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Ski de printemps

Hinweis: Questo articolo è disponibile in un'unica lingua. In passato, gli annuari non venivano tradotti.

Par Paul Schnaidt

Avec 2 illustrations ( noe 8, 9 ) 0h! demain, c' est la grande chose. De quoi demain sera-t-il fait? L' homme d' aujourd sème la cause, Le destin fait mûrir l' effet.

Victor Hugo Le ski de printemps est l' une des plus belles et des plus merveilleuses conquêtes de l' homme dans le domaine de l' alpinisme.

Dans sa préface pour l' admirable livre de Marcel Kurz Alpinisme hivernal, M. Ed. Sauvage écrit:

« Les vieux alpinistes ont vu se développer simultanément, depuis une trentaine d' années, les courses d' hiver en montagne et l' usage des skis qui donnent pour ces courses de grandes facilités. Toutefois, au début, on craignait assez généralement que le ski ne pût guère servir en haute montagne, soit que les trajets où on ne pourrait en faire usage fussent trop étendus, soit que le ski même, avec sa grande longueur, fût mal approprié au parcours des régions très accidentées et dût être modifié.

La hardiesse et la persévérance des explorateurs de la montagne ont amené l' évolution de ces idées anciennes: après avoir reconnu que les courses d' hiver n' étaient pas nécessairement limitées aux sommets secondaires, mais que les cimes les plus hautes restaient abordables en cette saison, ils ont démontré que les skis pouvaient servir presque continuellement, sinon jusqu' aux sommets mêmes, du moins jusqu' au pied des arêtes terminales. »...

En effet, depuis quelques années, le ski de printemps en haute montagne a pris un essor considérable. Les skieurs mêmes qui, en été, ne pratiquent pas l' alpinisme, se sont lancés à la conquête des grands sommets avec leurs planches et ont découvert la splendeur des courses dans les Alpes.

La bonne graine semée par les précurseurs a levé, et il est réjouissant de constater l' enthousiasme que le ski de printemps a créé et le nombre toujours croissant de ses adeptes. Bien longtemps on a pensé qu' il fallait une technique du ski spéciale! Il n' en est plus ainsi aujourd'hui. Ce qu' il faut, c' est être bon skieur, avoir de l' endurance et posséder de bonnes notions de l' alpinisme en général. S' aventurer en haute montagne à skis sans ces connaissances est pure folie et c' est s' exposer à des déboires, voire même des catastrophes.

Les Alpes de notre petit pays sont un domaine immense pour les courses de haute montagne. Un nombre incalculable de magnifiques ascensions ou traversées peuvent être faites, avec des descentes les plus variées et les plus enthousiasmantes. Elles sont grandement facilitées par les multiples cabanes érigées par le C.A.S. qui en rendent l' accès plus aisé. Si on étudie la carte des Alpes, on verra tout de suite les nombreux points d' appui mis à la disposition des skieurs-alpinistes. Cet immense effort de notre club est pour beaucoup dans le développement de la pratique du ski en haute montagne.

Qui a été mordu par le microbe du ski de printemps ne pourra pas en être guéri! car il dépasse de beaucoup le ski hivernal. Toutes les peines, les souffrances, les difficultés, toutes les heures de montée, tout le poids des sacs, toutes les descentes par mauvaise neige même, sont largement récompensés par la puissance des souvenirs et des émotions que le skieur récolte au cours de ses randonnées.

Quelle sensation peut dépasser celle que donne l' arrivée sur un sommet d' où l'on voit et l'on sent vivre le monde sous soi, d' où les horizons sont vastes, immenses, grandioses, d' où l'on réalise l' inouï privilège de pouvoir contempler et vivre tant d' impressionnantes beautés, d' énormes étendues blanches, d' arêtes fascinantes, de chutes de séracs, de vallées verdoyantes. Tout ça, c' est grand, c' est glorieux. Impossible de ne pas être profondément ému et bouleversé et intensément reconnaissant.

Nous avons eu le bonheur de vivre ce printemps quelques-unes de ces grandes et glorieuses courses à skis faites dans des conditions parfaites, par le plus radieux beau temps de ces charmants mois d' avril et de mai, dans la vallée de Bagnes et en Entremont: le Mont Fort, le col d' Annibal et la Pointe de Moline, 1e Mont Velan.

Le Mont Fort Partant de l' exquis village de Verbier au moment où les ombres déjà s' allongent, nous chaussons bien vite les skis pour monter à la cabane du Mont Fort ( 2465 m .) par la Croix des Ruinettes et le Vacheret. Nous atteignons le col de Médran assez rapidement, la neige est bonne et porte bien. La nuit est tombée, quelques brouillards qui nous réservent des surprises, traînent dans la combe sous les Monts de Sion et déforment le paysage, rapprochant ou éloignant tour à tour la vision de notre but, la cabane. Nous y arrivons par une nuit d' encre, elle est la bienvenue! Agréable soirée que tout alpiniste connaît pour en avoir vécu de nombreuses, peu de monde, bonne nuit!

A 6 h. 30, notre caravane se met en marche pour remonter en partie le glacier de la Chaux et gravir les pentes très raides qui mènent au col des Gentianes. Les conditions de neige sont extraordinairement bonnes et facilitent la montée. Le ciel est bleu, intensément! Pas un nuage. En beaucoup moins de temps que prévu, nous sommes au col, sur le glacier du Mont Fort. Le sommet est là devant nous, pente raide entrecoupée de quelques séracs et crevasses. Les arêtes fument, le soleil qui éclaire ces buées les transforme en de grandes flammes, un immense incendie. C' est beau! Nous continuons notre montée, la caravane ralentit l' allure, on souffle, ça chauffe. Nous sommes bientôt sur l' arête, déchaussons et montons à pied par quelques rochers jusqu' au sommet, 3331 m. La vue est de toute beauté: sous nous, le Grand Désert et la Rosa Blanche, plus loin les Alpes valaisannes, les Alpes bernoises, la chaîne du Mont Blanc, que c' est grand, que c' est glorieux! Notre entendement n' enregistre pas assez vite tout ce que la nature nous a donné d' une main si généreuse.

Il faut redescendre, on remet ses skis et départ. La pente est terriblement raide, mais tout se passe bien, malgré la splendeur d' une énorme planche Die Alpen - 1944 - Les Alpes3 de neige qui se détache et va s' écraser dans un amas de gros blocs bien en bas. 0h! nous avons eu chaud! Mais il faut vivre ce moment d' émotion pour savoir ce que c' est...

Puis nous descendons le glacier du Mont Fort par des pentes où l'on peut faire des schuss formidables. Puis la pente s' incline, s' incline toujours davantage pour descendre sur l' alpe de Tortin. Virages, schuss, chutes, toute la gamme des réjouissances dans la belle neigeI Un délicieux arrêt aux chalets de Tortin où nous retrouvons des amis gris-verts, quelques gouttes d' un nectar délectable et c' est une descente folle, menée à toute allure, dans l' ivresse de notre enchantement et de notre joie d' une course admirable et superbement réussie. Le chemin parsemé de fleurettes nous ramène à Nendaz où tout avait été prévu, soif, fendant et car pour un heureux retour 1 Un nouveau fleuron à la couronne déjà grande de nos souvenirs est venu s' ajouter en cette belle journée.

Le Col d' Ànnibal et la Pointe de Moline Le nom de ce col a quelque chose qui impressionne et l'on voit déjà les grands éléphants et les hordes d' Annibal... non, laissons cela à l' histoire.

Nous nous retrouvons à Bourg-St-Pierre un samedi soir grâce au dynamisme d' un ami qui veut nous mener au col d' Annibal, course de toute beauté, paraît-il! En outre ce col se trouve sous l' arête ouest du Velan qui est à l' ordre du jour des discussions au sein de la section. C' est une raison pour aller voir ce que c' est!

Le soleil levant retrouve une belle équipe de Genevois sur la route du Grand St-Bernard. Nous montons, skis sur l' épaule, à la cantine de Proz. Le temps est idéal, une belle journée en perspective. Bien vite après la cantine, nous pouvons chausser les skis et remontons les moraines puis les pentes raides, oh! mais très raides qui mènent au glacier de Proz. La montée est dure, la neige aussi. C' est pénible, mais ne doit-on pas souffrir un peu pour avoir ensuite du bonheur? Nous pensons à Annibal, et nous nous demandons où il a bien pu passer! La pente aurait-elle changé au cours des siècles? Les quarts d' heures s' ajoutent aux quarts d' heures, la pente devient plus normale, voici le glacier. Devant nous l' énorme face ouest du Velan, impressionnante. Bientôt nous sommes au col ( 2995 m. ). Quelle surprise, que c' est beau! Ce n' est encore rien, dit le chef de course, montons à la Pointe de Moline ( 3064 m .), ce sera infiniment plus grand! En effet, nous restons muets de saisissement! Le Mont Blanc dans toute sa majestueuse splendeur, toutes nos chères montagnes de Savoie, de Tarentaise, de Maurienne, de Vanoise, le Viso, le Grand Paradis, la Grivola! Ces montagnes que depuis des années nous n' avons plus visitées ou même vues de si près. Le cœur se serre; comme un éclair passe dans notre âme le souvenir d' hier, vision de nos amis là-bas, bonheur, joie... aujourd'hui désolation, tristesse. 0h! hommes, si vous aviez compris, si vous étiez venus une fois sur ces sommets, si vous aviez réalisé un seul instant, vous auriez saisi la grandeur de la vie et la petitesse de l' individu et le néant de la vanité!

La neige, sous le chaud soleil, s' est ramollie et nous commençons la descente. Ah! merveilleux souvenir; les conditions sont admirables, on fait du beau, du très beau ski. Et la pente raide, en un rien de temps, est « mangée »!

A la cantine de Proz, nous nous retrouvons tous, ivres de joie. Quelle course, elle « paie »! Bourg-St-Pierre, se restaurer, étancher quelque peu sa soif et c' est un joyeux retour en chars à bancs qui nous laisse le temps de contempler, de regarder encore avidement et surtout de caresser de nos désirs le grand, le merveilleux Mont Velan qui barre le fond de la vallée. Car nous avons de grands projets pour lui!

Le Mont Velan En ce chaud samedi de mai nous nous retrouvons, une magnifique équipe de skieurs-alpinistes, autour de la table à laquelle Napoléon déjeuna à Bourg-St-Pierre. En effet, ce rendez-vous avait une signification, un but. Outre l' ascension du Velan, une autre idée absorbait nos pensées. La section genevoise venait de décider la construction d' une nouvelle cabane dans cette admirable région de la Luis des Bourres, sous l' arête du Tseudet, au pied de la formidable paroi nord du Velan, cabane qui doit énormément faciliter l' ascension tant à pied qu' à skis de ce beau sommet de 3765 m. Nous nous devions de lui apporter la bonne nouvelle 1 Faire l' ascension du Mont Velan n' est actuellement pas chose aisée et facile, car il n' y a aucune vraie possibilité de passer la nuit ailleurs que dans la vallée, à Bourg-St-Pierre ( 1640 m. ). C' est l' une des grandes raisons pour laquelle ce sommet, qui est de toute beauté à gravir, est peu connu et peu fait. Son ascension peut être classée comme difficile, mais est à la portée de tout bon alpiniste et de tout bon skieur-alpin. En partant de Bourg-St-Pierre il faut compter de huit à neuf heures de montée!

La section genevoise, en décidant avec enthousiasme la construction d' une cabane dans ce massif, rend un très grand service à la cause de l' alpinisme et poursuit dignement le but du C.A.S., donner le moyen de connaître et de gravir nos Alpes. Elle ouvrira des possibilités nouvelles et complète très heureusement la Haute Route, elle permettra de fort belles ascensions et, avec la cabane du Valsorey, les sections pourront envisager de bien belles semaines clubistiques!

Couchés très tôt car la montée sera pénible et longue, nous sommes tirés de notre sommeil à 1 heure du matin. Le ciel est bon, la lune, un petit croissant, ne donne qu' une bien faible lueur; à 1 h. 50, branle-bas du départ. Dans la nuit, nous remontons le chemin qui, par le vallon du Valsorey, conduit aux chalets d' Amont, quasi inhabitables ( 2200 m. ). Ces premières heures de nuit si pénibles, cailloux, ruisseaux, bisses, rochers, aveuglement des lampes électriques, tous les alpinistes les ont vécues! A travers les blocs et les éboulis, aux premières lueurs du jour, nous atteignons la moraine et les pentes raides qui vont nous conduire au glacier du Tseudet, à la Luis des Bourres. Nous y arrivons avec le grand jour. Nos spécialistes marquent l' emplacement où sera construite la cabane. Ce sera beau, grandiose. Dans notre esprit nous la voyons déjà et réalisons l' avantage qu' elle offrira pour la course au Velan.

Nous chaussons les skis et par la rive gauche du glacier du Tseudet, sous la fantastique paroi de glace du Velan, nous remontons jusqu' aux rochers de l' arête du Mont de la Gouille qui nous sépare du glacier du Valsorey. Dé-chaussant les skis, en quelques minutes, dans des rochers secs et faciles, nous gravissons le col de la Gouille ( 3132 m. ). Il est 7 heures. L' arrivée au col est d' une impressionnante beauté: le Grand Combin, l' Amiante, la chaîne des Aiguilles de la Luisette, les séracs immenses du glacier de Valsorey.

Par une descente rendue facile par les conditions excellentes du rocher, dans les touffes souriantes de saxifrages à feuilles opposées, nous gagnons le glacier du Valsorey qu' il faut remonter jusqu' au sommet du Velan. Quelle allure a ce glacier! c' est de grande classe! Séracs, crevasses, pentes raides, enfin tout. C' est beau. Plus nous montons, plus la vue devient immense, c' est si grandiose qu' on ne sent presque pas les heures s' ajoutant aux heures. Avec courage, nous continuons et finalement nous atteignons la pente moins raide du sommet. A 10 h. 20, après huit heures et demie de montée, nous touchons au but ( 3765 m. ) Quel bonheur! Quelle splendeur, quelle vue! Le Léman, le Jura, les Alpes, toutes les Alpes, sous nous le col d' Annibal, l' hos du Grand St-Bernard, Orsières, Bourg-St-Pierre! Il est des moments où l'on ne parle plus, les mots restent au fond de la gorge. On se serre la main! La montée a bien été ( à quatre, nous faisons une jolie moyenne d' âge de 50 ans !). Le temps est si clément, si bon, qu' il nous est loisible de rester presque une heure en contemplation, en extase sur le Mont Velan.

La descente est merveilleuse, la neige excellente, les conditions extraordinaires! Le parcours que nous avons mis des heures à monter péniblement est descendu en moins d' une demi-heure! Col de la Gouille, sans s' arrêter nous le franchissons et descendons à bonne allure le glacier du Tseudet jusque tout en bas vers le torrent de Valsorey. Déchausser ses skis, chercher un peu de gazon tendre et l' eau fraîche du torrent. Doux moments de bon repos. Et nous rions tous, tant notre joie est grande, enfantine. Ah! nous l' avons eu le Velan! vive le Velan.

Nous gagnons aisément le chemin de la cabane du Valsorey près de la cheminée et, à grands pas, sans arrêt, nous repassons près des chalets d' Amont et arrivons, bien un peu fatigués, mais heureux, en Entremont, à Bourg-St-Pierre. Quelle journée, quel souvenir nous allons remporter dans la plaine, quel enthousiasme!

Le Mont Velan est l' une des très belles courses que j' ai faites et sera certainement une course classique quand la cabane existera. Je souhaite à tous les skieurs amateurs de beau ski de printemps en haute montagne de faire cette course de grande classe. Et les alpinistes de l' été y trouveront également leur compte. Il y a de belles arêtes et de belles parois à gravir et même encore quelques pointes vierges, inviolées!

« L' homme d' aujourd sème la cause, Le dessin fait mûrir l' effet! » Semons l' enthousiasme, semons la joie de vivre, la vie vaut la peine d' être vécue.

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