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Une expédition alpine au Népal

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Alex. v. Wandau, Vienne

Pour les alpinistes, jusqu' à présent, le nom meme d' Himalaya évoquait des expéditions coüteuses, réservées à des Superstars de l' alpinis. Mais l' idée prend corps, peu à peu, que, dans son lointain Népal, PHimalaya est un domaine merveilleux à parcourir, et pas uniquement réserve aux ambitieux et aux plus fortunes.

Cette chaîne de montagnes, qui date de quelque 600000 ans, plus jeune donc que nos Alpes, jaillit d' une combe, comme une cordillère, en avant du socle que constitue le Tibet. Les torrents qui en descendent, cote sud, ne se laissent pas détourner par les replis du terrain, ils « traversent » tout simplement l' Himalaya, en y creusant des vallées extremement profondes, vallées au flanc desquelles on a construit divers chemins, diverses routes meme, qui conduisent de l' intérieur du Népal - pays fertile - jusqu' au Tibet et jusqu' en Chine. On y voit fréquemment les caravanes des infatigables indigènes, avec leurs betes, ployant sous le poids de fardeaux multicolores.

Sur ces sentiers - un peu perdus dans ce pays, et dont la nouvelle carte i :62 000 est un secret d' Etaton rencontre également des sortes de hippies à longue tignasse; ils n' ont presque pas de bagages, ne transportent pas de tentes et doivent compter sur l' hospitalite des Népalais, quand les nuits sont froides. Les Népalais passent pour etre toujours d' humeur joyeuse et de contact facile... mais, hélas! le contact se révèle encore plus facile avec leurs frères inférieurs, je veux dire par là les innombrables parasites, insectes qui nous devorent!

En vérité, pire encore est l' organisation du voyage par un bureau indigène: porteurs, tentes et tous accessoires.

Le visa d' entrée au Népal n' autorise que la visite de Kathmandou et de Pokhara. Mais, pour une tournée dans les montagnes de ce pays merveilleux où il n' existe pas encore de routes carrossables, il faut obtenir encore une autorisation spéciale, une sorte de « passeport-expeditions », dans lequel les points importants du trajet prévu sont indiqués. Car d' éventuels écarts dans ce trajet pourraient attirer l' attention des autorités sur le fait que nous connaissons mal le pays... ou alors que nous desirerions leur « dérober » quelque chose... éventuellement un six mille, au bord de notre route; je parle de six mille, car les autres montagnes, plus hautes, sont « vendues » par le gouvernement; aussi, le passeport-expeditions sera-t-il maintes fois contröle par la police!

Plusieurs régions du Népal sont, de toute fagon, interdites aux touristes. Des bruits, sur lesquels on désirerait apporter quelque eclaircisse-ment, prétendent qu' il y aurait là des bandes de brigands, refoulées par les Chinois du Tibet sur le Népal; Sven Hedin les aurait déjà mentionnées sous le nom de kampas; elles seraient actuellement à la solde des USA, pour « protéger » le pays, en tant que bandes anticommunistes -ce qui prouverait une méconnaissance totale de la situation. Des rumeurs prétendent que les USA transporte-raient de l' argent et des armes; il est évident que les étrangers ne peuvent se rendre compte de la véracité de ces racontars. Mais, en tous cas, le gouvernement royal semble mener une politique de bascule, recherchant à la fois des relations commerciales bénéfiques avec la Chine, et des relations amicales avec le monde libre.

Les Chinois entretiennent une route militaire, construite par eux-memes, de la frontière tibétaine jusqu' à Kathmandou, la capitale du Népal, alors que c' est d' un autre cote que l' aide économique afflue dans le pays.

Mais revenons à notre passeport-expeditions! Les alpinistes qui vont pour la première fois dans l' Himalaya désirent tous approcher au moins Tun des huit mille les plus connus. Il va sans dire que chacun peut se proposer un trajet et un but d' ex; mais, en réalité, certaines routes sont imposées, teile celle qui conduit au Mont Everest; or, elle exige une marche d' approche de 16 jours, que l'on éviterait facilement si l'on pouvait compter sur un vol de Kathmandou à Lukla. Il est bien question d' établir des vols de petits avions; plusieurs ont déjà accompli ce parcours, mais il paraît que tous se sont ecrasesausol... J' ai vu moi-meme les restes d' un Porter-Pilatus de 12 places, près de Jhomson, non loin de la frontière du Tibet, enfoncés dans le sable.

Le Mont Everest se trouve dans le pays des sherpa, une des nombreuses races qui occupent le Népal actuel. Il faut faire une distinction entre les groupes anciens-nepalais, indiens et tibétains; les sherpa appartiennent à ce dernier groupe. D' après leur nom, il semble bien qu' ils soient originaires de Test du Tibet.

Dans les années 1920 déjà, ils s' étaient fait un renom en tant que porteurs de haute altitude, cela gräce à leurs qualités exceptionnelles de caractère et leur connaissance de la montagne. Actuellement, on n' imaginerait guère une randonnée dans les hautes chaines du Népal sans l' aide des sherpa. Ils connaissent les moindres ramifications des chemins, les places de campement les mieux abritées. Ils s' occupent du ravitaillement en cours de route, gardent un ceil sur chacun des participants de l' expédition, et devinent immédiatement où l' un d' eux peut bien avoir fait fausse route et s' etre egare.

Mon premier contact avec eux eut lieu à l' aéroport de Pokhara, un gros village à 150 kilomètres à vol d' oiseau de Kathmandou, au nord-ouest. L' aéroport possède une étendue de gazon dru où l' appareil de ligne du Népal peut se poser aisément - appareil dont l' intérieur se présente comme un ancien compartiment de 4e classe des chemins de fer autrichiens. Et les indigènes sont là... à Paffüt de ce qu' ils vont voir, car l' aéroport ne comporte aucun bätiment, sauf le bureau d' enre des bagages.

Durant le vol, nous avons pu contempler l' An, célèbre premier huit mille conquis, et le « Cervin du Népal », le Machhapuchhare, de 6999 mètres. Il fait partie de cette chaîne, en for- me de queue de poisson, qui, en avant de l' Anna, s' élève au-dessus de Pokhara. Et celui qui l' a gravi en premier, le lieutenant-colonel anglais O. Roberts, est venu saluer à l' aéroport le chef de notre expedition, Hermann Köllensperger, vieux compagnon de l' Himalaya. Il lui présente immédiatement les dix sherpa qu' il a engages, sur l' ordre de la maison de sports Schuster, à Munich. Parmi ces sherpa se trouve Ansering qui, avec Diemberger, a conquis en premier le Dhaulagiri, 8172 mètres. Leurs visages sont, tout d' a, difficiles à distinguer les uns des autres; ils ont heureusement, comme tous les autres gens, des signes distinctifs, qui permettent de les identifier: pèlerine bleue, foulard rouge, etc.

Le moment estvenude distribuer les charges aux 40 porteurs indigènes engages - moment reconnu comme critique, d' après maints récits d' expéditions. Mais, gräce à l' organisation du colonel Roberts, tout s' exécute comme par enchantement.

A peine avions-nous depose sur la piste les sacs imperméables des vingt membres de l' expédition, que déjà... ils avaient disparu, en direction de Henja, petit village près duquel nous prevoyions notre premier campement.

Entre-temps, nous progressons, une vingtaine d' alpinistes, en partie hollandais; pour commencer, une route large, bordée d' horribles baraques, avec des femmes cassant des cailloux — précurseurs de notre civilisation européenne? jusqu' au lac de la vallée de Phewa. G' est un lac au fond d' un cirque, à 800 mètres d' altitude, d' où l'on a une vue réputée sur les sept mille de la chaine de l' Annapurna. Mais il est bientot midi, et, comme d' habitude à cette heure de la journée, les montagnes se voilent. C' est le début de février, et l' eau froide du lac n' incite guère à la baignade. Nous sommes, en revanche, fort impressionnés par une procession de religieux hindous qui se rendent, dans de véritables pirogues, à un petit temple, sur un Hot du lac; ils portent des flambeaux mystérieux, des mets bizarres et une offrande de fleurs multicolores.

Tout au long de la route vers Henja, il y a énormément à voir; jamais nous n' aurions imagine y trouver autant de folklore. Il conviendrait de signaler toutes sortes de rencontres: de ravissants enfants basanés rentrant de l' école et désirant nous expliquer les images de leurs livres — une femme, n' aimant pas voir ma chemise de nylon ouverte, et voulant me la crocher... alors que, elle-meme, porte une veste fermée en haut, évidemment, mais laissant le ventre et le nombril à l' air libre - la plupart des enfants, d' ailleurs, sont nus « en bas » et portent une veste bien crochée « en haut »!

Apres Henja, l' ascension devient sérieuse. Pour commencer, encore un chemin poussiéreux avec, isolé, un attelage de bceufs à deux roues - roues de bois grossier; et meme un vieux kombi branlant, se dirigeant, tout vacillant, à travers les champs de riz glané, vers une taverne de thé. Nous les quittons après la pause de midi pour entreprendre enfin la montée d' un chemin pierreux et escarpé. Tout comme nous, une caravane de chevaux y peine, guidée par des hommes aux pieds nus, ainsi que le sont tous les Nepalais.

Nous avancons dans la vallée de la grande rivière Kali-Gandaki. Elle prend sa source à la frontière tibétaine, setaille une brèche importante à travers l' Himalaya et constitue ainsi une des six grandes voies parcourues par les caravanes du Nepal. Les paysans népalais seraient parfaitement indépendants de l' étranger, s' il n' y avait la question du sel. Aussi, une fois par an, un membre de la famille, endimanche - les femmes couvertes de leurs bijoux traditionnels - se met en route pour aller échanger à la frontière indienne ( dans le temps à la frontière tibétaine ) ses propres produits contre ce sel indispensable. Toni Hagen, un Suisse qui a révélé ses qualités d' explorateur au Nepal, a calculé que, sur chacune des six voies principales, 300000 personnes environ se dirigent du nord au sud et du sud au nord, au cours des quatre mois d' hiver; leurs peregrinations peuvent durer jusqu' à huit semaines!

Apres Pokhara, nous avons à franchir, en cinq jours, deux hauts cols ( en gros, 1700 mètres de dénivellation ), pour atteindre Ia Kali-Gandaki. Au cours de ce trajet, nous remarquons combien la forme des maisons et leur implantation diffèrent. Nous venons de la région de la Newar, près de Pokhara, qui appartient à un ancien peuple népalais; on y a développé I' art de la construction en briques, avec galandages en bois et fenetres très caracteristiques.

Nous arrivons bientot dans la patrie des Gou-rous, peuple fortement mongoloide, établi sur les pentes sud de la chaîne de l' Annapurna, où les maisons sont recouvertes d' ardoises, les murs bien construits... parfois en forme d' ellipse.

Je suis toujours surpris de voir ces grands villages gourous, suspendus parmi leurs champs de mais et de millet, et surplombant leurs champs de riz, cultivés au fond de la vallee.

Le domaine voisin appartient aux Thakalis, qui se rattachent à la race tibétaine; leurs constructions sont vastes, avec des toits plats et des cours intérieures spacieuses: preuves d' abondance et de climat sec.

Le Col du Ghorapani ( 2885 m ) nous avait été annonce comme point de vue exceptionnel et dominant; mais il nous a d' abord fallu remonter une vallée interminable, en col de bouteille. Enfin, à une altitude de 2300 mètres, le triste gris-brun des pentes, encore glacées par I' hiver, fait place à des teintes plus vives, et nous sommes accueillis par des sous-bois de conifères mélangés de chenes. Le chemin devient de moins en moins pierreux, et nous nous plongeons avec délices dans ces ombrages humides; les conifères recouvrent cette contrée jusqu' à 3000 mètres environ -la rage de construire des concessionnaires indiens la ruinera certainement, un jour ou l' autre - mais, en plein dans les rhododendrons déjà fleuris, comment imaginer qu' on pourrait détruire tout cela, par rage de construire!

Ces rhododendrons de 20 mètres de haut offrent à l' oeil un tableau unique... et pourtant, en février, ils ne sont pas encore en pleine floraison. Nous en jouissons à tel point que nous remar- quons à peine que le temps se gäte. Or, bientot, le thermomètre descend à moins io degrés; on établit le camp au-dessous du col, mais le feu du soir ne parvient pas à nous reconforter.

Le matin suivant... ciel sans nuages! J' avale en vitesse le porridge que notre brave sherpa cuisinier nous apporte journellement dans la tente, et je me häte vers le Col Ghoropani, où une clairière nous ouvre un panorama exceptionnel, éclaire par les premiers rayons du soleil. A quelques kilomètres de là seulement, à vol d' oiseau, se dressent, à droite, l' Annapurna ( sommet sud ) dont la blancheur éblouissante illumine tout mon premier plan de verdure. En face, le Dhaulagiri ( 8172 m ), conquis dix ans après l' Annapurna ( 8091 m ) par des Suisses; il tröne, majestueux, royal, dominant de sa masse triangulaire, sorte d' écu glace, tous les sommets avoisinants. On croit presque voir les sept mille mètres de dénivellation du sommet à la Kali-Gandaki, entre les neiges étincelantes et les terrasses couvertes de cereales...

Et nous descendons dans cette vallée, dévisagés par des buffles d' eau, jusqu' à Tatopani ( sources thermales à 1162 m ). A une extrémité du village, on voit la vapeur des sources sulfureuses. Ceux d' entre nous qui ont la chance de posséder un maillot de bain peuvent y plonger; et, deuxième joie, les Thakalis se font un plaisir de nous vendre des oranges gigantesques.

Pour les jours suivants, nous nous arretons au nord de la Kali-Gandaki; puis, de nouveau, nous repartons, montant, descendant des talus escarpés, traversant des ponts solides ( gräce à l' aide suisse ), car les vieüx ponts suspendus, faits d' écorce et de fibres, appartiennent au passé romantique! Changement aussi dans la végétation. Le premier jour déjà, nous étions montés de deux mille mètres et avions ainsi quitté la végétation tropicale de Tatopani pour la flore alpine.

Au retour, huit jours plus tard, c' est sur le dos d' un étalon brun que j' ai refait ce trajet, et c' est alors seulement que je me suis vraiment rendu compte de la déclivité et de l' escarpement de ce seuil boisé, et que j' ai réalisé combien le sentier qui domine le gouffre est étroit. Je vis un cheval d' une caravane y dégringoler, mais... à ma stupeur, il se remit tout simplement sur ses pattes, quand il entendit les cris des conducteurs. Il s' agissait manifestement de betes livrées comme tribut, à la frontière tibétaine, par la principauté mi-souveraine. Les conducteurs sont des Bhotiya, parents des Tibétains. A tout moment, l' un d' en eux vent faire tourner pour nous, Européens non initiés, des moulins à prières. A tout hasard, nous en demandons le prix à ces petits personnages porteurs de tresses: qui sait si ces prières auraient encore quelque valeur, au cas où elles ne seraient pas inscrites dans l' ordre prescrit?

Apres un nouveau palier ( à 2540 m ), nous débouchons sur une merveilleuse foret de pins; c' est une invitation à camper et les sherpa orientent ma tente de facon teile que le Dhaulagiri peut « guigner » dedans! On entend tonner des avalanches sur le grand glacier sud-est, ces avalanches qui repousserent Herzog en 1950, si bien qu' il dut aller tenter sa chance à PAnnapurna, de l' autre cöte de la vallée. Mais cette montagne a moins d' allure; elle se trouve partiellement cachée par un quatre mille qui, géologiquement, ressemble aux Alpes du Massif Central.

On devrait pouvoir consacrer une journée à grimper sur ce Miristi-Khola, car, de là, on a une vue excellente sur tout le cöte ouest de PAnnapurna, avec Pitineraire suivi à cette époque; vue excellente, également, sur le Dhaulagiri, avec la grande chute de séracs de son flanc est.

Pour nous, il est de toute facon question d' un cinq mille, le White Peak ( 5262 m ), irrespectueusement nommé « Petite Bosse » sur l' éperon est du Dhaulagiri. Vu d' en bas, cela a Pair d' une belle montagne, grands champs de neige, névés... mais nous espérons bien que, du Col Tilicho, nous parviendrons à un autre sommet, plus haut, avec une vue plus étendue. Ce serait alors déjà au pied de PHimalaya, où il y a moins de neige, et où on peut compter sur un temps plus stable.

Nous ne pümes malheureusement atteindre que notre premier objectif, à savoir le Col Tilicho.

Nous remontämes, tout d' abord, un large lit de rivière, forme vers le haut de conglomérats, coupes par des brèches; ces conglomérats permettent de passer à gué les méandres de la rivière au moment de la mousson.

Sur une partie élevée, à droite de la vallée, se trouvent deux grandes localités, dont les maisons sont partiellement ornées de riches sculptures en bois. Al' entrée flottent des banderoles de prières. Un aimable Thakali nous permet de pénétrer dans l' un des sanctuaires des lamas: des statues du Bouddha, merveilleusement sculptées, des images religieuses tibétaines en rouleaux, denommees « thankas ». J' avais vu les musées de Kathmandou et de Bhatgaon, aussi suis-je d' avis que ce que nous avons vu là n' est pas simplement un art provincial, mais du tout grand art.

La contrée qui s' étend devant nous devient de plus en plus sablonneuse et sèche. Les hautes montagnes glacées s' élèvent maintenant au sud. Des troupeaux de yaks viennent à notre rencontre. Ce sont très probablement ce qu' ils appellent des « zopkis », c' est des animaux issus d' un croisement entre le yak et le taureau népalais. Et, si incroyable que cela paraisse, ces grosses betes se contentent de grignoter les tiges de cette herbe rase!

Pour la nuit, nous plantons nos tentes dans un caravansérail à ciel ouvert, à Jhomson ( 2710 m ); nous n' avons pas Pautorisation de pousser plus au nord, car le gouvernement a interdit la route de Muktinah, le célèbre cloître à 12 kilomètres de Jhomson. Au point de vue de l' alpinisme, cela n' a pas grande importance, car il y a d' autres buts de courses tout aussi valables, à Pest et à l' ouest de Jhomson. Il y à déjà les cinq mille du massif accessible par le Col de Dhampus: on pourrait, par exemple, entreprendre un circuit magnifique, tout autour du massif du Dhaulagiri, à partir de Dhorpatan ( en y arrivant au moyen d' un Porter-Pilatus ) pour retrouver ensuite la route à caravanes de Jhomson, ou bien remonter la vallée du Lanpo-Ghun, au sud-est de Jhomson, jusqu' au Col Tilicho ( 5460 m ).

Le village de Tukuche et vue sur le White Peak ( 515g m ), dans le massif du Dhaulagiri Apres que la police frontalière eut controle à fond nos passeports-expeditions, et les eut enregistrés, nous pouvons repartir. Au-dessus de Jhomson, dans une plaine désertique de grès, se trouve un village thakali, sorte de centre commercial, avec de gais drapeaux à prières flottant sur ses toits plats. Juste après, on est tout surpris de trouver un excellent sentier montagnard qui longe, en la remontant, une gorge extremement profonde. Au premier plan, des buissons au feuillage rigide, quelques arbres isolés, alors que, plus loin, au sud-ouest, le Dhaulagiri dresse de plus en plus haut son étonnante pyramide. Devant: la « Grande Barrière », cette immense muraille de sept mille, qui se détache de l' Annapurna, vers le nord-ouest. Nous voyons d' imposants glaciers suspendus, mais pas de glaciers de fond de vallée, la region est trop sèche: en avril, et meme en mai, alors que tout le sud de la chaine de l' Annapurna se cache dans une brume et un brouillard constants ( précurseurs de la mousson d' été ), ils bénéficient encore d' un temps ensoleille.

Pour nous aussi, le soleil brille aujourd'hui. Malheureusement, le sommet convoité est encore bien éloigné: deux jours et demi de marche. Un camp à 4000 mètres, dans un päturage pour yaks; un autre à 4600 mètres; le dernier, là on une langue glaciaire nous fournit de l' eau. Elle sort bizarrement d' une gorge, comme une bete rampante de son trou. Pendant la nuit, le thermomètre descend jusqu' à moins i 15 degrés, et nous dormons tout habillés. Hermann Köllensperger n' était pas parvenu à obtenir des sherpa qu' ils nous montent le camp plus haut, comme nous l' aurions voulu, et, malheureusement, cela eut des consequences fächeuses. Nous partons de bon matin, mais il y a encore plus de mille mètres à conquérir. Bien que la pente ne soit pas très abrupte et, à l' ouest, dega-gee de toute neige, nous commencons à ressentir des malaises. Un homme, jeune encore, se plaint d' etre peu bien. A 5200 mètres, notre médecin, une femme, s' essouffle. De meme, notre infatigable éclaireur, un Syrien, tombe à la renverse. Moi aussi, je cherche un petit coin d' herbe pour me reposer. Or, ensuite... je suis tout surpris de me sentir aussi frais que le matin. Malheureusement, les nuages descendent de plus en plus bas, et deviennent de plus en plus noirs. Le Col Tilicho atteint, on devine encore tout juste la grande mer de glace, tout au fond, de l' autre cöte, et la « Grande Barrière » qui s' élève, puissante, avec le Ganga Purna ( 7453 m ), comme un pilier d' angle. Mais les 180 mètres qui nous séparent encore de notre Thini ( 5639 m ) se cachent dans des tourbillons de nuages. A partir de 13 heures, il neige fort. Il n' est meme plus possible de rejoindre notre camp ( 4000 m ) avant la tombée de la nuit. Mais, comme par miracle, voici nos sherpa qui emer-gent, venus nous chercher avec des lanternes. Le jour suivant, il s' agit de se remonter le moral et, malgré la neige fraîche, on propose une balade de crete en crete, sur le Jhomson Ridge. De là, la vue s' etendjusqu frontieres du Tibet, par-delä une plaine elevee et vallonnee. Puis nous redescendons dans la vallee de la Kali-Gandaki, continuons sur Pokhara, par un col enneige, le Deorali ( 3085 m ); sa foret nous apparait comme dans un conte de Noel, car l' hiver revient ä la charge. A cette saison, la neige descend facilement jusque vers 2500 metres. Notre avant-dernier camp, sur un col de 2200 metres, est, en revanche, de nouveau en plein dans les rhododendrons fleuris... et nos regards glissent jusque lä-haut, vers les contreforts sud de PHimalaya, vers le Lac Phewa que nous connaissons bien. Puis, une bonne descente, et nous revoilä ä Henja.

Nous voyons une fois encore briller la chaine de l' Annapurna, dans toute sa magnificence, dominant la chaine du Machhapuchhare. Pour des alpinistes qui desirent faire de la tres haute montagne, en un temps tres limite, l' Himalaya offre une chance exceptionnelle. II y a deux sommets en particulier, le Tent Peak ( 5550 m ), et le Mardi Himal ( 5440 mKöllensperger nous en a explique les voies d' acces - qui permettent de voir de tout pres les huit mille.

Et le Mont Everest? Les fonctionnaires fran- 1 2 Pont près de Sirkung ( 2550 m ), sur la rivière Kali-Gaudaki, et vue sur le Dhaulagiri ( Séracs du versant sud-est ) Photos: Archiv A. v. Wandau, Wien cais préposés à l' information des lignes aériennes népalaises ont propose d' organiser, pendant la belle saison, une tournée quotidienne autour de l' Everest ( prix par personne: 23 dollars US ).

Le premier mars, par une journée splendide, nous sommes montés à Kathmandou dans un bimoteur ordinaire. Après quelques secondes de vol déjà apparaissent les premiers huit mille, au-dessus du brouillard. Les passagers croient voir l' Everest, mais c' est le Gaurishankar, un sommet particulièrement imposant de 7125 mètres, situé devant le Machhapuchhare, et qui s' élance d' un jet à une altitude déjà relativement élevée. Sitot que l' avion s' approche de l' Everest ( Sagarmatha en népalais ), les passagers sont autorisés à pénétrer l' un après l' autre dans la cabine de pilotage; le copilote donne des explications en anglais. On ne comprend évidemment pas exactement lequel, parmi tous ces géants, en est le patriarche, mais, en tous cas, on sait qu' on a vu l' Everest! Puis l' avion reprend la direction opposée, retour vers Kathmandou. Je me cherche une place de l' autre cote, de manière à revoir, en sens contraire, toute la chaine de l' Himalaya. Les cimes s' éloignent de plus en plus, au-dessus des vallées tachetées de gris et de vert, des Préalpes du Terai. Puis l' avion nous depose, promus au rang d' aviateurs de l' Everest diplomes, nous attribuant ainsi un titre de gloire!

Une ultime remarque: le meilleur moment, pour une expedition dans l' Himalaya, est généralement novembre, éventuellement déjà la mi-octobre; des le milieu de décembre, il faut compter que la mousson d' hiver s' installe, très froide, et transforme la verdure des pentes des montagnes en une triste grisaille. Et les insectes, toujours méchamment à l' affüt, ont alors disparu, de meme que les sangsues.

Un pays idéal pour des balades!

Traduit de l' allemand par L. Dupraz

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