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Sarek: Laponie vierge

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vierge

Heinz Högger, Thoune

Approche De petites cabanes de bois, tristement endormies dans le paysage: ainsi se présente Saltoluokta, hameau lapon sur la rive du lac Akkajaure, par 67 degrés de latitude nord. Lorsque nous débarquons, la pluie recommence à tomber.

Je repense à Fritz. « Sors un moment et prends-en quelques décis d' avance! » avait-il ironisé la semaine passée, comme nous regardions la pluie crépiter sur la terrasse de la cabane Salbit. « Un vrai temps de Suède! » Et maintenant, c' est bien la même grisaille qui nous accueille. Pluie, brouillard, humidité. Hier, pourtant, nous avions bon espoir: à notre arrivée à Stockholm, après 24 heures de train, le soleil nous clignait de l' œil par la fenêtre du compartiment.

A Stockholm, les dernières emplettes. Nous avons emporté de Suisse la plus grande partie des vivres. C' est meilleur marché, et permet aussi de se débarrasser à l' avance des emballages lourds et encombrants. Il ne nous manque plus que du beurre, des cartes topographiques et un produit anti-moustiques. Ce dernier est de toxicité 3 ( il doit être efficace !), les cartes sont au 1:100000 et le beurre, salé; mais avec l' habitude, on finit par trouver ce dernier excellent pour le petit déjeuner.

« Laisse le mauvais temps où il est » Lorsque, 16 heures de train plus tard, parvenus enfin à Gällivare, nous émergeons de notre compartiment suffocant, le soleil s' est éclipsé. L' enseigne du buffet de la gare conseille: « Laisse le mauvais temps où il est, 79 Avec ses sommets couverts de neige, ses pentes raides et ses plaines marécageuses, le Sarek, parc national de Laponie suédoise, passe pour être la dernière région inaccessible et sauvage de Scandinavie. Les habitants y sont rares - des Lapons de montagne habitués au rude climat. Mais ce territoire fera le bonheur de ceux qui recherchent un monde intact où élans, lemmings et ours bruns ont encore leur gîte.

Dans le Sarek, en longeant la rivière Rapaätno et entre! »; invitation à laquelle, hélas, nous ne pouvons donner suite, car le bus qui doit nous emmener attend déjà.

Au début de l' après, à Kebbnatsbryg-gan, une poignée de touristes et de randonneurs descendent. Chacun jette un regard critique sur le ciel. Que le bon Dieu n' aille pas rouvrir les vannes avant qu' on ait traversé le lac Akkajaure et qu' on soit abrité à Saltoluokta, gîte touristique tenu par des Lapons...

Nous voici donc sous l' avant d' une maisonnette de bois, à tirer nos pèlerines des sacs. Nous nous décidons à faire malgré tout un bout de route.

Notre but proprement dit est le parc national du Sarek. Mais deux jours de marche nous en séparent encore, et un trajet sur le Kungsleden, un sentier de randonnée balisé et entretenu.

Chauds et froids Souvent, en été, l' air vibre de chaleur au-dessus des tourbières et des vallées. Des températures de 30 degrés ne sont pas rares en juillet. Pourtant, le randonneur qui parcourt les fjälls sauvages et fascinants doit compter avec des averses brutales, qui durent souvent plusieurs jours, réduisent la visibilité à quelques mètres et transforment le pays en un gigantesque marécage.

Mais en dépit de la pluie et du froid, les marcheurs sont nombreux. Et le « Hey » qu' on Deux rennes paissant tranquillement, sans se laisser déranger par la présence d' intrus se lance au passage en guise de bref salut est toujours cordial, jamais déprimé ni grognon. Notre qualité d' étrangers se remarque de loin. Ici, nos pantalons rouges, vestes bleues et sacs violets, presque démodés dans les régions alpines où régnent le fluo et le rose, nous font cataloguer sans hésitation parmi les « Méridionaux ». Les Suédois, en effet, pour le sac et la pèlerine aussi bien que le gobelet en plastique, observent un strict vert-camou-flage.

Après deux heures et demie de marche, la pluie faiblit quelque peu. Mais de réelle amélioration, point. Nous décidons donc de monter notre tente à l' abri d' un rocher: elle est dressée juste à temps pour recevoir l' ondée suivante.

Bain non commandé Bien involontairement, notre nuit s' achève en baignade. Un premier examen, après le cruel réveil, nous fait découvrir un étang au centre de notre logis. Les précipitations ininterrompues ont changé en éponge le sol que, hier encore, nous avions pu considérer comme relativement sec. Sous le pied, partout le même marécage.

Peu après notre départ, nous rencontrons notre premier troupeau de rennes. Moroses et mélancoliques, immobiles, stoïques sous la pluie battante, ils nous font songer à des vaches du Simmental attendant que la porte de l' étable s' ouvre.

81 Le sentier du roi, une classique Le Kungsleden ( en français: sentier du roi ) nous fait franchir une élévation de terrain. Ce chemin traverse la Laponie sur plus de 1500 kilomètres, reliant Abisko, au nord, à Adolfs-ström, au sud. Il jouit d' une grande popularité auprès des Suédois, et plus encore des Allemands. On y rencontre souvent de vraies transhumances de randonneurs, évoquant celles qui ont lieu sur les itinéraires classiques des Préalpes. Le Svenska Turistföreningen, mi-club alpin, mi-chaîne d' auberges de jeunesse, en assume l' entretien de manière permanente. Les passages marécageux sont aménagés avec des planches, si bien que le parcours peut s' effectuer sans problème avec des souliers de marche. Des Allemands que nous croisons se débrouillent même avec des baskets. Tous les 20 à 30 kilomètres, on trouve des gîtes touristiques analogues aux cabanes des Alpes. Les Lapons qui les exploitent, outre la nuitée, proposent des repas avec demi-pen-sion.

Compréhensible, dès lors, qu' on soit ébahi en apprenant que nos sacs pèsent 30 kilos. Ne sommes-nous pas toqués, puisqu' on trouve ici tout le nécessaire?

Le matin suivant apporte d' autres promesses. Pour la première fois depuis notre arrivée en Laponie, les nuages se déchirent, un ciel bleu apparaît, où quelques rayons de soleil se fraient un chemin. Au cours de la journée, le temps tourne définitivement au beau. Une chance, il ne changera plus pendant dix jours.

Montagnes, lacs, rivières Aujourd'hui, notre étape débute par un trajet en bateau. Les gîtes sont implantés le plus souvent au bord des lacs, et la distance d' un lac à l' autre correspond à une journée de marche normale. Chaque matin et chaque soir, un Lapon assure le passage des touristes. En règle générale, une course suffit: comme par miracle, le bateau semble fait pour accueillir tous ensemble ceux qui désirent traverser.

Le but de notre journée n' est éloigné que de dix kilomètres: Aktse, sur le lac Litaure. De là, on peut gagner le Sarek en traversant l' énorme delta de la rivière Rapaätno. Six kilomètres plus à l' ouest trône le Skierfe, haut de 1179 mètres, l' une des trois pyramides rocheuses veillant sur l' extrémité amont du Laitaure. Son ascension mérite d' être entreprise par tous les visiteurs de la région. Elle est facile par les éboulis du versant nord, tandis que le versant sud forme un à-pic de 700 mètres. Le panorama du sommet est extraordinaire. Le puissant delta du Rapaätno ( le mot lapon « ätno » signifie « rivière » ) s' étend à nos pieds, tel une maquette en relief. In-domptée, la rivière serpente sur toute la largeur de la vallée. Année après année, ses masses d' eau entraînent 100000 tonnes de débris rocheux qu' elles déposent plus loin, à l' extrémité supérieure du Laitaure. Des sillons asséchés témoignent de lits antérieurs. L' image du delta est en évolution perpétuelle.

Un monde vierge proclamé parc national Tant et tant de collines à l' horizon, et un paysage intact. Ni téléphériques accrochés à la moindre bosse, ni pistes défoncées au bulldozer, ni tranchées déboisées, ni restaurants d' altitude, ni cours d' eau rectifiés. La source dans la mousse est pure et peut être bue sans risque. Aucune civilisation, ici, ne peut l' avoir polluée. C' est dans l' idée de préserver cette région montagneuse encore vierge, avec sa flore et sa faune alpines, que le gouvernement suédois, en 1909, a décrété la création du parc national du Sarek. Celui-ci occupe 2000 kilomètres carrés de la Laponie suédoise. Il est considéré comme le dernier espace sauvage d' Europe du Nord. Quelques Lapons endurcis aux rigueurs du climat y forment l' unique population. A l' exception des brefs mois d' été, illuminés par le soleil de minuit, le froid et l' obscurité régnent toute l' année.

Seuls dans l' immensité Le matin suivant, Mathias, mon compagnon d' aventure, et moi-même quittons le troupeau des marcheurs du Kungsleden. Un Lapon virtuose du gouvernail nous prend à son bord et.

Les moustiques, première plaie de Laponie Nous installons notre camp parmi les bouleaux, sur un replat dominant un marécage. D' innombrables moustiques sillonnent l' air.

sans crainte des bancs de sable dissimulés dans les bras étroits de la rivière, nous pilote jusque dans le delta du Rapaätno.

Nous voilà seuls dans cette immensité, sur un cône d' alluvions au bord du delta. Il y a une semaine encore, le Rapaätno coulait un mètre et demi plus haut. La végétation couchée témoigne encore de la crue. Les températures estivales de juillet ont provoqué une fonte considérable des glaciers. Le Lapon nous raconte avoir retrouvé, plongés dans l' eau jusqu' à la poitrine, des touristes qu' il était venu récupérer.

Des noyades se produisent régulièrement. Toutefois, ce ne sont pas les crues qui causent le plus de disparitions, mais les passages à gué. Un bâton sur lequel on puisse s' appuyer est donc de rigueur lors des traversées de rivières, où la force du courant et le poids du sac se conjuguent pour menacer l' équilibre du marcheur.

Bottes de sept lieues embourbées Nous suivons un sentier lapon à travers la forêt de bouleaux. De chaque côté, saules et aulnes, végétation pionnière des sols inondés, forment un sous-bois touffu. En arrière du delta s' étendent de vastes marais. Le chemin, désormais - nous avons quitté le Kungsleden - n' est plus garni de planches. Il m' a fallu du temps pour prendre l' habitude de la randonnée en bottes de caoutchouc. A chaque pas, l' incertitude de la profondeur jusqu' à laquelle on va s' enfoncer: guère rassurant.

Malheureusement, le nombre des aventuriers venus satisfaire au Sarek leurs besoins de « vie libre en pleine nature » a sans cesse augmenté au cours des dernières années. Les dégâts, souvent irréparables, ont été en proportion. C' est la raison pour laquelle on a jeté des planches à travers quelques endroits marécageux, même si cela contrevient aux principes de ce parc national. On peut douter du succès d' une telle mesure. Le piétinement des biotopes en est certes diminué, mais l' aména, rendant la région plus accessible, va y attirer davantage encore de monde. A côté des planches, on verra s' aggraver le mal. Le cercle vicieux est prévisible.

Les monstres, capables de percevoir les plus infimes variations de température, ont tôt fait de repérer notre position. Heureusement que nous sommes au mois d' août! La première vague de froid, qui généralement s' abat sur le pays à la fin juillet, a déjà décimé les persécuteurs.

Les rennes souffrent particulièrement des moustiques. Lors des mauvaises années, ra-conte-t-on, certains d' entre eux sont si affairés à leur échapper qu' ils ne trouvent plus le temps de manger et meurent de faim. Mais ils ont pire encore à endurer que les moustiques et les simulies: les céphénémyies et hypo-dermes, qui parasitent les rennes pour accomplir leur cycle de reproduction. La céphéné-myie dépose ses larves dans les naseaux du ruminant. Celles-ci migrent ensuite dans les fosses nasales et le pharynx. L' été suivant, leur hôte, dans des crises d' éternuements, les expulse sur le sol où elles se changent en chrysalides, puis éclosent adultes et amorcent un nouveau cycle.

Un soir, près d' Aktse L' hypoderme, gros insecte bruyant, pond ses œufs sur le dos du renne. Lorsque celui-ci se lèche, les œufs parviennent dans sa bouche où ils éclosent. Les larves traversent ensuite l' estomac, passent dans le système sanguin et vont se fixer sous la peau du dos de l' animal. L' été suivant, elles provoquent de douloureux abcès, dont l' éclatement les rend à la liberté. C' est sur le sol qu' elles subissent leur ultime métamorphose, avant de commencer le cycle suivant.

De bons bergers Les Lapons nomment ces parasites « les meilleurs des bergers ». Pour leur échapper, en effet, les rennes remontent les pentes jusque vers 700 mètres, au-dessus de la limite des forêts, où le fléau a pratiquement disparu.

Les moustiques ne nous ménagent pas non plus, aussi est-ce avec soulagement que, après trois jours dans les marais du Sarek, nous émergeons enfin de la forêt, un raide sentier nous ayant conduits à un haut plateau rappelant la toundra, et que les autochtones appellent « Vidda ».

Montagnes antédiluviennes Les montagnes de la région sont beaucoup plus anciennes et érodées que les Alpes. Ces dernières datent tout au plus de 50 millions d' années, tandis que la Scandinavie est née lors du plissement calédonien, à la fin du Silurien, voici 400 millions d' années.

A l' endroit où la rivière Rapaätno quitte par une large courbe sa direction primitive et s' éloigne vers le sud-est, on découvre une montagne de 1537 mètres, le Lâddepakte ( prononcez: Loddepakté ). Contrairement au Skierfe, rares sont les randonneurs qui y montent, bien que son ascension soit relativement facile et que du sommet la vue embrasse l' en du Rapadalen.

Mille mètres en dessous de nous se rejoignent les vallées de Sarvesvagge et de Rapa. Durant des millénaires, les deux rivières Rapa et Sarvesjâkkâ ( prononcez: Sarvesiokko ) y ont occupé de vastes espaces. Juste en face, au-delà de la vallée, voici les plus hautes montagnes du Sarek: Akkatjâkâ, point culminant du groupe ( 1974 m ), Kanalberget, Axel Ham-bergstopp et Tielmatjâkkâ. Le dos de ces ma- Sur le Kungsleden ( « sentier du roi » ), dans les immensités lapones melons supporte les derniers grands glaciers du parc national: sont-ils une survivance de la dernière glaciation, ou s' entretiennent uniquement des précipitations annuelles? La question est controversée.

Témoins des glaciations Par contre, les traces de la glaciation sont indubitables. Plus de 10000 ans après, le relief garde l' empreinte de l' avancée des glaciers et des forces colossales qui ont alors modelé le paysage. Les glaces, épaisses de plus de 3000 mètres par endroits, ont creusé des cuves dans le rocher et raboté en auges les fonds de vallées. A la fin de la glaciation, le socle rocheux de Scandinavie, libéré de sa charge, s' est mis à remonter, processus qui se poursuit encore de nos jours: l' élévation du bouclier baltique - c' est le nom qu' il porte - peut atteindre dix millimètres par année.

Un paradis des animaux Effrayé par notre approche, un coq de bruyère prend la fuite, entraînant ses trois petits. A l' écart sur une colline, un renne albinos paît avec délices. Son pelage est blanc, ses bois roses. A la jumelle, nous découvrons dans la vallée la silhouette d' un élan.

La nature s' épanouit ici sans intervention humaine et conserve toute son intensité: hors des localités, la densité du peuplement est si faible qu' en s' écartant des itinéraires classiques, on peut marcher des jours entiers sans rencontrer personne. Sur les côtes rocheuses et dans les marais nichent des oiseaux d' Europe, d' Asie et d' Afrique. Les versants raides et les forêts de conifères abritent encore l' ours brun, le lynx polaire et le glouton, espèces disparues ailleurs en Europe.

Au-dessus des forêts, chaque jour nous amène ses troupeaux de rennes. Les animaux, farouches durant la journée, viennent s' ébat la nuit jusque devant la tente; tandis que nous faisons cuire sur le réchaud les galettes de notre petit déjeuner, ils se régalent à peu de distance de lichens juteux.

Rivières en long et en large Avec le temps, nous nous sommes résignés à ce qu' un ruisseau désaltérant manque souvent à proximité de notre campement, alors même que nous avions perdu la moitié de la journée à franchir des cours d' eau.

La Tjânârisjâkâtja ( prononcez: Tiognorisio-koti ) est l' une de ces barrières naturelles. Au début de l' été, un pont de neige permet de traverser la gorge sans difficulté. Hélas, les chaleurs de juillet l' ont volatilisé. Impossible de franchir l' obstacle à l' endroit prévu. Le guide indique deux possibilités: soit remonter la rivière jusqu' à la langue du glacier, où l'on peut passer; soit la descendre jusqu' à son embouchure. Là, comme elle est divisée en plusieurs bras, sa profondeur diminue; de plus, sa déclivité est moindre et son courant plus faible. Un coup d' œil sur la carte nous décide pour la seconde solution: le chemin de l' embouchure est plus court, la dénivellation moins importante.

Plongeant jusqu' au genou dans l' eau glacée, guettés par la crampe, pas à pas, prudemment appuyés sur notre bâton, veillant à ne pas basculer malgré le poids du sac et la force du courant, nous nous succédons dans la traversée.

En soirée, nous atteignons l' extrémité du Rapadalen. C' est là, au cœur du Sarek, que la vallée se ramifie en trois vallons: Ruotesvagge au nord, Kuopersvagge à l' ouest, et Alkavagge au sud-ouest. Presque tous les itinéraires du Sarek passent par ce point central, où un téléphone de secours est installé, le seul très loin à la ronde. Brève réapparition humaine.

Nous continuons par la descente des 20 kilomètres du vallon d' Alkavagge, orienté au sud-ouest. On évitera de le parcourir par mauvais temps, car rien n' y retient le déchaînement des éléments. Mais sous le soleil, c' est une expérience magnifique, dans une région superbe.

Passage du milieu du monde De chaque côté, des pentes abruptes, les eaux cherchant leur cours, des saules touffus faisant obstacle: la vallée intacte exerce une grande fascination. A mi-chemin, la rivière Ak-kajâkâ se sépare en deux, une partie de ses flots coulant vers l' ouest, l' autre vers l' est.

Le débouché de la vallée d' Alkavagge marque aussi la frontière du Sarek. Un pont sur le Miellätno, le premier depuis longtemps, relie le Sarek au parc national voisin du Padjelanta. Au lieu du pont, on trouvait autrefois, à l' en où le lac d' Akkajaure s' écoule dans le Miellätno, un bateau à rames. C' est là aussi que, chaque automne, les Lapons procédaient à la répartition des rennes. Une clôture à demi abattue et la chapelle d' Alkavare en témoignent encore.

Recul de l' élevage du renne Autrefois, Lapons et rennes étaient indéfec-tiblement liés. Quand la chasse des animaux a-t-elle cessé et leur élevage commencé? On l' ignore. Mais aujourd'hui, le nombre de ceux qui tirent leur subsistance du renne est en régression inexorable. Seule une infime minorité de la population reste fidèle à la tradition millénaire du nomadisme. Dernier coup porté: la catastrophe de Tchernobyl. Depuis lors, la plupart des animaux sont contaminés par le césium et sont abattus sans pouvoir être consommés. Les spécialistes pensent que la situation ne se normalisera pas avant dix ou vingt ans.

L' origine des Lapons est incertaine. Les uns prétendent qu' ils seraient venus d' Asie, précédant les Finlandais, avec lesquels ils auraient une souche commune. A l' appui de cette théorie, on invoque leur parenté linguistique. Pour d' autres, ils auraient toujours vécu en Scandinavie. Leur langue aurait été ultérieurement influencée ou évincée par le finnois. Eux-mêmes refusent d' ailleurs le nom de « Lapons » et se désignent comme « Sameh ». « Lapon » est peut-être à rapprocher d' un mot finnois disparu signifiant « banni ».

D' un parc à l' autre Nous quittons le Sarek pour entrer dans le parc suivant, le Padjelanta. Nous cherchons notre chemin parmi les lacs petits et grands, aux noms charmants: Alajaure, Rissajaure, Liemakjaure, Stallojauratj. En forçant un peu l' allure, nous atteindrons aujourd'hui encore le village de Staloluokta, sur le lac de Virihaure. Nous pourrons nous y ravitailler, acheter de l' alcool pour le réchaud. Enfin un peu de variété dans la monotonie de nos menus! Un Lapon nous vend du poisson, que nous faisons frire gastronomiquement dans la poêle: première fantaisie pour accompagner le riz que nous avalions blanc ces derniers jours, tout comme les pâtes et la purée de pommes de terre.

En Norvège Dans le parc, nous bifurquons vers la Norvège. On se croirait presque dans les Alpes. Le mauvais temps de l' Atlantique déferle sans obstacle sur les fjälls et burine le paysage. La végétation a disparu, les marais ont fait place à des éboulis et à des pentes de neige, le chemin longe des lacs glaciaires limpides. Puis soudain, le petit écriteau jaune, « Riksgräns Norge », qui marque la frontière entre la Suède et la Norvège.

Dernier calme Une dernière fois, nous sommes étendus au soleil, contents, jouissant de la paix. Nous avons passé onze jours dans une région qui doit être sauvegardée. Hélas, les menaces pesant sur la nature et les formes traditionnelles d' existence n' épargnent pas la Laponie.

Aujourd'hui, seuls les Lapons de montagne restent attachés à leur ancien mode de vie: ils sont les derniers nomades d' Europe du Nord. Les Lapons des lacs et des rivières, à l' op, sont devenus sédentaires; souvent même, ils ont abandonné la pratique de la pêche. L' avion et l' hélicoptère assurent le ra- ( Traduction de Denis Stulz ) Poule de tétras-lyre vitaillement... et amènent les touristes, qui sont d' un bien meilleur rendement. Contre bon argent, on peut par exemple se faire déposer directement à Staloluokta, le gîte situé sur le Padjelantaleden.

Conclusion sur choc culturel Notre voyage se termine dans la ville norvégienne de Sulitjelma. Le retour à la civilisation nous inflige un véritable choc culturel. Tout autour du centre minier, les collines sont rasées, coupées de routes. Ici, le paysage où nous avons vécu si intensément ces derniers jours a été défiguré et exploité sans merci par l' homme.

L' eau qui sort de la galerie est couleur de rouille, dégoûtante, chargée de fer. Des carcasses de voitures et des pneus déparent le lit du torrent. Une fois de plus, la réalité nous a rattrapés. Après avoir changé un peu d' argent à la poste, nous sautons dans le premier bus en direction de l' Atlantique.

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