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Haute Route grisonne

Remarque : Cet article est disponible dans une langue uniquement. Auparavant, les bulletins annuels n'étaient pas traduits.

Par Francis Morand

Avec 5 illustrations ( 126-130Section Monte Rosa ) Nulle part mieux qu' à la montagne le proverbe « l' homme propose et Dieu dispose » ne trouve meilleure application. Lorsqu' en 1947 nous avions dû abandonner, enfouis dans un mètre et demi de neige fraîche, notre projet de relier St-Moritz à Saas-Fee par une Haute Route touchant Andermatt et Grindelwald, nous nous étions juré de le reprendre au lieu d' interruption, Hinterrhein.

Les deux hivers suivants la neige faisait défaut; en 1950, Robert Schœfer, notre chef de course et pilier économique de l' expédition, était renversé par un de ses élèves et finissait l' hiver un pied dans le plâtre; l' an passé, c' était au tour de Louis Leduc, notre cinéaste, d' entrer à l' hôpital.

Cette année enfin, l' équipe était au complet et bien en forme, l' enneige favorable, tous les espoirs étaient donc permis. Mais il fallut déchanter, la semaine précédant la date fixée pour notre départ fut riche en tribulations de toutes sortes. Notre effectif fondait, c' était un deuil, des jambes cassées, du manque de forme et, comble de malheur, à deux jours du départ, Louis Leduc se voyait interdire le ski par son médecin. Notre départ semblait à jamais compromis, car nous ne pouvions, au pied levé, trouver un remplaçant pour filmer.

A la dernière minute, la chance voulut bien nous sourire, en la personne d' un jeune clubiste de la section des Diablerets, André Groux, qui put se joindre à nous comme cameraman.

Départ Le 10 avril, par un matin tiède de printemps, nous nous retrouvons à la gare de Lausanne, cette fois il n' y a plus de doute, on part. Jusqu' à Thusis c' est un voyage long et sans histoire; à notre descente du train de l' Engadine, nous avons le plaisir d' apprendre que, grâce à l' amabilité du service des' automobiles postales, nous aurons un car spécial qui nous permettra d' at Hinterrhein avant midi déjà. Au passage nous admirons les gorges de la Viamala et, à la bifurcation des routes à Rofflaschlucht, André Guinand, un rescapé de l' expédition avortée ici en 1947, pousse un vivat en l' honneur de celle qui commence et qui doit réussir, c' est le vœu de tous. A Hinterrhein nous mangeons rapidement à l' auberge de l' endroit et partons sans tarder pour la cabane Zapport. La montée est pénible en raison des nombreux cônes d' avalanches à franchir et de notre nuit sans sommeil. Nous arrivons enfin à cette cabane perchée sur un rocher que l'on doit atteindre en traversant des pentes très raides. C' est sans se faire prier qu' après souper chacun gagnera les couchettes, sur lesquelles, malgré le foin moisi, Morphée étendra un voile épais.

1 Voir Les Alpes, décembre 1947. Die Alpen - 1952 - Les Alpes28 Rheinwaldhorn Ayant récupéré tant bien que mal, nous quittons au lever du jour cette cabane ancien style pour nous engager sur le vaste plateau bien digne de donner le jour au Rhin. La neige est dure, et nous pouvons atteindre à pied le sommet du Rheinwaldhorn. Un fœhn violent souffle, et les brumes passent en s' effilochant sur la croix de fer du sommet. Groupés à l' abri du cairn nous attendons frigorifiés la fin des prises de vues pour dévaler vers nos skis et une température plus clémente. La descente jusqu' à la cabane Adula, mille mètres plus bas, est splendide, la neige excellente, et c' est en quelques minutes que nous y arrivons. Nous y faisons un arrêt prolongé au beau soleil du Tessin.

Quand nous repartons en direction d' Olivone, par le Val Carassina, nous trouvons une neige très ramollie, mais glissant bien; la pente est douce, ce qui nous repose de la descente rapide du Rheinwaldhorn où nos muscles ont été mis à rude épreuve. Après la cascade qui, du Val Carassina, tombe sur l' alpage de Compieto, nous devons enlever les skis et dévaler un chemin très raide, caillouteux et encombré d' arbres abattus. Plus nous descendons, plus la chaleur augmente, et c' est littéralement desséchés que nous nous précipitons sur la petite fontaine voisine de la jolie église d' Olivone.

Notre stationnement pour la nuit est prévu à la cabane Dotro, et les trois heures de marche pour l' atteindre ne nous enchantent guère, aussi nous frétons un taxi qui nous conduira bien haut sur la route du Lukmanier. Le peu de chemin qu' il nous reste à faire pour arriver à Dotro, genre de mayen valaisan, est très bon et la nuit est belle, nous y arrivons donc sans peine.

Cette cabane du Ski Club de Lugano est très bien aménagée et confortable. Le gardien a cette gentillesse méridionale qui fait le charme de l' hos de nos amis tessinois. Il nous prépare un fameux risotto que nous arrosons d' un excellent rouge du pays.

Andermatt La journée ayant été dure, notre départ le lendemain s' en ressentira; nous marchons mal et perdons du temps, si bien qu' au lieu d' aller à la cabane Cadlimo pour monter au Piz Borel et descendre sur Tschamutt, nous devons modifier notre itinéraire et raccourcir cette étape. Par le Col du Lukmanier nous gagnerons Disentis. La neige sur le versant nord du col est nettement mauvaise en raison du fœhn, et nous ne pourrons pas descendre très bas. En cours de route j' avise un poste SOS de l' ACS et commande une auto qui viendra nous chercher à Acla, nous épargnant ainsi 10 km. de marche. Des camarades partis en avant, et qui ignorent mon téléphone, poussent des hourras en voyant arriver cette voiture. En deux voyages nous sommes bientôt tous réunis devant le petit mais charmant buffet de gare de Disentis où nous attendons le train pour l' Oberalp.

Tout au long de la ligne nous admirons les belles descentes de la région, celle qui de l' Oberalp par l' alpe Tiarms et Cuolm Val descend sur Rueras, celle aboutissant à Tschamutt depuis le Piz Borel que nous aurions dû faire, le Gemsstock et sa non moins belle pente de 1600 m. Il faudrait rester au moins une semaine à Andermatt pour en épuiser toutes les possibilités.

A Nätschen des camarades de l' Ecole de ski d' Andermatt nous attendent, et nous pourrons faire ensemble, sans dédaigner le ski-lift, des descentes depuis le Gütsch; malheureusement la partie inférieure de la piste a été dévorée par le fœhn, et c' est en sautant d' une plaque de neige à l' autre que nous arrivons dans la belle station uranaise. Nous n' avons, hélas, que peu de temps pour apprécier la réception-surprise que notre collègue Gottfried Wenger nous a préparée, et il nous faut courir au train pour Realp.

Galenstock Un bon souper et une nuit dans un bon lit font que nous repartons pleins d' entrain. Le fœhn a diminué d' intensité et le beau temps se met résolument de la partie. Pour éviter des marches de flanc nous gagnerons Tiefenbach et de là emprunterons le chemin d' été de la cabane Albert Heim où, pour les besoins du film, nous ferons un court arrêt. Au fur et à mesure que nous nous approchons de l' arête terminale, notre volonté de faire la traversée du Galenstock faiblit, et lorsque nous atteignons l' arête nord par le chemin d' été, nous sommes bien contraints de convenir que vu l' équipement par trop hivernal de certains participants, des passages sur l' arête rocheuse verglacée leur sont interdits. Le transport des skis sous un fœhn qui souffle de nouveau violemment présente également un problème ardu. Finalement, ne voulant pas scinder l' équipe en deux, nos deux guides Alphonse Supersaxo de Saas-Fee et François Aviolat de Lausanne placent rapidement une main courante de 90 m. qui nous permet, sans retourner au Tiefensattel, de descendre sur le versant ouest de l' arête. Une fois la rimaye franchie, nous chaussons les skis pour une magnifique glissade jusqu' au Glacier du Rhône.

Après un arrêt prolongé au milieu de ce cirque merveilleux, nous reprenons notre descente par la rive droite du glacier pour aller rejoindre le chemin du Nägelisgrätli qui nous conduira au Col du Grimsel. Cette traversée est très jolie à ski, mais vu l' heure tardive la neige est cartonnée et nous incite à la prudence. La nuit est là lorsque nous descendons le plan incliné du col.

L' hospice du Grimsel étant fermé, c' est le gardien du barrage qui nous reçoit et nous ouvre sa maison; son épouse nous est précieuse pour la préparation du souper, et si ce n' était l' heure matinale prévue pour notre départ ., nous aurions sûrement prolongé la soirée en si sympathique compagnie.

Cabane du Finsteraarhorn Au point du jour nous descendons sur le lac artificiel par une neige très dure, car le fœhn est définitivement tombé; il fait grand beau, et nous nous éparpillons gaiment sur cette grande surface plane. A l' autre bout du lac nous voyons poindre un autre groupe de skieurs venant de la cabane Lauteraar et conduit par un de mes camarades de service, Sarbach. Comme ils sont également onze et que c' est le lundi de Pâques, l' un des nôtres suggère de jouer la finale de la Coupe, et c' est dans la formation d' une équipe de football en pleine action que nous continuons notre marche.

La pente raide de neige très dure qui conduit à l' Oberaar mettra fin à nos plaisanteries, et arrivés près des grandioses installations de chantier du futur barrage nous ferons une pause prolongée avant d' attaquer le gros morceau de la journée, la montée à l' Oberaarjoch.

Cette longue ascension s' effectue sous un soleil ardent; la marche est cadencée et silencieuse. A chaque arrêt oranges, gourdes, citrons sont exhumés prestement des sacs. Arrivés au col nous grimpons sans tarder à la cabane pour y faire une quantité industrielle de thé de menthe.

Lorsque nous reprenons la montée vers la cabane du Finsteraarhorn le soleil se retire de la compétition; nous ne faisons rien pour le retenir.

Notre arrivée à cette cabane est marquée par un regrettable incident: le colis de ravitaillement que nous avions envoyé au Jungfraujoch à l' adresse du gardien de la cabane ( qui s' était chargé du transport ) n' est pas là. Nous ne pouvons cacher notre désappointement, et notre conversation rapportée au gardien par un de ses amis provoque son ire, il martèle la table de violents coups de poing et va jusqu' à jeter le thé qu' il avait préparé à notre intention. Il me prend violemment à partie dans un langage ressemblant assez peu à celui de Gœthe. Ne voulant pas poursuivre le dialogue, je laisse passer l' orage, ignorant d' ailleurs si le colis est bien arrivé au Jungfraujoch.

Du fond des sacs nous sortons tous les soldes de pique-niques, un touriste en partance nous vend ses provisions, si bien que nous pouvons faire un léger souper. Demain, n' étant pas retenus par un copieux déjeuner, nous avancerons le départ. Au matin, le gardien continue à manifester sa mauvaise humeur en laissant éteindre le feu et en jetant l' eau chaude laissée par le guide Fuchs de Wengen qui accompagne deux touristes. C' est donc sans regrets que nous quittons à la pointe du jour cette inhospitalière cabane.

Grindelwald La vue grandiose et le temps magnifique nous font vite oublier ces petits ennuis; tout au long de la journée nous regretterons seulement les oranges qui nous attendent au Jungfraujoch. Au pied de l' arête rocheuse du Gross Fiescherhorn, nous laissons les skis et grimpons rapidement au sommet où nous jouissons d' une vue sans égale.

Pour activer la descente sur l' Ewigschneefeld, nos guides placent 120 m. de main courante; l' opération se passe très bien, sauf pour un bâton qu' il faudra aller chercher à 10 m. dans la rimaye. Très jolie descente jusqu' au plateau glaciaire, puis remontée d' une heure jusqu' au Unter Mönchsjoch. Là, hésitations; sur l' itinéraire établi j' avais prévu le passage par la Berglihütte, mais ensuite de renseignements obtenus la veille nos guides sont peu enclins à s' y engager. Fort heureusement, des traces, faites je crois par le guide Fritz Steuri, nous feront finalement opter pour la Bergli, nous pourrons faire ainsi la plus belle descente de notre traversée.

Tout au long de cette descente, où même les plus blasés ne cessent de s' extasier, nous mourrons de soif, et ceux qui parlent d' oranges se voient fusillés du regard. Lorsque au bas du Glacier inférieur de Grindelwald nous enlèverons les skis pour prendre le chemin de la rive droite, se sera une course effrénée vers le petit restaurant; mais nous avons pu constater une fois de plus qu' il est possible de réaliser un très gros effort avec pour seul ravitaillement des Ovosports et des fruits secs.

Alerté par téléphone, le propriétaire de l' Hôtel Terminus vient nous chercher avec sa voiture, et ainsi c' est relativement peu fatigués mais plutôt affamés que nous arrivons à Grindelwald. Connaissant notre mésaventure, on nous y servira un copieux souper, et le lendemain nous trouverons sur la table du petit déjeuner des montagnes de petits pains que nous ferons vite disparaître.

Nous passons une agréable soirée dans cette ancienne et réputée station de 1' Oberland bernois. M. von Bider, directeur du Kurverein, nous offre la verrée à la Pinte, où nos jeunes guides sont fiers de faire la connaissance de leur aîné, Emil Steuri, gloire de la génération précédente.

Kleine Scheidegg-Jungfraujoch en voiture!

Le lendemain sera pour nous une journée de récréation: descente du Lauberhorn, excellent dîner au Grand Hôtel Scheidegg où Fritz von Allmen nous reçoit comme il en a le renom, sieste au soleil sur cette terrasse connue dans le monde entier, de vraies vacances... que seule l' heure du départ pour le Jungfraujoch viendra interrompre.

Au cours de la montée, à chaque arrêt nous jouons les touristes étrangers et nous précipitons aux fenêtres pour admirer la vue, tout spécialement celle d' Eismeer qui nous permet d' admirer le dédale de crevasses que nous avons traversé la veille.Vus d' en haut les glaciers sont nettement plus engageants, mais plus trompeurs aussi.

Au Jungfraujoch nous récupérons notre colis bien arrivé à la date fixée, mais rien n' est perdu, car il servira à notre ravitaillement à la cabane Concordia où nous arrivons au coucher du soleil. A peine poussée la porte d' entrée du refuge, ne voulant pas m' attirer les mêmes ennuis qu' à la cabane du Finsteraarhorn, je me précipite sur le gardien, lui serre vigoureusement la main en étalant toutes mes connaissances en allemand. Ce n' est qu' un moment plus tard que nous apprenons que ce n' est pas le gardien; douce hilarité dans l' assistance.

Cette cabane est dans un ordre parfait et très accueillante, placée au centre d' une région où il y a tant de possibilités pour les skieurs que c' est à regret que nous la quitterons le lendemain pour descendre le vaste Glacier d' Aletsch. Pour mieux nous rassasier du paysage fantastique, nous ferons cette descente par petits tronçons et à vitesse réduite. A un tournant de ce fleuve de glace, dans le lointain apparaissent le Weisshorn, le Cervin, le Mont Rose légèrement voilés de brumes: modestie de grands seigneurs.

Bientôt il nous faut quitter le glacier pour gagner la Riederalp en traversant de flanc la belle forêt d' Aletsch, où le printemps s' est déjà installé. Nous sommes très bien reçus à la station terminus du téléférique qui, en douze minutes, nous déposera à Mœrel. Dans la plaine la température plus que printanière nous surprend, les vergers ne sont qu' un bouquet de fleurs.

Pendant que chacun lutte de son mieux contre la déshydratisation, je prends contact avec des collègues du CAS de Brigue pour trouver un moyen de transport jusqu' au Col du Simplon. Lorsque nous débarquons du train à Brigue, nous trouvons Anton Escher, le sportif bien connu qui, délégué par le président Kämpfen, se trouve prêt avec deux voitures à nous transporter jusqu' à Schallbett. Personne n' en revient d' une telle promptitude, et c' est en chantant que nous filons à vive allure vers le Simplon, notre avant-dernière étape. Au passage nous pouvons admirer les efforts des ouvriers pour rendre à la circulation cette artère internationale et le chasse-neige qui grignote un cône d' avalanche. Avant d' arriver à l' hospice du Simplon où, grâce à l' ama de messieurs les chanoines du Grand St-Bernard, nous pourrons passer la nuit, nous filmons au passage le grand aigle de la brigade de montagne 11 qui se détache sur le Monte Leone coloré par le soleil couchant.

Saas-Fee Notre dernière étape comportant plus de 2000 m. de montée, le départ est fixé à 4 heures du matin. Par une neige très dure nous descendons en direction de Simplon village jusqu' au pont de Riederalp. La neige portant bien, c' est partie à ski partie à pied que nous atteignons le Sirwoltesattel. Au cours de la marche de flanc pour atteindre la face nord-ouest du Fletschhorn, Frédéric Jseklé, de Neuchâtel, fait un faux-pas, tombe et se luxe l' épaule; comme il est fortement musclé, il nous faudra de grands efforts à cinq pour remettre son épaule en place. Un transport à cet endroit aurait exigé des heures. On ne saurait trop recommander aux guides et instructeurs de skis d' avoir des notions de rebouteur, car sans les connaissances de la victime elle-même je ne crois pas que nous y serions arrivés. A peine son épaule en place, Jœklé fait preuve d' un cran admirable, il saute sur ses pieds et remet entre ses dents son inséparable rhododendron. La montée du glacier dans la face nord-ouest du Fletschhorn est très raide, et c' est avec passablement de retard que nous arrivons sur la selle d' où il nous sera possible de descendre vers la cabane Weissmies.

La neige tombe en rafales; le beau temps, fidèle compagnon jusqu' ici, va-t-il nous quitter? Seuls quelques endurcis veulent à tout prix faire l' ascen du sommet, mais une fois de plus le groupe ne se scindra pas, d' ailleurs une descente de 2000 m. de dénivellation nous attend, qu' il vaut mieux faire de j our. Derrière Alphonse Supersaxo, qui subit l' attraction de son village, nous descendons prudemment, car outre le danger des crevasses il y a nos jambes qui commencent à donner des signes de fatigue. Le couloir très rapide qui est la clé de cette descente est en très bonne condition; toutefois seul Supersaxo, en connaisseur des lieux, peut le prendre dès le haut en christianias, les autres, pour les premiers virages, pratiqueront le vieux et fidèle « Chambrelien ».

Après un bon arrêt à la cabane Weissmies, nous reprenons la descente, mais maintenant la neige est nettement pourrie et à tour de rôle nous faisons des chutes spectaculaires dont nous ne pouvons nous relever par nos propres moyens. Utilisant les plus minces plaques de neige nous ne déchausserons nos skis qu' à une petite demi-heure de Saas-Grund. A part l' accident sans gravité de Jœklé, notre randonnée se termine bien, et c' est fatigués mais souriants que nous arriverons dans la soirée à Saas-Fee.

Nous tenons à fêter notre réussite par une raclette, mais malgré notre désir de prolonger la soirée nous ne tardons pas d' aller sombrer dans un profond sommeil dans les magnifiques lits sculptés de l' Hôtel Allalin.

Avant de quitter Saas-Fee sur qui les glaciers de l' Allalin et de l' Alp brillent de tous leurs feux, nous voulons manifester, à la manière nordique, notre admiration à Mme Grogg-Cérésole qui, malgré des efforts bien au-dessus des forces féminines, a tenu jusqu' au bout de cette longue randonnée.

Conclusions Après avoir surmonté pas mal de difficultés nous avons enfin pu réaliser notre grand projet qui était de relier St-Moritz à Chamonix par une Haute Route praticable à des skieurs moyens, sous la conduite de guides naturellement. Un film en retrace les épisodes mieux que je n' ai su le faire et sera, nous l' espérons, un bon moyen de propagande pour le tourisme hivernal, aboutissement naturel de l' enseignement du ski donné sur les pistes de nos stations d' hiver.

Cet itinéraire peut être subdivisé en trois grandes parties:

1° De St-Moritz à Andermatt, parcours facile avec comme point culminant le Rheinwaldhorn, 3406 m ., et sa belle descente sur Olivone. Toutefois il sera préférable de coucher à Olivone plutôt que de remonter à la cabane Dotro et le lendemain se contenter d' aller jusqu' à la cabane Cadlimo. Le jour suivant faire l' ascension du Piz Borel et descendre sur Tschamutt, qui est une des jolies descentes de la région.

2° D' Andermatt à Saas-Fee, parcours offrant déjà plus de difficultés avec comme point culminant le Gross Fiescherhorn, 4046 m ., et deux autres sommets intéressants: le Galenstock, 3583 m ., et le Fletschhorn, 3996 m. La descente sur Grindelwald par la Berglihütte est une des plus belles de Suisse. De Riederalp, en cas de manque de neige, on descend en téléférique à Mœrel en douze minutes. De Simplon à Saas-Fee l' étape est longue, mais la descente du Fletschhorn à Saas-Grund par la cabane Weissmies en vaut largement la peine.

3° De Saas-Fee à Chamonix, c' est la classique Haute Route aux divers itinéraires. La variante que nous avons faite par le Col du Sonadon, Grand St-Bernard, Col de Fenêtre, Col de la Grande Luis, Fenêtre de Saleinaz, Col du Tour est la plus longue, mais des plus intéressantes. La clé est le Col du Sonadon qui a droit à certains égards.

En règle générale, l' expérience nous a prouvé qu' il était pratiquement impossible d' organiser de telles traversées à date déterminée, fixée longtemps à l' avance ou tombant par exemple sur les congés de Pâques. Il faut une chance particulière, comme celle dont nous avons été gratifiés cette année, pour pouvoir réaliser sans interruption l' un de ces tronçons.

A mon avis il faudrait pouvoir attendre à l' une des stations que les conditions atmosphériques et surtout de neige soient favorables pour prendre le départ et ensuite ne pas être tenu par un horaire strict et pouvoir au be- soin prolonger un arrêt. A moins de bénéficier de vacances d' une durée quasi illimitée, je ne vois pas la possibilité de pouvoir réaliser cette traversée en un même hiver, sauf pour ceux animés uniquement de l' esprit de record et qui feraient fi des paysages grandioses que traverse cette « Voie Alpine » unique au monde.

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