A propos de la question Paccard-Balmat | Club Alpin Suisse CAS
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A propos de la question Paccard-Balmat

Remarque : Cet article est disponible dans une langue uniquement. Auparavant, les bulletins annuels n'étaient pas traduits.

Dr H. DUbi.

C' est en vérité un grand honneur pour moi et une forte récompense du labeur que j' ai pris sur moi pendant de longues années, si je puis prendre la parole en cette journée mémorable qui est vouée à l' honneur du docteur Michel Gabriel Paccard. Je remercie très sincèrement le Club Alpin Français d' en avoir pris l' initiative. Permettez-moi de rappeler quelques souvenirs personnels. Le premier congrès international d' alpinisme auquel j' ai assisté a eu lieu à Genève en août 1879. C' est là que M. Henri de Saussure, petit-fils du célèbre professeur, dans un discours très documenté éleva la voix pour défendre la renommée du docteur Paccard contre les insinuations d' une légende qui menaçait de devenir classique. Il nous raconta qu' il avait trouvé dans les papiers de son grand-père des lettres et des notices qui prouvaient que le docteur Paccard était un caractère sympathique, un alpiniste de beaucoup de mérite et un homme capable de comprendre la mission de la science et de la poursuivre avec abnégation. C' est alors que je pris feu, que je devins un partisan du docteur Paccard et que je commençai à m' intéresser au Mont Blanc et à son histoire. Mais les souvenirs qui m' attachent à Chamonix remontent plus haut. Ce fut en juillet 1866 que je fis connaissance au fond de de la vallée de Lauterbrunnen avec M. Freshfield qui était accompagné de François Devouassoud de Chamonix et d' un porteur oberlandais. J' eus occasion de servir d' interprète entre Devouassoud qui ne parlait pas l' alle mand et le porteur qui n' entendait pas le français. Il s' agissait d' indiquer à François les sentiers qui menaient de l' auberge où nous avions couché jusqu' au pied de la Wetterlücke, col que nous allions franchir. Une fois au glacier, le Chamoniard nous guida merveilleusement dans une région où il n' avait jamais été et dans un passage qui avait été fait une seule fois auparavant. J' observais aussi l' amitié naissante entre un alpiniste et son guide favori, amitié qui a duré toute une vie et qui est un modèle du genre.

Je m' abstiens de retracer ici en détail les recherches que j' ai faites depuis 1908 pour éclaircir l' histoire de la conquête du Mont Blanc et du rôle que le docteur Paccard y a joué. J' ai eu le privilège d' être inspiré et soutenu par des connaisseurs très experts en cette matière, tels que D. W. Freshfield, H. F. Montagnier et Edward Whymper. Le nom de ce dernier vient évoquer encore un souvenir personnel. Ce grand alpiniste et investigateur d' histoire alpine a passé quelques heures sous mon toit à Berne à peine quinze jours avant sa mort, qui l' a frappé le 16 septembre 1911 à Chamonix où il repose. Dans les causeries intimes où Whymper développait tout son talent et sa verve presque juvénile nous parlions surtout de mon livre dont j' avais rassemblé tous les documents. Whymper qui s' était déclare impartial et avait demandé des preuves sûres se montra enchanté des trouvailles que nous avions faites et surtout du récit original et des dessins du baron de Gersdorf, témoin oculaire de I' événement du 8 août 1786. Il se réjouissait à l' avance de l' effet de ma publication. Mais hélas, il n' en fut pas ainsi. Mon livre dont l' édition unique est complètement épuisée, parut en 1913 à la veille de la guerre mondiale. Probablement à cause de cette crise il ne trouva pas l' écho que je me flattais qu' il méritait. Pourtant la vérité était en marche et jourd' hui la controverse Paccard-Balmat est close: une longue lutte est terminée par un état de choses où il n' y a ni vainqueur ni vaincu, mais seulement des convaincus.

Nous pouvons en tirer une leçon utile. Je suis absolument sûr que le 8 août 1786 Paccard et Balmat montaient et descendaient le Mont Blanc en bons camarades, animés d' un zèle égal et sans rivalité aucune. Mais presque dès le lendemain ces bonnes relations furent troublées et envenimées par un reportage intéressé, avide de sensation et peu scrupuleux. Voilà pourquoi je vous dis: Si vous êtes condamnés à faire de l' historiographie alpine, que ce soit comme rédacteur d' un annuaire d' un club alpin, comme auteur de guide ou simplement comme narrateur de prouesses alpines, méfiez-vous de la légende. Ayez horreur de la calomnie et donnez toujours raison à la vérité, car si jamais vous passez à côté d' elle cela finira à votre honte et confusion.

Un dernier mot à cette phalange de guides que je vois devant moi. Il ne m' a pas été donne de faire des escalades dans le massif du Mont Blanc, mais j' ai beaucoup de sympathie pour Chamonix et les Chamoniards et je suis heureux de constater que les belles traditions qui entourent la conquête du Mont Blanc ont continue jusqu' à nos jours.

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