Automne

Par J. Louis Maystre

L' automne pas à pas s' en vient prendre la place De l' été finissant qui doucement s' endort, Et pour peindre les bois il porte en sa besace Ses plus riches couleurs aux tons de cuivre et d' or.

L' artiste délicat met d' abord quelques touches Sur l' arbuste plus tendre et l' élégant bouleau; Puis forçant ses couleurs il pose d' autres couches Sur la masse des bois au gré de son pinceau.

Et lorsque sur le ciel la nature flamboie Et de tout son éclat fait vibrer l' horizon, Il arrête son œuvre et rayonne de joie Avant de s' enfermer dans l' arrière.

Mais il s' efforce encor de mettre son sourire Sur les derniers rameaux qu' en un jaloux désir Il laisse tout parés de l' ultime délire Des coloris ardents qu' il prodigue à plaisir.

Puis voici qu' un matin, sur les monts apparaît La candide blancheur de la première neige, Et dans le jeu du vent la harpe des forêts Mélodieusement fait chanter ses arpèges.

Octobre, accentuant ses teintes flamboyantes Achève le tableau que Septembre esquissa, Et Novembre fait choir les frondaisons mourantes Que la bise cruelle en se ruant froissa.

Les taillis et les bois étendent sur la terre

Le tapis rutilant des feuillages défunts

Qui font flotter dans l' air, comme un troublant mystère,

De furtives clartés et d' étranges parfums.

Le tapis merveilleux deviendra pourriture Mais les feuillages morts demeureront pourtant Un abri protecteur dans les temps de froidure Où s' élaboreront les splendeurs d' un printemps.

Die Alpen - 1944 - Les Alpes

L' automne à qui le plaint renvoie alors sa plainte. Ce n' est pas lui qui parle en cet écho lointain Mais c' est dans le secret qu' il redira sans feinte L' espoir du renouveau qu' il porte dans son sein.

Car le tableau que peint le grave et bel automne Est un hymne à la vie et chante à sa façon. Si mon cœur s' en émeut, si mon esprit s' étonne, L' artiste m' est plus cher: j' ai compris sa leçon.