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Tourisme et protection de la nature

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Helmuth Barnick, Lans/Tyrol

Les Alpes représentent la plus belle chaîne de montagnes de la terre, par la richesse de leurs aspects géomorphologiques et climatiques, de leur flore, de leur peuplement humain vieux de plusieurs milliers d' années, qui a produit cette alternance agréable de champs, de pâturages, de forêts et de lieux sauvages. Or elles deviennent de plus en plus une des régions de vacances et de détente les plus appréciées d' Europe; d' impor voies de communication internationales, partant des plus grandes agglomérations urbaines, y conduisent et les traversent, reliant le nord au sud de notre continent. Des millions de vacanciers viennent chaque année à la montagne de toute l' Europe et même du monde entier; des millions de gens traversent les Alpes pour se rendre au Sud, sur les plages ensoleillées de la Méditerranée. De la scène de l' Europe qu' elles étaient il y a cent ans, les Alpes sont devenues - en tout cas aux points névralgiques du tourisme - le champ de foire de l' Europe, et peuvent parfois supporter la comparaison avec les plages méditerranéennes. Et la marée des gens qui se rendent dans les Alpes ou qui les traversent ira toujours en augmentant: d' après les estimations de l' Institut IFO par exemple, 34% seulement des habitants de l' Alle fédérale partaient en vacances en 1965; mais en 1980, ils seront environ 67 %. En chiffres absolus: 21,8 millions en 1965; 52,9 millions en 1980 !2 Une évolution analogue se produira dans plusieurs pays européens. L' avalanche du tourisme, déclenchée par la prospérité croissante, la réduction du nombre d' heures de travail, les' En 1871 parut la ièrc édition de l' ouvrage de Leslie Stephen devenu un classique du genre: « Playground of Europe ».

2 Cité par D. Bernt, « Allgemeine und spezielle Trends in der Entwicklung der touristischen Nachfrage », comm. de l' Inst. autr. pour la planif. du territ., Vienne 1969, p. 93-125.

progrès de la motorisation et le développement des villes ainsi que l' accroissement de la population, cette avalanche s' enfle et grossit continuellement; à moins qu' une catastrophe politico-écono-mique ne s' abatte sur le monde, le tourisme, qui a prouvé sa résistance aux crises depuis la fin de la dernière guerre, est en passe de devenir un facteur économique plus important encore qu' il ne l' est actuellement3. Et ce sont les Alpes qui devront absorber une bonne part de ce boom du tourisme futur. Sont-elles en mesure de le faire sans que leur âme en souffre? Les Alpes seront-elles encore dans vingt ou cinquante ans celles que nous connaissons et que nous aimons? Ou bien le prétendu progrès sera-t-il, là aussi, seul à décider du cours des choses, et la protection de la nature arrivera-t-elle trop tard - comme si souvent hélas?

Il nous faut tout d' abord bien nous rendre compte que rien ne peut empêcher l' avènement de la civilisation du loisir et que cette évolution produit sa propre dynamique. Le temps du splendide isolement des alpinistes est définitivement révolu. Il est inutile de se lamenter sur la perte des nombreux avantages - peut-être imaginaires — de cette vie spécialement réservée aux alpinistes; reconnaissons aussi le côté positif de cette démocratisation du tourisme dans les Alpes, qui permet pratiquement à chacun de goûter aux joies et aux expériences accessibles autrefois à quelques heureux élus seulement. Nous devons d' autre part être conscients qu' il nous faut prendre cette évolution en main, sinon le paysage alpin et finalement le tourisme lui-même pourraient disparaître un j our. Cette prise en main est la tâche de la protection de la nature - non pas de celle qui était pratiquée il y a peu de temps encore et qui se bornait à protéger des plantes et des animaux - ce type de protection de la nature s' est fixé dans l' imagination populaire par la caricature du professeur au filet à papillons - mais bien d' une protection de la nature tout à fait nouvelle comme le diraient les pro- 3 C. A. Andreae, « Ökonomik der Freizeit », encyclop. allem. Rowohlt, N° 330/331, Hambourg 1970,248 p.

pagandistes. Une protection de la nature dirigée vers l' homme, qui intègre les activités humaines à la nature et garantisse à la nature la protection la meilleure possible, en prenant des mesures pour la conservation des sites et l' aménagement du territoire. C' est à partir d' une protection de la nature moderne, active, qui participe à l' aménagement de l' espace et de la protection de l' environnement et qui soit elle-même protection du paysage, que nous devons essayer d' analyser les rapports entre sites et tourisme et d' en tirer les conséquences pour une politique à suivre. Si cette étude se réfère surtout aux conditions existant en Autriche et spécialement au Tyrol, cela est du à l' origine de l' auteur. Puissent ces lignes montrer par la même occasion de quelle façon on considère ces problèmes dans les Alpes orientales.

La nature et ses réserves de sol, d' eau et d' air, réserves non extensibles, sont mises à contribution toujours davantage par les besoins croissants du logement, de l' économie ( industrie, communications, services, tourisme ) et par les activités des loisirs qui prennent toujours plus d' importance. Dans bien des cas, les limites de la surexploitation sont déjà atteintes. Le tourisme et les activités des loisirs, qui nous intéressent plus spécialement dans le cadre de cette étude, entrent en conflit avec les exigences de la protection de la nature en trois points essentiels qui se recoupent plus ou moins:

1 La construction et l' implantation de loge- ments dans le cadre du tourisme; 2 l' ouverture de voies de communication; 3 les activités touristiques elle-mêmes.

Nous allons examiner successivement ces trois points.

I. CONSTRUCTION ET IMPLANTATION DE LOGEMENTS A première vue, il semble qu' on n' ait pas vraiment affaire ici au tourisme, car la population des villages de montagne construit depuis toujours des maisons d' habitation et des bâtiments de travail. Mais nous sommes ici déjà au cœur du problème. Sans le tourisme, qui vit dans bien des vallées alpines en vraie symbiose avec l' agriculture4, la population des vallées latérales diminuerait fortement. Au Tyrol par exemple, on constate que la population augmente dans les régions touristiques, que le tourisme empêche donc un trop grand dépeuplement de la montagne. Une comparaison entre les surfaces bâties, il y a vingt ans et maintenant, prouve clairement l' influence du tourisme sur la construction dans ces lieux. Cela est plus frappant encore dans les régions telles que les nouvelles stations françaises de sports d' hiver, où les installations nécessaires au tourisme sont brusquement sorties du sol sans pouvoir se fonder sur des constructions préexistantes. Nous n' abor pas ici l' urbanisme en haute montagne, les questions d' ordre esthétique qui y sont liées et relèvent de la protection de la nature, ni l' abus qu' on rencontre parfois, qui consiste à faire fi des risques de ruissellement et d' avalanche dans de telles créations; nous ne rappellerons ici qu' un fait: là où on ouvre au tourisme de nouvelles zones autrefois agricoles, l' infrastructure demeure souvent très loin en arrière des besoins réels. Il n' y a rien d' étonnant à cela, quand on sait que la population de tels endroits ( indigènes et touristes ) peut représenter pendant la haute saison un multiple de la population indigène. Obergurgl ( Alpes d' Ötztal ) a par exemple, pour 170 habitants environ, 1400 lits ( en 1961 ); à Vent, au pied de la Wildspitze, on compte 700 lits pour 105 habitants environ. A Verbier, ce déséquilibre entre les vacanciers et les indigènes doit être plus important encore. On n' est donc pas surpris d' appren que - pour rester dans des exemples tyroliens - la qualité de l' eau en aval d' Obergurgl ou de Seefeld, un autre centre touristique réputé du Tyrol ( 2100 habitants, 5900 lits ), est presque le * Ch. Minger, « Die Beziehungen zwischen Fremdenverkehr und Landwirtschaß mit besonderer Berücksichtigung der Berggebiete », Winterthur 1958, 150 p.

pire de tout le Tyrol5. En effet, la surpopulation touristique épuise les réserves d' eau, précisément au moment où les stations d' hiver ont le plus de peine à réapprovisionner leurs réservoirs ( dans le cas des stations de sports d' hiver ). Seule une demande collective des habitants de créer des installations biologiques d' épuration ( comme on en bâtit une d' ailleurs à Seefeld ) peut remédier à une telle situation.

Dans le même domaine se pose la question épineuse des résidences secondaires, des maisons et appartements des vacances; fait significatif, cette question a pris tout naturellement la première place lors d' un séminaire sur la planification dans les centres touristiques, organisé à la mi-novem-bre 1970 par l' école polytechnique de Vienne.

Si une planification très stricte ne veille pas dès le début à ce que de telles habitations se construisent uniquement dans des régions spécialement destinées à cela, où l' approvisionnement en eau et l' enlèvement des déchets soient garantis, on en vient facilement à l' implantation de toute une colonie ( et cela justement dans les plus beaux sites ) avec toutes les conséquences désagréables que cela comporte et qui sont imposées à la collectivité de manière tout à fait imprévue: routes d' accès et places de part, alimentation en eau, évacuation des eaux usées et des ordures. Pour éviter que la construction inonde la paysage et le détruise, il faudrait absolument s' écarter des pratiques auxquelles on a recouru trop souvent jusqu' ici. Même en admettant les aspects sociaux du problème ( résidence secondaire pour les citadins, surtout ceux qui ont des enfants, dans un bon air et dans la verdure ) ou ses aspects financiers, nous ne pouvons pourtant pas prendre la responsabilité d' im à la collectivité la charge des équipements en retard, ni surtout de sacrifier des sites d' une valeur irremplaçable dont la prochaine génération déjà nous accusera peut-être d' avoir fait bon 5 Bundesamt, f. Wasserbiologie u. Abwasserforsch., Vienne-Kaisermühlen et bureau du gouv. cant, du Tyrol, Carte « Ressources biologiques en eau courante du Tyrol », situation 1967/68.

marché, tout cela par la faute d' une évolution qui n' obéit qu' aux fluctuations du marché, au libre jeux des forces et qui, de plus, oppose dans bien des cas le veto d' une élite à la tendance égalitaire du tourisme. Certes, nous ne pourrons pas arrêter cette évolution, il nous faudra bien vivre avec la marée de l' urbanisation 6, mais pourtant nous pourrons donner à ce flot des digues qui l' empêcheront de nuire, et aussi faire supporter le coût de l' équi entier aux propriétaires de résidences secondaires, maisons et appartements de week-end. Cela permettra peut-être de calmer un peu l' excitation qui règne sur le marché et qui permet encore des annonces telles que celle-ci:

Citoyens, choisissez vos placements, achetez dès maintenant du terrain; le terrain ignore les variations de cours et les jours sombres. Le terrain vous met à l' abri des déva-luations, c' est le fondement le plus sûr d' une fortune. Et cela restera vrai à l' avenir, car il y a toujours plus d' horn, mais il n' y a pas plus de terrain.

Plus loin, on peut lire encore:

Nos terrains augmentent de valeur et vous garantissent du même coup une détente idéale dans un climat sain.

Les conséquences désastreuses que peut avoir le développement non réglementé de grands ensembles d' appartements sur le prix du terrain ( et par là même sur la spéculationce qui signifie à nouveau un accroissement des charges publiques - ne sont que trop connues et flagrantes en bien des endroits 7.

2.OUVERTURE DE VOIES DE COMMUNICATION Cet aspect des relations entre tourisme et protection de la nature est beaucoup plus frappant -et donc plus connu - que les questions qui concernent la construction; les routes et places de sta- 6 T. Walz, « Siedlungspolitik im ländlichen Raum », séminaires sur l' aménagement du territoire 1965 et 66, documents de l' Inst d' ur et d' aménagement du territoire, Techn. Hochschule Vienne, vol.8, Vienne 1969, p.99-105.

7 Verbier als Beipiel, Neue Zürcher Zeitung éd.étr. 7 nov. 1970.

tionnement en montagne, les télécabines et autres moyens de remontée — et enfin l' hélicoptère bruyant dont le fracas agace le promeneur, font de l' union souvent malheureuse entre tourisme et protection de la nature un problème omniprésent et bien connu de chacun. Des routes avec places de stationnement bruyantes en pleine montagne ou des routes sans possibilité de stationner, qui obligent l' automobiliste à garer sa voiture sur le bord d' un pâturage, des chemins desservant des fermes, des forêts ou des alpages 8, dont les bas-côtés nus font des blessures claires sur le versant, qu' elles traversent de laides diagonales - voilà autant d' exemples de conflits entre l' ouverture de voies de communication et la protection de la nature et des sites. Il y aura sans doute toujours plus de routes carrossables, de cols ouverts au trafic, des voies d' accès à de nouvelles stations ronge-ront le flanc des montagnes de plus en plus haut; c' est la dynamique propre et impitoyable de la motorisation toujours croissante qui l' exige, ou du moins semble l' exiger qu' aucune autre possibilité raisonnable ne se présente. Il devient dès lors nécessaire d' accorder la parole non seulement à l' ingénieur mais également, et dès le début, à la Ligue pour la protection de la nature et des sites. Alors on tracera des routes qui épousent exactement les courbes des versants - même si leur coût augmente - on verdira les talus des chemins de dévestiture et on aménagera les places de part si habilement qu' ils ne seront plus les éléments dominants du paysage. Il existe déjà, heureusement, dans le domaine de la construction des routes, des exemples de réalisations bien adaptées au paysage. Notre devoir est de les suivre. Cela coûte cher, bien sûr, mais la protection des sites a son prix et le consommateur est prêt à le payer: un site bien aménagé lui plaira toujours plus qu' un paysage traité sans amour ou même saccagé.

Mais la protection des sites et la planification à long terme sont des conditions essentielles de l' ou 8 Un recensement de juillet 1969, portant sur 8 chemins de dévestiture du Tyrol, a donné en 2 jours 4112 véhicules dont 1797 voitures d' estivants. ( 1683 étrangers ).

verture de téléphériques et skilifts 9, même si ceux qui vivent du tourisme pensent que l' offre et la demande et la concurrence sont les seuls critères déterminants sur ce point, et que les touristes viendraient tout aussi bien sans protection des sites. Leurs recettes augmentent en effet, hélas! mais il est pourtant triste d' entendre un guide, spécialiste des centres de sports d' hiver européens, dire de certaines nouvelles stations: Les vrais amis de la nature feraient mieux de ne jamais aller dans les stations françaises de sports d' hiverI0. N' y aurait-il pas un compromis possible entre les exigences du sport et la protection de la nature? Nous croyons que ce peut être le cas, mais il ne sera pas très facile de mettre d' accord les intérêts contradictoires en présence. Lorsqu' on sait qu' une piste de ski d' environ 800 mètres de dénivellation demande une surface de 15 hectares en moyenne ", qu' en Autriche on doit défricher i 30 hectares de forêts chaque année pour de nouvelles pistes et qu' on attend, pour 1985,50 millions de skieurs dans toutes les Alpes 12, ( à titre de comparaison, on a compté, en hiver 1968/69, 3,2 millions de touristes dans toute l' Autriche ), on peut alors mesurer les difficultés énormes qu' il faudra surmonter dans ce domaine. Le phénomène de la concentration, qui est propre aux sports d' hiver ( plus de touristes = plus de services, par exemple pour toutes les activités annexes du ski, plus de distractions, qui sont particulièrement appréciées aux sports d' hiver et aussi après le ski, d' où nouvelle affluence de touristes ), ce phénomène offre peut-être un remède: on pourra réduire le complexe des téléphériques et des pistes à un espace relativement restreint ( comparativement à la surface des Alpes ) et maintenir, en revanche, d' autres régions, où un « H. Weiss, Fremdenverkehr, Bergbahnen, Natur- und Heimatschutz aus der Sicht der kantonalen Landschaftspflege, Terra Grischuna, février 1969.

" > Egon Ronqy, ADAC Ski Europa, Londres 1966, p. 86.

11 F. Wolfgang, Grundsatz für den Bau von Skiabfahrten Schul- und Sportstättenbau, Vienne 4/1969, p.6-12.

12 Bis 1985: 50 Millionen alpine Skisportler, Salzburger Nachrichten, 15 oct. 1970; rapport d' une séance de forestiers à Zeil am See.

tourisme plus intime pourra être pratiqué, loin du tumulte des grands centres. Les skilifts et téléphériques ainsi que les pistes ( elles ont 50-80 mètres de large et plus ) devront être construites de façon à défigurer le paysage le moins possible. Quoi qu' il en soit, il faudra s' habituer à un changement sensible de l' aspect des lieux où l'on place des installations de ski d' été ( surtout les téléphériques ) qui montent jusqu' aux glaciers - en tout cas dans les environs immédiats. De toute façon, une ambiance de foire et un fourmillement humain paraissent déplacés sur la surface parfaitement vierge des glaciers et dans l' univers de la haute montagne, qui représente généralement le sommet du calme et de la majesté ( qu' on nous pardonne ce glissement vers les sentiments, mais la haute montagne se classe bel et bien parmi les paysages les plus grandioses de notre planète ).

Les installations de ski d' été méritent qu' on s' y arrête. Elles sortent du sol comme des champignons, puisqu' elles sont à la mode, et lorsqu' on parcourt la liste des installations projetées pour les Alpes occidentales et surtout orientales, on a tout à fait l' impression qu' il s' agit d' ouvrir au tourisme de masse avant tout des buts recherchés des alpinistes, et cela en grande partie simplement parce qu' ils portent des noms célèbres. C' est comme si le public brûlait de parvenir à tout prix sur les sommets et les glaciers mêmes qui ont une valeur toute spéciale pour les alpinistes. Mais en réalité, il s' avère que le bon public ne connaît même pas le nom de ces buts et ne désire donc pas non plus les vaincre, jusqu' à ce que la publicité lui mette le nez dessus. Osons le dire: le touriste-à-téléphéri-que se moque en général complètement de grimper sur telle montagne ou tel glacier plutôt que sur tel autre, dont il n' avait jamais entendu parler auparavant et pour lequel il n' a aucune attirance particulière. Dans ce sens, il ne devrait donc pas être nécessaire de rendre accessibles au public des buts qui sont appréciés des alpinistes, lorsqu' il existe dans les environs - ce qui est généralement le cas - d' autres montagnes et glaciers moins connus dans les milieux alpins, mais qui satisfont tout autant le touriste moyen. Il sera aisé à la publicité de donner envie au consommateur de monter sur ces .sommets, même s' ils sont moins prestigieux. De cette façon, on donnerait satisfaction à toutes les parties en cause et on tiendrait compte, en bonne démocratie, des intérêts d' une minorité. Ce sont de tels projets qui ont empêché la création en 1970, année de la nature, du Parc national des Hohe Tauern, prévu depuis longtemps déjà, dans les provinces de Carinthie, de Salzbourg et du Tyrol, tout cela parce que l' économie touristique croit trouver son salut dans les régions aériennes des glaciers et des sommets célèbres.

Mais il est prouvé que des installations uniquement destinées au ski d' été ne sont possibles que dans quelques cas. Sinon elles n' ont de sens que comme attraction supplémentaire pour une région de tourisme traditionnel. De plus, elles n' ont pas plus d' influence sur le développement d' une station que des pistes de ski normales et surtout elles sont liées à quelques conditions essentielles: accès possible à partir d' une zone d' agglo urbaines, grande capacité d' héberge dans les environs, possibilité de skier de l' hi à l' été ( et non pas depuis le printemps seulement, car l' hiver se termine à Pâques pour la grande majorité des skieurs !) et enfin glaciers orientés au nord. Comme l' ont démontré des études de planification régionale tyroliennes' 3, la lutte de prestige pour construire des téléphériques toujours plus haut pourrait mener avec le temps à un suréquipement en régions de ski d' été, si le potentiel des skieurs n' augmente pas au-delà de la moyenne, et à une concurrence serrée des régions entre elles. On ne pourra éviter cet écueil que par une planification interrégionale de ces installations.

Quelques mots pour finir sur d' autres conquêtes de la technique: les vols en montagne par avions de tourisme et hélicoptères, pratiqués à grande échelle en France et également dans H. Barnick, Sommerskigebiete in den Alpen und ihre Einzugs-bereiche, rapport pour I' aménagement du territoire, Vienne 1970, p. 30-42.

berg ( on y propose 60 buts différents 14 ), ainsi que les excursions sur véhicules à chenilles et scooters des neiges qui se prêtent, si l'on en croit la publicité, à des excursions à l' écart des pistes et des routes, qui offrent une nouvelle attraction permettant de goûter les joies des sports d' hiver et qui sont idéales pour les voyageurs paresseux. Les revues de mécanique font certes de la propagande pour cette nouvelle conquête de la technique et se moquent de ceux qui alarment la protection de la nature et des sites avec des chiffres fantaisistes de décibels' 5, tandis que le Spiegel cite ces mots d' un directeur de station du Nouveau-Mexique qui s' exprime à propos des véhicules à neige: Les gens sont venus vers nous pour fuir le bruit de la ville et ils le retrouvent avec ces engins infernaux i6. Nous avons ici un cas de nouveauté technique qui pourrait un jour envahir nos stations d' hiver et jusqu' aux coins les plus retirés des vallées et de la montagne. Si nous nous laissons diriger - comme si souvent - par l' industrie, il sera trop tard pour réagir et nous verrons un jour un rallye des scooters des neiges sur la Wildspitze. Si, au contraire, la Ligue pour la protection de la nature et les autres autorités compétentes prennent d' emblée une position ferme à ce sujet, si ces motoluges doivent se limiter à des zones bien précises, alors nous réussirons peut-être à décider nous-mêmes de l' avenir sans laisser certains intérêts industriels être le fil conducteur de l' évolution du tourisme. La même mesure, c'est-à-dire la limitation à quelques zones exactement définies, devrait être appliquée aux avions ainsi qu' à tous les futurs produits de la technique que nous n' osons même pas imaginer. Que tous ceux qui ne peuvent être heureux sans la technique s' ébattent ensemble. En revanche, il est absolument essentiel que certains lieux restent calmes' L Langenmaier, Wir fliegen zum Skilaufen, St. Anton a. A., o.J. ( 1970 ), ao p.; Der schnellste Lift der Welt, Reisen, numéro spécial auto, moteurs, sport 7017 t, Stuttgart 1970, p. 120.

15 Trau keinem unter dreissig, Reisen, num. spécial auto, moteurs, sport 70/71, Stuttgart 1970, p. 68.

16 Wild wie ein Bronco, Der Spiegel, Hambourg, 2 fév. 1970, p. 118.

et soient réservés à ceux qui préfèrent les paysages non technicisés. I I s' agira — c' est là le hic - de convaincre l' économie touristique que de nouveaux développements lui nuiraient à longue échéance.

3. ACTIVITÉS TOURISTIQUES Si nous nous sommes occupés jusqu' ici uniquement de l' équipement touristique, il nous faut encore parler de l' homme et de ses activités, qui peuvent aussi être considérées pour elles-mêmes. Prenons l' exemple de l' affluence, du groupement en masse, phénomène qui ne s' explique pas simplement par la nécessité d' une certaine concentration pour pratiquer le ski, par exemple, mais qui doit avoir son fondement dans le désir de contacts humains; ainsi les attractions de l' après peuvent-elles être à elles seules déjà une motivation pour des vacanciers. On constate aussi cette affluence sur un espace restreint dans les zones touchées par le trafic du week-end, qui se situent jusqu' à 250 km autour des agglomérations importantes. Les transports individuels y prédominent ". La pression de ce trafic sur les sites environnants se déduit facilement de quelques chiffres: Au cours d' un beau dimanche d' octobre, on a compté à Ahornboden, dans la réserve naturelle de Karwendel ( Tyrol ), 1200 voitures privées, venant pour la plupart de Bavière; pendant les week-ends d' été, les deux trains pour Kitzbühel enregistrent ensemble 7000 voyageurs par jour; le Ier novembre 1968, la première section du train des glaciers de Kaprun ( capacité: 340 personnes/ heure ) a transporté 2400 passagers; au téléphérique des glaciers ( 1000 pers./heure ), il y en eut 8600! Il faut signaler les dangers de ces moyens de transport en haute montagne. Le " K. Ruppert et J. Maier, Der Na he rholungsverkehr einer Grossstadtbevölkerung, dargestellt am Beispiel München, inform, de l' Institut pour l' aménagement du territoire, Bad Godes-berg, 1969, p. 23-46; ministère nat. de la construction et de la technique, Fremdenverkehrsuntersuchung, Inst, autrich. pour l' aménagement du terr., Vienne 1969,43 p.

public non entraîné à l' alpinisme, n' ayant pas l' habitude des dangers de la montagne, peut facilement courir des risques dus à son ignorance et à son imprévoyance; des dispositions de sécurité très strictes doivent être exigées ici. Du reste il est frappant ( mais réjouissant du point de vue de la sécurité ) de constater combien la masse des touristes reste groupée près des stations de train ou sur les pistes de ski, et combien peu se hasardent sur les pentes avoisinantes. Cela tient simplement à ce qu' on offre trop peu d' autres chemins ou pistes à leur choix. S' il existait d' autres chemins et pistes sûrs et bien balisés, les touristes les suivraient, ce qui conduirait à une décompression sensible du centre des installations.

D' autre part, il existe aussi des gens - et ils sont nombreux — qui désirent simplement marcher dans des lieux non accessibles par des moyens de transport. Les détails suivants le prouvent: 150000 visiteurs par an au Parc national suisse' 8, environ 115 00 nuitées à l' année pour les cabanes de la région de Vent et dans le Pitztal ( Alpes de l' Ötztal ), dans les Stubaier et les Zillertaler Alpen, ce qui doit correspondre à 29000-33000 alpinistes environ dans cette partie des Alpes centrales du Tyrol du nord; enfin une enquête de l' union forestière du Tyrol, faite dans 3 communes auprès des indigènes et des étrangers, a donné, entre autres résultats, une majorité écrasante contre l' ouver des chemins forestiers à la libre circulation!

La seule conséquence - mais elle s' impose c' est qu' il faut offrir aux estivants des chemins vraiment bons et sûrs, des sentiers reliant les différentes stations des téléphériques entre elles, d' au qui descendent dans la vallée, des circuits qui partent des places de parc et des stations de téléphériques, et des chemins pour piétons séparés des routes carrossables, ce qui signifierait pour tous les touristes qui, pour l' instant, « collent » souvent aux moyens de remontée mécanique, la découverte d' expériences nouvelles de contact avec la nature.

18 H. Weiss, op. cit.

4. conclusions Lorsque nous passons en revue les problèmes qui naissent de la confrontation entre tourisme et protection de la nature, nous voyons que ce vaste sujet se résume en quelques points:

1. Le tourisme vit sur le capital de base que représente le paysage; il s' agit de conserver celui-ci, et cette sauvegarde concerne le paysan et ses travaux de culture, aussi bien que les grandes réalisations techniques qui devront ménager le cadre naturel le plus possible. Mais cela coûte cher, et même très cher!

2. L' industrie du tourisme sait très bien qu' elle vit sur le capital du paysage. On sait tout aussi bien que le tourisme lui-même est capable de détruire ses propres bases, qu' un développement excessif peut faire boomerang et qu' un paysage surexploité ne peut plus avoir un gros rendement. Pourtant on raisonne d' une manière un peu schizophrénique en pensant ne pas pouvoir renoncer à un développement extrême et des gags toujours nouveaux, cela pour des raisons de concurrence. On ne considère que la catégorie développement et on refuse la conservation des sites comme poste de dépenses inutile, sans vouloir se rendre compte que les négligences d' aujourd se repaye-ront plus tard bien plus cher, si même elles sont réparables.

3. Le sol est encore généralement considéré comme un objet de commerce pareil à n' im quel autre, ce qui n' est certainement plus justifiable, vu les besoins toujours croissants en espace - et vu que cet espace n' aug pas. Un processus d' information et d' apprentissage à tous les niveaux doit conduire à mettre la fonction sociale du sol au premier plan, à souligner et aussi à tenir compte pratiquement des implications sociales de la propriété foncière. La liberté, qui était encore possible il y a un siècle, ne peut plus rester un modèle pour les cent ans à venir car Zwei Seilschaften auf dem Schneegrat.

Im Hintergrund: Grosshorn, Breithorn und Tschingelhorn 2Rottalgrat. Am unterstenfixen Seil elle nous priverait de la liberté de conserver un environnement vivable pour tous.

4. Pour pouvoir faire face aux exigences de l' avenir, l' évolution future ne peut plus rester livrée au libre jeu des forces économiques, mais doit être planifiée. Tout père de famille conscient de ses responsabilités fait des projets d' avenir - pourquoi donc la communauté ne le fait-elle pas? Il faut que la conscience publique comprenne que la protection de la nature, des sites et de l' environnement, est partie intégrante d' un vaste plan d' aménagement du territoire, dans lequel le tourisme et les communications seront eux aussi intégrés. Vu que l' aménagement du territoire se fait en grande partie dans un but économique, on pourra mieux affirmer l' importance de la protection des sites et de la conservation des paysages ( qui ne concerne pas que le tourismeà l' aide de réflexions et d' arguments économiques qui ne soient pas dirigés seulement vers un succès à court terme, qu' avec les raisons de caractère souvent sentimental avancées par la protection de la nature ancien style, qui était purement conservatrice.

5. Pour planifier les tâches des organisations de protection de la nature et des sites ( et, en coordination avec elles, du tourisme ), nous avons besoin de bases scientifiques. Or, à l' exception d' études de science naturelle pure, elles manquent encore bien souvent. Ces études vont de l' estimation de la valeur d' une région comme zone de repos ", ( qui reste encore à faire pour le domaine alpin ), en passant par une enquête sur ce que le touriste attend du cadre naturel ou ce qu' il entend par vacances ( cela peut aller des excursions en haute montagne à la cave pop » ) jusqu' à la définition de la capacité d' exploitation maximale d' un espace donné, par exemple du point de vue touristique. De telles recherches deman- ' » H. Kiemsttdt, Die Landschaflsbewertung als wichtiger Bestandteil der Erholungsplanung, der Landkreis, cahier 8-9, 1969.

dent beaucoup d' argent elles aussi, mais cet argent sera bien placé et permettra d' établir une protection des sites sur des bases sérieuses. 6. Le but final d' un aménagement de l' espace dans le territoire alpin doit être la création de zones différenciées, les réserves naturelles ( pour commencer par la protection de la nature ) voisinant avec les zones de repos et d' excursions, dans lesquelles tout équipement technique serait interdit ( tout comme dans les régions protégées, mais pour d' autres motifs ). Dans les zones qui contiendront des buts intéressants pour les alpinistes, il faudra créer de bons chemins, prévoir un accès facile aux cabanes situées dans les alentours et équiper les localités touristiques qui se trouveraient dans de telles zones en centres de repos ( pour les vacanciers)20. Pour les lieux qui seraient fermés au développement technique à grande échelle, on peut éventuellement prévoir des mesures spéciales d' aide économique. Les équipements techniques poussés ne devraient être possibles ( et encore, avec l' assentiment de la Ligue pour la protection de la nature ) que dans les zones qui semblent prédestinées à cela par leur situation, les facilités de communication qui s' y trouvent, ainsi que par les équipements déjà en place; mais dans ces régions très touristiques également, des zones de repos doivent être maintenues et on doit en prévoir ( sous forme de grands parcs ) aussi dans les environs des agglomérations urbaines. Dans ces zones bien équipées pour le grand tourisme, il serait possible d' admettre les avions et véhicules à chenilles, mais non ailleurs. La répartition du territoire en zones doit être le fruit d' une discussion entre le bureau d' aménage du territoire, la Ligue pour la protection de la nature, des experts1 en sciences naturelles, les associations alpines et des représentants des intérêts financiers du tourisme. Les zones de repos devraient être considérées également comme ré- 20 D. Bernt, op. cit. p. 117; enquête sur le tourisme, du ministère nat. de la construction et de la technique, op. cit.

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