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Pâques blanches à la Täschalp

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1Par R. Zellweger

Avec 3 illustrations ( 13—15Neuchâtel ) L' attente et le souvenir d' une course, la chose est connue, nous procurent parfois un plaisir plus pur que la réalité vécue. Parmi les joies rétrospectives d' un séjour en montagne, passé à l' écart, dans une cabane peu fréquentée, on peut compter celle d' y retourner en pensée aux heures où le froid, après votre départ, envahit de nouveau le refuge pour en être le seul occupant pendant des semaines peut-être; il est plaisant aussi, captivant même, d' imaginer la seconde où le réveille-matin du gardien, plusieurs jours après, cessera brusquement son tic-tac. Que se passe-t-il là-haut quand nous n' y sommes pas? pendant la saison morte, et surtout en hiver?... De retour dans la vallée, le skieur alpin revoit ses traces tour à tour nivelées par le soleil et durcies par le gel, sculptées par le vent et finalement effacées par la neige. Contrairement au touriste d' été, il ne laisse point de traces durables. Chaussé de « vibrams » qui mordent le rocher sans le blesser, il est sur la neige l' homme « aux semelles de vent », «... whose name is writ on water x ».

Sur le vélin des belles pages blanches que forment les glaciers du vallon de Täsch nous avions, pendant trois grands jours, inscrit nos signes et nos sigles. Initiales aux contours amples et nets: nos pistes profondes de montées matinales; pointillé court mais capricieux: la trace de nos crampons de la rimaye aux rochers; lignes fuyantes figurant tantôt la colonne torse, tantôt la chevelure défaite: les arabesques de notre retour bondissant. Ceux qui monteront là-haut après nous retrouveront le grand livre blanc de Täsch toujours largement déplié, mais ils n' y liront plus nos signatures. Par contre, ils relèveront peut-être à la cabane cette inscription au crayon: Pâques 1950: Course de la section Neuchâteloise: Alphubel-Rimpfischhorn-Allalin.

Chargés d' organiser une série d' ascensions printanières, nous lisions avec intérêt ces paroles du grand maître des skieurs alpins dans le Valais: « Toutes ces courses peuvent se faire beaucoup plus facilement au départ de Britannia. Il est probable néanmoins que certains skieurs seront alléchés précisément par la solitude de la Täschalp et trouveront un charme spécial dans ce vallon retiré où la foule ne parvient pas 2. » Quoique ne datant pas d' hier, elles nous mirent la puce à l' oreille et l' eau à la bouche. Depuis qu' elles ont été prononcées, la région a été rendue plus hospitalière par la construction d' une cabane dont on nous avait vanté les commodités, entre autres le chemin d' accès luxueusement dallé. L' album des cabanes, plus sobre, disait qu' elle était « accessible en hiver, si les conditions sont bonnes ». Ayant réuni en plus de ces renseignements et en guise de pièces à conviction une superbe vue aérienne, photo Mittelholzer, une lettre encourageante du gardien et un mot sympathique de la section Uto, propriétaire, nous pouvions, ces atouts en mains, songer à battre le tambour, à nous mettre en 1 Son nom est écrit sur l' eau. Epitaphe du poète Keats.

2 Marcel Kurz: Guide du Skieur dans les Alpes Valaisannes, t. II, p. 126 ( édït. 1938 ).

quête de quelques adeptes. Mais les skieurs, quoiqu' ils en disent, sont rarement « alléchés par la solitude » et manquent d' imagination: vous les rencontrerez par centaines ou par milliers à la Petite Scheidegg; en face, à la Grande, il n' y a personne. Triplés les trains pour Zermatt en cette veille de Pâques; mais, en chemin, personne ne descend. Passons! Nous fûmes cinq: quatre pères de famille et Joë, l' OJien, notre onzième enfant. Les célibataires de la section, les « purs », ont opté pour les charmes du tourisme mixte.

Il est vrai que depuis la gare de Täsch on ne devine pas le paradis de neiges solitaires qui s' ouvre derrière les forêts de mélèzes et dont la gorge du Täschbach forme la porte étroite. Elle est, en plus, impraticable; par contre, les pentes raides de sa rive droite, bien exposées au soleil, sont tout à fait sèches déjà. Personne aux chalets de Täschberg, mais la chapelle rustique grande ouverte est d' autant plus émouvante en ce Vendredi-Saint. Comme nous sommes loin déjà de la « Ville-Souffrance », du « Marché de Con-solations » et de son « Eglise achetée toute faite, proprette, fermée et décevante ainsi qu' un bureau de poste le dimanche » dont parle Rilke. Un peu plus haut, nous pénétrons dans la gorge encombrée de restes d' avalanches. Pauvre victime, un chamois gît, la tête en bas, écartelé, au bord du chemin: vision navrante qui nous rappelle les risques de ce trajet en plein hiver. Nous avons la chance de pouvoir le parcourir en toute quiétude, mieux, de vivre enfin le moment délicieux où l'on chausse les lattes, de retrouver aussitôt nos gestes et réflexes de skieurs et de partir en lentes foulées régulières. Le dernier tiers de la montée à la cabane, par la bonne rampe du sentier qui y mène depuis la Täschalp, est le plus long; nous le gravissons, les skis sur le dos, en plein après-midi. Cela permettra à Joë d' échanger son gros rhume contre les premières atteintes d' un coup de soleil « terrible ». Le soleil du Valais a accompli-en effet un miracle de plus: jusqu' à 3000 m. au moins, les pentes sud sont dégarnies de neige; nous ne la trouverons, abondante et pourrie, que dans les nombreux couloirs qui strient ce versant. Plus nous montons d' ailleurs, plus elle semble se faire rare, et en approchant de la cabane ( 2750 m .), nous trouverons même quelques anémones. Superbement campée et visible de loin, cette belle maison fait plaisir; il fait bon y « cabaner ». Souhaitons, toutefois, que le CAS ne soit pas amené un jour à changer le terme de cabane, devenu par trop impropre, en « hôtel » ou « hostellerie »! En posant nos sacs sur les tables — il y en a une pour chacun — nouvelle surprise: nous sommes les premiers visiteurs de l' année, et seuls partageront par moments notre solitude, Moser, le sympathique gardien, son fils, et trois gentils touristes « Lausannois » de Rorschach. Le clou de la soirée cependant, et notre plus constant sujet d' exultation, c' est le baromètre. Contre toute attente, il monte obstinément et nous assurera pendant trois grands jours le beau temps nécessaire à notre entreprise.

La cabane de Täsch n' est pas au service d' un seul sommet; toutefois, les rares inscriptions du livre d' hiver, dont une douzaine de feuillets seulement sont actuellement couverts, indiquent clairement que Y Alphubel est le but préféré de ses visiteurs. C' est aussi le sommet le plus rapproché; commençons donc par lui! Le lendemain matin, à l' heure du départ, le gardien serviable mais discret — un vrai Valaisan — nous accompagne jusque devant la porte, et, les yeux levés vers les arêtes qu' auréole déjà le soleil, nous suivons la direction de son bras tendu qui nous trace l' itinéraire: s' engager dans la première combe importante qui se creuse au sud de la cabane et monter en ligne droite jusqu' à 1' Alphubelgletscher; se diriger ensuite vers le Feekopf en gagnant un premier palier supérieur; accéder finalement à 1' Alphubeljoch par une montée oblique, en contournant la base NW du Feekopf. Deux heures plus tard nous voyons la large baie du col ( 3782 m .) s' ouvrir devant nous. Bientôt nous pourrons scruter le ciel d' Italie, entièrement pur — tout va bien! —, et un instant après nous dominons le paysage nouveau du glacier de Fee. C' est à ce point seulement que le fil ténu et rectiligne de notre trace se rattache au réseau serré des pistes du versant de Saas. Les premières caravanes de Britannia et de Langefluh atteignent le col presque en même temps que nous et établissent, à leur tour, leurs camps de base à la naissance de l' arête SE, « itinéraire... le plus élégant, mais... rarement suivi ». On ne le dirait pas. Pendant que nous nous équipons, plusieurs cordées s' y attaquent les unes après les autres. Le temps de chausser nos crampons, de mettre la corde, d' em les piolets, et nous partons bons derniers du Joch. Mais en approchant du passage critique, l' endroit où la calotte de neige du sommet se termine en un petit mur de glace qui fait miroir, nous voyons nos devanciers s' arrêter hésitants. Equipés seulement pour le ski, ils nous laissent approcher, prendre la tête. Et pendant que Pierre, notre leader, se faufile prudemment sous la cassure pour s' élever ensuite droit au but par une forte pente de glace et de poudreuse, nous voyons tout le monde redescendre au col. Le vaste sommet, 4206 m ., n' est pas désert pour autant. Quelqu'un y est même monté à ski, et caravane après caravane surgissent des profondeurs du Feegletscher. L' air calme, le soleil de midi et la vue superbe invitent à prolonger le repas et la sieste, nous engagent à visiter en flânant les multiples points culminants de ce sommet moelleux, vrai oreiller duveteux de la Fée de Saas. A la descente par le flanc E nous croisons une de nos connaissances du matin en tenue encore plus légère: un garçon qui grimpe en nudiste. Nous préférons nous rafraîchir par une bonne glissade opportune. Puis, la marche assez pénible jusqu' au dépôt des skis nous rappelle que nous avons encore tout le plaisir devant nous. Pour mieux le goûter, mais aussi pour inspecter un peu l' arête qui nous sépare du Feejoch, enneigée assez copieusement et point trop commode, semble-t-il. Nous décidons de prendre notre départ du Feekopf ( 3888 m. ). La glissade gagnera ainsi en longueur sinon en charme, le premier tronçon étant soufflé et la manœuvre difficile. Mais une fois de retour au col, nous tournons nos visages éblouis vers le soleil, vers l' immensité du paysage bleu, blanc et or. 0 minutes capiteuses des grands départs! « Am hohen Hang zur Fahrt bereit... », et cinglons plein ouest, vers le port. Notre technique rapidement remise au point, nous nous sentons à l' aise dans la poudreuse tassée. Bientôt cependant nous opterons pour le gros sel fondant en longeant la rive ensoleillée des combes glaciaires. La fin est grisante: virant et virevoltant avec précision entre les blocs, nous dévalons le grand couloir en christianias « de poche », heureux et fiers comme si l'on nous regar- dait. Arrivés au niveau de la cabane, nous nous retournons et, du regard, nous remontons nos virolets — ils gagnent toujours à être vus de loin —. « Phéno! » dit l' OJien enflammé. « Je te crois! »; mais quand donc viendra-t-il, celui qui dira les joies du ski, cet oiseau rare: le poète des neiges! Les genoux un peu tremblants encore, la tête en feu, mais le cœur content, nous épau-lons les lattes et rentrons à la cabane en quelques minutes. Il était 4 heures, je crois. Quelle délicieuse fin d' après et quelle bonne soirée nous y avons passées. Nuit agitée, conséquence des coups de soleil.

Dimanche matin, jour de Pâques. Levés tard, nous sortons de l' ombre du Rotgrat au bout d' une heure de marche, au moment d' aborder le glacier au point 3243. Quittant les traces de la veille, nous mettons le cap sur le Rimpfischhorn, et bientôt sa crête caractéristique en dents de scie montera à l' horizon. L' accès en est plus long, mais le paysage glaciaire qu' à l' ins nous allons découvrir nous enchante par sa beauté. Du haut de l' impor contrepente par laquelle nous descendrons sur le Mellichgletscher, tout l' itinéraire de la montée se déploie maintenant devant nous. La marche à suivre est évidente. En un vaste arc de cercle faiblement ascendant nous allons souder notre trace à la piste « standard » venant de l' Allalinpass, sur laquelle s' égrènent déjà une demi-douzaine de caravanes. Evitant facilement les nids de crevasses visibles, cette large voie et ses variantes contournent les rochers du point 3655 et s' élèvent finalement en zigzags ininterrompus jusqu' à l' Epaule, 4009 m. Quand nous y débouchons, haletants, vers midi, nous sommes accueillis par la bise des grands jours. Beau coup d' ceil sur le Mont Rose, mais l' heure n' est pas aux confidences, encore moins aux photos. Muettes et concentrées les équipes se blottissent contre les rochers de l' édi sommital; personne n' a faim, mais tous grelottent; on s' habille. Notre tour venu, nous escaladons marche après marche, tête baissée, le rapide couloir de neige qui mène plus haut. Il règne sur cette échelle un va-et-vient considérable. Toutefois elle ne conduit pas au sommet; se terminant au contraire brusquement, elle nous dépose, à notre surprise, sur une fine crête de neige qui relie une chandelle de l' arête SE à l' antécime. L' endroit promu « sommet d' hiver » est exigu, inconfortable et, de plus, occupé déjà largement. Pierre, sans hésitation, nous entraîne donc en pleine paroi E où nous prenons place, à l' abri du vent, mais aussi du soleil, sur une magnifique vire surplombant l' Adlerpass et où personne ne viendra nous rejoindre. On y est bien; quelques nuages légers passent à portée de la main et, à nos pieds, sur le désert blanc de l' Allalingletscher, nous voyons se mouvoir et se croiser les caravanes orthodoxes faisant leur pèlerinage du Strahlhorn. Quant à notre Rimpfischhorn, nous en apercevons le sommet en nous penchant un peu en dehors; il n' est point trop éloigné, mais la voie à suivre nous préoccupe un peu. Quand l' heure de l' action a sonné, Pierre, par une montée oblique, nous conduit au but en quelques longueurs de corde de franche escalade au cours de laquelle personne, je crois, ne garda ses moufles aux mains. Peu de neige; les rochers, très redressés, sont presque secs jusqu' à la courte arête faîtière. Nous la parcourons rapidement mais en rampant, car à peine sommes-nous sortis de la paroi que la bise, furieuse, menace de nous y rejeter. Le sommet même, 4198 m ., étant ce jour là par trop inhospitalier, nous nous replongeons presque aussitôt dans la tiédeur accueillante des rochers abrupts mais protecteurs et descendons d' une traite jusqu' à l' Epaule. Sans nous y attarder, nous bouclons nos sacs et fuyons ce plateau tourmenté et glacial. Prenant la piste de montée comme axe de direction, nous labourons d' abord la poudreuse profonde en virages serrés, dégustant la pente à petites gorgées répétées, mais plus bas, le dernier promontoire rocheux dépassé, nous vidons la coupe en larges lampées, en quelques « schuss » à cœur veux-tu. Ce fut le meilleur moment de la journée, son apothéose; ce qui suivit fut tout autre chose. Le pédagogue de l' équipe, dans l' intention un tantinet pédante de connaître et de faire apprécier le triple glacier qui forme le cirque supérieur du vallon de Täsch, s' était mis en tête de descendre partiellement le bras droit du Mellichgletscher en louvoyant entre les zones crevassées. L' idée admise, on s' encorda. Le projet n' était pas déraisonnable, seulement, pour bien l' exé, il eût fallu tirer la carte du sac au bon moment. Trop occupés bientôt à deviner, à réapprendre les règles du ski encordé, jeu subtil qu' on connaissait surtout par ouï-dire ou pour l' avoir pratiqué à Tête de Ran — il met à rude épreuve tibias, nerfs et corde, et la discorde est toujours à craindrenul n' y songea à temps, et nous manquâmes la porte de sortie. Consultant l' AS sur le tard, le professeur finit par constater — ô ironie cruelle d' un document topographique généralement sérieux — qu' on se trouvait non loin d' un lieu dit, paraît-il, très vulgairement Am Arsch ( intraduisible, disons « acculé » ) que la nouvelle CN désigne plus décemment par Vor der Wand, « au pied du mur ». Fuyant les sourires interrogateurs, il entraîna alors l' équipe dans un grand circuit, espèce de cross à l' aveuglette dont le détail ( moraines à nu, ravins de neige pourrie, épisodes de ski-tout-terrain et de ski-nautique ) est supprimé. Cette course-poursuite, vraie chasse au renard, permit à tous de faire, à l' heure crépusculaire, ample mais hâtive connaissance avec cette région compliquée qui paraît si belle, vue de la cabane. Nous réservant de la visiter un jour à loisir et à une heure plus propice, nous remontâmes finalement à la nuit tombante et en serrant les dents les 500 m. de gazons raides qui nous séparaient encore du refuge. Nous avions hâte d' y arriver: le ciel s' était assombri, un vent mauvais soufflait par rafales et les sommets étaient coiffés d' un chapeau noir que personne n' osait interpréter comme un signe de beau temps.

Et cependant, le lendemain matin, après une nuit de hurlements et de rugissements ( Joë le ronfleur a trouvé son maître ), la pyramide splendide du Weisshorn était de nouveau visible dans son entier, mais sa pointe, se dressant dans le ciel bleu, fumait comme un volcan. Toutes les arêtes étaient en feu, le vent les rendait sonores, et du nord au sud défilaient à toute allure de grands nuages blancs, allongés, prestes et vivants. Le premier levé, le nez à la fenêtre, clame la joyeuse nouvelle et veut partir pour Y Allalin. Hélas, longtemps sa voix se perd dans le désert; il prêche à des incrédules; les copains ne rêvent que « Schlafhorn » et Piz Plumard. Le soleil nous éclaire déjà quand enfin nous plions les couvertures, militairement. Le départ sera donc tardif, la journée d' autant plus sévère. Nous ne rencontrerons âme qui vive. Mais pendant la marche d' approche, toujours la même, un chamois, vieux solitaire, nous accompagne pendant quelque temps sur une crête voisine, puis prend les devants et disparaît. Nous abordons les hauts plateaux de l' Allalinpass au même point que la veille; ils sont déserts. En outre, le vent de la nuit les a burinés, transformant le duvet poudreux en une surface dure, irrégulière et moutonnée. En approchant du col, nous observons l' arête SW, itinéraire normal au départ de la Täschalp. Elle est intéressante: de l' Allalinpass, elle s' élève en trois ressauts rocheux reliés entre eux par des crêtes de neige dont la dernière culmine au sommet. La partie de varappe commence à la première de ces selles, P. 3755, épaulement atteint facilement en crampons depuis le point, un peu au nord du col, où nous avons ancré nos skis. Dans les couloirs et sur les vires du versant E, où tout de suite nous nous engageons, ne serait-ce qu' à cause de la bise, nous trouvons pas mal de neige; fondante et un peu mouvante, elle nous oblige à une marche prudente, à des détours et nous retarde passablement. Plus haut, sur le deuxième petit replat, orné d' une superbe corniche, nous soufflons un moment. Mais à la reprise de l' escalade nous n' avons plus affaire qu' à des rochers faciles, sinon très sûrs, après quoi nous voyons qu' une simple pente de neige dure nous sépare du sommet. Notre principal souci sera donc de nous protéger du vent, et parvenus à la cime, 4030 m ., honnêtement, nous n' avons qu' une pensée, celle d' en redescendre au plus vite. Une poignée de mains, tant pis pour la vue et le reste. Poursuivis d' étape en étape et chassés de partout par la bise — nous varappons heureusement à l' abri — mais les replats sont exposés — et quittons enfin la région de la tempête. La petite rimaye sautée, nous retrouvons nos skis vers le milieu de l' après et entamons la descente. La neige est houleuse; il y a des chutes vilaines, brutales, et sous les pieds du premier le vide se creuse soudain. Ce n' est pas le moment de faire les malins! et gare au spectre de la crevasse mal pontée.... Ouf! Nous reprenons pied sur l' Alphubelgletscher familier: la partie est gagnée. Un quart d' heure de glissades en zigzags nous amène agréablement au grand chenal de la montée quotidienne où nous retrouvons enfin la neige malléable.Vers 6 heures du soir, au moment où, bien las, nous poussons la porte de la cabane, le vent tombe et il commence à neiger. Nous sentons que cette fois, la journée de sursis passée, nous touchons au terme de nos plaisirs. Pierre, vaillamment, nous quitte le soir même pour descendre à Täsch, la lampe entre les dents. Galamment, Ernest et Willy s' ingénient à diminuer le stock de nos provisions; Joë complète les notes de son carnet de courses, et le professeur, épuisé mais ravi, adresse en pensée ses remerciements à cette bonne petite équipe et organise déjà ses souvenirs collectifs. Pour nous tous, ces trois jours éclatants formeront une parenthèse miraculeuse dans la grisaille d' un printemps incertain. Pendant la dernière nuit, en effet, l' hiver reprend possession du vallon de Täsch et, en redescendant au village, nous savons que derrière nous nos traces anciennes et récentes ont déjà disparu sous la neige fraîche. La page est tournée; Pâques sont closes.

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