Evelyne Binsack | Club Alpin Suisse CAS
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Evelyne Binsack Porte-bonheur

Guide de haute montagne et aventurière

Mes parents m’ont donné cette chaînette en 1999, après ma première ascension de la paroi nord de l’Eiger pour la Télévision suisse. Mon père avait fait exécuter spécialement par le bijoutier du village le pendentif, un minuscule piolet avec une corde. Mon père est mort entre-temps, et la chaînette est le seul article de luxe dont il m’ait jamais fait cadeau. Il ne faisait aucun cas du luxe et n’était pas non plus prodigue de grandes déclarations. Il ne savait que montrer sa considération, pas la dire. L’importance de ce bijou tient pour moi à tout ce qu’il témoigne de pensées non exprimées. Je ne saurais pas citer de situations concrètes dans lesquelles ce collier m’aurait aidée. Je n’ai pas recours au mysticisme pour me tirer de situations difficiles. Je suis alors concentrée sur l’action et sur les solutions à trouver. Pourtant, je me sépare difficilement de ce colifichet porte-bonheur à qui je dois un sentiment général de bien-être. Ce collier me protège, ce qui tient certainement aussi aux bons soins que j’ai reçus de mes parents. Je me souviens cependant d’une aventure dans laquelle j’ai bénéficié du soutien d’un talisman : c’était en 2007, nous partions à trois pour une marche de 1 200 kilomètres vers le pôle Sud. J’avais déjà fait le voyage d’approche en 14 mois, à vélo et à pied depuis Innertkirchen. En plus de mon collier, je portais un chapelet reçu de ma marraine à l’occasion de ma première communion. Je l’avais fait bénir à Punta Arenas avant l’envol pour l’Antarctique. L’expédition au Pôle fut infernale. Mes batteries internes s’épuisèrent. Il y eut des situations où je pressentais que si je m’asseyais, je ne me relèverais plus. Je téléphonais par satellite à ma soeur et lui disais : « L a fin est proche ». Elle me comprenait. J’avais peur d’une effrayante silhouette noire que je supposais être la Mort. Elle ralentissait mon pas. Comme la menace venait du devant à droite, j’attachai le chapelet à mon poignet droit et je priai. Je portai ce talisman ainsi durant trois jours et repoussai devant moi la noire apparition. Et soudain, je remarquai lors d’une pause que le chapelet avait disparu ! Le vent et les mouvements l’avaient arraché de mon poignet. J’en conçus une grande irritation, mais la sombre menace semblait avoir été déjouée.

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