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Frissons sur les hauts de Montreux La via ferrata des Rochers de Naye

Depuis sa réalisation en automne 2007, la très athlétique via ferrata des Rochers de Naye offre aux amateurs de sueurs froides un terrain de jeu hors norme, à condition de disposer d' une condition physique à toute épreuve et de se munir de l' équipement adéquat. Sujets au vertige, s' abstenir!

La section Montreux du CAS profite en 2007 de la coïncidence d' un legs et de son centième anniversaire pour envisager l' équipement d' une via ferrata sur la face nord-ouest des Rochers de Naye. L' équipe Parc Aventure SA, dirigée par Jean-Claude Hefti et spécialisée dans l' aménagement de parcours équipés en plaine comme en montagne, est mandatée pour les travaux. La compagnie Montreux-Oberland-Bernois ( MOB ), qui exploite la ligne de chemin de fer entre Montreux et le sommet des Rochers de Naye, apporte son soutien aux « acrobates », en leur offrant les trajets et le logement le soir venu. Pour l' ébauche du tracé, on approche Claude Remy, grand connaisseur des lieux et ouvreur, en novembre 1982, de la voie qu' il baptisa Massacre de la Saint-Valentin dans la paroi nord-ouest, dont la via ferrata reprend en partie le tracé. Ici et là, on découvre d' ailleurs quelques spits condamnés et d' anciens pitons.

 

Démarré à l' automne 2007, l' aménagement de la via ferrata dure un mois. 450 mètres de câbles et environ 600 points scellés accueillent les amateurs de vertige dès 2008. Le succès ne se fait pas attendre, et plusieurs ingrédients y concourent. La vue, dont on profite aux quelques points de repos, ne saurait laisser indifférent: le Léman, visible dans sa quasi-totalité, les sommets préalpins et le Plateau, puis une fois le terme de la via ferrata atteint, un panorama de 360 degrés qui n' a rien à envier à d' autres sommets plus élevés. Le tracé, audacieux, fait vite parler de lui. Les éloges se multiplient sur Internet, le bouche à oreille faisant le reste. On parle déjà de « la plus belle via ferrata de Suisse, voire au monde ». La difficulté du parcours ne saurait néanmoins être passée sous silence. Le vide omniprésent et les exigences physiques soutenues rebuteront les débutants et pourraient surprendre les plus aguerris. Mieux vaut arriver au pied de la voie en bonne condition! Les difficultés apparaissent dès le départ, ce qui a l' avantage de clarifier tout de suite la situation. L' échappatoire possible au trois quarts environ de l' itinéraire permet, en cas de mauvais temps ou de fatigue avancée, d' éviter le dernier tronçon. Si la forme le permet, on n' hésitera toutefois pas à poursuivre, car le meilleur a été gardé pour la fin.

 

Au moment de choisir entre les deux variantes, on découvre un panneau mentionnant la fermeture de la partie terminale du 1er mai au 1er juillet pour éviter de déranger des oiseaux en période de nidification. On touche ici à une partie sensible liée aux ouvertures d' itinéraires en montagne. Pro Natura et le WWF avaient fait opposition suite à la demande de permis de construire. On déplorait entre autres le manque d' informations relatives à l' impact du projet sur le paysage, la faune, en particulier avicole, et la flore. Le site choisi semblait particulièrement sensible, puisque classé à l' Inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels d' importance nationale ( IFP ). Les nombreux aménagements en place dans la région ( ligne de chemin de fer, téléskis ) ne devaient pas en appeler d' autres aux yeux des défenseurs de la nature. De plus, la paroi envisagée, froide et mal orientée selon les opposants, ne recevait que peu de visites malgré ses quelques voies d' escalade.

 

L' amateur d' activités en montagne est donc appelé à faire preuve de respect en n' ignorant pas la fermeture du tronçon final. La vue d' un tichodrome, petit joyau des falaises se hissant sans peine au long d' une paroi dont on recherche les faiblesses pour gagner difficilement quelques mètres, ne peut qu' émerveiller. Qui d' autre qu' un grimpeur ou un ferratiste pourrait déranger ce noble volatile en ces lieux d' accès malcommodes? Bien que classé comme non menacé, on craint que les dérangements liés aux activités de loisirs sur les falaises ne conduisent à sa régression. On estime les effectifs helvétiques entre 500 et 1000 couples. Chaque printemps, ils reviennent sur leur territoire de reproduction. Le mâle propose des cavités pour le nid. Le choix revient à la femelle, qui pond de trois à cinq œufs entre mai et juin. En quête d' approvisionnement durant la période de couvaison, le mâle remonte les falaises en grimpant ou en volant brièvement, et cherche sa nourriture dans les anfractuosités. Au terme de son « ascension », il se laisse tomber dans le vide tel un base-jumper, ailes repliées, puis reprend son exploration plus bas. Dans notre basse condition d' humains attachés à des câbles de ferraille, comment pourrions-nous ne pas respecter un si bel oiseau?

 

Les hard rockeurs de Led Zeppelin avaient intitulé une balade devenue célèbre Stairway to heaven. Sa mélodie revient à l' esprit au moment d' aborder ce raide « escalier vers le ciel » qu' est le dernier mur de la via ferrata des Rochers de Naye. Les ouvreurs furent bien inspirés et trouvèrent là une ligne idéale pour terminer en beauté un itinéraire hors norme. Hard rock, le qualificatif siérait à merveille à la via ferrata elle-même. Ici, on aborde du dur, cela ne fait aucun doute! 

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