A la cabane | Club Alpin Suisse CAS
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A la cabane

Remarque : Cet article est disponible dans une langue uniquement. Auparavant, les bulletins annuels n'étaient pas traduits.

La course au Mont Rogneux et au Grand Läget laissera à chacun un beau et grand souvenir, elle n' offre aucune difficulté sérieuse et n' est pas très longue grâce à la cabane Brunet. L' exposition nord du terrain permet d' y aller assez tard dans le printemps.

En bas, à Champsec, tout est en fleurs, la vie partout remue. C' est le renouveau qui vient. La course se finit par des chants et par un verre de cet excellent nectar valaisan qui met l' esprit en joie et du feu dans les yeux! 1 « Y a-t-il des mots assez vibrants de lumière pour exalter la beauté du jour? » Y a-t-il des skieurs qui n' ont pas encore entendu cet appel de la belle montagne au printemps et qui se cantonnent sur une piste étroite et limitée et qui ne connaissent pas encore le délice de la neige de printemps, des grandes nuits étoilées ou des bourrasques et de la tourmente et le charme d' une soirée en cabane? le bienfait de la vraie camaraderie que seuls l' effort et les peines communes peuvent donner?

J' ai entendu l' appel sublime de la montagne, je me suis laissé prendre par son irrésistible sortilège; elle a fait ma foi dans la raison d' être et la beauté de la vie, elle a forgé mon courage d' être heureux. C' est en elle qu' est ma joie et ma consolation.

« Je chante le printemps... !»

À la cabane.

Par Marc Juland.

C' était le soir, dans une cabane du Club, une simple cabane d' autrefois, datant de l' époque où l'on ne songeait pas encore à réclamer des sommiers pour nos lits de camp. La journée avait été dure, la grimpée rendue pénible par la lourdeur de l' atmosphère, une de ces journées au ciel chargé de nuages aux formes bizarres, galopant dans l' espace, et où l'on s' attend à chaque moment à voir éclater l' orage qui rendra problématique le retour sans bivouac.

Ils étaient là six compagnons, heureux d' avoir atteint le refuge sans trop d' encombre. Les uns, les plus résistants, assis à la table, dégustaient leur tasse de thé comme ils l' auraient fait d' un verre de cet excellent fendant que l'on s' efforce actuellement d' exiler des refuges. Les autres s' étaient affalés sur les paillasses, en train de se demander si leurs jambes consentiraient à les porter le lendemain jusqu' à la vallée, crainte bien vaine, mais qu' excusait la grande fatigue éprouvée ce jour-là. Et le lendemain, heureusement pour eux, ils étaient aussi dispos que les autres.

Une discussion s' était engagée entre les trois compagnons de table au sujet d' un passage difficile, franchi non sans peine dans la matinée; on se remémorait les conseils donnés par l' un ou l' autre, mais sans nulle aigreur, sans gronderie, car tous étaient bons camarades. Des dangers réels on en vint à parler des dangers imaginaires, de la terreur que les montagnes inspiraient autrefois aux habitants de la contrée, comme aux rares visiteurs, dangers grossis par les récits de ceux qui avaient « vu » les serpents de feu, les dragons ou les vouivres traverser les airs, qui avaient « entendu » les bruits, les cris, les rugissements. Puis ce furent les souvenirs personnels et la soirée se termina, comme le plus souvent les soirées de cabanes, par le récit d' aventures ou l' exposé des situations exceptionnelles dans lesquelles peuvent se trouver les alpinistes dans l' une ou l' autre de leurs ascensions. L' un des assistants cita un exemple de ce qu' il qualifia de « produit de son imagination surexcitée ». On a beau faire l' esprit fort, ne pas croire aux contes extraordinaires auxquels nos ancêtres reculés ajoutaient foi. Il survit cependant en nous comme un reste de crédulité enfantine, de la crédulité primitive des anciens habitants des pays de montagnes, celle qui renaît parfois, suivant les circonstances, après une grande fatigue, par exemple, si vous vous trouvez seul la nuit dans un refuge secoué par la tempête. Les ténèbres, le sifflement du vent ou son hurlement dans les gorges ou les cheminées de la montagne, la chute d' un sérac, les craquements du glacier, tous ces phénomènes qui vous laissent froid lorsque la lumière luit, ne sont pas sans vous causer quelque malaise lorsque l' obscurité vous entoure, que vous soyez sur le sentier ou dans un refuge.Vous vous remémorez les histoires de chevauchées fantastiques, les gémissements des damnés sur les glaciers qui, comme chacun le sait, sont le lieu de prédilection des pauvres âmes en peine. Et, pour appuyer ses dires, le narrateur raconta qu' une nuit ( il se trouvait seul dans un tout petit refuge ) il avait été persuadé d' avoir entendu frapper à la fenêtre et comme si quelqu'un rôdait autour de la cabane, tantôt glissant, tantôt sautant, tantôt frôlant les murs; il avait même entendu dis tinctement le frottement d' un corps contre la porte. Cette nuit-là, toutes les légendes, toutes les images de Doré, les tortures, les tableaux les plus épouvantables se présentèrent à son esprit. Et pas un moment il ne lui vint à l' idée de sortir, d' entr même simplement la porte pour se rendre compte de ce qui se passait. Ce n' était pas la crainte qui le retenait, c' était, disait-il, un sentiment bizarre, celui de ne pas vouloir se débarrasser de ces visions de son imagination. « Eh bien, mon cher ami, si tu avais mis seulement le nez dehors, dit l' un des auditeurs, tu aurais certainement vu ce que je vis une nuit en pareille occasion: un être poilu et cornu, qui n' était ni un diable ni un démon, s' enfuir en bondissant comme une vulgaire chèvre! Et, là-dessus, allons dormir! »

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