promenade aérienne sur le névé de la crête nous amène tranquillement, les mains dans les poches, en 15 minutes sur la Grand' Tête de By ( 3584 m ), point trigonométrique de tout premier ordre.

La Grand' Tête de By a une paroi ouest assez large, en partie neigeuse, suspendue sur le Glacier de By. Du côté sud, elle projette une arête à pointes et à grosses tours; cette arête tombe et s' éteint un peu à l' ouest et à 150 m environ au-dessous du Col Garrone. La large paroi est, comprise entre l' arête sud et l' arête nord-est dont les pieds plongent dans le glacier au nord du Col d' Amiante, a plusieurs couloirs. Deux principaux de ces grands couloirs forment une espèce de Y, c'est-à-dire que le pied du Couloir est un, mais depuis le milieu en haut il se divise en deux branches. Les eaux d' un de ces couloirs bifurques tombent en Italie au sud du Col d' Amiante; les eaux de l' autre couloir tombent en Suisse au nord du Co' d. Le premier de ces couloirs est le ypsüon italien; le second le ypsilon suisse. Au delà, c'est-à-dire au nord-est de l' ypsilon suisse, il y a encore deux autres petits couloirs qui descendent de l' arête nord-est de la Grand' Tête de By. Puis il y a la large arête ou dos nord-est. A une vingtaine de mètres du pied de cette crête, toujours au nord-est, se dresse l' énorme muraille d' un grand sérac; on peut encore passer sous ce sérac, le contourner au nord et revenir par dessus rejoindre l' arête nord-est.

Ainsi expliquée la configuration de la Grande Tête de By, voici les différents itinéraires qu' on peut suivre pour l' ascensionner en partant de la Cabane d' Amiante. Ils exigent en général de 3 à 4 heures:

1er itinéraire: Col Garrone, Glacier de By, face ouest de la Grande Tête: Aldo Bonacossa et Carlo Franchetti le 3 décembre 1916.

2e itinéraire: Col Garrone, branche gauche ( ouest ) de l' ypsilon italien et arête sud: Benvenuto Trêves, Federico Campi, Alberto d' Annibale, Giovanni Gatti le 24 août 1913.

3e itinéraire: Col Garrone, branche droite ( est ) de l' ypsilon italien et face est: Giuseppina Porro, Giovanni Porro, Attilio Mario Porro, Augusto Porro le 24 septembre 1914.

4e itinéraire: Col Garrone, couloir Isotta, puis crête sud avec gendarmes entremêlés de couloirs. A l' altitude d' environ 3450 m, on rejoint la route de la branche gauche de l' ypsilon italien et on continue par l' arête sud: Massimo Strumia, Erasmo Barisone, Alessandro Gallo et Giorgio Canuto le 21 juillet 1920.

5e itinéraire: Col d' Amiante, branche gauche ( ouest ) de l' ypsilon suisse et arête nord-est.

6e itinéraire: Col d' Amiante, branche droite ( est ) de l' ypsilon suisse et arête nord-est: Lino Vaccari et abbé Henry le 26 juillet 1902.

7e itinéraire: Col d' Amiante, ler couloir au nord de l' ypsilon suisse et arête nord-est.

8e itinéraire: Col d' Amiante, 2e couloir au nord de l' ypsilon suisse et arête nord-est.

9e itinéraire: Col d' Amiante, sud du sérac et arête nord-est.

10e itinéraire: Col d' Amiante, nord du sérac et arête nord-est.

11e itinéraire: Col d' Amiante, Glacier est du Sonadon et névé de la paroi nord.

12e itinéraire: Col d' Amiante, Glacier est du Sonadon, Col Sonadon, Mont Sonadon et arête nord-ouest.

Les deux itinéraires à conseiller sont les itinéraires 2 et 9. La Grande Tête de By est la montagne qu' aiment faire tous ceux qui vont à la Cabane d' Amiante. La Tête Blanche de By, par trop facile, est bonne pour les dames.

Au pied de l' arête sud de la Grande Tête de By, juste sur le Col Garrone, nous avons une pointe qu' on aperçoit bien distinctement de la Cabane d' Amiante sur le profil sud du bas de cette crête. L' ingénieur Antonio Sardagine et la demoiselle Sofia Gordigiani avec Pession Antoine, guide, et Louis Carrel, porteur, de Valtournanche en firent le 29 août 1920 la première ascension par sa crête sud-est. Roche mauvaise et friable. Ils appelèrent cette pointe Pointe Isotta ( 3310 m ?) en l' honneur de la demoiselle Isotta Gordigiani ( 9 ans ) qui les accompagna dans d' autres ascensions aux environs de la Cabane d' Amiante. Cette pointe se trouve à la gauche, c'est-à-dire à l' ouest d' un couloir bien marqué que j' ai appelé ci-dessus le Couloir Isotta.

A l' est et au-dessus de la pointe terminale inférieure de l' arête sud de la Grande Tête de By s' ouvre le facile et large Col Garrone ( 3300 m ?). La première? traversée de ce col a été faite le 12 juin 1913 par l' abbé Henry et le guide Forclaz Théodule. De la Cabane d' Amiante, on arrive à ce col en une petite heure. Par l' arête sud du Col Garrone, on arrive en 10 minutes à la pointe du Rocher Garrone ( 3330 m ) ou Petite Tête de By. Le 26 septembre 1914, Giuseppina Porro, Giovanni Porro et Attilio Mario Porro firent l' ascension de cette pointe par la face sud et le couloir sud qui débouche au sommet à l' ouest et à une quinzaine de mètres de la cime.

La paroi sud de la Petite Tête de By ou Rocher Garrone finit dans des pierriers. A l' est et au sud-est du pied de cette paroi se creuse une jolie combe neigeuse où l'on passait primitivement et où l'on passe encore aujourd'hui généralement pour monter à la Cabane d' Amiante. Cette combe est bordée à l' est dans tout son parcours par une crête à gros gendarmes. Le point le plus saillant de cette crête est un grand gendarme. Au nord de celui-ci se creuse une brèche à laquelle on accède de la combe par un couloir et par où l'on peut passer de cette combe sur la côte, au sommet de laquelle est juchée la cabane. Au bas, c'est-à-dire au commencement de cette crête, s' ouvre dans la roche une grande balme où on peut trouver abri dans le mauvais temps. J' ai pensé de dédier tous ces parages à la famille Farinet qui est la providence de tous ceux qui vont à By et à la Cabane d' Amiante.

Nous appellerons donc la combe susdite la Combe Farinet. On la remonte en une petite heure, selon les conditions de la neige. En automne, il n' y a plus que des pierriers. Même deux mulets mili- 14J. Henry.taires chargés sont arrivés à la Cabane d' Amiante le 17 septembre 1917 en montant dans ce vallon.

Nous appellerons l' arête qui borde cette combe à l' est L' Arête Farinet. Au pied de cette arête se trouve la Balme Farinst ( 2650 m ?). On s' y arrête généralement un petit instant.

La pointe plus élancée de cette arête, nous l' appellerons la Pointe Farinet ( 2940 m ?). L' abbé Jaccod et moi y déposâmes notre carte de visite le 28 juin 1922.

Et la brèche qui se trouve au nord de cette pointe, nous l' appellerons la Brèche Farinet ( 2930 m ?). A une cinquantaine de mètres au-dessus de cette brèche, sur l' arête, se trouve un petit mauvais pas appelé le Pas du Bidon, parce qu' un bidon de lait porté plein jusqu' alors depuis By fut versé en partie en montant ce pas au-dessus duquel on est sur le plateau de la cabane.

Maintenant, avant de retourner à l' arête frontière, nous irons nous reposer un moment à la Cabane d' Amiante ( 2965 m ?) inaugurée le 12 juillet 1913. Il faut avoir la clef pour y entrer. Il y a plats, écuelles et quelques casseroles pour la cuisine. Il faut y porter bois ou alcool pour le feu. On peut y dormir pas trop mal une quinzaine de personnes. Quelques messieurs y vont même passer deux ou trois jours en villégiature. On peut se refournir de provisions à By. A quelque trente mètres à l' est de la cabane il y a un petit refuge composé d' une seule chambre adossée à une grande pierre; il servait de gîte aux maçons lorsqu' ils construisaient la cabane; on peut y trouver encore aujourd'hui un asile provisoire, si l'on n' a pas la clef de la cabane. Sur la pierre de ce petit refuge est marquée au minium l' altitude 3000 m. Cette altitude n' est pas précise. Ceux qui l' ont écrite, ont fait cela à l' aventure; ainsi il ne faut pas se baser là-dessus pour régler son baromètre. D' après plusieurs observations barométriques, je crois pouvoir fixer l' altitude de la Cabane d' Amiante à 2965 m. La cote de 3000 m doit être donnée à cette grande pierre qui émerge du névé au nord et à 8 minutes environ au nord de la cabane. J' ai appelé cette pierre le Grand Scé d' Amiante ( le mot scé vient de saxum, c' est un mot patois qui désigne une grande pierre ). Les eaux du plateau qui s' étend au nord de la Cabane d' Amiante forment un torrent qui prend sa source à quelques mètres à l' est du Refuge des Maçons. Nous appellerons ce torrent qui n' est jamais à sec le Torrent de la Cabane.

Pour se rendre de By à la Cabane d' Amiante, on va aux Baraques de la Commune ( 2291 m ) et d' ici, en montant en diagonale en direction nord-ouest, au Torrent de la Cabane; passé le torrent, on peut choisir plusieurs itinéraires: 1° monter par un chemin bien tracé la côte de la cabane en diagonale vers l' ouest, aller à la Balme Farinet et de là suivre la Combe Farinet; au sommet de la combe, on voit la cabane à l' est; 2° aller à la Balme Farinet et suivre le flanc est de l' Arête Farinet; 3° passé le Torrent de la Cabane, monter directement la côte en direction de la cabane et se diriger ou à la Brèche Farinet et au Pas du Bidon, ou bien monter directement dans le couloir qui est juste sous la cabane; 4° suivre tout le long, généralement sur sa rive gauche, le Torrent de la Cabane ( de grands pierriers ). L' itinéraire le plus commode et le plus long est le premier; le plus suivi des alpinistes est le troisième.

Après ce petit repos à la Cabane d' Amiante retournons à l' arête des confins.

La face est de la Grande Tête de By tombe sur le Col Est d' Amiante ( 3300 m ?), appelé plus ordinairement Col d' Amiante tout court, col classique pour l' ascension au Grand Combin par la paroi et l' arête sud-est. C' est un col neigeux des deux versants. Les jeux du vent produisent sur le point culminant du col un enfoncement semi-circulaire tout à fait joli à voir. On arrive à ce col tout par névé, en une petite heure de la cabane. A l' est du Col d' Amiante, l' arête faîtière forme des gendarmes et deux têtes un peu plus grandes ( tronçon d' arête parcourue de l' ouest à l' est le 20 août 1913 par Benvenuto Trêves, Federico Campi, Alberto d' Annibale et Giovanni Gatti ), puis tombe sur le Col des Champignons ( 3300 m ?), ainsi appelé parce que d' un côté et de l' autre du col sur l' arête faîtière pointent deux énormes monolythes en forme de champignons. Ce Col des Champignons peut remplir le même office que le Col d' Amiante pour l' ascension au Combin ou pour le passage sur le Glacier du Mont Durand. On peut prendre indifféremment l' un ou l' autre. Le Champignon Ouest ( 3320 m ?) a été ascensionné par Paolo Ferrario et Patella Antonio le 9 septembre 1913. Du Col des Champignons ils sont montés sur le flanc nord du Champignon; arrivés à l' arête faîtière, ils ont contourné le Champignon à sa base sud et sont arrivés au sommet par la paroi sud-eÄ, puis descendus avec corde double par la paroi nord-ouest. Le Champignon Est ( 3320 m ?) n' a pas encore été ascensionné. On pourrait peut-être le réussir avec une longue échelle.

Une promenade pour dames, extrêmement jolie à faire et remplie des plus merveilleux points de vue, est la promenade que j' appellerai Promenade des Trois Cols. On monte au Col des Champignons, d' ici on passe par le Glacier Durand au Col d' Amiante et de celui-ci au Col Garrone; ils sont tous les trois presque au même niveau. Par mesure de prudence, on pourrait porter un bout de corde pour s' introduire du Col des Champignons sur le Glacier Durand. On peut faire ce joli tour en deux heures et demie de la cabane.

Après le Col des Champignons, l' arête remonte à l' est. Elle est tout d' abord hérissée de gendarmes et difficile à suivre; elle devient ensuite plus bénévole et conduit doucement sur la Tête Blanche de By ( 3421 m ). C' est l' ascension obligée de tous les promeneurs qui vont à la Cabane d' Amiante. Le 13 août 1913, Paolo Ferrario et Carlo Semenza ont fait en descente son arête ouest. Le 16 août 1913, Carlo Borgo est monte à la Tête Blanche par le canal ouest qui débouche, vers les 3260 m, sur la côte sud de la Tête Blanche. Le chemin ordinaire est de monter à l' est de la cabane et de s' élever toujours à l' est jusqu' au d' un grand saut de mont ( altitude 3100 m ?), de là, continuer jusqu' au sommet par la large face sud ou bien aller au Col de By et monter la Tête Blanche par sa facile arête sud-est.

Nous avons dit que la large arête sud de la Tête Blanche de By fait à l' altitude de 3100 m environ un grand saut, une coupure nette; sous cette coupure s' ouvre un Col que j' ai appelé Col du Gabelou ( 3020 m ?) en souvenir d' une visite peu amicale que les douaniers firent à la Cabane d' Amiante le 11 septembre 1914 ( Bulletin de la Société de la Flore Vald&taine, n° 11, page 57 ). Sous ce col, toujours au sud, reprend l' arête à grandes coupures, arête qui vient finir sur les Baraques de la Commune. J' ap cette arête L' Arête de la Grande Maison. Cette arête sépare le vallon-côte de la Cabane d' Amiante du vallon-côte de la Grande Maison, lequel vallon de la Grande Maison est borné à l' est par la crête qui descend de la Pointe du Filon.

Je suis allé, cette année 1922, étudier cette arête de la Grande Maison. On peut la diviser en deux parties: partie supérieure et partie inférieure. La partie supérieure est constituée de deux pointes:

La Pointe Nord ( 3040 m ?) et la Pointe Sud ( 3020 m ?), séparées l' une de l' autre par une baisse où s' élève un petit pilier carré naturel, de deux mètres. Je construisis un steinmann sur ces deux pointes le 31 mai 1922; on les monte par leur côté ouest.

La pointe la plus importante de la partie inférieure de l' arête, je l' ai appelée Pointe Ratti ( 2840 m ?), en l' honneur de l' alpiniste M. Ratti devenu d' hui Pie XI. Je l' ai montée par sa large paroi sud le 14 juin 1922. Cette pointe a peu d' importance, il est vrai, et n' est pas digne de celui à qui elle est dédiée. Toutefois, son ascension par la large paroi sud rocheuse, glissante et fortement inclinée n' est pas des plus élémentaires.

Retournons à l' arête des confins où nous l' avons quittée, c'est-à-dire à la Tête Blanche de By. Cette arête tombe sur le Col de By ( 3164 m ), col neigeux des deux côtés et qui vous introduit en plein sur le Glacier du Mont Durand. De By, on atteint ce col par le vallon de la Grande Maison en trois heures. De la Cabane d' Amiante, on l' atteint soit par le Col du Gabelou, soit par l' arête sud de la Tête Blanche de By, au point ci-dessus coté 3100 m. Ce dernier est le meilleur itinéraire.

Du Col de By, l' arête, toute parcourable, monte à la Tête du Filon ( 3300 m ?). De la Tête du Filon part en direction sud, faisant un détour à l' est, une arête qui vient s' éteindre au nord des chalets de la Balme. Cette arête sépare le Vallon de VEau Blanche ou de Fenêtre qui est à l' est, du Vallon de l' Eau Noire ou de By qui est à l' ouest. Au pied ouest de cette arête s' étend le petit Plan de Bona Mort ainsi appelé à cause d' un combat qui a eu lieu en cet endroit entre les Bagnards et les Valpellineins, au sujet des pâturages, entre les années 1000 et 1200 approximativement ( voir Augusta Pretoria, Aoste, octobre-novembre 1920, n° 9—10, pages 232—233 ). Le propriétaire de l' alpe de By, Farinet, a fait de ce plan un lac dont il emploie l' eau pour arroser les pâturages inférieurs.

Nous appellerons donc Crête de Bona Mort la crête qui domine au nord-est le Plan de Bona Mort et les Baraques de By situées au nord de ce plan, Pointe de Bona Mort ( 2760 m ?) le sommet le plus élevé de cette crête ( appelé aussi Tsanté de Vommd ) et Col de Bona Mort ( 2720 m ?) le passage situé juste au nord de cette pointe. Quand on est à By, on peut monter ce Col de Bona Mort pour se rendre à la Fenêtre de Durand; c' est le chemin le plus direct. Au nord du col, l' arête se relie de nouveau à celle qui descend de la Tête du Filon, arête gazonnée jusqu' à 3000 m. Juste sur le versant est de ce col se trouve le Plan du Filon et dans ce plan les galeries abandonnées et les débris d' un ancien filon de cuivre qui était déjà en exploitation en 1810, filon qui se trouve à l' altitude d' environ 2680 m.

En remontant de nouveau à l' arête des confins, nous avons à l' est de la Tête du Filon le Col du Filon ( 3290 m ?), puis la Tête de Balme ( 3310 m ?), puis une réunion de petits cols formant le Col du Mont Avril ( 3190 m ?), puis le célèbre Mont Avril ( 3348 m ). Marcel Kurz suivit toute l' arête du Col de By au Mont Avril, le 26 septembre 1922. J' ai décrit suffisamment ces cols et ces têtes dans mon livre « Valpelline et sa Vallée ». Je n' ai rien à ajouter.

La large face est du Mont Avril tombe sur la Fenêtre de Durand ( 2786-2812 m ), col trop connu pour avoir besoin d' être dilucidé ici.

Dans mon guide « Valpelline et sa Vallée », j' ai fait erreur en appelant ce col Col Fenêtre; le mot fenêtre voulant dire col, c' est une tautologie qui devrait disparaître de la littérature alpine. Il faut dire Fenêtre de Durand ou Col Durand, Fenêtre de Calvin ou Col Calvin, mais non Col Fenêtre; comme on ne devrait pas dire Col de la Forclaz, jorclaz étant aussi un mot que veut dire col. Toutefois, comme nous avons déjà le Col Durand entre la Pointe de Zinal et le Mont Durand, pour éviter toute équivoque, je crois qu' il serait mieux d' appeler le présent col Fenêtre de Durand.

Du chef-lieu d' Oüomont, on peut suivre plusieurs itinéraires pour se rendre à la Fenêtre de Durand: 1° Ollomont, Alpe du Berrio, Col Cornet, Plan du Breuil; c' est l' itinéraire le plus direct, mais ce n' est pas le plus court; 2° Ollomont, Vaux, Gorge de la Gaoula, Plan du Breuil; à la Gaoula, il y a un oratoire ( altitude 1800 m ) creusé dans la montagne au pied d' une énorme roche perpendiculaire; 3° Ollomont, Les Ponts, Les Martinets, Balme, Lacs de Thoules; 4° Ollomont, Les Ponts, Cheval Blanc, Balme, Lacs de Thoules; 5° Ollomont, Cheval Blanc, By, Col de Bona Mort. Les itinéraires les plus suivis sont le deuxième et le quatrième.

Nous sommes ici dans le centre de la Combe de l' Eau Blanche. Au-dessus et à l' est des Balmes se trouve un plan caractéristique appelé Plan des Danses. A l' est de ce plan, on surpasse un petit coteau et l'on a devant soi, toujours à l' est, le Plan du Breuil, qu' on met vingt minutes à traverser du sud au nord et où le torrent de l' Eau Blanche se promène en tranquilles méandres. A l' est de ce plan s' élève la redoutable chaîne du Morion dont nous allons nous occuper.

Toute la base ouest de la chaîne du Morion repose sur deux grands plateaux superposés l' un à l' autre et presque parallèles.

Le plateau inférieur est le plateau des Têtes des Lacs ( 2570-2500 m ). Ce plateau qui forme dans son ouest plusieurs têtes, contient dans son milieu deux lacs dont les eaux ont une couleur blanc-verdâtre. On les a appelés pour cela l' un Lac de la Leitoù ( lac du petit lait, 2553 m ) l' autre Lac de la Beusèya ( lac du lait de beurre, 2523 m ). Sur l' arête de ces têtes se trouve une pierre branlante, caractéristique, posée sur la roche. Deux hommes lui impriment facilement un mouvement de bascule. Est-ce une pierre druidique ou seulement une pierre roulée jusque là par l' ancien glacier? Mystère.

On accède au plateau des Têtes des Lacs du sud par le Col Cornet et le Lac de l' Incliousa, du nord-ouest par le chemin du Morion qui se trouve au sommet du plan de Breuil.

Le Lac de l' Incliousa ( faussement Lac Clofeu, 2453 m ), ainsi nommé à cause de l' écluse qui règle l' eau à son embouchure, était appelé dans les Reconnaissances du moyen âge ( voir Bulletin de la Société de la Flore Valdôtaine, n° 15, pages 10 et 11 ) Lac Souveyroux ou Lac Souheyroux ( lac superius ); les paysans l' appellent encore aujourd'hui Lac Souveol ( lac supérieur ). Les eaux de ce lac arrosent la Combe du Berrio; dans leur parcours jusqu' au Col Cornet, elles forment une cascade appelée dans les vieux papiers loz dar de Souveyroux ( la cascade de Souveyroux ) ( voir Bulletin de la Société de la Flore Valdôtaine, n° 15, page 9 ). Au nord-ouest du Col Cornet se trouve, dans un enfoncement circulaire de terrain, un autre lac, le Lac Cornet. L' eau de ce lac ne sort pas, et on ne voit pas non plus comment il s' alimente; sa source est certainement intérieure.

Le plateau supérieur est occupé par le Glacier du Morion et le Glacier Fiorio.

Retournons aux confins. A l' est de la Fenêtre Durand s' élance, à une hauteur de 700 m, le Mont Gelé ( 3530 m ). Nous n' allons pas nous arrêter sur cette montagne si courue et si connue. Elle a deux pointes à 10 minutes l' une de l' autre, la pointe ouest est un peu plus basse. La Rose des Vents formée de quatre grandes et larges palettes en bois se trouve sur la plus haute ( 3530 m ) qui est neigeuse du côté d' Ollomont, tandis que sa voisine est rocheuse.

Du côté d' Ollomont, on monte cette pointe par son arête ouest, par sa face ouest en différents endroits, par sa face sud en partant du Lac de la Leitoù et en remontant tout le glacier dans son milieu, par sa face sud-est en partant du Col du Mont Gelé. Le chemin ordinaire et le plus facile est de prendre le chemin du Morion et de remonter ensuite vers le nord toute la moraine rocheuse qui longe et accompagne tout le bord ouest du Glacier du Mont Gelé; quand on est arrivé à un point ( environ 3240 m ) où le dos morainique est interrompu par un couloir glacé qui prend sa naissance au glacier, on peut ou monter à l' est sur le glacier et faire ensuite par sa paroi névé sud la pointe la plus haute ou bien continuer par l' arête qui vous amène sur la pointe la plus basse et de là sur la plus haute.

Du Mont Gelé, la crête faîtière descend à l' est et forme une série de gendarmes. Ce sont les Créneaux du Mont Gelé ( 3500 m ?). La route passe la rimaie au pied sud de ces créneaux. L' arête faîtière descend ensuite à une petite selle ou combe neigeuse où elle forme un col. C' est le Col de la Balme ( 3322 m ?). Facile du côté italien, faisable du côté suisse par le large et rapide couloir neigeux. De ce col, dans trois minutes, on est sur le Mont de la Balme ( 3342 m ), chose assez insignifiante sous le rapport alpinistique, mais plus importante sous le rapport orographique, car à ce point viennent confiner trois communes: la commune d' Ollomont, la commune de Bagnes et la commune de Bionaz. Ici viennent aussi converger trois arêtes: l' arête qui descend du Mont Gelé, l' arête qui monte du Col de Crête Sèche, et l' arête qui vient du Morion; cette dernière disparaît, il est vrai, un moment sous le glacier névé, mai » elle ne tarde pas à le crever et a reparaître au nord du Col du Mont Gelé.

Du Mont de la Balme, par le facile névé, sous lequel est cachée la puissante nervure de l' arête du Morion qui opère le partage des eaux d' Ollomont et de Bionaz, nous allons tourner à angle droit vers le sud pour attaquer la fantastique crête du Morion. Cette crête perce bientôt au milieu du névé puis fait une baisse. C' est le Col du Mont Gelé ( 3200 m ). On appelait cela autrefois le Col Faudery, mais on a abandonné cette diction à juste titre, car le vrai Col de Faudery ( 3170 m ?) se trouve plus bas dans le versant est de la chaîne du Morion et fait communiquer le sommet de la Combe de Faudery de Bionaz avec le glacier qui couvre la paroi est du Col du Mont Gelé ( glacier que l'on a appelé Glacier de l' Aroletta, parce qu' il se trouve sur le flanc nord-est de la crête de l' Aroletta ). Le Col du Mont Gelé a souvent à la fin de fete un lac microscopique sur son bord est.

Ici, je proposerai encore qu' on n' appelle plus Glacier de Faudery le glacier qui longe la base ouest du Morion. Ce glacier doit être appelé ou Glacier du Mont Gelé vu qu' il prend sa source au sommet du Mont Gelé et s' étend de là sans interruption jusqu' à l' Hôpital des Chamois, ou bien et mieux encore, et c' est ainsi que je l' appelle dans cette petite étude, Glacier du Morion, parce qu' il recouvre complètement toute la base ouest de la chaîne du Morion. On ne doit plus l' ap Glacier de Faudery, parce que la Combe de Faudery se trouve sur le versant opposé; il y a toute la crête du Morion au milieu, et ce glacier n' a aucun contact avec la Combe de Faudery.

Du Col du Mont Gelé nous montons au sud par la colline névé et puis par la roche au sommet de la Becca Faudery ( 3290 m ?) qui domine à son extrémité nord le vallon de Faudery de Bionaz. J' en ai fait la première ascension avec l' abbé Emile Bionaz, le 2 septembre 1913, par sa paroi nord. De la Becca Faudery, en regardant au sud devant soi l' arête qui se dirige vers la Becca Crevaye, on a une impression de terreur: ce sont des ardoises droites sur l' arête, des lames de couteau, des fers de lance, des dents de scie en toutes positions et de toutes dimensions. Cette vue a fait dire à l' alpiniste Bonacossa: « mais ceci, ce n' est plus du Faudery, c' est du Dru, c' est du Grépon ». A trois mètres du sommet du côté sud, un trou traverse la crête de part en part; cela justifie encore de plus le nom de Becca Faudery ( percée ) donne à cette pointe.

Aldo Bonacossa, le 2 août 1921, fit l' ascension de la Becca Faudery par sa paroi ouest en montant directement du Glacier du Morion; il atteignit, à vingt mètres environ sous le sommet, l' arête nord-ouest et continua par cette arête. Du sommet, il descendit, par la crête sud toute hérissée et ensuite par un bout de paroi lisse, sur le col entre la Becca Faudery et la Becca Crevaye; de ce col, par un couloir rapide à l' est, il dégringola dans le Vallon de Faudery de Bionaz. Puisque M. Bonacossa a atteint le premier ce col, il est juste que nous l' appelions Col Bonacossa ( 3260 m ?). Le couloir est du col tombe sur Faudery à grands escaliers lisses, moutonnés et espacés; il est difficile et dangereux. Sur ce col se dresse un petit monolythe acéré. Du Col Bonacossa, l' arête monte de nouveau vers le sud et forme la Becca Crevaye ( 3300 m ?). Le mot creva, crevaye veut dire percé, percée. Le trou ne se trouve pas sur la vraie sommité, mais dans une petite pointe plus au sud. Il a environ huit mètres de diamètre. L' abbé Bovet, le guide Forclaz Théodule et moi, avons fait l' ascension de cette pointe le 11 juillet 1904 par le Glacier de Morion, le névé qui monte sous la Becca et sa paroi ouest. Nous n' avons pu surmonter le saut du commencement de la paroi que par le moyen d' une échelle que nous avions emportée avec nous. Surpassé ce saut, nous sommes allés sans difficulté au col, puis au trou, puis à la pointe nord la plus élevée ( voir la photographie du Bulletin n° 10 de la Société de la Flore Valtôtaine, page 11 ).

Après la Becca Crevaye, toujours au sud sur l' arête, vient le Col de la Becca Crevaye ( 3280 m ?), atteint la première fois par les mêmes alpinistes le 11 juillet 1904 par le couloir ouest. Il n' a pas encore été fait du côté est.

Au sud du Col de la Becca Crevaye, l' arête s' élève brusquement et forme les trois pointes caractéristiques du Trident de Faudery. La première pointe, celle du nord, porte le nom de Pointe Henry ( 3330 m ?), nom qui lui fut donné ( ainsi que le nom des deux autres pointes du Trident ) par l' ingénieur Francesco Mauro ( voir son article dans Rivista Mensile del C.A.I., février 1915, page 37 et suiv. ). Quand je fus au sommet de cette pointe, j' ai bien examiné sa paroi-arête nord qui tombe sur le Col de la Becca Crevaye et je me suis fait la conviction qu' une montée ou une descente par cette paroi-arête nord est possible, par une étroite fissure qui part du sommet et sillonne presque entièrement cette paroi. L' ascension de cette pointe par la paroi ouest n' offre pas de difficulté: on monte d' abord vers le Col Bietti, puis on traverse du sud au nord par une large cingle qui passe à travers les parois de la troisième et de la deuxième pointe du Trident, puis on prend le couloir qui monte au sud de la pointe jusqu' au col et du col au sommet par l' arête sud.

Nous appellerons Col Ferrario ( 3300 m ?) le col situé entre la Pointe Henry et la Pointe Ferrario suivante. Une pierre qui obstrue le couloir ouest, qui descend de ce col, fait perdre quelques minutes.

Au sud du Col Ferrario nous avons la Pointe Ferrario ( 3310 m ?), gravie par sa crête nord par Paolo Ferrario et Olindo Schiavio le 30 juillet 1914 du Col Ferrario; les derniers mètres de la crête sont difficiles. Le 17 août 1922, Fasana Piero, Bramani Vitale, Antonini Franco et Bestetti Carlo ont fait par la crête la première traversée de la Pointe Ferrario, du Col Ferrario au Col Topham, et sont descendus de ce col dans le Vallon de Faudery de Bionaz.

Après la pointe Ferrario, toujours au sud, vient le Col Topham ( 9325 m ?), gravi du côté de Bionaz par sa face et couloir est, le 18 août 1898, par les alpinistes anglais F. Aston-Binns et G. Wherry avec le guide Clemenz Zurbriggen et le porteur J. Bich de Valtournanche.

Après le Col Topham vient la Pointe Topham ( 3330 m ?) dont les deux arêtes nord et sud ont été parcourues.

Au sud de la Pointe Topham s' ouvre le Col Bietti ( 3280 m ?) ainsi appelé, parce que Paolo Ferrario et Luigi Bietti en firent la première traversée de l' est à l' ouest, c'est-à-dire du Vallon de Faudery au Glacier du Morion, le 26 septembre 1913. Col dangereux de tous les deux côtés pour les chutes fréquentes de pierres; pour s' en garer, il faut se tenir tantôt sur un bord tantôt sur l' autre bord des couloirs qui descendent du col.

Au sud du Col Bietti se dresse une toute petite pointe bifide, je l' ai appelé Esther et Judith et le petit col ou brèche qui se trouve entre les deux Col des deux Saintes. J' ai essayé moi-même deux fois d' aller à ces pointes, mais j' ai fait fiasco toutes les deux fois; la première fois il neigeait à gros flocons, la seconde fois, j' ai été chassé par la montagne à coups de pierres. Michele Baratono et son neveu Chabod Frédéric étant venus à passer chez moi, je les ai priés eux-mêmes d' aller explorer ce détail de la crête et ils ont réussi. Le 12 juin 1921, ils traversent le Glacier du Morion et remontent entièrement la paroi ouest de la pointe en longeant sur son bord gauche le couloir Bietti. Ils arrivent au Col des deux Saintes et de là sur la pointe nord, c'est-à-dire la Pointe Esther ( 3320 mils retournent au Col des deux Saintes ( 3312 m ?) et redescendent par la même route de la montée. Ils m' ont dit que la Pointe Judith ( 3320 m ?) qui a la même hauteur que la Pointe Esther ne peut pas être faite du Col des deux Saintes, parce qu' il y a de ce côté un surplomb, mais on pourrait essayer de l' ascensionner par le versant est.

Au sud de Esther et Judith, l' arête fait de nouveau une petite baisse, puis monte résolument mi-neigeuse et mi-rochcuse en émettant quatre petites pointes, puis atteint le point culminant de la chaîne où sont les Pointes du Morion. Les Pointes du Morion sont trois: Pointe Nord, Pointe Centrale, Pointe Sud. La Pointe Nord du Morion ( 3527 m ) se divise à son tour en trois têtes bien marquées. Il me vient le doute que ces trois sommités constituant la Pointe Nord du Morion n' aient pas encore été gravies. Ce doute se change même en toute probabilité et voici pourquoi. La seule ascension connue de cette pointe est celle de Douglas Monro en 1895 par le versant est, ascension qui n' a pas été publiée. Or, si on pense qu' à cette époque, la chaîne du Morion n' était presque pas connue et qu' il y avait grande confusion dans la nomenclature, il peut très bien se faire que Monro ait pris une pointe pour l' autre et ait ascensionné la Centrale au lieu de la Nord. C' est mon opinion par conséquent que les trois pointes de la Nord du Morion sont encore vierges. Si quelque alpiniste enragé vent les faire et vérifier si dies portent ou non la carte de visite de Monro, il peut les faire soit d' Ollomont par le Glacier du Morion, le col qui se trouve au sud de la Pointe Esther et Judith et l' arête, soit de Bionaz en allant au Morion Central et de là sur les têtes du Morion Nord. Le plus beau serait de les traverser, monter de Bionaz et descendre à Ollomont ou vice versa. Allons! y a-t-il quelqu'un qui vent s' illustrer?

Au sud de la Pointe Nord du Morion se trouve, sur l' arête faîtière, un pic plus bas, la Pointe Centrale du Morion ( 3500 m ?). Elle se distingue peu du côté d' Ollo. On la distingue mieux du côté de Bionaz, d' où on la voit la tête encapuchonnée fortement de neige et soutenue par une puissante arête médiane qui descend jusqu' à la cote 2887, d' où elle fait un grand saut. Cette arête médiane sépare la Combe de Faudery au nord-est des pâturages de la côte sud-est du Morion. On fait l' ascension ( du côté de Bionaz ) de la Pointe Centrale en longeant cette arête médiane dans son sud-ouest. On arrive sur un col ( sans nom ) au sud de la Pointe Centrale et du col on atteint la cime.

Au sud de la Centrale du Morion se trouve donc ce col sans nom que j' appellerai Col du Morion ( 3480 m ?). Ce col aisé du côté de Bionaz n' a pas encore été atteint du côté d' Ollomont. On l' a pourtant essayé deux fois: C. G. Monro et O. G. Jones le 9 septembre 1891 avec les guides A. Bovier et P. Gaspoz d' Evolène, et Aldo Bonacossa et Carlo Prochownik, sans guide, en septembre 1920. Toutes les deux caravanes ont monté péniblement le couloir ouest pendant deux heures puis elles ont du rebrousser chemin à cause de la roche friable et des chutes de pierres.

Ce couloir ouest du col du Morion, si jamais on réussit à le faire ou à s' y casser la tête, est le seul endroit vulnérable et possible pour monter la paroi ouest du Morion; cette large et effrayante paroi depuis le couloir du ColBietti jusqu' à l' arête ouest qui descend de la première Tête Fiorio n' a jamais été ni montée ni descendue.

Après le Col du Morion, l' arête monte à la Pointe Sud du Morion ( 3520 m ?), la plus élancée des trois et qu' on gravit par sa paroi est. Au sud de cette pointe, l' arête tombe de nouveau en une énorme échancrure, puis se relève et fait un bon bout presque horizontalement. Ce bout de crête horizontale est le Mont Clapier ( 3450 m ). Il y a sur cette crête cinq petites pointes, la plus haute est celle du nord; elles vont en altitude décroissante du nord au sud. M. Topham qui a fait la première ascension de cette montagne le 21 juillet 1896, a élevé sur chacune de ces cinq pointes un petit steinmann.

La pointe sud du Mont Clapier, soit la cinquième pointe, jette une arête en direction sud-est. Au bout de 200 m, cette arête se termine brusquement par une coupe nette, puis reprend de nouveau et forme une espèce de montagne en relief sur la paroi mère. C' est le Mont Traversagne ( 3020 m ) herbeux presque jusqu' à son sommet. On passe généralement sur le Mont Traversagne lorsque l'on se rend d' Oyace au Col Fiorio.

La même pointe sud du Mont Clapier, soit la cinquième, jette une autre arête puissante en direction ouest, arête qui partage en deux le plateau du Glacier et sépare le Glacier du Morion qui est au nord du Glacier Fiorio ou Glacier du Mont Clapier qui est au sud. Cette arête a été appelée poétiquement par les chasseurs L' Hôpital des Chamois. Lorsque les chamois sont blessés, ils se jettent sur cette arête et la remontent et essayez donc d' aller les y poursuivre.

Au sud de la pointe sud du Mont Clapier, l' arête faîtière se creuse de nouveau en une brèche profonde, puis remonte, forme trois pointes et arrive au Col Fiorio. Cette portion d' arête n' avait jamais été étudiée. Je suis allé lui faire une petite surprise l' été dernier, le 9 septembre 1921, avec l' abbé Victor Anselmet.

Disons de suite que j' ai appelé ce tronçon d' arête L' arête du Dard ( 3400—3200 m ?) en l' honneur de la cascade ( dard ) du Lac de Souheyroux qu' on domine de là-haut. Les deux pointes supérieures sont placées sur la moitié supérieure de l' arête; la pointe inférieure est placée sur la partie inférieure. Nous allâmes donc ce jour là de Valpelline au Mont Traversagne et de là au Col Fiorio. Du Col Fiorio, en 15 minutes, nous fîmes l' ascension de la lre Pointe du Dard ( 3260 m ?) par son arête sud. Restent donc encore à gravir les deux pointes plus élevées, c'est-à-dire La 2e et la 3e pointe du Dard ( 3370—3400 m ?). D' après un coup d' œil rapide, il me semble que ces deux pointes ne sont pas accessibles par leur arête sud, mais on doit les essayer par leur paroi est.

L' Arête du Dard finit au sud au Col Fiorîo ( 3200 m ?). On y va facilement du côté d' Oyace en passant au Mont Traversagne. Du côté d' Ollomont, il n' a jamais été monté. Ce Col Fiorio, comme le Col du Morion, pourraient être tentés avec beaucoup de chances de succès à la descente. Il faudrait les atteindre par l' est du côté d' Oyace, puis les descendre à l' ouest du côté d' Ollomont à la corde double; il est difficile qu' on ne puisse pas réussir à les traverser de cette manière.

Au sud du Col Fiorio, l' arête pleine de gendarmes et de grandes plaques verticales s' élève presque d' un bond jusque sur la Pointe Fiorio ( 3357 m ). Vue de Bionaz, au Saut de l' Epouse, cette pointe est splendide; elle a la forme d' une aiguille.Vue de By, elle semble une tête carrée et ne dit pas grand' chose. Elle est sur les confins entre Oyace, Ollomont et Valpelline. Pour y aller, on peut suivre trois itinéraires que j' appellerai: Itinéraire d' Oyace, Itinéraire de Valpelline et Itinéraire d' Ollomont ou de By. D' Oyace, on va au Mont Traversagne, de là au Col Fiorio et du Col Fiorio on monte la pointe par son arête nord; de Valpelline, on monte la combe de Breuson, on va à Plan Mulet, puis au Col des Clocherots, de là on monte la paroi tout à fait au sud de la pointe jusqu' à la crête faîtière, on prend l' arête sud de la pointe qui fait ici un surplomb de cinq mètres et on est dessus; d' Ollomont ou de By, on va au Lac de l' Incliousa, d' ici au Col Berrio, puis on prend l' arête au nord, on fait la première tête, puis la deuxième, toujours par l' arête faîtière, et, enfin, on arrive au surplomb de cinq mètres et de là au sommet; on peut aussi ( et c' est plus facile ) du Col du Berrio descendre par des glavinières 150 m du côté de Breuson et prendre la route de Valpelline qui monte au Col des Clocherots. C' est joli, vous savez, faire l' ascen de la Pointe Fiorio depuis le Col des Clocherots, quand le temps est beau et calme et que la pipe bourrée de tabac tire bien; malheureusement le difficile ( c'est-à-dire la paroi sous l' arête faîtière et le surplomb de cinq mètres ) dure trop peu, quinze à vingt minutes tout au plus.

Du côté d' Oyace, descend au sud de la Pointe Fiorio une arête toute hérissée de clochetons; c' est l' Arête des Clocherots qui sépare les pâturages alpins de Valpelline des hauts pâturages d' Oyace. Sur cette arête, en partant de la Pointe Fiorio, on trouve un col, très facile du côté de Valpelline, mais qui n' a jamais été fait du côté d' Oyace. C' est le Col des Clocherots ( 3160 m ?), au sud duquel se dresse la Pointe Arne Gorret ( 3210 m ?). De cette pointe, l' arête continue à redescendre en direction sud, puis se perd au-dessus des pâturages de Suchéaz.

A l' ouest de la Pointe Fiorio, l' arête faîtière vient tomber sur le Col du Berrio en formant sur son parcours deux têtes bien distinctes: la deuxième Tête plus près de la Pointe Fiorio et la première Tête plus près du Col Berrio. Cette première tête jette à son ouest une arête qui vient mourir sur les Lacs du Morion et par laquelle passe la route pour aller au Col Berrio par l' ouest.

E. Canzio, F. Mondini et N. Vigna avec le porteur Giacomo Noro, dans leur première ascension à la Pointe Fiorio le 21 août 1895, en partant de By, débou- chèrent sur le col situé entre ces deux têtes et le traversèrent de l' ouest à l' est. Les trois curés J. Bonin, P. Bovet et J. Henry, dans leur tentative d' ascension à la Pointe Fiorio le 11 juillet 1906, allèrent au Col du Berrio par le versant ouest, montèrent sur la première tête, passèrent au col entre la première et la deuxième tête, puis, comme les premiers ascensionnistes, ils descendirent ce col du côté de Breuson pour passer à la route du Col des Clocherots. L' avocat Nino Quaini avec le guide Thérisod Casimir, dans son ascension à la Pointe Fiorio du 7 août 1920, en partant de By, vint au Col Berrio et traversa entièrement par la crête faîtière la première tête, puis le col entre les deux têtes, puis la deuxième tête et de là, toujours par la crête faîtière, fit l' ascension de la Pointe Fiorio. Les choses étant ainsi, voici comment je propose de fixer la nomenclature de ce bout d' arête faîtière compris entre la Pointe Fiorio et le Col Berrio. Nous appellerons Tête Quaini ( 3310 m ?) la deuxième tête. Il est convenable de donner à cette pointe le nom de son premier ascensionniste, M. Quaini, qui a passé plusieurs campagnes d' été à parcourir presque exclusivement les montagnes de la Valpelline et qui connaît si bien toute cette vallée. Nous appellerons Col des deux Têtes ( 3250 m ?) le col traversé la première fois le 21 août 1895 de l' ouest à l' est par Canzio, Mondini et Vigna. Nous appellerons ensuite Tête Bonin ( 3270 m ?) la première tête, traversée la première fois le 11 juillet 1906 par l' abbé Jean Bonin et ses collègues Bovet et Henry. Il est aussi juste de donner à cette pointe le nom de l' abbé Bonin qui a fait beaucoup d' ascensions dans la Vallée d' Aoste et qui a célébré le premier la messe à la sommité du Mont-Blanc le 12 août 1893, messe première et unique qui ait été célébrée là-haut.

Nous sommes maintenant sur le point de clore cette petite étude. Il ne reste plus à narrer que des choses de peu d' importance.

Après la Téle Bonin, l' arête faîtière descend au large Col Berrio ( 3000 m ?), facile du côté est, moins facile du côté ouest. Au sud de ce col, l' arête monte au Mont Berrio ( 3086 m ) qui emprunte son nom de l' alpage juché sur ses flancs sud-ouest. Le Mont Berrio projette en bas trois arêtes: l' arête sud-est assez insignifiante, l' arête sud plus puissante et l' arête ouest coupée par le Col Cornet.

Le 9 juillet 1906, j' ai fait le Mont Berrio par la paroi sud, comprise entre l' arête sud-est et l' arête sud, le dernier bout par l' arête sud. Le 15 août 1913, Angelo Aimone, Mario Negro et Guido Rivetti ont fait l' ascension du Mont Berrio par son arête ouest à partir du Col Cornet.

Sur l' arête sud du Mont Berrio se trouve un col ou passage que l'on traverse pour se rendre de Breuson à l' alpage du Berrio, passage herbeux des deux côtés, avec traces de sentier. C' est le Col de Breuson ( 2490 m ). Au sud du col de Breuson, l' arête fait une profonde échancrure, puis monte sur la Pointe de Faceballa ( 2516 m ). J' y fus en août 1904 par le Col de Breuson et sa face ouest. Au sud de cette pointe, l' arête fait de nouveau une profonde brèche, puis remonte sur la Pointe des Arsines ( 2400 m ?). J' ai fait une promenade tout seul à cette Pointe des Arsines en automne 1916; je l' ai gravie par son arête sud.

Géologiquement parlant, on sait que toute la crête du Morion entre dans l' ellipsoïde de fa Dent Blanche. L' arête sud du Mont Berrio serait donc la partie extrême de l' ellipsoïde.

L' arête ouest du Mont Berrio tombe, comme nous l' avons dit, sur le Col Cornet ( 2350 m ?), col vaches et qui fait communiquer l' alpage du Berrio avec les alpages de la Combe de l' Eau Blanche. L' arête reprend au sud-est du Col Cornet, forme dans son point culminant la Pointe Cornet ( 2370 m ?), puis se perd dans les pâturages en-dessus du chef-lieu d' Ollomont.

Je dirai en finissant que la plupart des cotes d' altitude des montagnes sus-décrites sont approximatives. D' abord, on le sait, toutes les pointes de la frontière entre la Suisse et l' Italie portent des cotes différentes sur les cartes suisses et sur les cartes italiennes. Ensuite, la plupart des autres pointes n' ont point de cote dans les cartes; il faut y suppléer, soit par le baromètre, soit par le coup d' œil, qui est quelquefois plus juste encore que le baromètre. Il me semble que les alpinistes devraient avoir dans leur sac un petit niveau portatif qui pourrait rendre des services appréciables pour trouver la différence d' altitude entre une pointe dont la cote est connue et une pointe voisine dont la cote est inconnue.

Jahrbuch des Schweizer Alpenclub. 57. Jahrg.

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