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Orage

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Zermatt, septembre

Orage

Maurice Nicole!, Chesières VD

Nous étions une vingtaine, réunis à la cabane du Bietschhorn. Oh! il y a très longtemps! Sans le prévoir, nous nous étions retrouvés entre connaissances. Je conduisais une cordée de deux. Un ami du groupe de Sion pilotait un débutant. André Roch dirigeait une cordée. Pierre Blanc, une autre. Trois cordées bernoises complétaient la compagnie. Nous avions tous le même but: traversée du Bietschhorn, de l' arête nord à Parete ouest.

Nous quittons la cabane vers 3 heures. Il fait encore nuit, mais beaucoup trop chaud. Ah! si l'on osait renoncer quand il fait si beau! Au pied de l' arête, rapide casse-croûte, et départ. Mais quelle surprise! En brandissant mon piolet dans la direc- tion à suivre, je l' entends bourdonner. Je répète l' expérience. Pas de doute: nous avons les « abeilles ». Il fait toujours beau, mais tout est laiteux autour de nous. Nous nous consultons. Un orage si tôt? Incroyable, cela va passer.

L' arête nord est en très bon état. Nous montons rapidement. Il est un peu plus de 7 heures. Nous approchons de l' endroit où l' arête ouest vient rejoindre la notre. Il fait très sombre tout à coup. Je n' ose plus soulever mon piolet qui crépite sans cesse. J' appelle André Roch pour avoir son avis.

A croire que c' est ma voix qui a tout déclenché! Une immense lueur aveuglante accompagnée dans le même temps d' un bruit déchirant, nous met à genoux, à cause du choc brutal ressenti au sommet du crâne. La tempête se déchaîne. Le grésil passe horizontalement. Impossible d' y faire face!

Un deuxième claquement, encore plus aveuglant, et je perds conscience. Combien de temps, personne ne l' a su, car nous avions tous été touchés. Ma camarade a glissé côté est, moi côté ouest. Sans mal, ni l' un ni l' autre, il faut perdre de l' altitude. Mais une femme crie en allemand:

- Au secours! j' ai une jambe cassée!

Nous la rejoignons aussi vite que possible dans la bourrasque. Elle a glissé la tête en bas, mais un pied a l' air soudé au rocher. Je le dégage à coups de piolet. Elle avait comme nous, des clous Tricouni. L' un d' eux s' était soudé au rocher par l' éclair qui avait frappé juste à cet endroit. J' au aimé conserver la chaussure pour le Musée alpin, mais le reste de rocher attaché au clou est tombé ensuite, pendant la marche. Cependant, nous n' étions pas encore hors d' affaire. Après une centaine de mètres de descente le long de l' arête, nous plongeons dans les couloirs nord-ouest. Très vite, vous sommes hors de la zone surchargée d' é. En revanche, les chutes de pierres remplacent la foudre. Ma compagne « hérite » d' un méchant caillou qui lui déboîte un coude, et c' est avec ce bras en écharpe qu' elle doit continuer la descente scabreuse de ce couloir.

Comble de malchance - et la nervosité générale aidant -, le jeune camarade de mon ami passe au travers d' un pont de neige. Nous sommes nombreux et, très vite, nous le sortons de son trou. Hélas! dans sa chute, il s' est planté la pointe crantée de son piolet à travers une main. Il me fallut davantage de courage qu' à lui pour arracher cette lame qui le suppliciait.

Le retour à la cabane ne fut pas glorieux. Le gardien qui avait observé l' orage et notre retraite aventureuse n' était pas content. Mais qu' y faire? La blessure de notre jeune ami nous obligeait à rentrer immédiatement afin de le faire soigner sérieusement.

Et tard le soir, en arrivant à Sion, nous apprenions qu' un alpiniste avait été foudroyé au Luisin, le matin même, vers 7 heures.

Alors dites-moi donc pourquoi nous retournons, encore et toujours, vers cette montagne parfois cruelle pour ses amoureux!

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