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Joies du ski au pied des Dolomites

Remarque : Cet article est disponible dans une langue uniquement. Auparavant, les bulletins annuels n'étaient pas traduits.

Albert Schmidt, Engi

Sur la Haute-Route des Dolomites ( Photos 4 à g ) Dimanche 13 mars 1977. Nous avons quitté tôt ce matin le hameau de Bellamonte et roulons à travers un paysage hivernal en direction du Passo di Rolle. Nous sommes trois, deux Glaronais et un Bernois. Les conditions sont encore hivernales, la route elle-même est couverte de neige, mais nous avons monté les chaînes et prenons nos virages sans histoire, tandis que les nombreux Italiens que nous dépassons restent bloqués et gesticulent tant et plus. Le mauvais temps des deux derniers jours a apporté plus d' un mètre de neige fraîche, transformant les vastes forêts tout autour de nous en un pays de conte de fées. Les derniers bancs de nuages Photo: L. Gensetter, Davos et de brouillard se dissipent, et, à notre arrivée au col, un ciel d' un bleu éclatant s' étend au-dessus des dents et des tours sombres de la Pala. A ses pieds, un tapis blanc scintillant recouvre le paysage vallonné qui se peuple rapidement de skieurs.

Hier encore, nous n' aurions jamais rêvé d' une journée pareille, lorsque nous descendions les sombres vallées de l' Arlberg et du Reschenpass vers le Tyrol du Sud. Dans l' Etschtal encore, il neigeait à gros flocons; mais malgré tout, nous avons rapidement créé une ambiance de vacances en dégustant une pizza accompagnée d' un bon vin rouge.

Nous laissons notre auto dans un garage souterrain, car la prochaine étape, San Martino di Castrozza, doit être atteinte à ski. Cependant, cela ne nous tente pas du tout de suivre simplement la route du col, et nous étudions les autres possibilités. Des skilifts mènent sur la hauteur dominant le col, le Paradiso. De là-haut, il y a sûrement une descente possible. »Non c' è una pista », nous apprend-on — ce qui amène sur nos visages un sourire indulgent. »Pericolo di valanghe » ajoute-t-on...

Les visages deviennent déjà plus sérieux et nous procédons à une brève consultation. Mais nous préférons nous faire nous-mêmes une idée de la situation, et, l' humeur optimiste, nous nous chargeons de nos sacs de montagne. Peu après, nous remontons le raide versant nord grâce au ski-lift. Des rayons de soleil percent l' ombre bleue des sapins couverts de neige. Tout autour s' étendent des pentes recouvertes d' une poudreuse de rêve, griffées de quelques rares traces - une tentation à laquelle nous ne pouvons résister! Une descente dans un nuage de poudreuse, puis nous remontons par le ski-lift, reprenons nos sacs et glissons cette fois sur le versant sud, un territoire inviolé. Plus bas, dans une épaisse forêt, nous tombons sur un verrou rocheux invisible du haut; mais, avec un peu de chance et de flair, nous trouvons bientôt son point faible, un couloir étroit sillonné de restes d' avalanches.

En fin de matinée, nous traversons à pied San Martino, bourgade endormie qui ne paraît faite 4Dans la pente sommitale de la Fradusta 5Des la col de Valgrande 6En montant au refuge Rosetta. Cimone della Pala et Cima di Vezzana; entre les deux, le val Cantoni 7Le massif de la Pala, vu de la Valle Venegia que de villas et d' hôtels, et nous étanchons notre soif dans un café. Vers midi, nous prenons le téléphérique de mille deux cents mètres de dénivellation qui mène à l' audacieux sommet de la Rosetta ( 2609 m ), entre la Cimone della Pala et la Pale San Martino. Nous prenons nos quartiers au Rifugio Rosetta, tout proche, et repartons peu après pour la Fradusta.

FRADUSTA ( 2930 m ) Là aussi, la neige est profonde et poudreuse, et non pas soufflée, comme nous le craignions. Nous montons par l' arête nord-est qui devient de plus en plus raide.Vers le sud, une vue grandiose s' ouvre vers l' abîme. Un vent frais souffle du nord. Hans, qui fait la trace, a adopté un tempo rapide, tout excité de faire son premier sommet dans les Dolomites. Quant à André, habitué à une allure « tropicale » après un an et demi d' Afrique equatoriale, il a encore du mal à se faire à l' altitude et à la fraîcheur de l' air. Mais la joie de retrouver le monde de la neige et du rocher efface la peine que lui coûte la montée. Au sommet, réchauffés par le soleil, nous jouissons d' un moment de repos. Devant nous, la montagne plonge vers une vallée étroite entourée de pointes rocheuses déchiquetées, tandis qu' au nord le regard embrasse, par-delà le haut plateau vallonné de la Pala, tous les massifs célèbres des Dolomites: Marmolada, Sella, le Tofane, Cristallo et plus loin les Tre Cime di Lavaredo. Mais en premier lieu, nous nous intéressons au massif de la Cima della Vezzana que nous apercevons comme en coulisse. Quel labyrinthe de falaises, tours, arêtes, vallées et canaletti!

La traversée de la région nord de la Pala forme la première étape de la Haute-Route à ski des Dolomites, que Toni Hiebeier a fait connaître il y a dix ans par la revue « Alpinismus », non sans souligner le caractère alpin et les difficultés de cette traversée à ski un peu inhabituelle. D' ailleurs on a l' impression que la plupart des candidats à cette Haute-Route optent pour la variante occidentale, par le Passo del Mulaz, ou la variante orientale, 8Sous la Tour de Valgrande. Derrière, dans l' ombre: val dei Strut 9Sur l' arête sommitale de la Marmolada di Rocca; au deuxième plan: Cime dell' Aula; à l' arrière: Monte Agner Photos: Albert Schmidt, Engi par la Fradusta. En fait, nous verrons nous-mêmes, le lendemain, que la traversée de la Vezzana convient mieux à un petit groupe bien entraîné qu' à un groupe plus important dont les membres ont des aptitudes et un entraînement inégaux. On sait que la rapidité, l' expérience de la haute montagne et une technique de ski très sûre sont indispensables à la réussite de cette excursion, outre les bonnes conditions d' enneigement et météorologiques.

Pouvons-nous tenter le coup malgré toute cette neige fraîche? Nous décidons de commencer par tâter le terrain. Nous partons d' un épaulement de l' arête, descendons sous les belles corniches tournées vers le nord, et « fonçons » dans une pente courte, mais extrêmement raide. Malgré l' inch, la neige tient, et nous sommes récompensés de notre audace: nous pouvons suivre le petit glacier selon la ligne de la plus grande pente. En un instant, nous sommes en bas, et nous nous retournons pour admirer le large versant neigeux rayé maintenant de trois traces sinueuses. Si nous poursuivions tout droit, il nous faudrait constamment monter et descendre sans profiter de la longue descente; aussi remettons-nous les peaux de phoque et remontons-nous des pentes bleuies par l' ombre jusqu' à un épaulement au-dessous de Pale di San Martino.

Une merveilleuse descente éclairée par le soleil couchant nous mène à la cabane, où, à notre grand étonnement, aucun autre touriste n' a cherché refuge. Nous passons donc la soirée seuls avec le gardien et son aide, et nous en profitons pour rafraîchir nos connaissances d' italien. Le gardien nous donne quelques indications utiles pour notre étape du lendemain; mais il n' en reste pas là; il disparaît derrière son comptoir et se plonge dans un mystérieux travail de dessin. Le résultat en est une esquisse très originale de tout le massif, avec l' itinéraire à suivre et les toponymes soigneusement calligraphiés. Ce petit d' œuvre prendra place dans mon livre de courses: « Prego, signor, la vostra iscrizione ». Il ajoute alors au bas, un peu embarrassé: Gaudenz Michele.

VAL DEI CANTONI — CIMA DELLA VEZZANA ( 3 I g I MVAL STRUT - VAL GRANDE PASSO DI VALGRANDE - VALLE VENEGIA Le lendemain matin, alors que nous allons nous mettre en route, le gardien nous retient: « Aspetti! » Avec respect, il remplit quatre verres de vermouth: « Salute! » Avons-nous déjà vécu pareille tournée d' adieu dans une cabane? Tout en buvant, Michele nous raconte où il a grandi, il nous dit qu' il a toujours grimpé ici dans la Pala et qu' il a fait 87 premières; il parle d' Hermann Buhl qu' il connaissait bien et dont il a répété pour la première fois la voie dans la Cima Canali. Le rocher est son élément; « la neve mi piace meno ». A-t-il guide beaucoup de gens? « Solo amici e conoscenti », et il ajoute avec dignité: « ma mai per soldi ». Puis il écrit son adresse sur une carte postale et nous prie de mettre celle-ci à la boîte à Falcade en lui racontant comment notre course s' est passée. Touchés de la cordialité de cette hospitalité, nous prenons congé sans regretter notre retard.

Dans la lumière du jour naissant, nous descendons par une pente toujours plus raide dans la profonde vallée de Pian dei Cantoni. Seule la qualité exceptionnelle de la neige nous console de perdre 300 mètres de dénivellation. Il nous faut maintenant remonter plus de 500 mètres par l' im boyau du Val dei Cantoni, jusqu' au Passo Travignolo. Déjà le soleil levant rosit les parois massives d' un gris jaune qui se dressent à gauche et droite dans le ciel pâle de l' aube.

Je vais en tête et une fois que j' ai bien pris le rythme, j' éprouve soudain un sentiment de joie profonde et d' intimité dans ce monde alpin hivernal. En route vers un but inconnu, nous sommes seuls dans un silence total; nous faisons nos propres traces et sommes livrés à nous-mêmes pour trouver la bonne route.

Notre bonheur ne serait pas aussi parfait si un groupe important nous précédait ou s' il y avait une mauvaise trace. Du reste, Toni Hiebeier écrit que, dans le Val dei Cantoni, on ne peut faire une trace convenable. Pourtant, la notre serpente d' une paroi à l' autre comme une jolie guirlande. Probablement les Alpes glaronaises sont-elles une bonne école pour faire la trace sur une pente raide. Malgré le « reck » du milieu, où nous devons porter les skis, nous arrivons bientôt au col.

Un versant très raide ( et sous le vent ) nous sépare encore de l' épaule sud-est de la Vezzana. Nous ne nous fions pas entièrement à la neige et avançons prudemment. Si une plaque glissait, nous nous retrouverions en une minute tout en bas, au fond de la cuvette. Arrivés sur l' arête, nous fixons nos skis sur les sacs et grimpons quelques rochers et des plaques de neige dure pour atteindre le sommet: la Cima della Vezzana. Ses arêtes et ses parois forment une audacieuse pyramide de neige qui domine des flancs rocheux plus sombres. Nous ne pouvons jouir en toute tranquillité du coup d' œil grandiose sur le col Rolle, car un mur de nuages s' approche à une vitesse formidable. En cas de brouillard et de chutes de neige, nous serions pris au piège, une fois descendus au Val Strut, alors que si nous faisions demi-tour, nos traces de montée nous conduiraient à la cabane. C' est ainsi que nous attendons une demi-heure puis, comme le temps se stabilise un peu, nous décidons de continuer.

Nous descendons jusqu' à une bosse de l' arête est sur laquelle un piquet de fer indique le départ de deux rappels. Quant à nous, nous continuons sur Farete et traversons, pour rejoindre I' itinéraire original, par une pente abrupte recouverte de neige glissante et rejoignant un plateau au-dessus du Val Strut. Des parois rocheuses nous font obstacle, si bien qu' il nous faut remonter et passer par une cheminée. Un couloir de neige soufflée entre les rochers mène au col. C' est juste le pendant de la pente que nous avons descendue au-dessus du Passo Travignolo, mais en plus dangereux. Le clignotement de mon « Barryvox » me donne le courage de me lancer. La neige tient; soulagés, nous filons directement sans nous arrêter au col ( une brèche entourée d' aiguilles rocheuses ) et nous glissons vers un nouveau but: le Canaletto du Val Strut. Plus étroit que le Val dei Cantoni, tout à fait à l' écart et profondément encaissé dans un labyrinthe rocheux, le val s' ouvre maintenant devant nous. Mais le plus merveilleux, c' est la couche de poudreuse profonde d' un mètre et demi et vierge de toute trace.

En pleine euphorie, nous enchaînons nos virages régulièrement. Comme au cinéma, les piliers, parois et tours rocheuses défilent de chaque côté, très colorés au soleil, bleu-noir et brillants de glace au nord. Nous sentons que cette descente-là sera un des points « culminants » de toutes nos courses à ski. Le passage vers le Val Grande n' est certainement pas à 2500 mètres, comme on nous l' a indiqué, car la descente se poursuit encore. Mais cette tour élancée, là-bas, ce doit être la Torre di Valgrande. Nous nous dirigeons droit sur elle. Du pied de la tour, on pourrait abandonner les skis et commencer directement à varapper dans la paroi verticale. Nous trouvons le piton mentionné par Michele, mais nous n' estimons pas nécessaire de nous assurer. Cependant, la traversée est très abrupte et exposée. Fini, le jeu rapide avec la belle poudreuse: le Val Grande est orienté à l' est et le soleil le réchauffe depuis longtemps car il est déjà onze heures et demie. Allons, en route!

André et moi sommes prêts en cinq minutes, alors que Hans fouille toujours dans son sac. Avec un calme olympien, il nous annonce qu' il a perdu ses peaux de phoque! Il n' aurait pas pu choisir pire endroit! De plus, il ne sait même pas si elles sont restées sur la Vezzana ou si elles sont tombées du sac lorsqu' il a pris des photos... Il nous est impossible de revenir sur nos pas. Nous abandonnons Hans à son sort, car la montée requiert toute notre attention. La neige fraîche est maintenant humide et lourde et, de quelque façon qu' on fasse la trace, on ne sort pas de ce versant raide qui s' in encore davantage jusqu' aux roches qui nous dominent, et file jusqu' au fond de la vallée, très loin au-dessous. Sur cette neige, il faut des nerfs solides ainsi qu' une bonne condition physique. Quant aux détecteurs de victimes d' ava, nous pouvons carrément les déclencher.

Comme souvent, nous vivons maintenant une situation où I' homme est livré sans défense à la nature, malgré tous les raffinements de sa technique. Il ne nous reste ici que l' espoir dans le maintien de notre équilibre, et nous souhaitons que la languette de la balance ne se déplace pas du mauvais côté!

Enfin une petite bosse nous permet de reprendre haleine après l' effort de cette traversée à flanc de coteau dans un tempo accéléré. André continue seul et j' attends Hans pour qu' il ne perde pas le moral. Enfonçant dans le neige, il monte péniblement. Je prends ses skis et essaie de chausser mes crampons sous les fixations. Ce système est excellent dans la neige poudreuse, mais dans le « carton », il deviendra un véritable instrument de torture. Sous nos skis également, la neige colle et nous avons peine à gagner le Passo di Valgrande, flanqué d' une falaise jaune déchiquetée qui se découpe sur le ciel d' un bleu profond. Avec envie, nos regards parcourent la roche sèche et rugueuse. Après avoir porté nos skis pour franchir les derniers mètres, très raides, nous arrivons à deux heures et demie au col qui n' est qu' une brèche entre le Campanile del Focobon et la Torre delle Quattro Dita.

Et nous redescendons, mais à nouveau dans de la poudreuse, si bien que les efforts du Valgrande sont bientôt oubliés. L' itinéraire suit une pente ensoleillée; mais nous découvrons à sa gauche un long couloir raide plongé dans l' ombre. Notre décision est vite prise: nous nous engageons dans ce couloir, bien que nous ignorions s' il y a une sortie en bas. La folle descente n' en finit plus, et quand nous croyons avoir fait le plus beau, une cuvette aux pentes raides s' ouvre encore devant nous. Une seule trace la parcourt, celle de la montée au Passo del Mulaz. Après une série de virages qui font jaillir des nuages de poudreuse, nous atteignons le large fond du Val Venegia. C' est un endroit idéal pour faire une pause. Il nous vient alors une idée; celle de descendre la vallée inconnue qui s' ouvre devant nous pour épargner à Hans la montée sur la hauteur de Costazza. Malheureusement, nous n' avons pas la carte du massif de la Pala, mais nous supposons que cette vallée aboutit au Passo di Vallès, qui permet de rejoindre la route du col Rolle.

André monte donc seul, afin de gagner le col Rolle, puis d' aller chercher la voiture; il est persuadé d' avoir le beau rôle et d' arriver avant nous à un ristorante...

Mais Hans et moi n' avons pas à regretter notre décision. Le chemin en pente douce qui suit le Val Venegia traverse des plantations de mélèzes et de pins, des pâturages solitaires et des clairières lumineuses. Il apporte un paisible complément à ces audacieuses glissades à ski. La lumière éblouissante du milieu du jour s' est adoucie. Au-dessus des vastes forêts qui s' étendent devant nous, le soleil couchant caresse de ses rayons dorés la cime des arbres. Il fait chaud, ça sent bon la résine et les aiguilles de pin. Nous allons le long du ruisseau, libre de glace, mais bordé encore de hauts murs de neige, et son murmure est comme l' annonce du printemps. Nous nous retournons souvent pour admirer la Pala. Ses parois et ses tours austères semblent, vues de loin, s' ordonner en une puissante chaîne qui ferme la vallée, dominant de sa haute couronne crénelée les pentes enneigées et les forêts aux teintes sombres.

André nous rejoint sur la route, et nous retournons dormir à Bellamonte, chez nos hôtes sympathiques qui nous accueillent comme des enfants retrouvés.

MARMOLADA DI ROCCA ( 33O9 M ) Nous restons tout surpris en mettant le nez à la fenêtre, le lendemain matin: la neige est à nouveau tombée pendant la nuit. Hans avait donc raison de prédire hier une chute de neige; et moi qui mettais ses paroles sur le compte du Chianti et de la grappa! Nous descendons prudemment sur la route gelée vers Predazzo, et remontons la vallée de Fassa jusqu' à Canazei, où Hans s' allège de 20 000 lires enéchanged' unep aire de peaux de pho-queavec fixation Ala vieille mode. Pelle difoca ne disparaîtra plus jamais de son vocabulaire italien...

Peu après Alba, un panneau placé au milieu de la route annonce: « Interdiction de circuler — danger d' avalanches ». Nous voilà dans de beaux draps! Mais de récentes traces de pneus sur la route ( évidemment non déneigée ) nous incitent à passer outre. La voiture gagne péniblement de la hauteur. La route passe dans le nombreuses galeries; la couche de neige augmente, et, à deux mille mètres, au lac Fedaia, elle atteint cinquante centimètres. La vallée haute au pied de la Marmolada scintille dans la lumière. A l' est, voici la sombre paroi de la Civetta. Déjà en montant par le télésiège à Pian dei Fiacconi, nous nous rendons compte qu' il nous faut enterrer notre projet d' as de la Punta di Penia. Un vent du nord froid a balayé les nuages. Il soulève une longue écharpe blanche le long du glacier de la Marmolada et accumule la neige dans le flanc sud-est, celui qu' emprunte la voie.

Puisqu' il en est ainsi, départ pour la Rocca! Nous nous préparons à monter, seuls randonneurs au milieu d' une foule d' adeptes de la piste. Certes, il serait agréable de paresser au soleil en compagnie d' une jolie skieuse, une bière fraîche devant soi; mais voilà, nous sommes ainsi faits que l' at des sommets est plus fort que celui des pistes.

Nous faisons notre trace dans la vaste étendue encore intacte et dans une couche de poudreuse presque sans fond. Tous les quarts d' heure, nous nous relayons en tête. Nous attaquons résolument et gagnons rapidement de l' altitude. Le soleil brûle le visage, mais un vent latéral nous rafraîchit en nous soufflant une fine poussière de neige. Nous nous étonnons de ne voir aucune cabine monter de la Punta Seranta; or, en obliquant pour prendre la dernière cuvette glaciaire au-dessous de l' arête en dents de scie de la Rocca, nous voyons de nos yeux ce que nous n' osions espérer: pas une piste ouverte, pas une chenillette, pas un skieur!

Nous sommes conscients du caractère exceptionnel de cette situation: malgré un temps splendide, nous sommes aujourd'hui tout seuls sur la plus haute montagne des Dolomites! Avec un nouvel élan, nous montons le dernier ressaut jusqu' à la station supérieure, à moitié enfouie sous la neige. Un abîme impressionnant s' ouvre au sud vers le Val Ombretta.

Mes camarades aimeraient se reposer un peu ici, tandis que je considère comme un péché par omission de ne pas gravir le point culminant. Au pied du dernier ressaut, nous échangeons les skis contre le piolet et les crampons. Nous avons heureusement une corde avec nous et pouvons ainsi nous assurer pour la dernière longueur avant le sommet, la plus exposée. Le vent fait tourbillonner des cristaux de neige autour de nous et les envoie dans la paroi sud. Quel panorama grandiose! Mais le vent et le froid n' invitent pas au repos, et nous descendons en rappel le rocher enneigé pour retrouver bientôt nos skis.

Nous aimerions nous accorder une heure de repos en un endroit à l' écart de la station du téléphérique, mais nous craignons d' une part que le vent ne maltraite la belle neige poudreuse et, d' autre part, que les cabines ne se mettent en route et nous fassent perdre le fruit de nos efforts.

La descente sera donc une merveilleuse glissade sur l' étendue blanche et déserte, et les mots me manquent pour décrire la plénitude de ce moment. Nous godillons « droit bas » dans la neige profonde d' un mètre et demi, heureusement encore légère. La surface du glacier est très unie, alors qu' une photo prise l' été la montre très crevassée. Par des virages serrés, nous descendons plus rapidement la cuvette située entre les longues arêtes rocheuses du Sasso de Mez et du Sasso d' Undici. C' est royal!

Arrivés au lac, nous tombons à nouveau dans l' ambiance agitée de la grande station touristique; nous étanchons notre soif et ne tardons pas à remonter à notre point de départ avec la seg-giovia. Libéré du poids du sac, je me laisse prendre par la griserie de la vitesse. Tout à coup, André débouche sur ma gauche, tandis qu' à droite une signora s' apprête à me couper la piste. Une seule solution, foncer entre les deux pour éviter la collision! Poursuivis par des hauts cris et des madonna!, nous cherchons à nouveau notre salut hors des pistes.

Nous nous reposons un peu plus longtemps à la pinte du bas. Une petite fille blonde nous tourne autour, s' assied à côté de nous et commence à babiller avec moi comme si j' étais un vieil habitué. La mignonne se prénomme Armanda! Dans la vitrine derrière nous sont exposés, pêle-mêle, des jouets et des cristaux. Elle énumère les jouets qu' elle aimerait avoir; quant à moi, je louche vers les cristaux. Une jolie rose des sables de calcite attire mon attention. 4000 lires? Je peux me l' offrir. Toute fière, la petite apporte les billets de banque à sa mère. Dans quelques années, elle sera, elle aussi, un rouage de l' industrie touristique du Tyrol méridional. Pensera-t-elle encore à ce moment qu' un air aimable et un charmant sourire contribuent à faire monter le chiffre d' af?

Nous nous arrêterions volontiers au rifugio Ettore Castiglioni, un hôtel du CAI situé à l' autre bout du barrage, sous les arolles, d' autant plus que la prochaine étape de la Haute-Route part d' ici. Nous songerons toutefois à nous y installer quelques jours lorsque nous aurons plus de temps. C' est ainsi que, vers le soir, nous roulons à nouveau dans la vallée, admirant les gorges rocheuses du Gran Vernel qui se découpent sur le ciel clair.

Hans, notre chauffeur, goûte une fois de plus aux virages en épingles à cheveux des routes des Dolomites, quand tout à coup, au col Pordoi, une Mercedes surgit dans un de ces virages, juste en face de nous. Nous bondissons sur nos sièges! Au dernier moment, le chauffeur de l' autre véhicule lâche le frein, les deux voitures font, en un éclair, l' écart voulu, et nous évitons la collision au centimètre près! Après cette journée riche en émotions, nous nous accordons un bon souper, à Canazei, accompagné d' ailleurs d' une bouteille de rouge du pays.

PIZ BOE ( 3152 MVAL DE MESDI Tôt le matin, nous quittons Canazei en voiture et montons aux vastes champs de ski du Belvédère, dont les belles pistes nous font envie. Le temps est toujours merveilleux.

Au col du Pordoi, nous empruntons le téléphérique qui s' élève d' un élan audacieux sur la tête rocheuse de la Pointe Pordoi. Après être descendus à la brèche et remontés légèrement au pied du dôme du Piz Boè, nous emportons les skis, après une brève discussion, car la carte des itinéraires à ski indique une descente directe sur le rifugio Boè. Une varappe facile sur des rochers et de la neige dure nous conduit au sommet, que couronne la cabane Fassa, fermée en cette saison, et que domine une madone. Le soleil, la chaleur et l' absence de vent nous invitent à prolonger notre pause qui est ici, au cœur des Dolomites, un plaisir tout particulier, surtout par ce temps clair.

Enfin nous nous décidons à descendre, suivis du regard parungroupedeFrançais qui ont également pris leurs skis. Mais cela n' en valait guère la peine, car nous rayons les semelles de nos lattes sur les pierres, puis nous devons ôter les skis avant de parcourir un couloir que le vent a nettoyé de sa neige.

Pour une fois, nous ne sommes pas les premiers. Le beau temps a incité de nombreux adeptes des pistes à faire une incursion dans le domaine des randonneurs, à partir de la Pointe Pordoi. Le Val de Mesdi a, de plus, la réputation d' être une belle descente.

Aussi une piste s' y est-elle déjà formée; d' em étroite et raide, elle débouche sur l' immense névé, long de quatre kilomètres sur mille deux cents mètres de dénivellation, qui descend vers le nord et débouche dans la vallée de Corvara. De longs alignements de hauts rochers surplombent la vallée. Ce sont les tours pointues du Bergerturm et de la Dent de Mesdi. Cependant nous n' y vivons pas une expérience de solitude et de tranquille grandeur comparable à celle du Val Strut...

Le ski lui-même n' en est pas moins grisant! Au bout d' un moment, nous quittons le fond de la vallée pour prendre les flancs encore à l' ombre, où les traces sont plus rares et où nous pouvons suivre la ligne de plus forte pente.

La belle poudreuse et un sac léger nous incitent à nous lancer à fond. L' intérêt grandit encore lorsque nous nous engageons dans une compétition, sur la technique du ski en haute neige, avec le ski-club de Cortina qui est en train de tourner un film. Le seul d' entre eux qui skie parfaitement est le cameraman! C' est donc nous qui gagnons la partie, mais nous échangerions volontiers notre place avec celle des perdants, car ils sont accompagnés de ravissantes starlettes... La vallée se resserre ensuite en une gorge profonde où nous devons faire des virages très serrés. Enfin, au débouché de la gorge obscure, nous nous trouvons soudain dans la clarté éblouissante de la haute vallée, près de Colfosco.

A midi, nous sommes assis derrière des chopes mousseuses dans un bar dont le luxe ( fourrures et bijoux ) frappe le montagnard. Plus tard, ne sachant au juste que faire, nous nous laissons transporter au Grödnerjoch par divers skilifts. Nous découvrons une descente extraordinairement raide qui rejoint le col du plateau de la Sella par un versant nord rocheux. Ce sera pour une autre fois!

Parvenus au col, nous tenons conseil, face au monstrueux colosse de pierre du Langkofel. J' op pour le massif solitaire du Puez; Hans est attiré par les pentes du Langkofel, mais André plaide énergiquement pour arrêter là ces fantaisies et reprendre la Haute-Route. Carte en mains, il montre obstinément la direction de l' est. Déjà trois heures. Départ immédiat, si nous voulons arriver aujourd'hui encore dans la vallée de St-Cassian.

Nous glissons à toute allure sur les pistes gagnées si facilement à coups de lires, traversons Corvara, attrapons un bus qui nous transporte un bout en direction du Passo Campolongo et, grâce aux remontées mécaniques, nous sommes rapidement sur les hauteurs de Pralongià. Après un joli trajet à travers forêts et clairières, nous arrivons vers le soir à Armentarola.

L' hôtel d' Armentarola semble un peu trop chic pour des montagnards, si bien que nous ne sommes pas mécontents qu' il soit complet. Nous demandons conseil à un chauffeur de taxi.

- Vous faites la Haute-Route de Hiebeler?, nous demande-t-il avec un sourire futé par la portière. Cette dénomination montre bien que, en mettant à la mode une Haute-Route des Dolomites, Toni Hiebeler a apporté un complément appréciable à la prospérité économique du Tyrol du Sud, car le skieur y laisse plus de devises que le varappeur pourvu de sa propre tente et de sa voiture.

Dans une petite pension tenue par une aimable famille ladine, nous trouvons encore juste trois places, à côté d' un groupe de Bernois qui vient d' arriver, et nous y passons une agréable soirée.

MONTE CASTELLO ( 2817 M ) -MONTE CAVALLO ( 2912 MALPE FANES GRANDE - CORTINA Aujourd'hui, nous avons une longue étape à parcourir à travers I' arrière du massif de la Tofana. Nous nous mettons d' accord avec le guide des Bernois pour organiser un transport qui nous épargnera la marche d' approche à plat dans la vallée de San Cassiano. Nous partons déjà à cinq heures et demie dans une Landrover pleine à craquer. La petite route s' arrête près de la capanna Alpina, située dans un coin romantique au fond de la vallée, entre des parois rocheuses verticales. Nous parcourons ensuite quelques centaines de mètres à travers une plantation de jeunes arbres, juste ce qu' il faut pour se mettre en train, puis c' est la rude montée au col Loggia. Nous gagnons rapidement de l' altitude en traversant une forêt très dense. La vallée devient toujours plus raide et étroite et les alignements de rochers gris-noir se rapprochent toujours plus, si bien que, finalement, le sentier a été creusé dans le rocher. En face, les parois massives et les piliers de la Dente delle Cun-turines rosissent au soleil levant. Derrière le col s' ouvre une large vallée plate que nous suivons à vive allure pour gagner le Passo Tadega. Les derniers arbres jalonnent notre chemin et, plus haut, nous voyons partout des chamois cherchant leur nourriture. Arrivés au col, nous nous asseyons pour le premier arrêt.

Tandis qu' André et moi, appuyés à un bloc de rocher, jouissons des chauds rayons du soleil, Hans s' accroupit dans la neige pour réparer ses nouvelles peaux. Il joue vraiment de malchance! Non seulement il a de nouveau des problèmes d' équipement, mais encore il souffre d' indiges. Il en rend responsable son pique-nique, dont il distribue les restes à d' imaginaires choucas. De plus, il a perdu tout à l' heure, dans le « reck » sous le col Loggia, la vis la plus importante de sa talon-nière, et la fixation est tombée en pièces détachées. Nous avons cherché ensemble ce qu' il en restait, et seule la capacité d' improvisation d' André, l' ingé, a permis à Hans de continuer la course. En compensation des malheurs qui s' abattent sur lui, une espèce d' immortalité lui est assurée. En effet, alors que notre piste disparaîtra déjà avec la prochaine chute de neige, on pourra sans peine suivre notre camarade à la trace, même après la fonte des neiges, grâce aux peaux de phoque, pièces détachées de fixation et provisions indigestes qui jalonnent sa route.

Du Passo Tadega, on escalade normalement la Varella ( 3034 m ), mais la voie suit les versants sud et est. Sachant que seuls les versants nord sont encore en condition, tandis que ceux qui sont exposés au soleil sont couverts de neige profonde et mouillée ( d' où un fort danger d' avalanche ), nous avons cherché une alternative sur la carte. Nous avons découvert le Vallone Bianco, à l' al d' auge glaciaire, et menant ( droit au sud ) au sommet central du Monte Cavallo. Bien qu' aucun itinéraire à ski n' y soit indiqué, ce passage nous semble idéal, et peut-être le Monte Cavallo est-il faisable? ( On ne le voit pas exactement sur la carte italienne, et, d' autre part, le ter- rain inconnu sera pour nous une véritable aventure !) Essayons toujours!

A nouveau, nous ouvrons notre trace dans un champ de poudreuse vierge; elle tient bien, et la montée est un vrai plaisir. Par un large dos de terrain, contrefort de la Cima di Campestrin ( de forme tabulaire et fortement inclinée vers le nord-ouest comme tous les sommets de ce massif ), nous pénétrons dans la large vallée en pente douce, blanche et solitaire, qu' on voudrait baptiser Valle Bianca, si elle ne portait pas précisément ce nom-là. Les versants s' éloignent les uns des autres, un petit vent se lève et chasse la neige le long des arêtes. La dernière partie se fait plus raide à l' ap de la forteresse rocheuse du Castello. Sur son versant septentrional, d' anciennes positions de guerre nous rendent attentifs à sa situation stratégique. De l' arête, on a en effet une vue plongeante, comme d' un nid d' aigle, sur le Val Travenanzes et le puissant massif des Tre Tofane qui lui fait face. Du côté sud, nous trouvons un endroit ensoleillé propice au repos, devant une caverne creusée dans le rocher, dont la meurtrière est ouverte sur la Tofana di Rozes et la Forcella di Fontana Negra. Nous restons songeurs. Inévitablement, la paroi sud de la Tofana évoque des souvenirs. Combien de jours d' hiver aussi clairs que celui-ci les soldats tyroliens et leurs alliés ont-ils donc passés là, retranchés dans cette forteresse naturelle, épiant et tirant sur les positions de la Tofana que les Italiens de Cortina occupaient? Combien de coups de feu ont-ils semé la mort et l' effroi dans cette ligne de défense qui s' étendait sur toute l' arête principale jusqu' au col Alto de sinistre mémoire, au-dessus du col de Falzarego? Combien de jeunes gens ont-ils perdu la vie dans les creux et sur les vires de cette montagne sous une grêle meurtrière de coups de feu?

Travenanzes, Tour de Fanes, Gran Lagazuoi, Falzarego, ces noms paraissent étrangement familiers à celui qui a lu Montagnes en flammes de Luis Trenker, et j' ai même l' impression de relire ce livre en ce moment. Quel sens avait-elle donc, cette guerre terrible où de vieux camarades, des amis liés par la montagne devaient se battre les uns contre les autres? Du reste, la guerre a-t-elle jamais eu un sens, en aura-t-elle jamais un? Ce front de guerre s' appelle maintenant Via della pace et on a aménagé un sentier sûr le long de l' arête. Nous le suivrions volontiers jusqu' au Cavallo, mais il faudrait porter les skis et cela nous prendrait trop de temps avec cette neige abondante.

Hans se repose un moment là, et nous traversons les versants raides du bout de la vallée, avançant prudemment dans la neige cartonnée et traîtresse. Nous déposons bientôt nos skis et varappons par l' arête rocheuse jusqu' au sommet du Monte Cavallo. Il y a près de six heures que nous sommes partis. Une vue grandiose nous récompense de nos efforts: par-delà l' arête sud, le regard glisse vers la forteresse sombre de la Cima Cadin, les Trois Travenanzes et le pilier massif de la Torre Fanis, dominé par la Civetta bleue dans le ciel clair de midi.

Après une merveilleuse descente, nous nous installons sur l' alpage de Fanes pour une longue pause de midi... Le soleil est maintenant très chaud, et le paysage tout autour de nous brille dans la lumière aveuglante. En face de nous, à l' entrée du Val Bianco, s' étend une magnifique forêt d' arolles, si bien que la région nous rappelle celle du Val Scarl. Les Bernois ne sont pas encore de retour de la Varella et personne d' autre ne s' est aventuré jusqu' ici. Pas un bruit, rien ne trouble le profond silence et la solitude de cet après-midi ensoleillé.

Ce calme pénétrant, ce silence d' un paysage encore parfaitement intact est le signe distinctif de cette étape dans le massif des Fanes et contraste agréablement avec l' agitation de Pordoi et de Corvara.

Une longue descente dans la vallée de Fanes à travers bois, par des gorges, des cônes d' avalan et des chemins forestiers, met un terme à cette belle randonnée. Nous n' avons plus qu' un jour de vacances. Nous le passerons au col de Pordoi, car les descentes raides de la pointe Pordoi, au sud, vers le col et, au nord, dans le Val Lasties, nous ont fait grande envie. Il manquera donc les deux dernières étapes à notre Haute-Route: les traversées du massif du Cristallo et des Tre Cime di Lavaredo. Mais aucun de nous ne le regrette, car nous sommes fermement décidés à revenir bientôt parcourir encore les Dolomites à ski.

Le cours de la lire, aussi bas que les sommets sont élevés, et l' hospitalité traditionnelle des gens du Tyrol du Sud ( que l' essor du tourisme n' a pas gâtée ) comptent pour beaucoup dans notre décision.

QUELQUES INFORMATIONS SUR LA HAUTE-ROUTE DES DOLOMITES ire étape:

Massif de la Pala: De San Martino di Castrozza à Falcade; trois itinéraires possibles ( voir texte ).

2e étape:

Massif de la Marmolada: Passo San Pellegrino — Forcarossa - Malga Ciapela - Marmolada di Rocca - lac Fedai - Rifugio Marmolada ( E. Ca- stiglioni ).

3e étape:

Massif de la Sella: Porta Vescovo — Arabba - col Pordoi — Piz Boè — Val de Mesdi - Corvara — Pralongià - Armentarola/San Cassiano.

4e étape:

Massif de Fanes: Passo Tadega — La Varella ou le Monte Cavallo - Alpe Fanes Grande - Val de Fanes - Cortina d' Ampezzo.

5e étape:

Massif du Cristallo: Passo Tre Croci - Passo del Cristallo - Val Fonda — Misurina.

6e étape:

Massif du Lavaredo: Rifugio Auronzo — selle de Patern - cabane des Tre Cime di Lavaredo — Val Fischlein - Bad Moos/Sexten ( event, encore col de Kreuzberg ).

Routes/cols:

Presque tous sont ouverts en hiver; après des chutes de neige, se renseigner dans la vallée; certains sont officiellement fermés, mais peuvent être franchis sous sa propre responsabilité; service de taxis et de bus ( col Sella et Grödnerjoch fermés du côté Val Gardena ).

Logement:

En cabane ( Rifugio Rosetta et Marmolada ) et dans les villages, où on trouve toujours un hôtel ou une pension bon marché ( figures par des maisonnettes rouges sur la carte des itinéraires à ski; le choix est grand, cependant, quelques-uns d' entre eux sont fermés en hiver ). Réserver éventuellement la veille par téléphone.

Livres, guides:

II existe des douzaines de guides de varappe, d' excursions et de randonnées, mais apparemment aucun guide pour skieurs. Même les éditions Rother, spécialisées dans les publications concernant la montagne, n' en ont pas publié. Un itinéraire de la Haute-Route des Dolomites est paru dans la revue Alpinismus, N° 12/1966. J' ignore si des publications analogues ont paru dans d' autres revues.

Cartes:

Massif de la Pala: carte touristique du TCI, San Martino, au 1150000.

Etapes 2 à 5: carte des itinéraires à ski des Dolomites au i :50000 ( Editions Tabacco ). ( On la trouve sur place dans de nombreux magasins, pour 1200 lires. ) ET ENFIN UN BON « TUYAU » Le désavantage de la Haute-Route originale est le suivant: on aboutit au bout d' une semaine à Sexten, tandis que le véhicule est resté à San Martino ou au col Rolle. D' autre part, le matériel à emporter n' est pas le même pour toutes les étapes, et comme on loge souvent en hôtel, il est agréable de pouvoir se changer à la fin de la journée. Notre solution consistait à déplacer l' auto à mesure que nous avancions, mais en renonçant à l' itinéraire original. Ce système ne plaît pas forcément à tout le monde. L' idéal serait une combinaison des deux! Mais comment la réaliser? Un soir autour d' une grappa, nous avons trouvé l' œuf de Colomb et nous vous livrons notre recette:

Prendre quelques dames qui aiment le ski ( épouses, amies ou connaissances ), les inviter à passer une semaine de vacances au Tyrol du Sud, décrire les merveilleux champs de ski et les belles pistes des Dolomites ( carte journalière à 5000 lires, je vous en prie, ou deux passeports de skieurs à choix ), mentionner expressément la bonne chère et les bons vins en joyeuse compagnie dans les alberghi et rifugi sympathiques ( avec danse le soir, si on le désire ) et ajouter en passant qu' elles seraient bien aimables, le soir après le ski, de se rendre en auto de A à B, où on les rejoindrait.

Si les dames ainsi invitées font allusion à la Haute-Route des Dolomites, on peut répondre:

a ) en comblant leur vœu d' y participer, ce qui repose tout le problème ou ben fronçant les sourcils pour décrire les pentes abruptes qu' il s' agit de monter et descendre et pour mentionner les temps de marche, ainsi que les dénivellations faramineuses...

De toute façon, si vous bénéficiez, comme nous, d' un temps et d' une neige favorables, les dames comme les messieurs seront tous convaincus, à la fin de la semaine, d' avoir choisi le bon numéro, et tous n' auront qu' une envie: revivre un jour ces moments ensoleillés à ski dans le merveilleux paysage des Dolomites. D' ores et déjà, Bert, André et Hans vous souhaitent bonne route.

Toi et moi Nous ressemblons à deux cailloux très anguleux à force de nous frotter de nous heurter nous nous arrondissons et devenons graviers dans la rivière du temps.

Tiré de: Ulrich Heucl, Spuren, Gedichte eines jungen Menschen; édition Kafke, Bergen-Enkheim.

Traduit de l' allemand par Annelise Rigo

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