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En exploration dans les cavernes du Höll-Loch

Remarque : Cet article est disponible dans une langue uniquement. Auparavant, les bulletins annuels n'étaient pas traduits.

Par André H. Grabet

Avec 3 illustrations ( 112—114Sion ) Dans la vallée romantique de la Muota, au cœur de la Suisse, existe une des plus grandes cavernes connues actuellement, le « Höll-Loch » — Trou d' enfer.

C' est vers 1875, qu' intrigué, dit-on, par l' intermittence d' une source, un certain Ernst Ulrich, intrépide chasseur et coureur de bois de Muotathal, s' enfonça dans un trou de la montagne, à la recherche de l' eau cachée dans les profondeurs de la terre. Il ne se doutait pas, alors, qu' il pénétrait pour la première fois dans un immense réseau souterrain. Par la suite, de nombreux explorateurs, en 1880, 1890, 1894, essayèrent de percer le mystère de ces grottes, mais ce n' est que depuis 1898 que des explorations systématiques, pendant plusieurs années, permirent d' atteindre certains points reculés, sans toutefois pouvoir reconnaître l' ensemble des réseaux. En 1902, une expédition dirigée par M. Widmer resta quarante-six heures dans la caverne et consacra ce temps à l' établissement d' un plan. Les années suivantes, une société belge entreprit d' aménager les premières galeries pour les rendre accessibles au public et, grâce à d' importants travaux, la lumière électrique fut installée jusqu' à environ 900 mètres de l' entrée; des escaliers, des ponts, des barrières furent construits. Malheureusement, en 1912, une forte crue de la rivière souterraine détruisit une grande partie des installations et, depuis lors, les quelques visiteurs parcourant le « Höll-Loch » sont guidés par un gardien qui s' éclaire au moyen d' une lampe à carbure.

Depuis quelques années, nousx nous intéressions à cette caverne, la lecture de divers articles et ouvrages publiés au début du siècle par quelques savants, Martel, Rahir, Egli, etc., avait excité notre curiosité et, en 1948, je décidais avec Orlando Granges, d' organiser des expéditions au « Höll-Loch » pour tenter d' explorer en entier ce monde souterrain. Aujourd'hui, après de nombreuses visites, trois semaines entières passées sous terre, plus de 380 heures de travail, nous sommes loin d' avoir relevé toutes les galeries et de nombreuses parties sont encore inexplorées. Nous ne sommes pas les seuls à nous être attaqués à ce problème, un groupe de spéléologues de Sursee, dirigé par MM. Moser et Sieger, a réussi au prix de longs efforts à atteindre un réseau qui se révèle important et qui est en cours d' exploration actuellement. Nous sommes en liaison avec ces personnes et les résultats de nos travaux sont mis en commun. Des Lucernois, sous la conduite de M. Hugo Nünlist2 effectuent également des recherches depuis 1949, malheureusement la collaboration que nous avons offerte n' a pu encore se créer.

1 Société Suisse de Spéléologie.

2 Voir Les Alpes n° 6, juin 1950, pages 222 et suiv., et mai 1951, pages 153 et suiv. Page 155 se trouve un plan détaillé mais incomplet des grottes; les secteurs explorés par M. Grobet et ses compagnons ni figurent qu' en partie.

Die Alpen - 1951 - Les Alpes20 Le 6 janvier 1951, nous arrivons à Hinterthal dans le but d' installer pour la troisième fois un camp souterrain, nous sommes sept, qui projetons de vivre six jours dans les grottes. L' emplacement prévu pour notre campement se trouve à 2350 mètres de l' entrée, soit à environ deux heures et demie de marche. Il s' agit de transporter un nombreux matériel, chacun est donc lourdement chargé, et il n' est pas aisé de cheminer pendant de longues heures avec des colis dont l' en est un obstacle pénible dans bien des passages. Cahin-caha notre petite troupe avance et atteint l' endroit du camp. Nous sommes fort satisfaits de nous décharger de nos sacs et de libérer nos épaules et reins endoloris; une bouteille d' excellent Fendant est la bienvenue et récompense nos efforts.

Nous nous trouvons dans une grande salle au plancher incliné, nous aménageons plusieurs terrasses qui recevront nos tentes, la cuisine, le dépôt des vivres, le matériel. Ces terrasses sont aplanies dans la partie supérieure de la salle, dans un renfoncement au sol marneux relativement sec. Tout en travaillant, les heures passent, il est temps de souper, et c' est là que notre camarade Exquis se révèle chef de grande classe, il ne manque même pas la salade au menu! Peu après tout le monde dort à poings fermés. Grâce aux matelas pneumatiques et aux sacs de couchage le confort est parfait sous les tentes.

Après un sommeil réparateur, nous sommes prêts à commencer notre première journée d' exploration. Je sors de mon abri de toile; l' effet est assez impressionnant; le contraste entre l' intérieur de la tente, chaud et lumineux, et la caverne, sombre et silencieuse, est presque angoissant. Tout est noir, derrière moi la tente est visible par l' éclairage qui s' y trouve, les voix assourdies de mes amis rompent seules le silence. Il fait humide et froid ( 6° C ); il faut quelques minutes pour se remettre dans l' ambiance. Il en sera de même chaque matin; de toutes ces heures passées sous terre, ce sera le seul moment légèrement désagréable.

Notre programme prévoit que deux groupes travailleront séparément. Le premier dont je fais partie, progressera dans des galeries entrevues l' année précédente et encore inexplorées, le second effectuera des observations diverses ( géologiques, thermiques, biologiques, etc. ) dans des parties connues.

C' est donc avec Exquis et Ruedin que je prends le départ, nos montres indiquent 9 heures. Comme nous ne savons pas quand nous serons de retour, nous emportons avec nous des vivres légers et concentrés pour nous sustenter pendant deux jours s' il le faut. Nous franchissons une étroite chatière et remontons une vaste galerie pour atteindre une très grande salle; un tapis concrétionné recouvre le sol et aux voûtes pendent des stalactites brillantes qui scintillent à la lueur de nos photophores à carbure. Nous ne nous arrêtons pas à examiner les lieux qui nous sont familiers; nous avons une grande hâte de rejoindre des parties inconnues, et nous avançons rapidement. A 10 h. 40 nous sommes à l' endroit où nous avions arrêté notre plan l' année précédente. Je sors de mon sac les appareils de mesure et nous continuons à progresser, beaucoup plus lentement maintenant, car la confection d' un relevé topographique, si l'on veut qu' il soit juste, ne permet pas la précipitation. A 12 h. 30, nous convenons de dîner, nous faisons halte à la jonction de deux galeries, le passage de la Persévérance, ainsi que nous l' avions désigné l' an précédent. Nous repartons à 13 h. 15; le cheminement devient difficile, la galerie que nous suivons est capricieuse et dans bien des endroits l'on ne peut avancer que sur les genoux quand ce n' est pas à plat ventre. Dessiner sur une planchette dans de telles conditions n' est pas un travail amusant et l'on se fatigue vite. Les heures passent, il nous semble avoir avancé de plusieurs kilomètres, bien qu' en réalité il ne s' agit que de quelques centaines de mètres. A 17 h. 10 nous nous trouvons dans un boyau étroit et très bas de plafond, le couloir Granges. Nous l' avons déjà reconnu auparavant, et nous remarquons aujourd'hui un endroit où la voûte semble s' être affaissée, des plaques rocheuses sont en équilibre instable et il faudrait peu de chose pour que, vu l' exiguïté du conduit, le passage se bouche. Que faire? On peut évidemment passer en rampant, mais une fois de l' autre côté, si le retour est coupé, pourrons-nous forcer le passage? Nous ne savons pas si le réseau que nous visitons est en liaison avec d' autres galeries permettant le retour; nos camarades, ne sachant pas exactement où nous chercher, pourraient perdre beaucoup de temps à nous atteindre, et là encore il faudrait une désobstruction presque impossible du fait du manque de place pour travailler. La prudence et la sagesse dictent notre conduite, Je dois dire que la décision de reculer ne fut pas prise immédiatement, il nous fallut de longs palabres pour opter en faveur du retour.

Nous sommes évidemment déçus, toutefois la caverne est assez vaste pour réserver des surprises ailleurs et cet abandon ne nous obligera pas à un retour immédiat au camp. Nous regagnons l' emplacement de notre dîner non sans compléter notre plan et non sans faire de multiples observations; nous relevons notamment la cheminée que M. Hugo Nünlist avait baptisée le « Burgverliess » ( l' oubliette ).

Il est déjà 21 h. 45, voilà douze heures que nous sommes au travail. Nous prenons une nouvelle collation avant d' aller en exploration dans un petit couloir s' ouvrant au nord de la galerie principale, non loin d' où nous sommes. Il ne s' agit que d' une reconnaissance, aussi laissons-nous nos sacs et partons munis uniquement du matériel de topographie. Nous rampons quelques mètres et arrivons sur la lèvre d' un petit gouffre circulaire de quelque quatre mètres de profondeur, facile à descendre en varappe. Un boyau étroit, ovoïde, s' ouvre au sud, nous le franchissons péniblement pour aboutir une fois encore au sommet d' un puits; Ruedin cherche à le sonder en laissant tomber des pierres, il ne paraît pas profond, mais une échelle est nécessaire. Exquis regagne nos sacs pour y prendre un agrès en électron que nous avons toujours avec nous; long de dix mètres, il nous rendra de bons services. Ce puits descendu, un troisième nous barre la route. Nous laissons une cordelette en rappel au gouffre que nous venons de descendre et plaçons l' échelle au-dessous de nous. Ce nouveau puits forme regard sur un couloir orienté nord-sud. Nous choisissons cette dernière direction, remontant une jolie galerie relativement spacieuse et propre. Le terrain est dépourvu de toute trace, nous sommes dans du « nouveau » et notre intérêt va croissant. Tout à coup, Exquis qui est en tête, s' exclame vigoureusement, reconnaissant le point terminus d' une exploration effectuée en 1950 en compagnie de Granges. Tout est clair pour lui maintenant, il n' y a qu' à suivre la galerie qu' ils avaient parcourue, en dresser le plan et regagner ensuite l' autre côté de l' éboulement qui nous avait arrêté quelques heures plus tôt.

Il est minuit passé et nous commençons à sentir la fatigue, mais Exquis nous annonce des splendeurs stalagmitiques, et cela nous redonne du courage. Toujours maniant planchette, boussole, chevillère et rapporteur nous progressons. L' aventure est palpitante, les concrétions sont de plus en plus belles, tout un monde pétrifié nous procure les joies réservées au spéléologue qui ne craint ni les longues marches, ni les escalades épuisantes, ni les reptations prolongées dans une multitude de passages de toutes formes et de toutes dimensions. Si la nature est belle sous les cieux ensoleillés, elle l' est aussi dans les profondeurs de la terre, et toutes beautés souterraines, témoins de travaux millénaires, les concrétions étranges, les lacs immobiles et sombres, les voûtes cyclopéennes et les ruisseaux bouillonnants sont un complément à l' esthétique de l' univers. Les visions qui se présentent aux yeux du spéléologue paraissent ne pas faire partie du monde commun, il semble se trouver dans des lieux appartenant à un autre âge; il prend conscience dans ces abîmes, entre ces tentures de pierre, au seuil de ces cavernes aux lacs endormis, devant les arabesques des fleurs de calcite, de la pérennité du monde, comme de la valeur de l' infiniment grand à l' infiniment petit. Mais que l'on me pardonne cette digression; reprenons le récit de notre exploration.

Effectivement, cette partie de la caverne cache des beautés que je me refuse à décrire, car il me faudrait user de trop de superlatifs et encore ne pourraient-ils rendre les merveilles que nous contemplons. Nous restons longuement arrêtés à nous réjouir le regard sur des finesses de travail effectué par l' infiniment lente percolation de l' eau, un ruisseau calcifié, blanc comme du lait, serpente entre deux berges de limon sec; aucune trace sur ce ru hy-pogée. Une série de stalactites et de stalagmites barre la route. Des formes étranges, diversement colorées, émerveillent nos yeux. L'on avance de surprises en surprises, toutes les curiosités du monde souterrain semblent s' être donné rendez-vous ici. Malgré nous nous cherchons des ressemblances à ce que nous voyons, l' homme est ainsi fait qu' il ne peut découvrir des choses merveilleuses sans chercher à établir des comparaisons et affubler de toutes sortes de dénominations plus baroques les unes que les autres, des splendeurs inégalées.

Il est 2 h. 15, et nous avons encore un cheminement pénible à faire jusqu' à notre point de départ en passant par l' écroulement qui nous avait arrêté; aussi, nous continuons notre avance laissant derrière nous retomber dans le silence éternel les étranges concrétions que nous avons eu le privilège de contempler. Nous allons maintenant dans un couloir extrêmement étroit et sinueux, nous marchons à quatre pattes et, depuis le nombre d' heures que cette position nous est imposée, nos genoux commencent à nous faire mal. Mon travail de topographe se poursuit non sans peine, je donnerai beaucoup pour en être déchargé, mais il faut qu' il se fasse et je prends courage. A 4 h. 40 nous arrivons à une bifurcation, nous connaissons déjà l' endroit pour y être venu en 1949, nous prenons un couloir ascendant, sachant que dans quelques minutes nous parviendrons à l' éboulement. Cette remontée nous donne le coup de grâce, il n' est possible d' avancer qu' en rampant, le boyau est raide et tortueux, il nous faut 50 minutes pour le parcourir, à 5 h. 30 nous effectuons la jonction.

Le retour fut sans histoire, le chemin, bien connu, n' offrant aucune vision nouvelle, c' est en dormant à moitié que nous regagnons notre camp où nous arrivons à 8 heures. Nous pensons y trouver nos camarades occupés à prendre le petit déjeuner, mais non, Verdan et Mlle Collini sont quelque part dans la région de la « Riesenhalle » en train de prendre des mesures thermiques, et Rossier et Schüler dorment à poings fermés sous leur tente. Quant à nous, sans demander notre reste, nous nous glissons dans notre sac de couchage et sombrons dans un profond sommeil.

Pensez-vous qu' après ces vingt-trois heures d' efforts constants nous pourrions dormir au moins une bonne nuit? Détrompez-vous, il reste encore tant à faire que nous nous contentons de sept heures. A 15 heures nous nous levons, le sommeil nous quitte, mais non les courbatures ni les douleurs aux genoux et aux paumes de mains!

Nous allons aujourd'hui descendre le « Riesengang » ou Chemin des Incas, puis examiner la possibilité de forcer un siphon qui le termine. Nous changeons les équipes, je partirai avec Ruedin, Verdan et Mlle Collini; Exquis accompagnera Rossier et Schüler à la visite de la Galerie des Huit-Cents mètres menant à la Persévérance; couloir magnifiquement concrétionné que nous avions découvert en 1950.

Avant de prendre le départ, nous nous sustentons convenablement d' un repas préparé par notre chef. L' humeur est excellente; croyez-moi, cette vie souterraine n' engendre ni la mélancolie ni l' ennui, c' est à celui qui dira la meilleure plaisanterie et s' il est vrai que le rire est digestif, aucun de nous n' aura de la peine à assimiler sa nourriture!

A 16 h. 50 nous partons, je gagne rapidement avec mon équipe la « Riesenhalle », et de là nous descendons le Chemin des Incas tout en relevant la coupe du couloir. Ce travail est facile, car le passage est spacieux, nous ne tardons guère à atteindre le siphon; ici la voûte est très basse et deux mètres en avant de nous elle plonge dans une eau sombre; il serait imprudent de s' im à la recherche du passage, et nous remettons notre projet à une autre fois, nous nous munirons alors d' un scaphandre. Mais, que vois-je? J' approche mon visage de la surface de l' eau et éclaire avec mon photophore. Des animalcules nombreux, blanchâtres, se trémoussent à quelques centimètres de profondeur, ils semblent dérangés par la lumière et cherchent à se cacher sous les pierres de la rive. Nous voilà tous quatre à plat ventre, cherchant à saisir l' une de ces bestioles; aucun doute, nous nous trouvons en présence de petites crevettes ( Niphargus puteanus Koch ). Certaines sont de belle taille, et nous réussissons à en capturer quelques-unes dont un spécimen de plus de 3 cm. de long. Le niphargus est un anthropode des cavernes, crustacé voisin de la crevette des ruisseaux. Sans être d' une grande rareté, l'on ne le trouve pas fréquemment, et nous sommes heureux de notre découverte. Nos échantillons sont mis dans des tubes de verre que j' ai pris avec moi; ils resteront quelques jours vivants.

Nous rebroussons chemin et explorons les diverticules qui partent à gauche et droite de la galerie principale, nous choisissons un couloir relative- ment large et décidons de le suivre. Nous progressons d' une centaine de mètres sur un sol spongieux qui doit être recouvert d' eau pendant les crues. Horizontal jusque là, il monte brusquement en se rétrécissant; au coude de la pente nous remarquons une fente en forme de bouche d' égout. Nous décidons de nous y enfiler et après une descente abrupte de quelques mètres nous sommes arrêtés par une nappe d' eau; surprise, un bruit lointain de ruissellement prouve que nous ne sommes pas devant un siphon, mais que la galerie continue plus loin. La fièvre de la découverte monte immédiatement, et sans plus attendre nous décidons d' aller chercher le canot pneumatique que nous avions déposé dans le Chemin des Incas. Il est 21 heures, nous mangerons quelque peu et partirons reconnaître notre découverte. Je dois dire qu' un peu de navigation n' est pas pour nous déplaire.

Une heure plus tard le canot est paré, et je pars en avant pour me rendre compte des possibilités de continuer. Magnifique, 15 mètres plus loin le couloir s' agrandit et la nappe d' eau est franchie. Nous établissons un va-et-vient, et une demi-heure plus tard nous sommes tous réunis sur la rive opposée. De là nous parcourons un couloir qui se rabaisse fortement et qui nous oblige à ramper dans une boue noirâtre et liquide ou grouillent des lombrics! Vraiment la spéléologie est un sport ou rien ne manque. Nous gagnons un nouveau lac, amenons le canot et ainsi de suite franchissons quatre nappes d' eau.

Je me trouve à la base d' une galerie ascendante, extrêmement boueuse; j' avise Ruedin d' avoir à me rejoindre et prie nos deux amis de nous attendre. Si dans deux heures nous ne sommes pas de retour, il se peut que nous soyons en difficultés, ils auront à aller chercher du secours auprès de nos camarades. A deux, cette fois-ci, nous partons rapidement dans un réseau totalement inexploré et inconnu jusqu' à ce jour. Une succession de grands couloirs, çà et là magnifiquement décorés de concrétions de calcite, se suivent, toujours en ligne générale vers l' est. Nous remarquons des stalagmites en forme de « piles d' assiettes », genre de pétrifications encore jamais rencontrées dans le « Höll-Loch ». Il y a déjà une heure que nous marchons, et les galeries se succèdent, toutes plus vastes les unes que les autres; si nous ne voulons pas que notre relais s' inquiète, nous devons faire demi-tour, bien à regret du reste. Ruedin a quelques ennuis avec son luminaire qui donne des signes de défaillance et nous n' avons pas de réserve suffisante d' éclairage avec nous. Nous laissons un papier avec nos deux noms et la date de notre découverte et regagnons la région des lacs, suivant le chemin que nous avions balisé en gravant des flèches sur la roche.

Nous entendons bientôt les échos d' un refrain bien connu qui nous font éclater de rire... Ah! s' qu s' en ici... Effectivement, deux heures de stationnement dans une galerie boueuse et humide, sur un îlot de quelques centimètres carrés, ne sont pas un plaisir très grand, surtout si l'on pense que la température n' excède pas 6° C et que les victimes sont trempées par leur navigation et leurs reptations.

Quelques heures plus tard nous étions au camp, bien heureux de pouvoir endosser du linge sec et manger chaud.

II y aurait encore beaucoup à écrire sur tout ce que nous avons observé et sur tout ce que nous avons fait dans cette caverne. Cela dépasse le cadre d' un simple récit. Je peux simplement ajouter que les journées que nous avons vécues sous terre restent gravées dans notre mémoire en un souvenir magnifique. Nous organiserons d' autres camps souterrains, et il nous faudra de très longues heures encore pour arriver, peut-être, à connaître entièrement cette immense caverne.

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