Les variations périodiques des glaciers | Club Alpino Svizzero CAS
Sostieni il CAS Dona ora

Les variations périodiques des glaciers

Hinweis: Questo articolo è disponibile in un'unica lingua. In passato, gli annuari non venivano tradotti.

Par Dr. F.A. Forel, professeur, à Morges. Dr. M. Lugeon, professeur, à Lausanne. E. Muret, adjoint de l' inspecteur fédéral des forêts, à Berne.

Vingt-unième rapport. 1900 ' ).

LXX[I. Petites crues apparaissant au milieu de la grande décrue des glaciers.

Dans une lecture faite devant la Société helvétique des sciences naturelles, réunie à Thusis le 3 septembre 1900, j' ai résumé les faits d' observation collectés dans nos vingt premiers rapports et je les ai formulés en ces termes 2 ):

1° Les variations des glaciers sont des changements de volume, non de forme.

2° Il y a deux types de variations:

a ) L' une, de période annuelle, est due à l' action négative de la fusion de la glace, pendant l' été.

b ) L' autre, de période cyclique, de durée probable d' un tiers de siècle ( comme le cycle climatique de Bruckner ), est due à une poussée en avant, à un débordement du fleuve glacé. Cette crue est la conséquence d' un excès d' alimentation; c' est donc une action positive de surproduction de glace.

3° Le début de la crue cyclique apparaît successivement chez les divers glaciers par le fait de l' arrivée à des moments différents, à l' ex terminale de glaciers de différentes longueurs, des masses de neige tombées en excès, peut-être simultanément, sur les névés-réservoirs.

4° Quant à la fin de la crue ( époque du maximum ), elle est due:

dans certains cas, à l' action négative d' un été très chaud qui agit simultanément sur l' extrémité terminale des divers glaciers; le maximum a lieu dans la même année chez tous les glaciers: maximums de 1855 et de 1892; dans d' autres cas, à l' extinction de la poussée en avant par arrêt de l' excès d' alimentation, extinction qui se manifeste, de même que le début de la crue, successivement chez les divers glaciers: ainsi le maximum de 1813 a eu lieu, suivant les glaciers, de 1818 à 1826.

5° L' état de minimum représente la grandeur normale du glacier. Les poussées en avant, les crues sont des accidents.

J' ai admis que la période des grandes variations cycliques est d' un tiers de siècle, alors même que certains glaciers ( glacier du Rhône ) n' ont présenté que deux périodes, que d' autres même ( glacier de l' Aar ) n' en ont eu qu' une seule, dans le XIXe siècle. J' ai admis que dans ces cas, les unes ou les autres des poussées en avant n' ont pas abouti à se faire sentir jusqu' à l' extrémité terminale des glaciers en questions, qu' elles se sont éteintes en route.

Je n' ai pas parlé dans ce résumé de faits qui me préoccupent depuis quelques années: de petites crues qui apparaissent dans certains glaciers pendant un an ou deux, puis disparaissent en laissant reprendre le cours majestueux et la grande phase de la décrue.

Voici les faits sur lesquels je me base. Si je feuillette nos rapports des dix dernières années, où les observations faites par la même méthode et le plus souvent par le même observateur offrent de bonnes conditions de sécurité, je reconnais parfois, au milieu de la phase générale de décrue qui domine partout, de petites crues de courte durée, et cela, entre autres, dans les glaciers suivants:

Kaltwasser, bassin du Rhône, crue en 1898 Moiry,1896 et 1897 Arolla,1893 et 1894 Ferpècle,1893 et 1894 Corbassière,1897 et 1898 La Neuvaz,1896 Saleinaz,1896 Stein,bassin de l' Aar, crue en 1897 Rosenlaui,1897 et 1898 Firnalpeli, bassin de laReuss, crue en 1898, etc.

Que sont ces petites crues? Est-ce que leur constatation infirme peut-être notre loi de longue périodicité J ) que, d' autre part, nous avons vue se confirmer dans la plupart des cas?

Les variations périodiques des glaciers des Alpes.

Nous devons donner d' autant plus d' attention à ces anomalies qu' elles semblent se rapprocher d' autres faits. Dans les conclusions que M. Ch. Rabot a tirées de son important et intéressant rapport sur les variations de longueur des glaciers dans les régions arctiques et boréales ' ), il écrit en terminant: „ Dans le nord, la loi de longue périodicité ne semble pas applicable. Les variations de premier ordre embrassent bien un très long laps de temps, mais pendant cette période le sens de ces oscillations peut se trouver interverti par des phénomènes secondaires... Pendant le cours d' une variation embrassant une longue suite d' années, il se produit des oscillations très courtes, des pulsations qui en interrompent le sens durant quelque temps. Ainsi au Grönland le glacier de Sorkak, en l' espace de quelques mois, s' allonge ou se raccourcit. En Islande, durant une période de douze ans, le Flaajökull a éprouvé trois progressions et trois régressions. En Norvège, en 1880 et 1881 le glacier de Fonddal avait subi une faible crue passagère au cours d' une période de recul. De même les crues signalées sur le Jostedalbrae et sur les glaciers du Jotunheim en 1868-1869 et en 1890-1896, pendant la phase de régression qui a caractérisé la plus grande partie du XIXe siècle, ont été très courtes et très peu sensibles. Durant une variation embrassant une longue période, il se produit donc des oscillations de moindre amplitude qui en interrompent le cours et le sens 2).a Pour expliquer ces crues rapides qui apparaissent au milieu de la décrue des glaciers des Alpes, je ne puis malheureusement pas m' appuyer sur les observations de Rabot; d' abord par le fait que mon collègue et ami de Paris ne donne pas la théorie des faits analogues qu' il trouve dans les glaciers polaires; deuxièmement parce que l' analogie est souvent trop éloignée entre les allures des glaciers polaires et des glaciers alpins; enfin parce que je ne connais pas personnellement les phénomènes glaciaires de l' extrême nord.

Je me fonderai uniquement sur les faits de nos glaciers suisses, et je crois pouvoir proposer trois explications pour l' apparition de crues rapides, durant un an ou deux, au milieu et interrompant de très longues phases de décrue.

1° La prédominance, pendant un été humide et froid, du facteur d' écoulement qui annulerait l' effet du facteur fusion dans la période annuelle. Il y a une période annuelle due à l' effacement de la fusion pendant l' hiver, et à sa prédominance pendant l' été, tandis que le facteur écoulement persiste sans variations importantes d' intensité durant toute l' année. Qu' il survienne un été ou deux étés successifs peu chauds et mal ensoleillés, il peut arriver, chez quelques glaciers, que le raccourcissement estival soit insignifiant, et que l' allongement dû à l' écoulement de la glace reste dominant, tellement que le glacier se mette en crue temporaire. Ce cas ne peut se présenter que chez les glaciers qui sont à peu près à l' état d' équilibre, ce que nous appelons souvent l' état stationnaire, dans lesquels le facteur positif d' allongement et le facteur négatif de raccourcissement se neutralisent à peu près, glaciers qui n' avancent ni ne reculent.

2° L' arrivée tardive de la crue, l' année avant ou peu d' années avant une époque générale de maximum. L' étude de notre crue partielle de fin du XIXe siècle nous a montré que le début d' une période est successif. Nous avons vu que les glaciers n' ont pas commencé simultanément à s' allonger, mais qu' ils se sont mis en crue dans l' ordre suivant:

en 1875, les Bossons, en 1878, la Brenva, en 1879, le Trient et Zigiorenove, en 1880, Fée, Grindelwald supérieur, Rosenlaui, en 1884, Argentière, les Grands, en 1889, les Bois, en 1890, Allalin, en 1893, Arolla, Ferpècle.

Nos observations du XIXe siècle nous ont aussi fait voir que la date du maximum peut être due à l' intervention d' un ou deux étés très chauds qui en fondant puissamment les glaciers mettent fin à la crue et fixent ainsi l' époque de plus grande longueur. Tous les glaciers des Alpes suisses encore en crue en 1855 ou 1856, en 1893 ou 1894 se sont mis en décrue sous l' action des chaleurs torrides de ces étés. Arolla et Ferpècle qui avaient commencé leur crue en 1892 et 1893 se sont trouvés arrêtés eux aussi par la grande fonte de la glace; tard venus dans cette crue de fin de siècle, ils se sont presque immédiatement mis en décrue. Leur crue n' a pas duré; elle a été une de ces petites crues que nous cherchons à comprendre.

3° Enfin des erreurs d' observation. Il est si facile de faire une erreur de mesure au milieu des champs de cailloutis et dans la confusion des blocs entassés dans la moraine profonde qui s' étend au devant du glacier; il est si difficile souvent de reconnaître la terminaison même de la glace enfouie, sous une couche parfois épaisse de moraine superficielle, que nous n' avons pas lieu d' être étonnés si parfois il se produit quelque inexactitude dans les mesures ou quelque erreur d' observation. Ces trois procédés par lesquels je puis expliquer l' apparition de petites crues de courte durée, au milieu d' une grande décrue générale, suffisent, semble-t-il, pour que je n' attache que peu d' importance à ces Les variations périodiques des glaciers des Alpes.

insignifiantes manifestations de crue durant une, deux ou trois ans. La loi de longue périodicité que j' ai formulée en 1881 ne me paraît pas entamée, et je la maintiens dans sa généralité.

F.A. F.

LXXIII. L' enneigement en 1900.

La variation des glaciers est fonction d' une série de variables dont les principales sont l' humidité atmosphérique et la température. Ces valeurs présentent des oscillations continuelles qui se traduisent dans les hautes régions des Alpes par un état d' enneigement plus ou moins considérable suivant les années. De cette neige il s' établit deux parts, l' une qui fond chaque année, l' autre qui subsiste et forme le névé, c'est-à-dire la réserve d' alimentation du glacier. Il devient par conséquent important de connaître l' état des neiges persistantes, c'est-à-dire la partie durable de l' enneigement de l' année, celle qui forme le névé. Nous devons chercher à obtenir des documents sur le recul ou l' avancement, l' amin ou l' épaississement des masses de neiges qui nourrissent les glaciers. Les variations dans l' état du névé se traduisent par l' avance ou le recul de la ligne des neiges, c'est-à-dire le lieu où le glacier proprement dit disparaît sous la neige qui persiste toute l' année. Si l' enneigement a été considérable, et si la chaleur de l' été n' a pas suffi à faire disparaître en entier la neige de l' hiver précédent, la ligne des neiges sera plus basse que la ligne du névé proprement dit, il y aura enneigement progressif. Si au contraire la chaleur a été très grande ou la quantité de neige d' hiver insuffisante, ou si les deux facteurs ont agi dans un sens qui se traduit par l' apparition directe de la neige du névé sur le glacier, il y aura enneigement régressif. La neige des années antérieures qui s' est transformée en neige de névé ne se trouvera plus protégée par la couche de l' hiver précédent, il y aura diminution de la réserve d' alimentation du glacier; dans le cas inverse il y aura augmentation.

La ligne du névé quand elle est découverte, ou la ligne des neiges d' un enneigement progressif, est facile à connaître. Elle limite un changement d' aspect et de constitution du glacier que chaque touriste connaît bien. Au-dessous, l' eau ruisselle sur la surface du glacier; au-dessus l' eau pénètre dans la neige. En bas, si la pente est quelque peu raide, l' ascensioniste devra péniblement tailler des marches, en haut la marche sera plus aisée.

L' étude de la ligne des neiges est donc d' une très grande importance pour la glaciologie. Elle mérite d' être étudiée et autant que possible à la même époque de l' année.

Nous traversons depuis quelques années une période de sécheresse plus ou moins accusée. Nous voyons les glaciers suisses battre en retraite, s' affaisser sur eux-même. Ce recul a commencé en 1856; il a été retardé pour un certain nombre de glaciers par la petite crue de la fin du XIXe siècle; il est général actuellement. Cette décrue est-elle due dès cette époque au défaut d' alimentation, à une moins grande accumulation de neige persistante dans les hauteurs ou à l' action directe de l' atmo sur le glacier proprement dit? C' est ce que nous ne pouvons malheureusement pas connaître faute d' observations suffisantes sur l' état des névés, sur la variation de la ligne des neiges dès et avant cette date. Cette question n' a cependant pas été passée sous silence par mon collègue M. Forel. Il en signale l' importance dans ses 6e et 11e rapports ( 1885 et 1890 ).

Dans ce problème si compliqué de la variation des glaciers l' épais des neiges dans les cirques d' alimentation est un des facteurs des plus importants. Cette masse de neige exerce une pression sur toute la partie située en aval, poussée se traduisant par un gonflement qui avance plus vite que la marche du glacier, et qui, atteignant le front, cause le phénomène de la crue. Inversement, l' absence des neiges doit produire une accentuation du recul au bout d' un certain temps. Telle est une théorie que les observations faites par M. Finsterwalder aux Gliederferner, dans les Alpes orientales, semble confirmer.

On voit ainsi combien l' étude de la variation de la ligne des neiges devient importante. Notre tâche est pour le moment d' accumuler des documents. Dans quelques années nous pourrons connaître leur importance.

En 1899, j' ai été frappé en faisant des recherches géologiques dans le massif du Wildstrubel du recul étonnant des neiges 1 ). C' est alors que nous avons pensé, M. Forel et moi, à attirer l' attention des membres du Club alpin suisse. Nous les avons priés, dans une circulaire publiée par l' Echo des Alpes et l' Alpina, de nous aider dans cette tâche trop grande pour nous, car il s' agissait de savoir, ce que l'on était en droit de pressentir, que ce phénomène était général dans toutes les régions des Alpes suisses.

La méthode que nous avons indiquée à nos collègues du Club était résumée dans ces lignes: „ Nous serions reconnaissants si l'on pouvait noter entre autres l' apparition des vieilles neiges et leur étendue approximative, la sortie au milieu des neiges de bandes ou pointements rocheux non dessinés sur les cartes Siegfried, la disparition des névés figurés sur les cartes, etc. Ces constatations doivent surtout être faites en août et septembre. "

Notre demande a été couronnée de succès. L' enquête n' aura pas été inutile. Nons nous empressons de remercier ici tous nos collabora- Les variations périodiques des glaciers des Alpes.

teurs. Ils ont compris qu' il y avait là non seulement un intérêt scientifique, mais aussi un intérêt clubistique. En effet, comme on le verra ci-dessous, l' état d' enneigement régressif s' est traduit cette année par des difficultés inattendues pour l' alpiniste des hautes régions. Il y a sous ce rapport beaucoup à faire, aussi avons-nous le droit d' espérer que non seulement les collaborateurs de cette année nous resterons fidèles, mais que d' autres collègues du S.A.C. viendront joindre aussi leurs observations.

Nous donnons ci-dessous les résultats obtenus. Nous les groupons par massif en marchant de l' ouest vers l' est.

Massif du Mont Blanc. Le recul de la ligne du névé est considérable. M. le Professeur Nicollier et M. de Gautard, de la section de Jaman, ainsi que M. l' Ingénieur Paul Mercanton, de la section des Diablerets, nous ont donné des résultats fort intéressants:

„ En 1893, nous dit M. Nicollier, on montait de la cabane d' Orny ( 2700 m ) jusqu' au point 3098, au pied de la Pointe d' Orny, sans rencontrer de crevasses; actuellement on trouve la glace ( 17 juillet ). On voit de nombreuses crevasses s' ouvrir au - dessous de la Pointe d' Orny; il faut chercher son chemin pour faire l' ascension, tandis qu' en 1893 ( commencement d' août ) on passait partout. " Ces observations sont confirmées par les deux autres observateurs. C' est ainsi qu' à la fin de la saison ( 14 octobre ) M. Mercanton a cherché vainement de tenter la descente d' Orny à Trient par la fenêtre du Chamois. On pouvait s' y laisser descendre „ en avalanche même à la fin d' août " dit M. de Gautard, qui a franchi ce col six ou sept fois, tandis que cette année il était impraticable le 29 juillet. En outre, la partie du glacier du Trient qui domine immédiatement la chute de séracs était beaucoup plus disloquée cette année ( 14 octobre ) qu' en 1897 ( 27 octobre ), on M. Mercanton ne vit alors rien d' anormal.

Cette année les rochers étaient plus déchaussés de neige qu' en 1897. La rimaye de l' Aiguille du Tour qui présente toujours des ponts était ouverte d' un bout à l' autre, durant le mois de septembre ( communication M. Jacot-Guillarmot de la section des Diablerets ).

Des observations semblables ont été faites par M. Nicollier sur le glacier de Saleinaz. En 1893 ( fin juillet ) notre collègue a pu traverser ce glacier vers la courbe hypsométrique ( 2640 m ) sans rencontrer de glace. Cette année, le 19 juillet, partout la glace était à découvert sauf un reste de neige près de la moraine. Sous la Pointe de Planereuse la neige est remontée de 2640 mètres ( fin juillet 1893 ) à 2780 mètres ( 19 juillet 1900 ).

Le Col du Tour Noir ( 3541 m ) n' a pu être franchi cette année, nous dit M. le Professeur Wilczek, qui tient ce renseignement du guide L. Delley.

Une glace vive, trop dure à tailler, remplaçait la neige des précédentes années. Le Col du Chardonnet ( 3346™ ) était presque impraticable pour la même cause déjà dans le mois d' août ( d' après M. Bornand, photographe à Lausanne ). Au Dolent M. de Gautard a remonté le glacier du Pré de Bar jusqu' à 3100 mètres sans rencontrer de neige ( 16 septembre ). Ainsi le massif du Mont Blanc montre pendant 1900 un recul incontestable et considérable de la ligne des neiges.

Alpes valaisannes. A la Ruinette, le 27 juillet, M. Nicollier a trouvé presque partout de la glace jusqu' à la cote 3360 mètres environ, et de là jusqu' à l' arête terminale on voyait apparaître de larges plaques de glace. Dans la région d' Arolla à la fin de juillet, M. le Dr A. Walker, de la section du Weissenstein, a fait de précieuses observations tirées de la comparaison de l' état actuel, à fin juillet, avec celui indiqué par la carte au 1: 50,000 publiée en 1888. Le coté nord du Mont Brulé ( 3621 m ) montrait des rochers là où les levés topographiques indiquent une immense pente neigeuse. Au-dessous du point 3621 on voyait sortir du névé une grande masse de rochers; dans la montée du col Za de Zan M. Walker a constaté partout du roc, sauf dans les derniers vingt mètres, au lieu du névé dessiné sur la carte. Il y a donc eu un amincissement général du névé. En descendant sur le col du Mont Colon, ce même clubiste a rencontré à gauche de l' arête de larges bandes de pierres. Le côté occidental des Dents du Bouquetin était aussi beaucoup plus dégarni de neige que ne le montre la carte. Sous le sommet 3840 mètres, la glace montait jusqu' à 2900-3000 mètres et de larges cônes d' éboulis occupaient le pied de la grande paroi.

M. le Dr Fankhauser, de la section de Bâle, nous fait part d' obser semblables: „ A la descente du Cervin, le 1er août, du côté suisse, je fus frappé par la disparition d' un névé entre l' ancienne cabane et l' Epaule. " Ce même observateur mentionne un fait curieux. Au-dessus de l' Epaule jusqu' au sommet il y avait beaucoup plus de neige en 1900 que le 4 août 1897. Ainsi en 1900 l' arête Tyndall était complètement couverte de neige; ordinairement elle est dégarnie au commencement d' août. Cette abondance de neige au-dessus de 4000 mètres lui paraît être générale, ainsi à la Dent d' Hérens, au Lyskamm et à l' Obergabelhorn, mais plus bas les glaciers étaient extrêmement mauvais. M. de Gautard a fait des observations semblables, sans qu' il en soit toutefois certain, dans le massif du Dôme, sur les glaciers de Festi et de Hohberg ( 12 août ).

Il y a dans les observations de ces deux alpinistes un fait digne d' attirer l' attention générale des grimpeurs des hautes altitudes. Nous n' en rechercherons pas encore l' explication, il faut attendre que le fait se confirme3 si les années prochaines nous placent dans des conditions climatiques semblables. Les variations périodiques des glaciers dts Alpes.

Ainsi nous constatons un désenneigement général des Alpes valaisannes pour toutes les altitudes jusqu' à 4000 mètres. Au-dessus, par contre, le phénomène paraît avoir été inverse.

Alpes vaudoises et Dent du Midi. Il y a unanimité parmi les touristes de la Suisse romande sur l' état de recul ou de disparition des neiges en 1900.

Sur la Dent du Midi, le petit glacier du Plan-Névé ( 2700-2900 m ) aminci faute d' alimentation, présentait des crevasses à rendre jaloux un grand glacier, lui qui d' habitude est presque uni comme un miroir ( MM. Bornand [23 septembre] et Jacot-Guillarmot ). Des névés de la Dent Jaune sous la „ vire aux Genevois " avaient presque entièrement fondu le 23 septembre, nous dit M. Bornand, alors qu' il les a toujours vu persister. Déjà le 20 juillet, un névé situé à l' ouest du point 2702 ( Atlas Siegfried ), sorte de langue terminale du glacier de Plan-Névé, avait complètement disparu ( M. de Gautard ). Ce névé n' est pas marqué sur la carte, mais M. de Gautard, qui connaît très bien cette région l' a toujours observé depuis 1894.

Dans les Alpes vaudoises la disparition des neiges a été considérable.

Il n' y a plus qu' un névé sur trois quand on monte à la cabane Rambert ( constatation du Dr Heer, président de la section des Diablerets ).

M. Wilczek, Professeur à l' Université de Lausanne, un de nos collègues qui connaît le mieux les Alpes vaudoises, nous fait part d' une série importante de remarques. Le glacier des Martinets ne présentait plus trace de névé ( altitude supérieure 2750 mètressa surface était extrêmement crevassée, ce qui ne s' était jamais vu ( fin août ). Le haut du cirque de Fully si neigeux à l' ordinaire ne présentait plus qu' une seule flaque de neige vers le 20 août. Le névé du Creux de Saille ( 2500 m ) a disparu complètement vers la mi-août, ce qui n' avait pas eu lieu depuis 1893. Le névé de la Tête à Pierre Grept, à l' altitude de 2700 mètres, résista jusqu' aux environs du 30 septembre; le 12 octobre il avait disparu. Le névé du couloir du Pascheu ( 2700 m ) n' existait plus le 20 septembre ( M. de Gautard ).

Le glacier de Paneyrossaz, si uni d' ordinaire, présentait déjà le 5 août de grandes crevasses à peu près inconnues antérieurement. La neige a fini par disparaître totalement ( altitude supérieure 2700 mètres ). Le 8 octobre M. Bornand qui a traversé ce petit glacier pour faire l' as de la Pierre Cabotz a constaté l' absence complète de neige.

Dans les Diablerets, de semblables phénomènes ont été observés par M. le Professeur Nicollier. Le glacier s' est affaissé. Sous les points 3124 et 3036 ( Atlas Siegfried, n° 477 ) de larges crevasses qui n' exis pas en 1896 et 1897 ( commencement d' août ) rendaient le passage Jahrbuch des Schweizer Alpenclub. 36. Jahrg.

12 infranchissable le 19 août 1900; la limite des neiges sur le glacier était ce même jour vers 3030 mètres d' altitude.

Ainsi dans les Alpes vaudoises le désenneigement a été aussi considérable.

Alpes bernoises. Le recul si considérable des neiges du massif du Wildstrubel que j' ai signalé dans le précédent rapport s' est accentué en 1900. Tout le haut névé de la Plaine-morte et du Wildstrubel est en recul par le bas et par le haut. A l' ouest, le rocher 2815 mètres était déjà entièrement réuni par des éboulis avec la Plaine-morte le 27 juillet. Près du Gletscherhorn, la limite du névé a encore reculé vers le haut, elle était le 15 août à 2840 mètres, et le névé du Thierberg sur le versant nord du sommet n' existait plus qu' à l' état d' une petite bande ( 16 août ). Le névé qui descend du sommet du Wildstrubel vers l' ouest n' atteignait plus le glacier du Rätzli au commencement d' août; les masses rocheuses du versant sud du Lämmernjoch non marquées sur la carte, que j' ai signalées l' an dernier, étaient considérablement augmentées déjà à la fin de juillet. Au milieu du névé de l' Ammerten on voyait des rochers inconnus jusqu' à ce jour ( 15 août ).

Le large névé du Schneidehorn ne formait plus que des plaques isolées ( 2900 mètres ) et celui du point 2790 avait disparu presque entièrement déjà le 1er août.

Le massif du Wildhorn ne fait pas exception non plus. L' arête qui rejoint le sommet du Wildhorn au Schneidehorn laissait apparaître des parois de calcaire urgonien beaucoup plus allongées et plus nombreuses que celles indiquées par la carte ( 22 août ). Tout est changé du reste sous le rapport des glaciers et des neiges dans ce massif. Toute la partie nord n' est plus ce que la carte représente, et les touristes qui montent à la cabane du Wildhorn voient une topographie qui les déroute.

Nous n' avons pu obtenir qu' un seul document sur le massif du Finsteraarhorn. Il nous a été donné par M. de Gautard. A l' Aletschhorn, l' arête sud de la montagne du point 3966 mètres ( Atlas Siegfried ) au sommet ( 4182 m .) était dégarnie de neige ( 9 août ). La carte indique une crête neigeuse. Comme le fait très bien remarquer l' observateur, il s' agit là peut-être d' une inexactitude de la carte. C' est un fait à vérifier dans l' avenir. Le Beichgrat et le Beichfirn traversés par le même alpiniste ( 10 août ) ne lui ont pas paru présenter de modifications depuis 1895.

Massif du Dammastock. Les observations faites par M. Burnand ( section Uto ) nous confirment aussi soit un retrait de la ligne du névé, soit un amincissement des glaciers et des névés. Ainsi vers le milieu d' août, on voyait apparaître des rochers non indiqués sur la carte Siegfried sur le côté nord de l' Unter et Ober-Triftlimmi ( 3000 m ). Des Les variations périodiques des glaciers des Alpes.

séracs superbes ont apparu à l' altitude de 2700 mètres sur le Triftfirn et le Sackthäli. Le névé du Sackgrätli qui descend à l' ouest du point 2617 mètres avait entièrement disparu, celui du point 2993 mètres s' ar à 2700 mètres environ; la langue de glace de sa partie inférieure a disparu. Le petit glacier du Thierberg n' atteignait plus celui du Trift; son front était à 2200 mètres et la surface de la glace extrêmement crevassée s' élevait dégagée de neige jusqu' à 2700 mètres.

Sentis. M. le professeur Dr Heim signale aussi un retrait remarquable des névés du Sentis. En 1899, en décembre, les neiges présentaient un recul considérable. En 1900, malgré des neiges énormes en avril et en juillet, plus considérables même dans ce dernier mois qu' à pareille époque durant les années précédentes, la neige en août était encore en retrait sur 1899. Les observations de notre collègue sont vérifiées par des photographies. En septembre l' état des neiges dans tout le Sentis était plus réduit qu' il n' a jamais été depuis 1840 et même antérieurement.

Les observations que l'on vient de lire, et pour lesquelles nous remercions encore bien vivement nos collaborateurs, peuvent se résumer comme suit:

1° L' année 1900 et les années antérieures, depuis 1898 au moins, ont été caractérisées par une remontée considérable de la ligne du névé dans toutes les Alpes suisses. Cette ligne est en Suisse à l' altitude moyenne de 2700 mètres. Nous la rencontrons dans le voisinage de 3100 mètres et plus ( jusqu' à 3300 mètres !), dans le massif du Mont-Blanc et les Alpes valaisannes par exemple. Déjà vers le 15 août, elle est à 2700 mètres dans le massif du Dammastock.

2° Les névés isolés, inférieurs à l' altitude de 2700 mètres, et qui se conservent dans les années normales grâce à une accumulation considérable de neige, ont presque entièrement disparu en 1900. A une altitude supérieure ils ont été disloqués par l' apparition de masses rocheuses qu' ils couvraient jadis.

3° II y a eu un appauvrissement considérable de la réserve des neiges dans les parties supérieures du névé, ainsi qu' en témoignent la présence de masses rocheuses non marquées sur les cartes.

4° Les petits glaciers compris entre 2700 et 3000 mètres ont présenté en 1900 des allures toutes nouvelles. La disparition totale du névé laissait voir, à la place des surfaces unies, presque sans crevasses des années antérieures, des régions parfois extrêmement crevassées.

5° Les grands glaciers ont été en général plus difficiles à parcourir que pendant les années précédentes, à cause de l' apparition de lignes de crevasses et de séracs jusqu' ici enfouis sous les neiges.

F.'A. Forel, M. Lugeon et E. Muret.

6° II y a eu un amincissement général des neiges et des glaciers dans les hautes altitudes. Les rochers semblaient sortir bien davantage de la gencive de neige et de glace qui les environne habituellement.

A part l' observation d' un enneigement plus considérable au-dessus de 4000 mètres que dans les années précédentes, que M. le Dr Fran-hauser a observé, mais qui mérite d' être confirmé, la réserve de neige et de glace dans les hautes altitudes a donc considérablement diminué. Nous devons donc nous attendre à une diminution immédiate très rapide des petits glaciers, qui non seulement manquent de réserve, mais qui, fort crevassés dans l' été 1900, ont dû déjà subir une fonte exceptionnelle. Quant aux grands glaciers, tout nous laisse prévoir un recul intense dans les années prochaines. Au point de vue de l' alpinisme, ils continueront encore à présenter des surfaces moins abordables que dans les années précédentes.M. L.

LXXIII. Chronique des glaciers des Alpes suisses en 1900.

Chaque année, le service d' observation des glaciers organisé par les soins des administrations forestières fédérales et cantonales se développe davantage. En 1897, nous obtenions ainsi des renseignements sur 60 glaciers suisses, cette année sur 81 glaciers. Malheureusement, les correspondants éventuels deviennent de plus en plus rares, à mesure que les données officielles se multiplient et nous n' avons cette année que M. Brun, qui ait bien voulu continuer à nous communiquer ses observations personnelles sur le Vorabgletscher ( Grisons ). Les données sur le glacier du Rhône sont toujours dues à l' obligeance de M. Held, chef du bureau topographique.

Nous donnons ci-dessous le résumé des observations ainsi reçues, et les analysons brièvement.

I. Bassin du Rhône.

Â. Alpes valaisannes.

Vnllóa Valeur de la variation. Sens de la va- fjriuCî€i.

v auee.

1898.

1899.

1900. riation actuelle* m m m Rhône Concheg — 9.6 — 10.8 décrue Mesch Fiesch — 23J^ décrue Aletsch Massag — 16 — 30 décrue Latschen Lötschen — 10 — 1 + 0.30 crueDola Loëche

+ 18

--32 décrueZanfleuron Sanetsch —11 — 56

crueKaltwasser Saltine

+ 12

— 2 — 2.20 décrueRossboden Simplonj — 14.50 décrue Les variations périodiques des glaciers des Alpes.

T7 " 77' Valeur de la variation. Sens de la va- Glacier.

Vallee.

1898.

1899.

1900. riation actuelle.

m m m Fée Saas — 1 — 3 — 2 décrue Allalin — 12 — 1 — 2 décrue Gasenried St-Nicolas — 15.?

Bies n.

. ( placé des repères ) Findelen 77 — 9 — 9 — 5 décrue Zmutt 77 — 13 — 27 —12 décrue Gorner 77 q — 3 — 5 décrue Turtmann Tourtemagne9 — 6 — 9.20 décrue Durand [Zinali Anniviers — 30 — 60 — 20 décrue Moiry n

— 4 — 9.60 décrue Ferpècle Hérens — 10 — 3 —11 décrue Zigiorenove 71 — 49 — 43 — 63 décrue Arolla 77 — 8 — 38 — 9 décrue Grand Déseri Nendaz — 10 — 20 — 7 décrue Monitori 77 — 4 — 12 0 décrue Corbassière Bagnes

- 8 — 4 décrue Durand 77 — 10 — 15 — 5 décrue Giétroz 77,?

Breney 77 — 3 — 15 — 5 décrue Oternma 77 — 17 — 31 — 12 décrue Boveyre Entremont

+ 13

+ 13

+ 8.60 crue Tzeudet 77 — 2.60 — 3 0 décrue Valsorey 77 — 5

— 4.80 décrueSaleinaz n — 23 — 17 — 11 décrue La Neuvaz Ferret — 19 — 11 — 17.50 décrue Trient Trient — 13

Les Grands...

35 glaciers sont ainsi en observation dans les Alpes valaisannes; de ce nombre, 25 sont en décrue certaine, 2 en décrue probable, deux en crue probable et un seul en crue certaine.

Le mouvement de décrue tend donc plutôt à s' accentuer encore; rien ne fait prévoir qu' il prenne bientôt fin, plusieurs observations signalant en outre un affaissement plus ou moins considérable de certains glaciers. C' est le cas pour le glacier â' AletscJi, qui s' est fortement abaissé et dont l' accès difficile rend les observations pénibles. Le glacier de Zinal est dans le même cas; outre une notable diminution de longueur, on y signale encore un rétrécissement de 30 mètres environ à l' extrémité et un affaissement de 10 mètres. Le glacier du Grand Désert a diminué en épaisseur de l.eo mètres environ et le glacier de Tzeudet, quoique stationnaire encore, s' est aussi beaucoup affaissé.

Le seul glacier en crue est celui de Boveyre et cela depuis 1892 au moins, avec un arrêt pendant l' année 1894 seulement.

On a placé des repères cette année au glacier de Bies, intéressant à cause des avalanches de glace auxquelles il est sujet durant ses phases de crue et qui menacent la contrée de Randa.

Le lac du Gorner au pied du glacier du Monierosa s' est vidé le 23 août 1900 en occasionnant une forte crue de la Viège, en emportant un pont et en inondant quelques prés et quelques champs ( „ Journal de Zermatt " ).

Le lac temporaire du glacier de Crête-Sèche a vécu. Une tranchée de vingt mètres et plus, creusée dans les trois dernières années ( 1898-1900 ), à travers la moraine latérale gauche du glacier d' Otemma, empêchera, si on la maintient libre, l' accumulation des eaux de fonte du glacier de Crête-Sèche, derrière le barrage formé par le corps du glacier d' Otemma. Espérons que le chapitre des inondations causées par ce lac est définitivement clos ( P. Mercanton, ingénieur, „ Gazette de Lausanne " 30 août 1900 1 ).

En ce qui concerne le glacier^ du Rhône, le chiffre indiqué de 10.8 mètres n' est qu' une moyenne; le recul est surtout considérable sur la rive droite du Rhône: il atteint là 21 mètres. M. Held relève le fait que pour la première fois, le profil vert est entièrement en dehors du glacier. Le recul depuis 1874 ( 26 ans ) est de 755 mètres, soit de 29 mètres par an, en moyenne.

En même temps que le glacier du Rhône, en décrue continue depuis 1856, se raccourcit chaque année, la cataracte de glace de 450 mètres de hauteur, qui fait cascade entre le Belvédère et la Saas, s' incline de plus en plus; la surface de la nappe de glace a actuellement une pente moyenne de 50 °/o environ; les escaliers, aiguilles et pyramides, de plus en plus abrupts sont plus beaux que jamais. Mais à mesure que la pente superficielle augmente, l' épaisseur de la lame de glace diminue et l'on voit déjà des^ signes de rupture qui, s' ils s' aggravaient encore, feraient prévoir une désagrégation partielle de cette splendide cataracte.

Dans l' été de 1900, nous avons à noter les événements suivants:

Le 21 juillet, ouverture spontanée d' une fenêtre à travers la glace, au tiers de droite de la cataracte, aux deux tiers de sa hauteur. Cette rupture de la lame de glace, probablement due à l' effondrement de la voûte de la galerie du torrent sous-glaciaire a été accompagnée de perturbations violentes dans le cours de ce torrent. Celui-ci a d' abord tari presque entièrement; puis les eaux se sont précipitées en crue de débordement, chariant des blocs de glace sur la plaine de Gletsch, jusqu' au du pont de l' Hôtel.

Annuaire S.A.C. XXXIV, pag. 265, Berne 1899.

Les variations périodiques des glaciers des Alpes.

Pendant une quinzaine de jours, le torrent apparaissait à travers la fenêtre, cascadant sur les rochers de la muraille du fond. Au commencement d' août, le torrent trouva une autre course, et la paroi rocheuse du pied de la fenêtre se montra à sec.

Le 25 août, à 8 h. du soir, une forte avalanche de glace emporta toute la bande qui séparait la fenêtre de la rive droite de la cataracte, tellement que ce qui était un trou s' est transformé en une échancrure. Celle-ci mesure, d' après M. l' ingénieur L. Held, qui a assisté à la chute de l' avalanche, 100 mètres de longueur, 130 mètres de largeur; la glace avait une épaisseur moyenne de 4 mètres. L' échancrure ayant une forme triangulaire, l' avalanche représente un volume de 25 à 30,000 mètres cubes; elle est descendue le long du flanc droit de la cataracte jusque sur la plaine de Gletsch où elle a étalé ses blocs arrondis dont les plus gros mesuraient jusqu' à 20 mètres cubes.

Les faits suivants constatés le 30 août par MM. Forel et Lugeon sont intéressants:

a. La couche de glace qui forme la cataracte, au lieu d' être très épaisse comme on le supposait, mesure à peine 5 à 10 mètres, dans les parties du moins qui se sont déchirées cette année; 6. Le glacier érode peu activement les rochers de granite sur lesquels il glisse en cataracte. Cette paroi rocheuse est depuis le commencement de l' époque glaciaire, sans interruption, le lit d' un courant de glaces qui s' y écoule avec une vitesse d' au moins 150 mètres par an, 15 kilomètres par siècle, et cependant c' est à peine si le rocher a été échancré; sa paroi est à peine en retraite sur les flancs à découvert des talus latéraux de la vallée; c. Le torrent sous-glaciaire se déplace facilement sous le corps du glacier.

Le glacier a été visité en janvier 1901 par MM. J. et R.M.orax, de Morges; il montrait encore au milieu de l' hiver l' échancrure béante dans la glace de la cascade: le surveillant du glacier, Félix Im Ahorn d' Ober, a fait la même constatation à la fin de février.

B.

Alpes vaudoises.

Glacier. Territoire.

Valeur Î898.

de la variation. 1899. 1900.

Sens de la variation actuelle m m m Paneyrossaz Bex — 1 — 4 - 4 décrue Martinets „ 00 décrue Grand Plan-Névé n — 2 __3 — 2 décrue Petit0 — 1 0 décrue Le Dard Ormont-dessus y

— 10 décrueScex Rouge

— 13 décruePrapioz y __3 — 5 décrue F.A. Forel, M. Lugeon et E. Muret.

Le recul est donc général et la crue accidentelle du Dard et du Scex Rouge ne s' est pas confirmée cette année; on devait s' y attendre.

La décrue du glacier de Paneyrossaz est bien marquée cette année. Le glacier des Martinets en revanche, est presque stationnaire; il en est de même du Petit Plan Névé dont les variations sont toujours excessivement faibles.

Pour les glaciers des Ormonts, ces variations semblent plus considérables, surtout en ce qui concerne les glaciers du Dard et du Scex Rouge qui montrent les indices d' une décrue très accentuée. Ce dernier glacier est maintenant complètement débarassé de la neige qui le recouvrait l' année dernière. La décrue du Prapioz ne s' est manifestée qu' au front du glacier; les bords latéraux n' ont subi aucune modification. Un éboulement considérable de rochers, tombé le 6 août au bas du glacier, a rendu les observations difficiles.

II. Bassin do l' Aar.

t-riS7OÌ OV Vnllie Valeur de la variation Sens de la va- XJlürLltil.

1898.

1899.

1900.

riation actuelle.

m m m Stein Gadmen — 12 — 8

crueünteraar Aar — 25 — 14 — 25 décrue Rosenlaui Reichenbach

+ 10

— 2 — 40 décrue Ob. Grindelwald Ltttschine

+ 12

crueünt. Grindelwald 7 ) 0 — 23 — 86 décrue Eiger WeisseLütschine 0 - 27 0 décrue Tschingel?

— 22 — 1 décrue Gamchi Kienthal — 521, ,5o décrue Blümlisalp Kander — 2 — 2 — 4 décrue Kander?

— 8 — 16 décrue Wildltorn Iffigen — 27 — 6 — 13 décrue Gelten Lauenen — 21

+ 17

— 42 décrueTous ces glaciers sont sur territoire bernois. Les inspecteurs forestiers de ce canton^ joignent souvent au relevé des observations, un croquis montrant la forme de la langue du glacier et les variations qu' elle a subies depuis l' année précédente. Ce procédé devrait être généralisé, si possible; il donne une idée beaucoup plus nette du phénomène étudié et permettra d' avoir par la suite, une collection de documents de grand intérêt pour l' étude des variations glaciaires.

Chaque année, dans cette région, nous avons un ou deux glaciers en crue; mais il semblerait qu' il ne s' agit guère là que de variations accidentelles de forme, car le mouvement en avant ne persiste guère plus d' un an et les glaciers qui sont en phase de crue changent chaque année. C' est ainsi qu' en 1897, nous avions à enregistrer des symptômes de crue pour les glacier de Stein, Rosenlaui, Grindelwald supérieur et Gelten; en 1898, pour Rosenlaui et Grindelwald supérieur seulement; en 1899, pour Gelten seul de nouveau; en 1900 enfin, pour Stein et Grindelwald supérieur.

En somme, ces glaciers semblent être dans une phase d' équilibre entre l' alimentation et l' ablation; mais pour la généralité des glaciers bernois, la décrue est manifeste.

Cette décrue se manifeste très irrégulièrement sur le glacier de l' Unteraar; elle varie là suivant les points, de 2 mètres à 88 mètres, ce dernier chiffre correspondant à l' endroit où l' Aar trouve son issue hors du glacier. Pour le Rosenlaui, la valeur du recul a été fixée par estimation; le glacier s' étant retiré jusqu' à un rocher inaccessible, on ne pourra faire de mesures exactes avant qu' il ne se soit avancé de nouveau, jusqu' au point occupé en 1899. L' extrémité du glacier supérieur de Grindelwald, subit chaque année de grandes modifications. Durant l' année écoulée, la partie médiane rongée par le ruisseau, s' est retirée, tandis que les deux ailes avançaient fortement. Au sujet de ce glacier, M. Marti, inspecteur forestier à Interlaken, relève le fait qu' un éboulement considérable a dû avoir lieu, il y a un certain nombre d' années, dans le gneiss des régions supérieures; aujourd'hui, les blocs provenant de cet éboulement sont arrivés au front du glacier et édifient une puissante moraine derrière laquelle s' est formé un petit lac glaciaire allant de la moraine au glacier. Le glacier inférieur de Grindelwald s' est rapidement retiré au fond de la-gorge où il s' écoule, et la masse de glace subsistant encore en dessous de la chute, n' est plus que d' une minime importance. M. Marti propose de mesurer dorénavant selon une ligne à choisir près ou en dessous de la Bäregg, et qui donnerait des résultats plus sûrs que ceux que l'on obtient en utilisant la langue du glacier, large de 15 mètres seulement dans la gorge. Le Tschingel détroit aussi d' une façon très irrégulière; la partie N. W. de la langue s' est tellement retirée, que les lignes mesurées ne touchent plus le glacier de ce côté. La partie S. W. en revanche s' est peu modifiée. Les glaciers de Gamchi et de la Blümlisalp, présentent sur divers points quelques symptômes d' al; simples changements de forme, peut-être. Il en est de même du Kanderfirn, dont l' extrémité est recouverte sur plusieurs points par la neige des avalanches, en sorte qu' on ne peut prendre des mesures très exactes. L' extrémité du glacier de Gelten forme maintenant un glacier mort, séparé du reste du glacier par un intervalle où la moraine profonde a été mise à nu par suite de la forte décrue du glacier, résultant de sa diminution d' épaisseur. L' état d' équilibre apparent du glacier, n' était donc réel que pour la longueur, son volume diminuait fortement par le fait de son affaissement. M. Christen, inspecteur forestier à Zweisimmen, fait observer, en outre, que cette diminution d' épaisseur existerait F.A. Forel, M. Lugeon et E. Muret.

aussi pour le Räzligletscher. D' après les gens du pays, on apercevrait maintenant par-dessus ce glacier une arête rocheuse ( Autannaz - Grat: Faverges ) qu' on ne voyait pas autrefois.

III.

Bassin de la Heuss.

A. Canton d' Uri.

Glacier.

Territoire.

Valeur de la variation. 1898. 1899. 1900.

Sens de la variation actuelle.

m m m Kartigel Was sen — 13 — 6 — 4 décrue Kehlefirn Göschenen pg — 28 décrue Wallenbühl — 19 —13 — 19 décrue Erstfeld n — 16 — 95 décrue Hüfi Silenen

— 13 décrue Bruniti n

— 6.5 décrue B.

Canton d' Obwalden.

Firnälpeli Engelberg + 144 — 9 décrue Grassen n

- 7 +1

— 28 décrueGriessen — 10 — 4?

IV. Bassin de la Linth.

Les glaciers de cette région qui sont en observation et sont situés sur le territoire du canton de Glaris — glaciers de Biferten et des Clarides — n' ont pu malheureusement être observés en 1900.

V. Bassin du Rhin.

A Canton des Grisons.

Glacier.

Territoire.

Valeur 1898.

de la variation. 1899. 1900.

Sens de la variation actuelle m m m Piz d' Err Tinzen — 6 — 111.50 décrue Zapport Hinterrhein 9 — 4 — 13 décrue Paradies

?

— 8 — 11 décrue Tambo Medels?

— 4 — 9 décrue Segnes Flims — 40 — 13 — 12 décrue Lenta Vais — 9 — 12 — 10 décrue Puntaiglas Truns9 — 16 — 4 décrue Lavaz Somvix?

?

— 11 décruePorchabella Bergün?

— 8 — 11 décrue Jori Klosters 0?

— 10 décrueScaletta Davos

30 décrueSchwarzhorn n

?

— 10 décrue Les variations périodiques des glaciers des Alpes.

Glacier.

Pizol Sardona Territoire.

B. Canton de St-Gall.

Valeur de la variation.Sens de la va- 1898.1899.1900. riation actuelle.

Pfäffers m — 75 m1.20 — 2.80 décruedécrueLa plupart des glaciers du bassin du Rhin sont situés sur le territoire des Grisons, de même que les glaciers des bassins de l' Inn et de l' Adda. Toutes les observations relatives à ces glaciers sont faites par les agents forestiers du canton et accompagnées de croquis à l' échelle du 1:1000 généralement, et très soigneusement exécutés. On y reporte également l' état du front du glacier lors des observations précédentes.

Dans les Grisons aussi la décrue est générale, car il ne faut pas attacher une trop grande importance à la crue du glacier de Muccia, qui n' avait pas pu être mesuré ces deux dernières années. Le glacier de Stabio viendra l' année prochaine s' ajouter à la liste des glaciers en observation. Le glacier de Tambo a dû s' affaisser, car on aperçoit sur le glacier, paraît-il, plusieurs pointes de rochers qui étaient encore enfouies dans la glace, l' année dernière. Les bords latéraux du glacier de Zapport se sont considérablement retirés, et les observations sur ces points devront être probablement abandonnées l' année prochaine.

M. le capitaine Ant. Brun à Flims ( S.A.C., section Piz Terri ) nous communique ses observations sur le Vorabgletscher, qui font suite à celles publiées en 1898. La décrue a continué; pendant ces deux dernières années du 20 septembre 1898 au 2 octobre 1900, elle a été de Repère occidental 25 mètres. „ du milieu 12.2oriental.... 22.7 „ La décrue a, d' après ces chiffres, été un peu moins forte que dans les deux dernières années 1897-1898, mais plus forte que dans ,les années 1887-1897 1 ).

VI. Bassin de l' Inn.

Glacier.

Territoire.

Samaden Pontresina Valeur de la variation 1898.1899.1900.

Sens actuel de la variation.

Rosegg Morteratsch ni

+ 8 — 12

m — 56

— 155 décruedécrue Glacier.

Territoire.

Valeur de la variation 1900.

Sens actuel de la variation.

Picuogl Lischanna Bevers Schuls m — 20

m — 2?

m — 16 — 12 décrue décrueAu sujet du glacier de Morteratsch ,'M .le Dr J. Coaz, inspecteur en chef des forêts nous communique d' intéressantes notes rétrospectives: „ Dans un article de souvenirs * ), nous trouvons une lettre du peintre W. Georgy au Dr Fréd. de Tschudi à St-Gall, écrite des bords du glacier de Morteratsch, et nous y lisons: „ Continuellement, jour et nuit, nous entendons les roulements et les chocs des pierres, grandes et petites, qui glissent de la haute moraine; ces pierres ne tarderont pas à avaler la cabane où nous habitons, quoiqu' elle soit recouverte d' énormes blocs de granit; mais elle n' est plus guère qu' à une lieue et demie du pied de la moraine, et le gigantesque glacier continue à s' accroître aussi bien en largeur qu' en longueur. Continuellement aussi, interrompu seulement par des silences de quelques minutes à peine, le tonnerre effrayant des déchirements de crevasses et de l' écroulement des séracs se fait entendre dans l' une et l' autre région du glacier. " Cette description me rappelle la correspondance que j' eus alors, en qualité d' inspecteur cantonal des forêts dans les Grisons, avec la commune de Pontresina au sujet de l' exploitation de quelques arolles au pied du Mont Pers sur la rive droite du Morteratsch. La commune demandait à les enlever avant que le glacier qui s' élargissait sur son flanc ne les eût enterrés sous sa moraine. Cela se passait en 1857, ainsi que je l' ai vérifié par une recherche auprès du président de la commune de Pontresina. En rapprochant ces deux faits, on arrive à la certitude que le glacier de Morteratsch était encore en crue positive et active dans les années 1856-1857 " 2 ). Cela est intéressant, car pour les autres glaciers des Alpes l' époque du maximum semble avoir été très généralement 1855 et 1856. Il y aurait là pour le Morteratsch un petit retard qu' il faut constater.

Glacier Placier.

Forno Palü VII.

Bassin de l' Adda.

Territoire.

Valeur de la variation 1899. 1900.

Sens actuel de la variation.

m m m Stampa — 12 — 20 — 13 décrue Poschiavo — 4 - 11 — 2.

so décrue Les variations périodiques des glaciers des Alpes.

VIII. Bassin du Tessin. A. Canton du Tessin.

Glacier.

Territoire.

Valeu ) 1898.

de la variation 1899. 19 70.

Sens actuel de la variation.

m m i n Corno Bedretto?

?

?

Lucendro Airolo — 3?

?

Casiletto Aquila?

?

Bresciana n — 2?

+

10 crueSassonero Peccia — 3 17 décrue Basodino Bignasco?

— 78 décrue Cav agnoli Cavergno — 5 — 4 — 13 décrue " ': ', .l'i B.

Canton des Grisons Muceia Val Misocco?

?

+ » crueStabio Val Calanca y y 1 posé des repères La crue du glacier de Bresciana est peut-être due au fait que l' extrémité du glacier est complètement recouverte d' une moraine assez épaisse, car le glacier s' est pourtant considérablement affaissé. Le Sassonero est maintenant complètement débarrassé de neige et de glace, en sorte que l' observation de cette année est plus exacte que les précédentes. L' énorme recul du Basodino doit être attribué à l' éboulement de glace signalé l' année précédente; toute cette glace a maintenant fondu.

Résumé.

Nombre de glaciers.

Bassin Canton En crue certaine probable En décrue probable certaine Ob-servês en Non observés 1900 Total en observation Valais! 2 2 25 30 5 35 Vaud2 5 7 0 7 Berne — 2 1 9 12 0 12 Uri6 6 0 6 Obwalden1 1 2 1 3 Glarus0 2 2 Grisons4 8 12 0 12 St-Ga112 — 2 0 2 Grisons2 2 4 0 i n2 2 i ) 2 n — 11 0 1 Tessin — 1 — 3 4 3 7 Rhône Aar Reuss Linth Rhin Inn Adda Tessin 11 82 11 93 F.Â. Forel, M. Lugeon et E. Muret.

En mettant ces données en regard de celles obtenues les années précédentes, nous arrivons au tableau suivant.

Année 1897 1898 1899 1900 Nombre de glaciers en crue certaine probable total Nombre de glaciers en décrue certaine probable total I 5 1 1 8 12 JL 36 10 46 7 12 45 7 52 9 10 44 19 63 6 7 61 14 75 Le nombre des glaciers en crue diminue d' une façon régulière et celui des glaciers en décrue augmente parallèlement: la phase de décrue générale persiste donc et s' accentue même d' année en année. Toutes les observations signalent en outre une tendance des glaciers à s' affaisser et à diminuer en épaisseur et en largeur, en sorte que rien ne permet de prévoir, pour un avenir rapproché, l' arrêt de cette décrue et une reprise de la marche en avant des glaciers.

Nous donnons ci-dessous le tableau des glaciers à allure critique, «'est-à-dire ayant montré durant ces deux dernières années soit un indice de crue, soit un changement d' allure.

Glaciers a allures critiques.

Bassin.

Canton.

Glacier.

Observation de 1899. 1900.

Rhône Valais Latschen décrue crueBaia cruedécrueZanfleuron décrue crueBoveyre crue crue Valsorey cruedécrueVaud Scex Rouge cruedécrueDard cruedécrueAar Berne Stein décrue crueOb. Grindelwald décruecrueGelten cruedécrueReuss Obwalden Grassen cruedécrueInn Grisons Morteratsch cruedécrueTessin Muccia?

crueTessin Tessin Bresciana?

crueNous n' avons donc comme l' année dernière qu' un seul glacier en crue certaine: celui de Boveyre dans le val d' Entremont, en Valais — toujours le même! Cette crue est indiscutable; de 1892 à 1900, ce glacier s' est allongé de 113 mètres.

Les variations périodiques des glaciers des Alpes.

Parmi les glaciers en crue probable, trois étaient en décrue certaine l' année dernière: Lötschen, Zanfleuron et Stein — ce changement d' al doit donc être confirmé par des observations ultérieures. Grindelwald supérieur était en 1899 en décrue probable; il ne s' agirait donc peut-être dans ce cas, que des variations tantôt dans un sens tantôt dans un autre, d' un glacier en réalité stationnaire. En ce qui concerne enfin les glaciers de Muccia et de Bresciana, l' incertitude sur l' allure des variations de ces glaciers durant les années précédentes, ne permet pas de s' appuyer sur eux, pour en tirer des conclusions. Attendons de nouvelles observations.

È. M. et F.A. F.

Feedback