Une semaine clubistique aux volcans de la Sicile | Club Alpino Svizzero CAS
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Une semaine clubistique aux volcans de la Sicile

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Du 8 au 17 juin 1979 s' est réalisé un magnifique projet dont nous parlions depuis longtemps: une excursion aux volcans de la Sicile. Or, quelle aventure pour y aller: vingt-quatre heures de train, du minibus, du tout-terrain, du taxi, du vélomoteur, du bateau, de la barque à moteur, de la nage ( en mer et en sueur ) et, nous avons failli l' ou, de la marche aussi! C' est à dix que nous avons partagé nos jours, nos efforts et nos rires. Et, cette semaine n' étant pas consacrée à une activité purement alpine, nous formions un groupe aussi hétéroclite que nos moyens de transport. Jugez-en vous-même: Bernard, vacancier entreprenant; Marie-Louise ( dite Miquette ), vivace et à la réplique volcanique; Marie-Louise ( la deuxième ), tran-

è fSi, V: I \%

39 4 43 Le 2j février, à l' aube 44 Au matin du 2e jour 45 Dans la paroi, le 2e jour. Au fond: le Tournelon Blanc 46 Le rer mars, sur les dalles plâtrées de neige l' iK. Lourtier quille, accompagnant son mari Willy qui, lui, contemple entourage et paysages entre deux sommes; Nicole, au sourire malicieux, mais inquiète par le côté gastronomique de notre semaine; John, en-'core un peu chiantiphobe et faisant du bruit surtout avec l' obturateur de son appareil de photo; Flora, volubile, charmeuse de volcans intrépide; Robert, metteur en scène d' ambiance à toutes latitudes et à toute épreuve; Claude, notre élément modérateur; enfin, Dieter, chef de course, nous allions dire chef d' orchestre, tant il sait accorder les violons de ses artistes en liesse.

Le voyage.Vendredi soir 8 juin, nous voilà tous réunis en gare de Lausanne en attendant le train de nuit Genève—Rome. Il ne manque que... le chef de course. Eh bien, craignant un départ trop hésitant, Dieter a déjà pris une certaine avance du côté du lac Majeur. C' est à Stresa où il aura passé un séjour de travailqu' il monte, ployant sous le poids de son énorme sac jaune citron aux multiples étages. Arrosage traditionnel des retrouvailles entre Stresa et Milan et, une dizaine d' heures plus tard, après une promenade matinale dans les rues encombrées et bruyantes de Rome, après une visite de Santa Maria Maggiore, de San Pietro in Vincoli et du Colisée, nous poursuivons notre voyage en direction de Messine.

La voie ferrée longe la côte à partir de Naples, et le voyage, en voitures climatisées, est agrémenté de belles vues sur la mer et... d' un repas très prometteur, pris au wagon-restaurant.

Arrivés à Messine, nous voyons déjà le massif de l' Etna, notre premier but d' excursion. Nous descendons à Taormina où notre hôtel, perché sur un promontoire à 250 mètres au-dessus de la mer, nous demande un premier effort. En effet, un raidillon serpente de la gare, située au bord de la mer, à la localité. Le thermomètre frôle les 30 degrés et l' humidité est éprouvante. Le bruit du ruissellement de notre sueur que nous croyons entendre par moments est étouffé par le chant strident des cigales. A nos pieds, scintillante au clair de lune, immense et silencieuse, la mer.

L' Etna. Dimanche to juin, un minibus nous transporte à Linguaglossa, dernier village sur le versant nord du volcan. Nous parcourons d' abord une végétation luxuriante, constituée de palmiers, d' agaves, de pins parasols et d' arbres fruitiers les plus divers. Puis, au-dessus de 500 mètres, poussent les châtaigniers que remplacent plus haut les essences connues aussi chez nous: chênes, hêtres, pins et bouleaux. C' est là que nous troquons le bus contre une jeep tout-terrain pour suivre une piste qui, bientôt, zigzague à travers un véritable désert de lave d' un noir uniforme où toute trace de vie a disparu. La piste est aménagée jusqu' à proximité immédiate du sommet, et c' est là, entre de hauts murs de neige, que nous quittons notre véhicule pour faire le dernier bout à pied.

Au sommet, à 3350 mètres, notre guide nous explique les caractéristiques de « sa montagne » avec amour et respect. Tout de lave durcie, formant des paysages lunaires, son énorme cône noir et convulsé est en repos momentané mais trompeur. N' oublions pas que l' Etna est un volcan capricieux qui peut entrer subitement « en activité » en produisant de véritables fleuves de lave qui mettent des mois, voire des années pour se refroidir. Des drames, souvent terribles, ont marqué l' his des villages environnants.

Nous faisons le tour des deux plus grands cratères dont l' un, d' un diamètre d' environ 500 mètres et d' une profondeur estimée à un millier de mètres par le guide, crache de grosses fumées blanchâtres qui nous obligent à nous protéger le visage. Nous apprenons que les coulées les plus récentes ont eu lieu en automne dernier. Les environs immédiats des cratères nous surprennent par leur riche palette de couleurs qui couvre toutes les nuances entre le jaune, le rouge et le noir. Le sommeil du volcan est traître et une petite expérience, volontaire celle-ci, nous prouve que nous nous trouvons tout près du grand feu. En effet, des bouts de papier glissés sous un bloc de lave s' enflamment au bout de quelques secondes. Une deuxième expérience, involontaire celle-là, est en parfait accord avec les résultats de la première: le sol étant extrêmement chaud, quelques semelles quittent définitivement les chaussures de leurs propriétaires ébahis et impuissants.

Les nuages commencent à nous envelopper. L' espoir de voir l' Etna sortir de sa léthargie est déçu' et nous décidons d' abandonner notre projet d' un bivouac au sommet. Quelques heures plus tard nous nous consolons au pied du rocher de Taormina par un bain dans une mer merveilleusement bleue et limpide, tout songeant à la suite de notre voyage.

Les les Eoliennes. Au sud du golfe de Naples, à l' ouest de la Calabre et au nord de la Sicile, dans un rayon d' une soixantaine de kilomètres, se trouvent sept les que les Anciens croyaient habitées par Eole, dieu des Vents: Vulcano, Lipari, Salina, Panarea, Stromboli, Filicudi et Alicudi. Ces sept les, d' une beauté exceptionnelle, émergent d' une mer transparente et chaude et d' un bleu profond. La durée de notre séjour nous permettra d' explo trois de ces les et de faire une visite éclair à une quatrième.

Lipari. Le lundi i i juin, nous nous trouvons à to mètres d' altitude, flânant sur le pont du Vulcanello qui nous transporte de Milazzo à Lipari. Vulcano nous salue au passage et bientôt nous découvrons Lipari. Quel enchantement! Sur un rocher majestueux sont perches, entourés de murailles, un château et une cathédrale. Us surplombent un petit port pittoresque et grouillant de vie.

Lipari est file la plus vaste de l' archipel ( 37,6 km 2; Bâle-Ville en compte 37,1 ) et la plus peuplée ( to 000 habitants ). C' est d' ici que partent tous les bateaux reliant les les entre elles. Installés sur une terrasse, nous goûtons aux plaisirs du doux farniente, sirotant qui des boissons glacées, qui des cafés. Après un excellent repas chez Filippino, spécialiste du poisson et des fruits de mer, dans un cadre agréable, et après une nuit passée chez l' ha ( eh oui, Dieter nous a déniché un logement chez l' habitant, très sympathique, avec douche ,'Le volcan se réveillera deux mois plus tard, après la rédaction de ce récit.

mais l' eau manquera pour les derniers... ), nous nous trouvons au port, plongés dans les méandres de l' horaire des bateaux. C' est avec un retard tout à fait appréciable mais accepté dans une ambiance détendue que le Basiluzz«, frèrejumeau du Vulcanello, lève finalement l' ancre et quitte Lipari avec cap sur Stromboli. Le retard est dûment consolidé lors de l' escale à Panarea.

Panarea. quel drôle d' îlot! Situé à 12 milles de Lipari et à it de Stromboli, il nous semble un peu perdu et presque trop petit pour être habité. N' est pas un jouet oublié dans la mer? C' est effectivement la plus petite de toutes les les et une bonne partie de ses 3,4 kilomètres carrés de superficie est constituée de rochers abrupts dont les plus hauts culminent à 420 mètres au-dessus de la mer. L' escale se prolonge et nous laisse largement le temps de nous perdre en conjectures sur la nature de ses habitants. Ne se sentent-ils vraiment pas trop à l' étroit? Est-ce vrai qu' à Panarea on n' ou les fenêtres de sa maison qu' avec prudence pour éviter de pousser les passants dans la mer?

Nous regagnons le large. C' est finalement avec plusieurs heures de retard que notre escargot flottant fait une brève escale à Ginostra, minuscule hameau situé sur une falaise à l' extrémité sud de l' île de Stromboli. Encore un peu de patience et nous débarquons à San Vincenzo, chef-lieu de l' île.

Le Stromboli est file la plus septentrionale de l' archipel Folien. Sauvage et d' une sombre beauté, elle est entièrement dominée par son volcan, haut de 926 mètres et surmonté de son panache de fumée. Le nom du volcan est d' origine grecque, car les navigateurs intrépides d' il y a plus de deux millénaires comparèrent sa forme avec celle d' une toupie. L' île a une superficie de 12,6 kilomètres carrés dont seule une petite frange côtière a vu l' homme s' accrocher. Mais aujourd'hui encore, il n' y a ni routes, ni voitures et les quelques centaines d' habitants ne disposent de l' électricité que depuis 1977.

Nous nous arrêtons au débarcadère, les pieds profondément enfoncés dans les galets noirs qui composent toutes les plages de cette île. Le soleil appuie de toutes ses forces sur les pentes du Stromboli. San Vincenzo, saoul de chaleur et de lumière, se rétracte, et la campagne alentour est muette. Seul l' air tremble. Nos regards se dirigent vers le sommet du volcan, sommet tant convoité. Notre impatience s' estompe pour faire place à un mélange d' admiration et d' émotion.

L' idylle est soudainement perturbée par les pétarades inattendues de deux véhicules dont les conducteurs nous proposent un gîte et, bien sûr, le transport des bagages. A peine avons-nous le temps d' articuler un buon giorno que deux des plus fatigués sont déjà installés sur le plus grand des deux engins, en l' occurrence un genre de char-rette-tricycle propulsée par un moteur de trois décis de cylindrée. Les heureux! cinq cents mètres les séparent de la Sciara, l' hôtel le plus chic de l' île. Nous autres faisons une petite marche au bord de la mer. Flora accélère toutefois le déplacement en montant sur le siège arrière du deuxième véhicule, un scooter d' un autre âge. Nous nous retrouvons à la Nassa, petit ri sforante-pensione modeste mais bien sympathique où nous aurons l' occasion de loger dans une de ces curieuses petites maisons strombo-liennes. Blanchi à la chaux, de la forme d' un cube et ne possédant qu' une ou deux fenêtres, ce type de maison ne se trouve en effet que sur cette île.

Un petit café, quelques achats, les retrouvailles à la Sciara, et notre colonne se met en branle. Au départ, le sentier serpente à travers une vaste étendue de roseaux, puis, tout en devenant plus raide, se dirige sur une arête. La chaleur est accablante, l' humidité intense et le poids de nos sacs, déjà considérable, semble encore augmenter. Fort heureusement, notre effort est rendu moins pénible par une vue remarquable: à notre gauche, quelques centaines de mètres plus bas, San Vincenzo et San Bartolo avec leurs églises, leurs maisons si caractéristiques, leur plage noire. Au large, le Strombolicchio, curieux îlot rocheux portant un phare. A notre droite, d' immenses champs de lave et de cendres. La plus grande de ces coulées, la fameuse Sciara del fuoco, est un imposant plan d' une incli- naison de trente-cinq degrés. Prenant naissance au sommet du volcan, la Sciara del fuoco se jette en un seul élan dans la mer qu' elle atteint sur un front d' un millier de mètres.

Nous continuons, pataugeant par moments jusqu' aux chevilles dans la cendre. Cela ne semble pas trop freiner la progression de Dieter et de Robert qui s' envolent littéralement vers le sommet. Ils sont suivis par Claude qui, lui, avance la tête baissée. Renseignement pris, il nous explique que c' est cela la meilleure manière de suivre le spectacle insolite de sa sueur qui commence à lui remplir les chaussures. Puis vient Flora, au pied aussi agile dans la cendre que sur les blocs de lave. John semble souffrir avec son baluchon informe sur le côté, alors que l' allure régulière de Nicole donne l' im que cette montée lui sert déjà d' entraîne pour les courses futures du côté des Franches Montagnes... O Eole, qu' as fait des retardataires? Ils émergent à peine de la végétation... Ras-surez-vous, il n' y a aucune possibilité de se tromper et... il y a Willy.

L' arête devient moins raide. Un dernier effort et, enfin, le sommet! Quelques traits sont tirés, les gosiers sont secs, très secs même, et l' eau minérale, le rouge sicilien et un magnifique melon sont les bienvenus. L' épreuve aura duré un peu plus de deux heures pour les plus vaillants mais plutôt quatre pour les derniers. Savez-vous comment ceux-ci nous expliquent leur retard? Car, bien sûr, ils l' expliquent, leur retard, et avec une candeur toute... éolienne: arrivés à mi-chemin, ils ont fait une bonne pause dans l' espoir qu' on redescendrait, nous, pour chercher leurs sacs... Willy a le sourire fourbe. Nous lui disons tout de même un grand merci parce que, imperturbable, il a si gentiment « fermé » la marche.

Nous descendons un petit sentier sur lequel des visiteurs prévenants ont érigé, sur une distance d' environ trois cents mètres, une dizaine de petits bastions en blocs de lave. Nous prenons possession du dernier qui ne se trouve qu' à quelques minutes du grand feu.

Le site est impressionnant: nous nous trouvons à l' extrémité nord-est de l' archipel Folien et, en dépit des grandes distances et d' une forte brume provoquée par la grande chaleur, nous pouvons sans difficulté identifier toutes « nos » les. A une soixantaine de kilomètres au sud-ouest, émergeant de la brume, les cônes parfaits d' Alicudi ( 5,2 km2, 675 m d' altitude ) et de Filicudi ( 9,5 km2, 773 m ), les îles les plus éloignées et les moins visitées de l' archipel. A peine deux cents habitants y mènent une vie retirée et humble. Un peu plus près, les deux sommets de Salina ( 26,8 km2 ) dont le plus haut, avec ses 962 mètres, est aussi le plus haut de toutes les îles. Juste à côté de Salina, Lipari dont le Monte Chirico culmine à 602 mètres. Encore plus près de nous, Panarea qui, vue d' ici, n' est qu' un minuscule îlot perdu dans l' immensité de la mer. Seul Vulcano nous est cache par la couronne de l' ancien cratère du Stromboli. Autour de nous, un paysage chaotique sans aucune trace de végétation. En contrebas, à quelques centaines de pas à peine, les trois bouches actives, même très actives comme nous allons en faire l' expérience un peu plus tard.

Les photographes s' affairent autour de leur matériel et la conversation devient très technique: diaphragme, télé, obturateur, zoom, présélection, focale et encore diaphragme. Les premiers, l' al encore craintive, ont déjà inspecté de près un des trois cratères, les deux autres étant inaccessibles. Flora et Robert, le verbe facile et bravant le danger, ont même dressé un cairn qui doit servir de repère, la nuit tombée. C' est, disent-ils d' une voix énigmatique, pour ne pas manquer la bonne direction en cas de fuite...

Nos ombres s' allongent et la silhouette du Stromboli se dessine de plus en plus grande sur la mer. Le soleil, fatigue, envoie ses derniers rayons et donne aux paysages qui nous entourent un aspect encore plus sauvage et fantastique. La mer, un millier de mètres plus bas, se pare de voiles scintillants, elle devient jaune, puis rouge, pour disparaître dans une obscurité mystérieuse. Notre nuit au sommet du Stromboli commence.

Les éruptions prennent l' allure d' un spectacle féerique et effrayant. Bien qu' elles nous aient déjà impressionnés à la fin de la montée et lors des premiers déplacements au sommet, ce n' est que de nuit que nous réalisons que les scories éjectées sont toutes incandescentes et que certaines sont projetées à plusieurs centaines de mètres de haut. De courte durée mais violentes et bruyantes, les éruptions ressemblent étrangement à des explosions. De plus, et cela nous semble mal organisé, elles se produisent sans le moindre préavis. Toutefois, quelques lutins à l' esprit calculateur annoncent la découverte d' une certaine régularité: l' intervalle le plus probable et le plus logique séparant deux éruptions serait de vingt minutes... environ, finis-sent-ils par ajouter. Convaincus du bien-fondé de leurs réflexions si fructueuses, nous mettons nos casques et descendons d' un pas décidé au cratère. Quelques minutes plus tard nous y voilà, plantés à son extrême bord.

Un souffle chaud nous enveloppe par bouffées. Une lueur lugubre éclaire les parois presque verticales d' un grand entonnoir: moins de deux cents mètres nous séparent du fond d' une monstrueuse marmite. Quel gouffre! La lave en fusion forme d' immenses bulles difformes qui crèvent dans un bruit sourd et inquiétant. De fortes éruptions de gaz nous donnent l' impression que le volcan vit, qu' il respire pesamment, qu' il retient son souffle par moments pour concentrer toutes ses forces et expulser le feu qui brûle ses entrailles.

Refoulant notre angoisse, comme attirés par une force magique, nous restons penchés sur ces forges de l' enfer. Combien de temps? Quelques minutes? Une éternité? Nous sommes incapables de le dire car, soudainement, dans un vacarme étourdissant, une formidable explosion dresse un mur de feu devant nous et emporte notre fascination. Les secondes qui suivent paraissent interminables. Nous courons à toutes jambes, butant contre les scories qui jonchent le sol, perdant les lampes de poche. Le cairn est oublié, c' est le sauve-qui-peut. Derrière nous, le rideau de feu se désagrège pour se transformer en une pluie jaune et rouge de bombes en fusion. Les premiers « ca- queux » commencent à tomber derrière nous, puis, très nombreux, à gauche, à droite et, chose angoissante, certains tombent devant nous. In-candescents, d' une température d' environ mille deux cents degrés, ils touchent le sol dans un bruit étouffé pour former un étrange tapis luisant dans la nuit. Encore quelques crépitements puis, enfin, nous nous arrêtons.

L' alarme était... brillante, mais nous en sommes quittes pour la peur: il n' y a ni côte rôtie, ni épaule flambée, ni casque cabossé. En revanche, notre hardiesse en a pris un coup et nous mettons un bon moment pour retrouver notre aplomb. C' est finalement en riant, aides d' une bouteille de rouge sicilien, que nous débattons les différences qu' il y a entre les capacités eruptives de notre volcan et les calculs de ceux qui, quelques minutes plus tôt, se promenaient encore en savants sur sa tête...

Les éruptions se suivent. Des gémissements sinistres et des grondements accompagnent l' expul d' énormes gerbes de lave en fusion. Les lapilli et les bombes en feu dessinent une multitude d' im paraboles dans le ciel nocturne. Nous nous acharnons à fixer sur nos pellicules autant que possible de ce merveilleux spectacle. Or, se-rions-nous toujours trop près ou les éruptions se-raient-elles devenues plus fortes? Toujours est-il qu' à plusieurs reprises la pluie de projectiles nous force d' abandonner tout notre matériel de prise de vue. Nous remontons finalement à notre bas-tion-observatoire. Là, les moins téméraires ( les plus sages ?) sont encore sidérés par la terreur que nous, apprentis sorciers un peu fous, venons de leur faire vivre. Ce n' est qu' après de longues palabres qu' ils acceptent de risquer à leur tour un coup d' oeil dans l' enfer. Infatigable, Flora fait fonction de guide. Seigneur Stromboli, l' air superbe, accepte une dernière visite-tous-risques sans trop ricaner.

Il est trois heures du matin et le temps a beaucoup fraîchi. Couché pêle-mêle à même le sol, nous cherchons tous un peu de sommeil. S' il vient pour certains, les autres tremblotent de fatigue et de froid. Nous attendons toutefois l' aube avant d' entreprendre la descente au village.

Les premières silhouettes commencent à se découper et nous annoncent qu' un nouveau jour est en train de naître. Bientôt, le disque majestueux du soleil se lève derrière un banc de nuages qui couvre la mer à perte de vue. Les nuages se transforment en une brume rose et éphémère et, après une brève lutte, plus feinte que vraie, nous voyons se mourir l' éclat des fontaines de feu que les trois cratères continuent à projeter avec véhémence dans le ciel.

Nous nous séparons. Bernard et Miquette préfèrent en effet retourner par le chemin de la montée sous l' oeil vigilant de Willy. Les autres suivent le chef de course qui nous propose un « raccourci » facile, dit-il, mais qu' il ne tient à emprunter malgré tout que de jour. Nous en comprenons rapidement la raison: cette descente commence au versant est de file dans une coulée de cendre farineuse si raide que nous dévalons en quelques minutes plusieurs centaines de mètres. Puis, nous nous engouffrons dans une végétation exubérante dans laquelle les coulées de lave et l' érosion ont creusé un dédale de sentiers. Mais attention! Un seul sentier est le bon, car tous les autres se perdent rapidement dans la jungle. Une descente nocturne exige donc une parfaite connaissance du terrain, et nombreux sont ceux qui, même de jour, ont mis des heures pour s' en tirer. Aujourd'hui, tout se passe sans encombre et après une heure de descente nous voilà déjà installés sur la terrasse ombragée de la Massa. Les roseaux nous entourent presque entièrement, laissant juste un très beau dégagement sur la mer et le Strombolicchio. C' est devant un copieux petit déjeuner que chacun a le temps de retracer l' histoire de cette fabuleuse nuit au Stromboli.

A l' heure des spaghettis, sous un soleil de plomb, nous nous trouvons sous les falaises noires de la plage de San Bartolo/Piscità. Les petites criques qu' elles forment sont un lieu de rêve pour des baignades dans la mer et - quelle veineelles offrent une ombre bien appréciée. Le dépaysement est total. Le soir, les patrons de la Massa nous servent des pâtes, du poisson et du vin. Quelqu'un a dû convoquer un choeur de cigales: elles chantent à tue-tête et nous croyons reconnaître des mélodies d' adieu.

Retour à Lipari. Jeudi matin i 4 juin, nous retournons à Lipari. L' embarquement à bord du brave Vulcanello est laborieux. Ne souligne-t-il pas à souhait le caractère folklorique des déplacements entre les îles? Certes, la ponctualité n' est pas de rigueur. Et comment se fier aux renseignements donnés par les insulaires? Bien que tributaires des bateaux, chacun a son horaire particulier et tout à fait personnel... alors, patience! Nous arrivons tout de même à Lipari. Les heures passées sur le pont du bateau étaient agréables. Le retard? La bagatelle de quatre heures...

C' est par un repas gargantuesque que cette journée se termine. Nous sommes tous réunis autour d' une grande table ronde, dans le magnifique jardin fleuri de E Fulera. Le patron, fier de sa cuisine ( et avec raison ), nous sert des crudités, des pâtes ( sans un mouflage, Nicole y aurait péri ), un poisson ( oui, un seul mais d' une taille telle qu' un baudrier y aurait tenu ) et de la viande ( John broie même les os ). Le tout est, bien sûr, arrosé de ce bon vin sicilien. Puis viennent les desserts, les gelati, le café. Pour terminer, la spécialité régionale: l' exquise Malvoisie, liquoreuse et corsée. Plus que satisfaits, nous décidons d' un commun accord d' y retourner le lendemain soir pour clore notre semaine clubistique. Nous rentrons « à la maison », c'est-à-dire chez Domenico où notre chef de course a encore trouvé à loger tout son monde.

Vulcano. Vendredi 15 juin, huit heures et quart, à Marina Corta, le port. Nous avons rendez-vous avec Giuseppe, 14 ans, fils de Domenico. Il nous a promis de nous amener à Vulcano avec sa barque à moteur. En bons Suisses, nous sommes à l' heure, bien sûr. Bien sûr aussi qu' il ne manque que le capitaine et sa barque... Le temps de prendre un petit café et encore un autre et encore un grand et les deux arrivent, l' un ronronnant et pétaradant, l' autre dormant encore debout. C' était Domenico qui, ahuri à l' idée d' une noyade au café, était rentré chez lui pour sortir son fils du lit...

Débarquement à Vulcano ( 21 km2 ), à une brasse de Lipari, explication de la montée au cratère ( 386 m ) et... le groupe se scinde en deux: rien qu' à la vue du raidillon qui zigzague au sommet, les plus fatigués renoncent et se dirigent d' un pas résolu ( quand même ) vers le centre d' un nuage invisible mais malodorant. Les bains de boue sulfureuse de Vulcano ne se trouvent en effet qu' à quelques pas, et nos héros pensent s' y refaire une santé. Nous autres partons sous un soleil éclatant pour monter au cratère de notre troisième volcan. C' est presque sans transition que nous passons d' un paysage côtier plaisant dans des champs de lave d' un aspect lunaire.

Vulcano est quasi éteint et ne porte plus qu' une couronne de fumerolles sur quelques centaines de mètres du pourtour de son cratère. Les fumerolles émettent un petit sifflement en laissant s' échapper une fumée blanche très chaude, riche en soufre et suffocante. Les blocs de lave qui les entourent sont curieusement transformés: le soufre, en se refroidissant au contact de l' air, se précipite sur les pierres qui forment ainsi un magnifique tapis d' un jaune superbe.Vu de près, ce tapis est fait d' in petits cristaux lanciformes. Quel contraste de couleurs! au-delà du cratère, le jaune du soufre avoisine le bleu de la mer et l' ocre de Lipari qui d' ici se présente dans toute la splendeur sauvage de sa côte ouest. Par ses couleurs et son panorama, Vulcano nous paraît la plus belle des les que nous ayons visitées.

De retour au port, nous retrouvons nos héros débarrassés de leur fatigue, rajeunis même, et Giuseppe, placide, avec sa barque. Nous pouvons partir. Encore une petite halte-baignade à Canneto, aux carrières de pierre ponce, et nous débarquons à Santa Marina Salina. Aujourd'hui, nous ne voyons de Salina rien d' autre qu' un charmant petit restaurant au bord de la mer où nous attend un prodigieux repas de fruits de mer.

Le retour à notre port d' attache se fait par la côte ouest de Lipari. Maintenant que nous som- mes tout près, elle révèle son aspect sauvage et désolé. En effet, cette côte n' est faite que de falaises vertigineuses, de grottes mystérieuses et de petites plages perdues, inaccessibles à pied. Le plus extraordinaire, ce sont les faraglioni, ces aiguilles de rochers dressées au milieu des flots et sur lesquelles d' innombrables oiseaux trouvent refuge pour nicher. La Pietralunga est la plus haute de ces aiguilles, ne mesurant pas moins de septante-deux mètres. Une dernière baignade dans une eau transparente tente encore certains, et c' est déjà la fin d' une journée bien remplie. Comme convenu la veille, c' est par un excellent et mémorable repas que nous terminons notre séjour aux îles Eoliennes.

Le retour. Samedi i6 juin, Lipari. Avant d' em pour Milazzo, les uns s' en vont faire le tour de file en taxi pour voir les coulées d' obsi et pour jeter un dernier coup d' ceil sur les faraglioni du haut de la route panoramique, d' au vont visiter le musée Folien qui héberge les

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